Les relations OTAN-Russie et la défense antimissile, ou la nécessité d'une coopération et non d'une confrontation

Article d'opinion du secrétaire général sur la coopération avec la Russie en matière de défense antimissile

  • 06 Dec. 2011 -
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  • Mis à jour le: 19 Dec. 2011 15:43

Depuis le premier jour de mon mandat en tant que secrétaire général de l'OTAN, j'indique clairement que la coopération OTAN-Russie conserve une importance stratégique. Nous avons des intérêts de sécurité communs et sommes confrontés à des défis communs. Et depuis le sommet OTAN-Russie tenu à Lisbonne il y a un an, nous avons déjà parcouru un long chemin s'agissant d'affronter les nouvelles menaces dans une nouvelle optique.

Ensemble, nous apportons la stabilité à l'Afghanistan et endiguons le flot de stupéfiants qui sort du pays. Ensemble, nous luttons contre le terrorisme dans nos villes et nos espaces aériens. Ensemble, nous luttons contre la piraterie au large de la Corne de l'Afrique. Nous bénéficions tous de cette coopération. Au sommet de Lisbonne, nous avons par ailleurs décidé d'échanger des vues sur la recherche d'une coopération en matière de défense antimissile.

S'agissant des missiles, nous devons faire face à une menace grave et croissante. Plus de trente États travaillent actuellement à des technologies de missiles avancées. Certains d'entre eux possèdent déjà des missiles balistiques pouvant être équipés de charges conventionnelles ou d'armes de destruction massive. Certaines de nos grandes villes sont déjà à la portée de ces missiles. Et face à des menaces réelles, il nous faut des moyens de défense réels.

C'est pourquoi l'OTAN a décidé, au sommet de Lisbonne, de développer une capacité de défense antimissile pour protéger ses populations, son territoire et ses forces. Cette position reste inchangée aujourd'hui. Nous devons à nos populations de les défendre. Telle est la mission fondamentale de notre Alliance.

Parallèlement à la contribution phasée de premier plan apportée par les États-Unis, plusieurs Alliés ont déjà fait des annonces importantes, notamment la Turquie, la Pologne, la Roumanie, l'Espagne, les Pays-Bas et la France. Ces différentes contributions nationales seront progressivement rassemblées en un système de commandement et de contrôle OTAN commun. Des éléments clés de ce système ont déjà été testés avec succès. Et d'ici au sommet de Chicago, en mai, les premières composantes du système devraient être en place.

Le système OTAN est une solide démonstration de solidarité concrète. Il montre en outre la force du lien transatlantique qui unit l'Amérique du Nord et l'Europe. Nos 28 pays s'accordent à reconnaître le poids de la menace et l'importance de la coopération face à celle-ci. Et en coopérant au sein de l'OTAN, plutôt qu'en travaillant chacun de son côté, nos pays mettent en place un système beaucoup plus efficace à un prix nettement inférieur.

Nos perceptions quant à la menace sont peut-être différentes pour l'instant, mais la Russie pourrait elle aussi être menacée par les missiles balistiques. Il est donc logique que nous coopérions dans la lutte contre ces missiles, en développant deux systèmes distincts avec le même objectif. C'est logique d'un point de vue pratique, militaire et politique. Cela montrerait une fois pour toutes que nous pouvons construire la sécurité l'un avec l'autre, et non l'un contre l'autre.

L'OTAN et la Russie ont eu de nombreuses discussions sur la défense antimissile et l'OTAN a toujours fait preuve d'ouverture et de transparence. Nous avons indiqué clairement que notre système de défense antimissile n'est pas dirigé contre la Russie et ne modifiera pas l'équilibre stratégique. Il s'agit d'un système défensif, qui a pour but de protéger les pays européens de l'OTAN face aux menaces émanant de l'extérieur de l'Europe.

Les pays alliés et l'OTAN dans son ensemble ont formulé trois propositions concrètes en vue d'apaiser les préoccupations de la Russie. Premièrement, nous avons offert une transparence concernant les programmes de défense antimissile par l'intermédiaire d'échanges au Conseil OTAN-Russie, le forum qui permet un dialogue politique en toutes circonstances et sur tous les sujets, et nous avons adressé aux experts de la Russie une invitation permanente à observer et à analyser les essais dans le domaine de la défense antimissile. Deuxièmement, nous avons proposé d'organiser conjointement, l'an prochain, des exercices OTAN-Russie de défense contre les missiles de théâtre. Et troisièmement, nous avons suggéré de mettre en place deux centres conjoints pour la défense antimissile, l'un pour le partage des données et l'autre pour le soutien de la planification. Ces propositions montrent que nous sommes sérieux quant à la coopération avec la Russie.

La partie russe a également affirmé qu'elle a besoin de garanties juridiques attestant que la défense antimissile de l'OTAN n'est pas une menace à son encontre. En réalité, lorsque l'OTAN et la Russie ont signé l'Acte fondateur OTAN-Russie en 1997, elles sont convenues de s'abstenir du recours à la menace ou à l'emploi de la force l'une contre l'autre. La garantie demandée existe donc depuis plus d'une décennie. Et le meilleur moyen de la conforter est de travailler ensemble.

Certaines des observations récemment formulées par le président Medvedev sur le système de défense antimissile de l'OTAN traduisent un malentendu fondamental au sujet du système. En conséquence, la Russie a évoqué le déploiement de missiles dans des zones voisines de l'Alliance. Ce genre de propos reflète la rhétorique du passé et est incompatible avec la relation stratégique que l'OTAN et la Russie sont convenues de s'employer à construire. Je suis néanmoins satisfait que le président Medvedev n'ait pas fermé la porte à un dialogue suivi avec l'OTAN sur la défense antimissile. Nous poursuivrons ce dialogue avec la Russie. L'OTAN ne ferme aucune porte.

La coopération en matière de défense antimissile peut changer radicalement la perception mutuelle de l'OTAN et de la Russie. Elle pourrait véritablement changer la donne. Elle nous permettrait à la fois de faire face aux nouvelles menaces et de lever les soupçons du passé. Une coopération renforcée entre nous est synonyme de sécurité renforcée pour nous tous. Parce qu'au XXIe siècle, la confrontation n'est pas un choix. Le seul véritable choix réside dans la coopération.