Alexander Vershbow : secrétaire général délégué de l’OTAN, et batteur occasionnel. © Reuters

L’ambassadeur Alexander Vershbow est le premier secrétaire général délégué américain de l’histoire récente de l’OTAN. Étant donné qu’il était en poste à l’OTAN pendant la crise de Bosnie, pendant la campagne du Kosovo, et un peu avant le 11 septembre, il a une longue expérience de l’Organisation. La Revue de l’OTAN lui a demandé ce qui l’avait amené à s’intéresser aux questions de défense, ce que ses autres affectations lui ont appris, et en quoi l’OTAN a changé, selon lui.

Le secrétaire général délégué de l’OTAN, Alexander Vershbow, a été surpris d’être appelé à l’OTAN pour une troisième afectation. Il indique ici ce qui a changé depuis son dernier séjour au sein de l’Organisation, et ce que sont, selon lui, les perspectives futures de l’Alliance.

Vous êtes un expert en études russes. Comment vous êtes-vous intéressé à ce pays?

J’ai grandi pendant la Guerre froide. L’une des premières expériences que j’ai en mémoire est celle que j'ai vécue un soir que mes parents avaient allumé la télévision, à l'heure du dîner, pour suivre le journal télévisé présenté par Walter Cronkite, au moment de la crise de Cuba. La confrontation avec l’Union soviétique a donc été un "élément de formation" pour moi, et c’est en fait cela qui m’a conduit à suivre un cursus en relations internationales et en études russes. À l’époque, personne ne pouvait imaginer que le mur de Berlin tomberait et que la sécurité européenne allait totalement changer de nature.

Quels enseignements avez-vous tirés de votre expérience du dossier de la Bosnie dans les années 1990?

J’ai été impliqué dans le dossier de la Bosnie ici à l’OTAN, au début des années 1990, et ensuite à Washington, lorsque l’action décisive qui a conduit aux accords de Dayton a été menée. J’étais à nouveau en poste ici, en tant qu’ambassadeur, pendant la période qui a précédé la campagne du Kosovo et durant cette campagne. Je pense que, s’agissant de ces deux dossiers, il a fallu un certain temps avant que l’Alliance se mobilise, et qu’elle a sans doute hésité avant de « prendre le taureau par les cornes », mais qu’ils se sont en définitive soldés par une réussite. Cela a créé une sorte de confiance vis-à-vis de la capacité de l’OTAN de gérer avec efficacité les problèmes à sa périphérie – qui présentaient un caractère plus politique ou humanitaire – et de contribuer à la sécurité européenne et régionale. C’est cette expérience qui a facilité la prise des décisions rapides qui ont été nécessaires en Libye.

Les enseignements de la campagne de l’OTAN au Kosovo ont-ils également servi lors de la récente opération en Libye ?

l’expérience du Kosovo nous a appris à ne jamais présumer que l’adversaire va s’effondrer en deux jours

L’expérience du Kosovo nous a appris à ne jamais présumer que l’adversaire va s’effondrer en deux jours. Il faut faire preuve de patience et de persévérance, et poursuivre la mission jour après jour. Et le succès est au bout. Il faut se rappeler que cela a pris 78 jours au Kosovo. Les gens pensaient que cela ne finirait jamais. En Libye cela a pris un peu plus de temps, mais, en termes historiques, l’opération a été plutôt rapide et efficace.

Vous avez passé un certain temps en Corée du Sud. Quelle est, selon vous, l’importance du « tournant asiatique » pris par les États-Unis ?

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La péninsule coréenne est en quelque sorte le dernier front de la Guerre froide, où la confrontation, le face-à-face des années 1950, a été pratiquement "conservé sous cloche". Mais, pour la Corée du Sud, les capacités militaires et l’idéologie agressive de la Corée du Nord constituent un danger réel et omniprésent. Nous devons donc nous rappeler que certaines menaces anciennes n’ont pas totalement disparu et qu’elles ne sont pas sans rapport avec la sécurité européenne. Les Nord-Coréens développent non seulement les missiles à longue portée qui vont avec la capacité nucléaire qu’ils ont démontrée, mais ils exportent aussi la technologie des missiles en Iran et en Syrie, pays qui sont susceptibles de constituer une menace directe pour la sécurité européenne. Le fait que les États-Unis ont décidé de mettre davantage l’accent sur la région Asie-Pacifique dans leur stratégie est donc, selon moi, tout à fait dans l’intérêt de l’Europe et ne doit pas être considéré comme un jeu à somme nulle.

Et pour conclure: c’est votre troisième affectation à Bruxelles. Qu’est-ce qui vous avait manqué et qu’est-ce que cela vous fait d’être de retour ?

Les débats politiques qui ont continuellement lieu ici, que ce soit au bureau, lors d’une soirée, ou simplement en allant ici et là dans Bruxelles, m’ont manqué. Il y a toujours une certaine vibration dans cette ville, peut-être parce que non seulement l’OTAN mais également l’Union européenne y ont leur siège, et que, par conséquent, beaucoup des grandes questions de notre époque y sont discutées. Je n’ai pas vraiment connu cela en Corée du Sud ou lors de ma dernière affectation à Washington. Je suis donc heureux d’être de retour dans cette ambiance, en cette période qui nous confronte à des défis de taille, notamment la crise financière, mais qui est aussi porteuse d’énormes opportunités. Mais l’OTAN à proprement parler, même si elle compte davantage de membres, est pour moi un endroit très familier.