« Nous devons continuer de faire front ensemble »

Tribune libre du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg

  • 11 Sep. 2021 -
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  • Mis à jour le: 14 Sep. 2021 10:24

Il y a vingt ans jour pour jour, à 8h46, le vol American Airlines 11 s’écrasait contre la tour nord du World Trade Centre. C’était le premier d’une série d’attentats terroristes meurtriers et délibérés. Ce matin-là, 2 977 innocents perdirent la vie à New York, à Washington et en Pennsylvanie. En ce vingtième anniversaire, nous nous souvenons de ceux et celles qui sont morts en cette matinée ensoleillée de septembre ainsi que de ceux et celles dont la vie a été irrévocablement bouleversée, et nous leur rendons hommage.

Le 11-Septembre a montré la face la plus sombre de l’humanité, mais il en a aussi fait ressortir le meilleur : des pompiers se sont engouffrés dans des bâtiments que tout le monde fuyait, des secouristes ont sauvé de nombreuses vies, des hommes et des femmes ordinaires ont fait tout leur possible pour aider leurs concitoyens.

Le 11-Septembre n’était pas seulement une attaque contre les États-Unis, c’était une attaque contre nous tous. Les victimes étaient issues des quatre coins du territoire de l’Alliance, et d’au-delà. Dans les 24 heures qui ont suivi les attentats, les pays de l’OTAN ont invoqué pour la première fois l’article 5, la clause de défense mutuelle, aux termes duquel une attaque contre un Allié est une attaque contre tous. Peu après, les forces des pays de l’OTAN ont été déployées côte à côte en Afghanistan.

Notre engagement dans ce pays est arrivé à son terme. Il a été long et difficile, et nous avons versé un lourd tribut sur les plans humain et financier. Plus d’un million d’hommes et de femmes en uniforme, originaires d’Amérique du Nord, d’Europe et de nombreux pays partenaires, ont servi en Afghanistan au cours de ces deux décennies.  Des milliers d’entre eux y ont consenti l’ultime sacrifice ou y ont été blessés, tout comme de nombreux Afghans, civils ou membres des forces de sécurité.

Néanmoins, nous ne devons pas oublier ce que nous avons accompli ensemble. En 2001, l’Afghanistan était un sanctuaire pour les terroristes d’Al-Qaida qui allaient planifier et commettre les attentats du 11-Septembre ainsi que bien d’autres attaques un peu partout dans le monde. La mission de l’OTAN a consisté à affaiblir Al-Qaida et à faire en sorte que l’Afghanistan ne serve plus de base arrière à des terroristes susceptibles de nous attaquer. Et de fait, depuis le 11-Septembre, aucun attentat organisé depuis l’Afghanistan n’a été perpétré sur le territoire de l’Alliance.

La communauté internationale, soutenue par les forces armées des pays de l’OTAN, a également fait sa part dans la création des conditions qui ont permis aux Afghans d’avoir une vie meilleure. Une nouvelle génération d’hommes et de femmes a grandi avec la possibilité d’accéder à l’éducation, de participer à la vie politique, ou d’avoir des contacts avec le reste du monde. Ces avancées ne pourront pas être facilement remises en cause.  

Le monde entier a les yeux rivés sur l’Afghanistan et rappellera les dirigeants actuels à leurs engagements. Ces derniers doivent faire en sorte que le pays ne redevienne pas un sanctuaire pour les terroristes, respecter les droits de la personne, permettre à ceux et celles qui le souhaitent de quitter le territoire en toute sécurité, et garantir l’accès humanitaire. 

Les événements de ces dernières semaines sont une tragédie pour la population afghane, et ils sont déchirants pour nous tous qui la soutenons.  Notre action en Afghanistan pose de nombreuses questions épineuses que nous devrons affronter avec lucidité. Il y a des leçons que nous devons tirer. À l’OTAN, nous avons lancé un processus d’analyse approfondi. Nul ne peut préjuger de ses résultats mais, selon moi, certains éléments sont évidents.

L’Afghanistan ne sera pas la dernière crise à laquelle l’Amérique du Nord et l’Europe devront répondre ensemble, dans le cadre de l’OTAN. Il y aura toujours des groupes qui voudront nous nuire. Nous l’avons vu le 11-Septembre et à l'occasion des nombreux attentats terroristes commis depuis lors. Nous en avons également fait le constat en Iraq et en Syrie, lorsque l’EIIL a pris le contrôle de vastes pans de territoire pour y instaurer un régime terroriste d’une brutalité extrême. L’EIIL n’acceptera jamais la diplomatie.  Ce n’est qu’en déployant leurs forces armées que les pays de l’OTAN et leurs partenaires ont pu libérer la région et sa population de la mainmise de l’EIIL. L’action militaire sera toujours le dernier recours, mais il s’agit parfois de la seule réponse rationnelle.

La force militaire n’est pas seulement indispensable à la lutte contre le terrorisme. Elle est aussi l’ultime garant de notre liberté. La diplomatie, si elle ne s’appuie pas sur un appareil militaire solide et crédible, est vouée à l’échec. Durant la guerre froide, c’est parce que l’OTAN était militairement puissante que les diplomates et responsables politiques des pays membres ont pu négocier avec l’Union soviétique.

L’essence de la dissuasion que nous exerçons réside dans la conjugaison de forces armées puissantes et de la volonté de les utiliser quand c’est nécessaire. Imaginez que l’OTAN n’ait pas d'armées performantes et que nos concurrents en aient. Nous serions rapidement dans l’incapacité de défendre les valeurs qui nous tiennent tant à cœur : la liberté, la démocratie et l’état de droit. Nos forces armées assurent la sécurité de nos pays depuis plus de 70 ans, et elles continueront de le faire dans les décennies à venir.

Il arrive toutefois que la diplomatie échoue et que l’option militaire soit la seule qui reste. Ce fut le cas dans les années 1990, lorsqu’il a fallu recourir à l’action militaire pour mettre un terme aux conflits dans les Balkans occidentaux. L’intervention de l’OTAN a permis d’épargner la vie d’innombrables innocents en Bosnie-Herzégovine, puis au Kosovo.

Je tire un autre enseignement clair des événements dramatiques d’Afghanistan : dans un monde plus imprévisible où la concurrence s’accentue, les défis sont trop grands pour qu’un pays ou qu’un continent, quel qu’il soit, puisse faire cavalier seul.

Alors que nous nous souvenons de tous ceux et celles qui sont morts le

11-Septembre et de tous ceux et celles qui ont tant sacrifié depuis, nous devons aussi garder en mémoire la solidarité qui nous a unis en ces heures funestes. Il y a 20 ans, l’Amérique du Nord et l’Europe faisaient front ensemble, et nous devons continuer de faire front ensemble aujourd’hui et demain pour préserver notre sécurité. 

Cet article a été publié dans Die Welt et dans des journaux membres du réseau LENA.