La Revue de l’OTAN a demandé à quatre experts de différents secteurs des affaires internationales comment ils voyaient l’évolution de la situation en 2013. Nous publions ici leurs réponses, qui portent sur des régions allant du Moyen-Orient à l’Asie.
Louise Arbour
Louise Arbour préside l’International Crisis Group. Elle fut auparavant haute commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
Les attitudes bellicistes face au programme nucléaire iranien et la poursuite de la désintégration de la Syrie représentent de grandes menaces pour la sécurité internationale en 2013. Une frappe israélienne contre l’Iran pourrait déclencher un véritable enfer dans la région. Ce serait sans doute également le cas si la Syrie devait s’enfoncer dans une guerre encore plus féroce – avec ou sans intervention militaire internationale.
Les deux scénarios semblent possibles en 2013 - la zone de conflit ouvert au Moyen-Orient s’élargirait alors de façon spectaculaire, avec des conséquences tragiques pour de très vastes populations, ainsi que de graves répercussions sur les relations internationales.
Michael Brzoska, Université de Hambourg
Le professeur Michael Brzoska, économiste et politologue, dirige l’Institut pour la recherche sur la paix et la politique de sécurité (IFHS) à l’Université de Hambourg
Selon moi, le développement le plus important devrait concerner l’Iran, avec des répercussions dans l’ensemble du Moyen-Orient. Le parti du président Nétanyahou demeurant le plus important d’Israël, son échéance de l’été 2013 pour une action militaire prometteuse contre le programme nucléaire iranien sera probablement maintenue. La possibilité d’une attaque conjointe d’Israël et des États-Unis contre les installations nucléaires iraniennes à l’été 2013 est donc élevée. Une telle attaque aurait probablement des conséquences majeures sur la situation sécuritaire au Liban, en Israël et en Iraq, et peut-être aussi à Bahreïn et en Arabie saoudite, par le biais d’activités de groupes pro-iraniens.
Toutefois, il n’est pas dans l’intérêt des dirigeants iraniens de laisser les choses en arriver là, et l’on peut donc s’attendre à des gestes de compromis de leur part. Malheureusement, la campagne en vue de l’élection d’un nouveau président en Iran en avril/mai/juin 2013 risque de bloquer tout progrès vers la négociation d’une solution pacifique.
Il importera que les acteurs extérieurs ne forcent pas la main des candidats à la présidence en exerçant des pressions supplémentaires sur Téhéran, mais préparent plutôt une nouvelle proposition attractive pour le moment où le prochain président iranien entrera en fonctions. Si toutes les parties ne s’avèrent pas prêtes à faire des compromis, à la fin de 2013 le Moyen-Orient se trouvera encore bien plus dans la tourmente qu’aujourd’hui.
Kishore Mahbubani
Kishore Mahbubani est le doyen de la « Lee Kuan Yew School of Public Policy » de l’Université nationale de Singapour, qui fait partie du « Global Public Policy Network » comprenant la «London School of Economics», Sciences Po Paris, et la « School of International Public Affairs » de l’Université Columbia. Il est également l’auteur de « The Great Convergence : Asia, the West, and the Logic of One World. »
Les relations sino-japonaises seront un point névralgique important en 2013. Curieusement, ni le gouvernement chinois ni le gouvernement nippon ne tiennent à voir des problèmes sérieux surgir dans l’importante relation bilatérale qu’ils entretiennent. Toutefois, ils pourraient tous deux se voir incités par des forces populistes et nationalistes à adopter des positions plus fermes qu’ils ne le souhaiteraient à propos du litige concernant les îles.
Il y a aussi eu de dangereux malentendus. Le gouvernement nippon a « acheté » les trois îles contestées pour empêcher un nationaliste d’extrême droite, Shintaro Ishihara, de se les approprier. Tokyo y voyait un geste d’apaisement envers Pékin, qui s’en est, au contraire, irrité. C’est ainsi que naissent des malentendus, et c’est ainsi que des malentendus pourraient continuer à se produire.
Giles Merritt
Giles Merritt dirige les groupes de réflexion « Friends of Europe » et « Security & Defence Agenda », basés à Bruxelles. Il était auparavant journaliste au Financial Times.
Ce sont sans aucun doute l’instabilité, les changements et les incertitudes au Moyen-Orient qui influeront le plus sur la sécurité en 2013 - encore plus que dans le passé récent.
Les élections américaines de novembre dernier l'ont illustré : selon le Wall Street Journal, tout au long de la campagne et des débats, le seul pays qui ait été cité plus souvent qu’Israël a été l’Iran. Le régime du président Ahmadinedjad n’est pas considéré par la plupart des gouvernements du Moyen-Orient – ni d’ailleurs par de nombreux pays occidentaux – comme la menace sécuritaire la plus grave pour la région. Plus le programme nucléaire iranien avance, plus le risque d’une intervention israélienne augmente.
Il n’y a guère de signes d’apaisement dans la crise syrienne, et vu le nombre d’acteurs touchés de manière indirecte ou significative, celle-ci constitue de plus en plus une menace sécuritaire régionale. Le Printemps arabe a montré à quel point des événements nationaux peuvent modifier l’environnement sécuritaire sur le plan régional et international, avec le conflit malien actuel qui est lié à l’intervention de l’OTAN en Libye.
Les suites du Printemps arabe en Égypte continueront de figurer en bonne place à l’ordre du jour international. L’Égypte et la Syrie joueront donc toutes deux un rôle capital s’agissant des relations délicates entre Israël et ses voisins.
En prévision du retrait des forces de la FIAS d’Afghanistan, les forces afghanes vont devoir assumer une part plus grande des responsabilités en matière de sécurité, alors que les perspectives politiques du pays sont de plus en plus incertaines. Mais le risque de déstabilisation de l’ensemble de la région – pas seulement le Pakistan, mais les Républiques d’Asie centrale et du Caucase – constitue pour moi une source de préoccupation croissante.
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