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Updated: 30-Oct-2006 NATO Speeches

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11 jan. 2006

Entretien avec John Colston

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oct. 2005 - NATO
"NATO-Ukraine News": order a copy of this quarterly newsletter (EN/FR)

Des consultations OTAN-Ukraine informelles de haut niveau sur la réforme de la défense et la politique de défense qui ont réuni les ministres de la défense de l’Ukraine et des pays de l’OTAN se sont tenues à Vilnius (Lituanie) les 23 et 24 octobre. Ces réunions sont organisées une fois par an par le Groupe de travail conjoint sur la réforme de la défense (JWGDR). Depuis sa création en 1998, le JWGDR est le principal point de convergence pour la coopération en matière de réforme des secteurs de la défense et de la sécurité. John Colston, Secrétaire général adjoint pour la politique et les plans de défense, dirige les travaux du JWGDR côté OTAN. Il analyse ici les consultations de Vilnius et évalue la coopération OTAN-Ukraine en ce qui concerne la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité.

Novyny NATO (NN): En quoi la réunion de Vilnius est-elle importante ? Quels grands sujets y ont été discutés ?

John Colston (JC): Les consultations annuelles OTAN-Ukraine de haut niveau comptent parmi les réunions les plus importantes du calendrier OTAN-Ukraine. Ces consultations, qui sont présidées par le Secrétaire général de l'OTAN, sont en fait des réunions informelles annuelles des ministres de la défense des pays de l’OTAN et de l’Ukraine et constituent un cadre propice à des échanges ouverts. Avant Vilnius, les réunions s’étaient tenues à Berlin, à Washington et à Varsovie.

Les consultations cherchent à traiter les questions d’actualité qui sont inscrites au programme de défense et de sécurité OTAN-Ukraine. À Vilnius, on a surtout abordé la mise en œuvre des plans de réforme de la défense en Ukraine, les aspects du Dialogue intensifié qui concernent la défense, ainsi que les réformes du secteur de la sécurité au sens large, notamment la préparation d'un réexamen national du secteur de la sécurité en Ukraine, qui devrait concerner toutes les structures et toutes les politiques ayant trait à la sécurité de l’État. Les discussions ont été très franches, ce qui témoigne du dynamisme des relations OTAN-Ukraine.

Il importait également que les États membres de l’OTAN soient prêts à annoncer différentes formes d’aide à l’Ukraine. Par exemple, en marge de la réunion, quinze pays de l’Alliance et l’Ukraine ont signé une lettre d’intention confirmant qu'ils soutenaient un programme de formation professionnelle pour le personnel civil employé dans les institutions de sécurité ukrainiennes . Chaque gouvernement étant tributaire de l’élément humain pour la mise en œuvre de changements généralisés, le lancement de ce programme est l’une des mesures les plus importantes prises par les Alliés et l’Ukraine en 2005.

NN : Parallèlement au lancement, an avril 2005, du Dialogue intensifié sur les aspirations de l’Ukraine à adhérer à l’OTAN et sur les réformes à mener en ce sens, une série de mesures à court terme ont été annoncées, qui cherchent à privilégier la coopération pratique pour atteindre les objectifs en matière de réformes urgentes dans cinq grands domaines. Parmi les priorités fixées, figure la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité. Pourquoi est-il si important d’intensifier la coopération dans ce domaine ?

JC: Deux grandes raisons justifient l’intensification de la cooperation OTAN-Ukraine pour la mise en œuvre des réformes dans les secteurs de la défense et de la sécurité. L’accomplissement des réformes dans ces secteurs apportera beaucoup à l’Ukraine et l’aidera à adhérer à l’Alliance.

Ces idées sont complexes. Je vais tenter de les expliquer en commençant par aborder l’impact à long terme de notre coopération sur les projets d’intégration euro-atlantique de l’Ukraine.

L’OTAN est une Alliance politique, de sécurité et de défense à laquelle l’Ukraine souhaite adhérer. Le statut de membre de l’Alliance exige que les pays partagent des valeurs communes et appliquent des normes semblables, notamment dans le domaine de la gouvernance du secteur de la sécurité. Notre coopération dans la mise en œuvre des réformes des secteurs de la défense et de la sécurité rapproche l’Ukraine de ces valeurs.

