L’OUEST, L’EST, L’OTAN

Chris Piekoszewski

C’était le 12 mars 1999. Un vendredi. Non pas que je me souvienne particulièrement bien des dates, mais la une du quotidien polonais Gazeta Wyborcza m’a marqué : "Vendredi, c'est donc l’OTAN". Clin d’œil à la comédie "Mardi, c'est donc la Belgique", ce titre en disait long.
Depuis la fin de la Guerre froide, la Pologne, du fait de sa situation géopolitique, était à la recherche d’une alliance stratégique. L’idée d’une adhésion à l’OTAN, synonyme de dialogue politique et d’intégration militaire, était très séduisante.
C’est le ministre des Affaires étrangères de l’époque, le professeur Bronislaw Geremek, qui représentait le pays à la cérémonie de signature, à Independence (Missouri, États-Unis). À cette occasion, il a souligné que l’adhésion sonnait véritablement le glas de la Guerre froide.
Pour autant que je me souvienne, l’événement n’a guère fait l’objet de célébrations publiques en Pologne, mis à part quelques feux d’artifice à Varsovie et une cérémonie de lever des drapeaux de la Pologne et de l’OTAN près de la tombe du soldat inconnu, sur la place Pilsudki de cette même ville.
Comme j’étais étudiant à l’époque et que je voyageais au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis pour des programmes d’échange ou des stages, cette signature était pour moi le signe que l’Ouest et l’Est se décloisonnaient un peu plus encore. Quand je me suis rendu aux États-Unis en juin 1999, je me suis senti plus en confiance : au fond, nos pays n’étaient-ils pas désormais alliés sur le plan stratégique ?
Même si la génération plus jeune à laquelle j’appartiens ne s’est pas sentie plus en sécurité au moment précis de notre adhésion à l’OTAN (nos souvenirs du régime totalitaire étaient assez vagues…), nous avons bien pris conscience de l’importance stratégique de cet événement pour notre présent et pour notre avenir. C’était en effet le changement et la transition auxquels nous aspirions depuis longtemps pour la Pologne.
L’adhésion a également changé la façon dont certains étrangers que je rencontrais percevaient le pays. On a commencé à m’interroger sur les choses à y voir, sur ses attractions touristiques, etc. La Pologne n’était plus le "Wild East".
La politique étrangère, ce n’est pas seulement une question de relations entre États ou de diplomatie. C’est aussi une affaire de conviction, de démarche, de vision du monde, mais également de personnes. Je pense que l’élargissement de l’OTAN a ouvert un nouvel espace de dialogue et de changement, non seulement sur le plan géopolitique mais aussi pour tout un chacun.