Renseignement, surveillance et reconnaissance interarmées (JISR)

  • Mis à jour le: 07 Mar. 2024 16:34

Le JISR est essentiel à toutes les opérations militaires. Il vient à l’appui de la prise de décision et de la conduite de l'action militaire en fournissant une meilleure connaissance de la situation au sol, dans les airs, en mer, dans l’espace et dans le cyberespace. Il permet aux Alliés de procéder, ensemble et avec une efficacité maximale, au recueil, à l'analyse et au partage des informations, ce qui en fait un excellent exemple de coopération et de partage des charges au sein de l'Alliance.

Dans la salle de contrôle de l’essai Unified Vision, principal événement JISR organisé par l’OTAN, des officiers analysent les données recueillies sur le terrain.

 

  • L'OTAN a mis en place un système JISR permanent grâce auquel les décideurs obtiennent des informations et des renseignements leur permettant de prendre en temps voulu des décisions éclairées et judicieuses.
  • Le JISR est un élément clé des opérations et missions de l’OTAN, et une pierre angulaire de la posture de dissuasion et de défense de l'Alliance.
  • Le recueil de données et d'informations JISR repose sur la capacité alliée de surveillance terrestre (AGS) et sur les avions de surveillance du système aéroporté de détection et de contrôle (AWACS) de l'OTAN, ainsi que sur un vaste éventail de moyens JISR nationaux opérant dans le milieu spatial, aérien, terrestre ou maritime.
  • La surveillance comme la reconnaissance s'appuient sur l'observation visuelle (soldats sur le terrain) et sur l'observation électronique (par exemple satellites, drones, capteurs au sol et unités maritimes), l'analyse permettant ensuite de transformer en renseignement l'information ainsi obtenue.
  • En février 2023, un groupe d’Alliés, rejoints par la Finlande et la Suède, alors pays invités (à présent pays membres), ont annoncé leur intention de lancer une nouvelle initiative, dénommée « capacité alliée de surveillance permanente depuis l’espace » (APSS), qui fera évoluer la manière dont l’OTAN recueille et utilise les données provenant de l’espace, qui améliorera de manière significative ses moyens de renseignement et de surveillance et qui fournira un soutien essentiel aux missions et opérations militaires de l’Alliance.

 

Composantes 

L'ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance) constitue la pierre angulaire de toute opération militaire. Dans ses principes, il est utilisé en temps de guerre depuis des siècles. Il se compose des éléments suivants :

  • le renseignement : le produit final de la surveillance et de la reconnaissance, fusionné avec d'autres informations ;
  • la surveillance : le suivi constant d'une cible ;
  • la reconnaissance : le recueil d'informations dans le but de répondre à une question militaire spécifique.

Tant la surveillance que la reconnaissance peuvent inclure l'observation visuelle (p.ex. soldats observant discrètement une cible sur le terrain, drones équipés de dispositifs de prise de vues) et l'observation électronique.

Les activités de surveillance et de reconnaissance se différencient par leur durée et leur spécificité : la surveillance est une activité minutieuse qui s'inscrit dans la durée, alors que les missions de reconnaissance sont généralement brèves et ciblées sur le recueil d'informations spécifiques.

Une fois les données de surveillance et de reconnaissance obtenues, les spécialistes du renseignement peuvent les analyser, les fusionner avec des informations provenant d'autres sources de données et en tirer du renseignement, qui est ensuite utilisé pour informer les décideurs militaires et civils, notamment aux fins de planification et de conduite d'opérations.

Les pays ont tous leurs propres sources et méthodes pour la production de renseignement, et il ne leur est pas toujours facile de partager ce dernier avec d'autres Alliés, que ce soit pour des raisons de sécurité, d'exigences procédurales internes ou de contraintes technologiques. 

Au travers du JISR, l'OTAN cherche à défendre le principe du « besoin de partager » face à celui du « besoin d'en connaître ».  Cela ne signifie pas que tous les Alliés vont automatiquement tout partager, mais plutôt que l'OTAN peut aider à mettre au point des procédures et des technologies visant à faciliter l'échange d'informations tout en protégeant – c'est ce qu'on appelle l'assurance de l'information – les données et les réseaux.  Les Alliés peuvent ainsi obtenir une image globale d'une crise, quelle qu'elle soit, et les décideurs de l'OTAN peuvent prendre, en toute connaissance de cause et en temps voulu, des décisions judicieuses.