Quelles sont ces normes ? Dans tout pays qui aspire à devenir membre de l’OTAN, la réforme du secteur de la sécurité doit viser à transformer ce secteur en un mécanisme soumis à un contrôle démocratique et devant répondre de ses actes selon les règles de la démocratie. Un ensemble de lois et de réglements devront par exemple être adoptés pour que le dispositif législatif d’un pays candidat soit conforme aux normes de l’OTAN et aux normes européennes. Cette exigence porte principalement sur le contrôle civil et démocratique des forces de sécurité nationales, qui est l’une des valeurs essentielles que l’on retrouve dans les procédures et les politiques nationales des pays de l’OTAN.

Mais la réforme du secteur de la sécurité ne consiste pas seulement à adapter le dispositif législatif auquel il est soumis. La transformation de ce secteur ne consiste pas non plus uniquement à contrôler, du point de vue de l’organisation et de la politique, les forces armées, les formations paramilitaires et les services du renseignement. La « culture de sécurité euro-atlantique », ce sont des principes, des valeurs et des modes de travail. L’une de ces valeurs consiste à accroître le rôle de la société civile pour qu’elle puisse superviser efficacement les activités de sécurité internes et externes.

La transformation du secteur de la sécurité de l’Ukraine est essentielle au développement de la démocratie ukrainienne et à ses perspectives. Le mode de gestion du secteur de la sécurité en dit long sur les principes qui régissent un État et sur la qualité de son système démocratique, que ce soit en Ukraine, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada ou en Pologne. Par conséquent, la réforme du secteur de la sécurité mise en œuvre par un État démocratique dans un État démocratique doit établir un lien entre la gouvernance du secteur de la sécurité et les principes démocratiques. Les Alliés attachent une grande importance à cet aspect du processus de réforme.

Ce n’est donc pas un hasard si la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité est inscrite depuis longtemps au programme OTAN-Ukraine – les Alliés sont résolus à aider l’Ukraine à renforcer la légitimité démocratique de son secteur de la sécurité. Il n’est pas non plus étonnant que les ministres des affaires étrangères des pays de l’OTAN et de l’Ukraine aient privilégié ce domaine de réforme lorsqu’ils ont lancé la série de mesures à court terme pour soutenir les priorités de réforme de l’Ukraine. Bref, la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité est synonyme de démocratie.

NN: La coopération avec l’Ukraine dans le domaine de la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité est plus poussée qu'avec les autres pays partenaires de l'OTAN. Quels sont les principaux résultats de la coopération dans ce domaine sous la houlette du JWGDR ?

JC: J’estime que le JWGDR peut s’enorgueillir de servir de tribune pour les échanges entre experts des pays membres de l’OTAN et de l’Ukraine, tribune qui leur permet d’examiner les questions relatives à la mise en œuvre des réformes dans les secteurs de la défense et de la sécurité. Qui plus est, ce mode de fonctionnement contribue à instaurer une culture de travail spécifique qui permet à l’OTAN et à l’Ukraine d’aborder ensemble des problèmes concrets et de trouver des solutions communes. Cet aspect commun du travail et des consultations est d’une grande importance.

Le JWGDR permet également à l’Ukraine de faire appel aux compétences des Alliés et sert de moyen par lequel les pays de l’OTAN peuvent apporter en coordination un soutien concret à l’Ukraine. De plus, le JWGDR est une entité qui profite à tous puisqu’il aide les Alliés à mieux comprendre la complexité de la situation en Ukraine et dans la région.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Quand le JWGDR a été créé en 1998, ses activités portaient au départ sur l'échange d'informations entre experts nationaux sur des thèmes tels que le contrôle démocratique des forces armées, la professionnalisation et l’établissement des budgets de la défense et des concepts de réservistes.

