Former des équipes d’artificiers afghans

  • 21 Sep. 2011 -
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  • Mis à jour le: 04 Oct. 2011 15:30

Alors que le groupe de participants traverse un champ terreux couvert d’herbes pour se rendre à une séance d’entraînement à Mazar-i-Charif, l’élève le plus vigilant du groupe remarque un fil qui sort de terre. Tandis que ses compagnons – de futurs experts afghans en destruction d’engins explosifs – poursuivent leur route, Abudlmanan Shaki Shah reste silencieux. Il remercie sa bonne étoile et s’agenouille pour accomplir ce pour quoi il se prépare depuis des semaines.

Pendant les quelques minutes qui suivent, il recouvre minutieusement le fil de produit de neutralisation. Après avoir vérifié une dernière fois son travail, il appelle ses collègues de l’équipe de neutralisation des explosifs et munitions (EOD) de l’Armée nationale afghane (ANA). Ces derniers accourent pour examiner de près la situation. Mais, au lieu de couvrir d’éloges leur diligent collègue, ils éclatent de rire lorsqu’ils constatent que le fil, découvert, est en fait un tuyau, certes peint de la même couleur que les fils des engins explosifs improvisés (EEI). Cette fois, la découverte ne représentait aucun danger.

Pour Shaki Shah, 26 ans, sergent au sein du bataillon RCC de la 1er brigade du 205e « Hero Corps », ce fut le moment le plus drôle et le plus inoubliable de cette formation, dispensée par les forces de l’OTAN, qui devait faire des participants l’élite afghane en matière de neutralisation d’engins explosifs. Shaki Shah explique : « À chaque fois que nous désarmons un EEI placé en bord de route, mes équipes et moi-même sommes très fiers de notre métier. Si nous avions laissé l’engin en place sans rien faire, il aurait pu tuer des civils ou des membres des forces de sécurité afghanes ou de la coalition, ou encore détruire des maisons » . Il ajoute : « Pour mes parents, c’est un bon boulot qui suscite leur respect. »

Au début, la formation s’est révélée difficile, en particulier pour ce qui était d’obtenir et d’utiliser les équipements spécialisés requis pour le désamorçage des EEI. Mais Shaki Shah explique qu’avec l’aide des instructeurs, le stage n’a pas été plus éprouvant que ce à quoi il s’attendait. « Il faut signaler que l’enseignement dispensé par les instructeurs est remarquable », explique-t-il avec un sourire.

L’expérience en action

L’un des instructeurs est le sergent Ryan Otero, 31 ans, de l’armée de l’air américaine. Après qu’il a réussi ses tests au sein de l’armée de l’air, les responsables du recrutement lui ont dit qu’il pouvait choisir le poste qu’il voulait. Ryan a choisi de devenir un expert artificier, et il en est aujourd’hui à son troisième déploiement en Afghanistan, où il assure cette fois la formation des bataillons EEI de l’ANA. « Je ne suis pas entré dans le bureau de l’officier recruteur en disant que je voulais devenir un expert en désamorçage, » précise-t-il, ajoutant que, quand il a appris que la section EOD recrutait, il a dû se renseigner pour savoir ce qu’elle faisait. Après avoir eu des explications, et au grand dam de ses parents, il a compris que c’était ce qu’il voulait faire.

Pour Otero, collaborer avec l’ANA est une expérience enrichissante. « Les troupes de l’ANA sont motivées. Dans le domaine du combat, j’ai fait presque tout ce qu’il était possible de faire. Devenir instructeur était une expérience nouvelle et différente, et c’est pourquoi je me suis porté volontaire. » Avec son coéquipier, Otero fait bénéficier les participants de son expérience, lui qui a désamorcé pas loin de 500 bombes. Il leur transmet également ses vastes connaissances logistiques et pratiques, qu’il a acquises en tant que membre d’une petite unité appelée à opérer avec des formations plus importantes en situation tactique.

Une procédure de recrutement de longue haleine

Au sein de l’ANA, les artificiers sont recrutés par la Task Force Paladin, une unité spécialisée de déminage, ou par l’une des unités EOD de l’ANA. Après leur sélection, les recrues doivent réussir des tests de lecture, d’écriture et de calcul avant de pouvoir passer à la première phase de la formation EOD. À ce stade, ils apprennent des méthodes de base devant leur permettre de neutraliser des munitions explosives non explosées sur le champ de bataille. À l’issue de la première phase, ils peuvent réintégrer leur unité ou poursuivre une formation spécialisée EEI. Après la deuxième phase, Otero et ses collègues inculquent aux élèves l’esprit d’équipe et leur apprennent à conduire des opérations. Au début, les membres de l’ANA participent aux opérations en qualité d’observateurs mais, à mesure que la formation avance, les rôles s’inversent, et l’équipe d’instructeurs assurent la supervision. Leur certification en poche, ils réintègrent leurs unités où ils opéreront désormais « sans filet ».

Bien qu’il évoque les petits problèmes de communication, du genre « c’est curry et thé » au lieu de « sécurité » Otero ne tarit pas d’éloges au sujet de ses frères d’armes afghans, qui accomplissent leur tâche avec motivation et sens de l’honneur. « Je sais qu’ils reconnaissent de nombreux problèmes auxquels ils sont eux-même confrontés », explique-t-il.

Toujours selon l’instructeur, les recrues afghanes ressemblent beaucoup à leurs homologues des pays de l’OTAN. « Ils ont beaucoup de points communs. L’une des premières choses qui a créé des liens est notre amour pour les grosses montres. C’est presque un principe universel : si vous bossez dans une unité EOD, il vous faut une montre qui fasse en même temps office de liaison satellite, de four à micro-ondes et de télécommande, et qui ait la taille d’un cadran solaire. »

Toutefois, certaines questions logistiques posent toujours problème. « Aucun ouvrage ne contient toutes les réponses à nos questions, » déclare Otero, expliquant comment il parvient à surmonter ces problèmes pour que la formation, dont le programme est chargé, se déroule correctement. Il ajoute : « C’est là que la personnalité s’exprime. Je suis convaincu que l’avenir de ce pays passe par la formation des forces afghanes, et je suis fier de pouvoir y contribuer. »