 

Mécanisme

Grâce à l'expérience acquise par l'Alliance au cours des opérations en Afghanistan et en Libye, les moyens de recueil de données (par exemple les avions de surveillance) ont été rendus bien plus accessibles au personnel militaire, y compris aux niveaux tactiques les plus bas. Des moyens qui, il y a quelques années, n'auraient été utilisés qu'à des fins stratégiques et à la discrétion d'officiers généraux, sont maintenant largement disponibles, et leur utilisation est décentralisée. Ce changement s'est produit parce que les pays de l'OTAN ont acquis de nombreux moyens maritimes, terrestres, aériens, cyber et spatiaux de recueil d'informations, ceci pour aider à la localisation d'adversaires opérant souvent dans des environnements complexes et au sein de la population civile.

S'agissant du recueil et de l'analyse des informations, et de la production du renseignement aux fins de la prise de décision, les éléments et acteurs principaux sont recensés ci-dessous.

  • Moyens de recueil des données de surveillance et de reconnaissance
    Leur rôle consiste à recueillir des informations. Il s'agit par exemple de la capacité alliée de surveillance terrestre (AGS) et des avions de surveillance du système aéroporté de détection et de contrôle (AWACS), équipés de radars, ainsi que des satellites d'observation, des moyens électroniques et des troupes spéciales de reconnaissance au sol.
     
  • Analystes du renseignement
    Leur rôle consiste à exploiter et analyser les informations provenant de sources multiples. Il s'agit par exemple des analystes militaires et civils nationaux travaillant au niveau stratégique dans les organismes chargés du renseignement. Il s'agit aussi des analystes d'images à tous les niveaux, et des experts en chiffrement.
     
  • Décideurs
    Leur rôle consiste à exploiter le renseignement dont ils disposent pour prendre des décisions éclairées. Il s'agit, par exemple, des dirigeants politiques et des commandants militaires.

Enfin, l’Alliance teste régulièrement ses capacités JISR. Ainsi, l’OTAN a organisé en juin 2020 un essai, Unified Vision, auquel ont participé plus de 250 représentants de 12 pays de l’Alliance. Cet événement, dans le cadre duquel ont été mis en œuvre de nombreux systèmes de renseignement opérant dans le milieu spatial, aérien, terrestre ou maritime, a permis d’échanger et d’analyser de grandes quantités de données de renseignement dans un environnement opérationnel. Le prochain essai de la série Unified Vision est prévu pour 2023.

Rôle de l’espace dans le JISR

Les moyens spatiaux tels que les satellites jouent un rôle essentiel dans la fourniture de capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance aux pays de l’OTAN et à leurs partenaires.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie montre que l’Alliance doit avoir une idée claire de tout ce qui se passe au sol, dans les airs et en mer. Les moyens spatiaux offrent à l’OTAN un avantage sur le plan du renseignement et permettent aux Alliés de recueillir des informations tout en réduisant leurs vulnérabilités (parce qu’ils remplacent des moyens sur le terrain).

On constate également, depuis plusieurs années, une croissance significative du secteur du renseignement spatial commercial, ce qui est à la fois un risque et une opportunité : si la prolifération des acteurs privés accroît le risque de voir des adversaires potentiels mener depuis l’espace des activités ISR contre les populations, les territoires et les forces de l’Alliance, ces acteurs commerciaux peuvent également répondre à des besoins de l’OTAN en offrant à moindre coût des solutions déployables à grande échelle qui sont complémentaires aux moyens possédés en propre par les États, et qui permettent dès lors à ces derniers d’être moins tributaires d’une ressource disponible en quantité limitée.

À la réunion des ministres de la Défense de février 2023, un groupe d’Alliés, rejoints par la Finlande et la Suède, alors pays invités (à présent pays membres), ont annoncé leur intention de lancer une initiative dénommée « capacité alliée de surveillance permanente depuis l’espace » (APSS), qui apportera des capacités ISR accrues basées sur les données collectées par une vaste constellation virtuelle de satellites de surveillance nationaux et commerciaux dénommée « Aquila ». Ce nouveau mécanisme permettra à l’Alliance de disposer plus rapidement de données de renseignement de meilleure qualité, il injectera encore plus de données spatiales dans l’écosystème « renseignement » de l’OTAN, et il s’appuiera sur les avancées technologiques du secteur commercial. Les bases de cette initiative porteuse ont été jetées par le Luxembourg, qui a apporté l’investissement initial de 16,5 millions d’euros ; les pays participants pourront contribuer à Aquila avec leurs propres moyens, données et/ou fonds. Les 19 Alliés qui participent à cette initiative sont la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la Finlande, la France, l'Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, l’Espagne, la Suède, la Türkiye, le Royaume-Uni et les États-Unis.