Avec le temps, le groupe a étendu le champ de ses activités, qui englobent désormais la réforme du secteur de la sécurité au sens large en Ukraine. Aujourd’hui, le JWGDR et en œuvre plusieurs activités, notamment le soutien de l’examen de la politique de défense de l’Ukraine, la préparation de l’examen complet du secteur de la sécurité nationale, des activités spécifiques visant à aider l’Ukraine à renforcer le contrôle civil des structures de sécurité et de défense (dont les agences de renseignement), le soutien apporté à l’Ukraine pour démilitariser son secteur de la sécurité, notamment dans le cadre de notre coopération avec les troupes du ministère de l’intérieur et avec le ministère des situations d’urgence, et la gestion des conséquences de la réforme de la défense.

NN: Quels grands défis subsistent et quelles devraient être les priorités de l’Ukraine actuellement ?

JC: Je tiens d’abord à souligner que la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité ne doit pas être considérée comme un problème ponctuel. Le dispositif de défense et de sécurité d’un pays doit se transformer en permanence pour répondre aux exigences d’un environnement de sécurité qui évolue. Il faudra peut-être encore adapter les politiques et les idées d’aujourd’hui pour qu’elles correspondent au climat de sécurité de demain. Nous devons donc faire preuve d’une certaine souplesse dans la mise en place de nos dispositifs de sécurité pour assurer le succès de la réforme du secteur de la sécurité.

L’Ukraine n’est pas seule à devoir réformer les secteurs de la défense et de la sécurité. Tous les États membres de l’OTAN et plusieurs pays partenaires sont confrontés au défi de la transformation. Mais la situation en Ukraine est particulière en raison de l'ampleur du problème. Nous avons tendance à oublier que, lorsqu'elle a obtenu son indépendance en 1991, l’Ukraine a hérité d’une grande partie des forces armées de l’Union soviétique. À cette époque, l’Ukraine n’a pas dû se contenter de transformer ses forces de sécurité – il lui a fallu créer pratiquement de toute pièce son propre secteur de sécurité. L’Ukraine a depuis lors bien progressé et nous ne devons pas sous-estimer ce progrès. Par exemple, la capacité de l’Ukraine de contribuer aux opérations et aux missions dirigées par l’OTAN, dans les Balkans et ailleurs, témoigne du professionnalisme des forces de sécurité ukrainiennes.

Passons à présent aux priorités à fixer pour l’avenir. Je crois que l’Ukraine doit, et c’est là le grand défi, transformer de fond en comble son secteur de la sécurité pour l’aligner plus étroitement sur les normes euro-atlantiques et européennes. Autrement dit, pour réussir, les réformes du secteur de la sécurité en Ukraine doivent concerner non seulement le ministère de la défense et les forces armées, mais également toutes les autres forces de sécurité ou de maintien de l'ordre, y compris les forces de sécurité intérieure. On observe actuellement une certaine dispersion des activités de réforme, certains éléments du secteur ukrainien de la sécurité semblant avancer plus rapidement que d'autres dans leur programme de réforme.

Il y a, à mon avis, deux grandes considérations qui détermineront la réussite à terme de la réforme du secteur de sécurité en Ukraine : premièrement, l’aptitude du gouvernement ukrainien à formuler une politique globale de réforme du secteur de la sécurité nationale, qui constituera un plan d’orientation générale pour réformer des éléments du secteur de la sécurité en Ukraine et deuxièmement, la détermination des autorités ukrainiennes à poursuivre et à financer correctement les réformes lorsqu’elles auront été lancées. L’examen du secteur de la sécurité nationale que l’Ukraine prépare actuellement devrait tenir compte de ces deux considérations.

Inutile de préciser que l’OTAN et les différents Alliés sont toujours prêts à aider l’Ukraine à accomplir ce travail difficile, notamment par l’intermédiaire du JWGDR. L’Ukraine ne devra pas faire face seule aux défis que constitue la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité et je suis parfaitement convaincu que nous obtiendrons les résultats que nous espérons tous.

Enfin, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire qu’il m’est toujours agréable de travailler avec mes amis et collègues ukrainiens, dont la détermination et le travail acharné ont permis de faire progresser le programme de défense et de sécurité OTAN-Ukraine. L’Ukraine a un grand potentiel humain, c’est l’un des aspects les plus importants de la transformation démocratique de l’Ukraine.

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