
La secrétaire d’État américaine Madeleine Albright avec les ministres des Affaires étrangères tchèque, hongrois et polonais lors de la cérémonie de signature, à Independence, dans l’État du Missouri (États-Unis), le 12 mars 1999. © REUTERS
Nous sommes le vendredi 12 mars 1999. Un jour ordinaire pour la plupart des gens. Mais pas pour moi, ni pour mes collègues de la Mission tchèque auprès de l’OTAN. Car le grand jour est arrivé : la République tchèque devient officiellement membre de l’OTAN, avec la Hongrie et la Pologne.
La matinée est mouvementée, saturée d’appels pour Karel Kovanda, mon chef de l’époque, qui est aussi le premier ambassadeur tchèque auprès de l’OTAN. Moi, je suis son assistante personnelle et, comme beaucoup de mes collègues, j’ai à m’acquitter de tâches multiples et, souvent, incongrues. Nous formons une équipe soudée, tournée vers le même objectif.
J’attends avec impatience que l’après-midi arrive, pour suivre, enfin, l’événement qui va se produire dans le Missouri : la déclaration de Madeleine Albright annonçant que nous y sommes, que nous faisons partie de l’OTAN.
C'est l’heure ! Une poignée de collègues tchèques et moi nous réunissons autour d’un poste de télévision pour suivre le déroulé des événements, là-bas, dans la ville américaine d’Independence. Vient ensuite le moment où les ministres des Affaires étrangères des trois pays signent les protocoles d’accession. Ça y est, nous sommes membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.

Chars soviétiques devant l’immeuble de la radio tchécoslovaque, à Prague, le premier jour de l’invasion dirigée par les Soviétiques, le 21 août 1968. © REUTERS
Dans le discours qu’elle tient juste après, Madeleine Albright déclare : « Notre promesse était "Rien sur vous, sans vous". La voici réalisée : vous êtes réellement des Alliés ; vous êtes réellement chez vous ». Pour de nombreux Tchèques, ces quelques mots « Rien sur vous, sans vous », signifient beaucoup. Nous n’oublions pas ce qui s’est passé en 1938, en 1948 et en 1968. Née en Tchécoslovaquie, Albright connaît le poids des mots qu’elle prononce ce jour-là.
Jamais, quand j’étais sur les bancs de l’école communiste, je n’aurais pu imaginer tel chamboulement : nous apprenions alors à quel point l’OTAN était notre ennemi, un danger pour notre pays et pour l’ensemble du bloc soviétique.
Quel bonheur que les temps aient changé et quelle chance j'ai eue, par la suite, de contribuer à la longue aventure qui nous a menés à l’adhésion à l’OTAN.

Inauguration du programme de Partenariat pour la paix par les chefs d’État et de gouvernement des pays de l'OTAN, Bruxelles, le 10 janvier 1994.
Tout avait commencé en 1994, avec le programme OTAN de Partenariat pour la paix. Les brèves et modestes consultations des débuts évoluèrent tant et si bien que, lors du sommet de Madrid, en 1997, les trois pays furent invités à intégrer l'Alliance. S’ouvrirent alors les négociations entre ces pays et l’OTAN sur les normes militaires et les conditions d’adhésion. La date officielle d’adhésion fut alors fixée : ce sera 1999, l’année du 50e anniversaire de l’Alliance – une heureuse coïncidence.
On ne compte plus les séries de pourparlers d’adhésion, ni les longues heures de travail acharné qu’elles nous ont valu. Employée à l’ambassade tchèque dès 1994, j’ai suivi le processus depuis ses débuts. Bien que très jeune, je trouvais fascinant de vivre ces moments et de concourir à cette avancée majeure pour mon pays.
Je venais d’avoir 25 ans lorsque le grand jour – le 12 mars 1999 – est arrivé. Ce jour où nous avons atteint notre objectif et pu enfin dire fièrement : « Nous y sommes parvenus. Nous sommes dans l’OTAN ». Nous nous sommes affranchis de la longue occupation soviétique avant 1989. C’est une sensation inouïe : ce joug ne pourra plus jamais peser sur nous. Nous sommes en sécurité.
Les laissez-passer des différents QG OTAN – je n’en dirai pas plus – ont une couleur différente selon que votre pays est membre, ou partenaire, de l’Organisation.

Conférence de presse des chefs d’État et de gouvernement des trois pays d’Europe centrale et de l’Est invités à entamer les pourparlers d’adhésion avec l’OTAN, Madrid, le 8 juillet 1997.
Nombreux sont les ressortissants des nouveaux pays membres qui, comme moi, se rendent au Bureau des laissez-passer cet après-midi du 12 mars pour demander le nouveau sésame, dont la principale différence avec l’ancien tient à sa couleur. Dès lors, tout le monde peut voir que, désormais, nous sommes membres !
Cela peut sembler puéril, mais c’est tellement important pour moi.
Nos festivités se poursuivent. Agrémentées de (plusieurs) coupes de champagne, elles culminent en une soirée avec tous nos collègues.
Le lendemain matin, changement d'ambiance ! Les ambassadeurs des pays de l’OTAN se rendent à Prague pour prendre part aux cérémonies organisées par mon pays à l’occasion de notre toute nouvelle adhésion, et je prête main forte pour l’organisation de leur vol à la base militaire de Melsbroek, à Bruxelles.
Mon chef voit bien que je suis un peu groggy. Nul doute qu’il en devine la cause. Mais notre fête, bien méritée, a été grandiose, et je referais exactement de même aujourd’hui.
Je n’oublierai jamais ces moments. J’ai pris part à un événement historique et contribué – avec tant d’autres – à une évolution importante et constructive. Quinze ans plus tard, quand je vois les développements récents en Europe de l’Est, je mesure davantage encore l’importance de notre adhésion à l’OTAN.