L’initiative APSS, axée sur des moyens pointés vers la Terre, s’inscrira en complément du système de connaissance stratégique de la situation spatiale (3SAS), qui est en cours de développement au siège de l’OTAN et qui est pointé vers l’espace. La capacité 3SAS permettra à l’Alliance de mieux appréhender l’environnement spatial et les événements spatiaux, ainsi que leurs effets dans tous les milieux d’opérations. Il bénéficie lui aussi d’un financement de 6,7 millions d’euros du Luxembourg. Ce projet concourra aux activités du Centre spatial OTAN, établi à Ramstein (Allemagne) en 2020.

 

Évolution

Sur la base de l'expérience que ses pays membres ont acquise au cours des récentes opérations, l'Alliance cherche à mettre en place un système ISR permanent et efficace. L'OTAN vise à fournir aux Alliés un mécanisme qui permette de regrouper les données et informations recueillies par des capacités multinationales, telles que l'AGS ou les AWACS, ainsi que par une large gamme de capacités ISR nationales : troupes au sol, moyens maritimes et aériens, plateformes spatiales (satellites, par exemple) et forces d'opérations spéciales.

Pour concrétiser son ambition dans le domaine JISR, l'Alliance a développé une capacité destinée à fournir les éléments ci-après.

  • Entraînement et formation
    Il s'agira de donner au personnel ayant des responsabilités liées à la capacité JISR de l'OTAN les compétences nécessaires pour garantir l'efficacité de « l'entreprise JISR ». Ce volet du projet consiste à examiner comment faire en sorte que le personnel de l'OTAN bénéficie des meilleurs entraînements et formations ISR.
     
  • Doctrine et procédures
    Dans un souci d'amélioration de l'interopérabilité, de l'efficience, de la cohérence et de l'efficacité, un travail constant de développement et de révision de la doctrine et des procédures JISR sera effectué, depuis la réflexion stratégique jusqu'aux procédures tactiques.
     
  • Environnement réseau
    Les systèmes d'information et de communication de l'OTAN garantiront l'efficacité de la collaboration et du partage de données, produits et applications ISR entre les Alliés. Ils constituent l'élément central des activités de l'OTAN dans le domaine JISR.

Au sommet de Chicago, en 2012, les chefs d'État et de gouvernement des pays de l'Alliance ont manifesté l'ambition de doter l'OTAN d'une capacité JISR durable et disponible en permanence, qui donnerait à l'Alliance les « yeux » et les « oreilles » dont elle a besoin pour prendre l'avantage en matière de décision stratégique. Au sommet du pays de Galles, en 2014, les Alliés ont réaffirmé que le JISR restait une question hautement prioritaire pour l’OTAN.

À leur réunion du 10 février 2016, les ministres de la Défense des pays de l’OTAN ont déclaré la capacité opérationnelle initiale (IOC) du JISR, résultat important qui rend possible une plus grande connectivité entre les capacités de l'OTAN et celles des Alliés, et qui permet à l'ensemble de la Force de réaction de l'OTAN (NRF) de disposer d’une meilleure connaissance de la situation.

Pour autant, l'IOC n'est que la première étape de l'initiative JISR : des travaux supplémentaires ont été réalisés pour pérenniser les résultats obtenus et les étendre au-delà du cadre de la NRF. L’environnement de sécurité étant actuellement en évolution rapide, le JISR doit s’adapter afin que l’Alliance puisse disposer des informations et des renseignements nécessaires à la prise de décisions judicieuses en temps voulu. C’est pourquoi, en octobre 2020, les Alliés ont entériné une nouvelle stratégie, qui, avec ses éléments de mise en œuvre, guide un développement et une mise en service plus agiles de capacités de renseignement interopérables, et permet notamment d’exploiter le potentiel de technologies de pointe telles que le big data, l’intelligence artificielle et les systèmes autonomes.