L'exercice Trident Juncture 2018 se déroule actuellement, jusqu'au 23 novembre, en Norvège, dans l’Atlantique Nord et dans la Baltique. Réunissant les 29 Alliés, cet exercice à haute visibilité – le plus grand que l’OTAN ait réalisé depuis la fin de la Guerre froide – a pour objectif de démontrer les capacités collectives de l’Alliance sur la base d'un scénario de défense collective (article 5). Il permettra de tester la capacité de l’OTAN à planifier et à mener une opération de grande envergure – depuis l'aptitude à se déployer et à recevoir des renforts jusqu’au commandement de forces de taille importante, en passant par l’entraînement des troupes au niveau tactique. Ce sera aussi l’occasion pour le Commandement allié Transformation de travailler avec des partenaires sur plus de 20 expérimentations, dont l’une a pour but de renforcer la capacité de l’OTAN à analyser l’environnement informationnel.

Des soldats italiens affrontent des « adversaires » incarnés par des soldats canadiens lors d'une simulation d’attaque au cours de l’exercice Trident Juncture, à Alvdal (Norvège), le 3 novembre 2018. © OTAN/Photographe : caporal-chef Pat Blanchard, 2e Division du Canada, détachement Saint-Jean
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Des soldats italiens affrontent des « adversaires » incarnés par des soldats canadiens lors d'une simulation d’attaque au cours de l’exercice Trident Juncture, à Alvdal (Norvège), le 3 novembre 2018. © OTAN/Photographe : caporal-chef Pat Blanchard, 2e Division du Canada, détachement Saint-Jean

Avec Trident Juncture, l’OTAN assure au monde entier qu’elle est apte et prête, sur le plan opérationnel, à défendre le territoire de l’Alliance contre toute attaque. Cet exercice est une démonstration tangible de l’unité de l’OTAN, consolidée par une communication stratégique sur deterrence and defence la dissuasion et la défense. Le scénario est fictif, mais les enseignements que l'Alliance en tirera seront bien réels, tout comme les avantages sur le plan de la résilience.

S’adapter aux nouvelles menaces et aux nouvelles technologies

Les choses ont bien changé depuis le début des exercices interarmées de grande envergure de l’OTAN, et plus particulièrement depuis Trident Juncture 15. Au sommet de Bruxelles de juillet 2018, les dirigeants des pays de l’Alliance se sont déclarés résolus à améliorer la connaissance et la compréhension de la situation pour soutenir la prise de décision accélérée et l’action de l’OTAN. Ils ont également convenu de favoriser l'innovation afin de suivre le rythme de l’évolution technologique, notamment en développant plus avant les partenariats avec l’industrie et les universités de tous les pays membres.

Par ailleurs, les progrès technologiques dans le domaine de la guerre hybride, les technologies de rupture et l’intelligence artificielle ont créé un environnement de sécurité international de plus en plus complexe. Les Alliés doivent, avant d'agir, appréhender et exploiter plus d’informations que jamais auparavant.

À l’ère de l’information, l’OTAN doit absolument continuer de s'adapter afin de tirer parti de la masse toujours croissante de données générée sur l’internet des objets (d’après l’anglais Internet of Things). Dans un environnement de sécurité en constante mutation, il faut pouvoir prendre les bonnes décisions au bon moment, que ce soit dans l’espace informationnel physique ou virtuel. L’OTAN doit évoluer en fonction de cette combinaison d’événements et de facteurs, et s’adapter tout en continuant de remplir ses fonctions.

En collaboration avec de nombreux partenaires issus de l’OTAN, des pays et du secteur industriel, le Commandement allié Transformation travaille à une série d’expérimentations dans le cadre de l’exercice Trident Juncture 18.

Il s'agit notamment de mettre à l’épreuve les capacités futures de systèmes autonomes dans le domaine de la logistique militaire, l'impression 3D (aussi connue sous le nom de fabrication additive sur le terrain), un nouveau système de commandement et de contrôle des forces terrestres, la réactivité de l'OTAN face à la dissémination d'un agent biologique, et le partage des données de renseignement, de surveillance et de reconnaissance dans un environnement interarmées. Seront également testés une nouvelle approche médicale modulaire pour faire face aux situations de pertes massives, ainsi qu’un concept d’interface médicale civilo-militaire permettant un meilleur partage de la situation opérationnelle. De manière générale, ces expérimentations mettent à profit des progrès technologiques réalisés dans le secteur privé pour les appliquer à un contexte militaire. Leurs résultats pourront éclairer le développement de capacités et, au bout du compte, faire progresser la préparation de l’OTAN au combat.

L’une des expérimentations consiste à mettre au point une capacité d'évaluation de l'environnement informationnel. L'objectif est de renforcer encore l’aptitude de l’OTAN à analyser cet environnement afin de pouvoir présenter aux hauts dirigeants politiques et aux commandants militaires des analyses sur la manière dont la communication de l’OTAN est perçue par différents types de publics, ainsi que des recommandations en la matière. Il ne s'agit pas seulement d’évaluer l’efficacité de la communication de l’OTAN elle-même durant Trident Juncture, mais également de comprendre ce que les adversaires potentiels disent de l’Organisation, de même que tout ce qui se dit par ailleurs au cours de cet exercice.

Évaluer l'environnement informationnel

Mais qu’est-ce que l’environnement informationnel ? C’est l'espace, tant physique que virtuel, au sein duquel les informations sont reçues, traitées et communiquées. Il se compose d’acteurs, de réseaux, de données, d’informations et de systèmes d'information. C’est aussi là que les opinions se forgent et que les décisions se prennent. Les publics cibles de l’OTAN évoluent dans un environnement informationnel bruyant, saturé de messages concurrents et de voix discordantes.

