Le quatrième pouvoir et la métamorphose de la guerre : Mme Chiara De Franco présente son ouvrage au siège de l'OTAN
Auteure de « Media Power and the Transformation of War », Chiara De Franco était en visite au siège de l'OTAN à Bruxelles le 11 décembre pour présenter son livre et participer à un débat organisé par la bibliothèque multimédia de l'OTAN. C'est Jamie Shea, secrétaire général adjoint délégué de l'OTAN pour les défis de sécurité émergents, qui a dirigé ce débat.
Mme Chiara De Franco est chargée de recherche au Department of War Studies du King’s College de Londres (Royaume-Uni). Elle est également directrice de Foresight, groupe sur les alertes précoces et les politiques préventives, à cette même université. Auparavant, Mme De Franco a été maître de conférences en théorie des relations internationales et en représentations de la guerre à l'Université de Florence, en Italie, ainsi qu'en affaires européennes à la Florida State University, aux États-Unis.
En guise d'introduction, M. Shea a énuméré quelques-unes des raisons pour lesquelles il faut lire l'ouvrage de Mme De Franco. D'abord, l'auteure démythifie le pouvoir des gouvernements et celui des médias ; ensuite, elle montre comment les médias fonctionnent concrètement dans la réalité ; enfin, elle décrit les circonstances dans lesquelles les médias ont une influence ainsi que celles où ils en ont moins. Toutefois, M. Shea s'empresse d'ajouter que ce livre n'est pas un manuel à l'intention des rois de l'intox.
Survol
Dans le cadre des recherches qui l'ont amenée à écrire « Media Power and the Transformation of War », Mme De Franco a analysé la couverture médiatique de deux guerres : celle du Kosovo, et celle de l'Afghanistan à la suite des événements du 11 Septembre.
Le livre aborde divers moyens d'améliorer les relations entre l'appareil militaire ou étatique et les médias. Mme De Franco met en lumière les perceptions de la médiacratie que peuvent avoir les responsables politiques ou militaires et fait ressortir un paradoxe : plus les politiciens croient au pouvoir des médias, plus ils tentent de les manipuler. Elle met l'accent sur le fait que les gouvernements et les organisations militaires investissent des ressources importantes dans le seul but d'anticiper et de façonner toute couverture potentielle par les médias d'un événement particulier.
L'observation scientifique des conflits au Kosovo et en Afghanistan par Mme De Franco lui a montré que les journalistes présents sur le terrain tiennent toujours un rôle de premier plan. Elle fait valoir qu'« insérer » des journalistes sur le terrain peut même constituer une stratégie efficace pour les gouvernements en quête d'un moyen de limiter le pouvoir des médias.
L'auteure observe également qu'en l'absence de relations diplomatiques officielles entre parties belligérantes, ce sont le plus souvent les médias qui servent de voie diplomatique. Selon elle, le fait que dans certains cas la diplomatie soit menée par des journalistes devrait interpeller tant les décideurs que les médias.
Reprenant des exemples tirés des conflits qu'elle a observés, Mme De Franco montre que les médias se réfèrent souvent à l'histoire : les analogies historiques véhiculent des messages tout faits qui, selon Mme De Franco, peuvent être très forts, souvent par coïncidence.
M. Shea et Mme De Franco sont d'accord sur un point : plus la guerre se prolonge, plus les médias sont puissants. Mme De Franco explique aussi que lorsque l'ennemi peut s'exprimer, les gouvernements perdent insensiblement le contrôle du message.
Critiques
« Il s'agit d'une étude pénétrante de la puissance de la télévision qui va bien au-delà des arguments classiques et des "témoignages". En replaçant deux exemples (le Kosovo et l'Afghanistan) dans un cadre plus large, celui du pouvoir, Mme De Franco nous permet de mieux appréhender les stratégies utilisées à la fois par les médias et par les décideurs. [...] un ouvrage qui sera lu avec profit par ceux qui s'intéressent aux relations internationales, à l'élaboration des politiques étrangères ou aux médias (surtout la télévision), et par le grand public "éclairé". »
Friedrich Kratochwil, professeur de relations internationales
à l'Institut universitaire européen
« Beaucoup de mythes entourent le rôle des médias dans la formation des perceptions et dans l'élaboration des politiques liées aux récents conflits. Certains considèrent les médias comme un simple outil cyniquement manipulé par les éminences grises des gouvernements. D'autres, en revanche, dépeignent les journalistes comme d'infatigables champions de la vérité et des valeurs morales face à des gouvernements cherchant trop souvent à se soustraire à la responsabilité qui leur incombe de faire cesser de graves violations des droits de l'homme. [...] Le grand mérite de Chiara De Franco est de montrer que la réalité est beaucoup plus complexe. Grâce à des recherches impressionnantes et à des entrevues fascinantes avec les principaux acteurs, elle donne une toute nouvelle interprétation à des concepts familiers tels que "la tyrannie du temps réel" ou "le quatrième pouvoir". La lecture des nombreuses recommandations judicieuses de politique générale formulées par Mme De Franco est indispensable pour tous ceux qui estiment que les médias et les gouvernements doivent s'attacher à l'avenir à mieux expliquer les guerres aux citoyens de leur pays. »
Jamie Shea, secrétaire général adjoint délégué de l'OTAN pour les défis de sécurité émergents, et ancien porte-parole de l’OTAN