Avec les nouvelles technologies et les médias sociaux, toutes les organisations doivent constamment communiquer avec leurs publics cibles si elles ne veulent pas voir leurs messages masqués par le bruit ambiant ou par les contre-discours.

Ces technologies ont également modifié les comportements dans les processus décisionnels, dans l’organisation de la vie en communauté et dans les structures de la société. Aujourd’hui plus que jamais, des influenceurs individuels peuvent jouer un rôle majeur dans le changement sociétal. Désormais, il est possible pour une seule personne, où qu’elle se trouve et qu’il s'agisse d'un acteur étatique ou non étatique, de rallier à n'importe quelle cause des millions de sympathisants dans le monde entier. Des groupes d’individus parviennent également à faire évoluer les structures comportementales et sociales en se rassemblant autour de causes sociales. Il suffit de voir la portée de messages tels que #blacklivesmatter, #metoo, #bostonstrong ou #prayformanchester.

Les responsables de la communication au sein de l’Alliance font passer le message de l’OTAN et luttent contre la désinformation en s’appuyant sur des faits.
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Les responsables de la communication au sein de l’Alliance font passer le message de l’OTAN et luttent contre la désinformation en s’appuyant sur des faits.

La communication des acteurs étatiques et non étatiques s'adresse de plus en plus souvent à des publics très diversifiés. Toute activité de communication hostile menée par ces acteurs est un sujet de préoccupation pour les Alliés, et plus particulièrement la manière dont ces activités pourraient permettre de façonner les perceptions et de diffuser propagande et fausses informations en vue de diviser l’opinion. La communication de l’OTAN continue donc de reposer sur une évaluation et une compréhension solides de l’environnement informationnel dans lequel elle opère.

Cela ne se limite pas à la publication d’un tweet, au suivi de la portée potentielle d'un message, à la surveillance de canaux numériques ou à la lecture d’informations accessibles à tous. Ces méthodes, de même que la veille et l’analyse approfondies des médias, ont certes leur importance, mais, dans le même temps, l’Organisation et ses partenaires doivent observer des informations qui vont au-delà des médias, prendre des décisions à leur égard et agir en conséquence, tout en tenant compte des objectifs de l’OTAN, notamment ceux qu'elle se fixe en matière de communication. Il s'agit en effet de se poser en concurrent efficace dans l’environnement informationnel.

L’expérimentation effectuée dans le cadre de Trident Juncture avait pour but de valider, avec de vraies données et en temps réel, un concept initial d’évaluation de l’environnement informationnel qui établit une méthodologie, définit des rôles et des responsabilités, et encourage le recours à l'analyse des données et aux technologies de collaboration au sein de l’Alliance ainsi que dans les relations avec ses partenaires.

Chaque jour, les responsables de la communication dans toute la structure de commandement de l'OTAN, dans les pays de l’Alliance et dans les entités subordonnées travaillent à développer leur compréhension de l’environnement informationnel en adoptant une approche multidisciplinaire, qui fait appel notamment à la science des données. Les analystes utilisent diverses techniques pour suivre la communication entourant l’exercice et pour bien comprendre les réactions à ce que l’OTAN dit (« own communication » – communication propre), ce que tout adversaire potentiel peut dire (« hostile communications » – communication hostile) et tout ce qui se dit par ailleurs (« earned communications » – communication « de réverbération »). Les informations récoltées sont jugées au regard des objectifs de l’OTAN en matière de communication.

Le Commandement allié de forces interarmées de Naples a mis sur pied une cellule de fusionnement des informations à Oslo (Norvège) pour la durée de l’exercice réel, du 25 octobre au 7 novembre. Au sein de cette cellule, des représentants du siège de l’OTAN, des commandements de forces interarmées de Naples et de Brunssum, du Commandement allié Transformation, de pays contributeurs, d’entreprises du secteur privé, et du pays hôte ont travaillé de concert pour mener à bien cette expérimentation d’évaluation de l’environnement informationnel.

La cellule a recueilli les indications fournies par un réseau réparti d’analystes assurant une veille, grâce à diverses technologies, sur de multiples canaux d’information et de données. Un groupe d’analystes stratégiques a ensuite harmonisé ces résultats en fonction des conditions d’information et selon les objectifs de communication de l’OTAN, afin de produire un rapport à l’intention du directeur de la cellule et des groupes de commandement de haut niveau. La validation du concept d’évaluation de l’environnement informationnel s’est donc faite par une expérimentation opérationnelle, dont l’utilité effective, la valeur ajoutée et les enseignements à tirer seront étudiés de près.

Étant donné que les fluctuations de l’environnement informationnel ne cessent d’influer sur la façon dont les événements mondiaux sont perçus par les individus, l’Alliance analyse cet environnement de manière continuelle. Les responsables chargés de la communication au sein de l'Alliance définissent des objectifs dans ce domaine et élaborent des « argumentaires » pour faire passer le message de l’OTAN, tout en assurant un suivi permanent de leur efficacité. Durant Trident Juncture, nous avons testé une nouvelle méthodologie qui consiste à utiliser une plateforme collaborative pour évaluer l’environnement informationnel. Grâce à l’harmonisation des données d'information et à une compréhension globale des effets et des développements futurs éventuels, les décideurs des pays de l’Alliance seront mieux informés et l’OTAN pourra communiquer plus efficacement sur ses activités et ses valeurs.