Les anniversaires invitent à se remémorer plutôt les événements positifs. Alors que le Partenariat spécifique OTAN-Ukraine célèbre son 20e anniversaire le 9 juillet, il y a certainement des succès à mettre en avant. Les contributions de l'Ukraine à la sécurité euro-atlantique – notamment une participation importante aux opérations dirigées par l’OTAN dans les Balkans occidentaux – ont joué un rôle déterminant dans cette région complexe. De plus, l'OTAN et l'Ukraine ont mis au point une boîte à outils impressionnante permettant d'appuyer un large éventail de réformes.
Toutefois, dans plusieurs domaines importants, le Partenariat spécifique OTAN-Ukraine n'a pas répondu aux attentes. Avant l'invasion russe de 2014, lorsque l'Ukraine demandait à l'OTAN de l'aider à faire face à la plus grande menace pour son existence – la pression croissante exercée par la Russie de Poutine –, elle constatait souvent que l'Alliance allait même jusqu'à se montrer réticente à aborder la question.
La réaction de l'Ukraine, qui s'est concentrée à l'excès sur la participation au plan d'action pour l'adhésion (MAP) de l'OTAN, s'est révélée contre-productive. Le pays a gaspillé un précieux capital politique et n'a pas accordé suffisamment d'attention à la mise en œuvre de réformes importantes pendant presque dix ans. Cette priorité accordée à des mesures symboliques plutôt qu'à des réformes de fond, ainsi que la résistance des institutions ukrainiennes et des pratiques héritées du passé ont été une source de frustration pour les Alliés.
À la veille de son 20e anniversaire, le Partenariat spécifique est en pleine phase de redynamisation et de renouvellement. En 2014, la « révolution de la dignité » a mis un terme à la période de négligence qui caractérisait la présidence décevante de Viktor Ianoukovitch (2010-2014). L'Alliance a mobilisé des moyens substantiels pour aider l'Ukraine à se défendre contre l'agression de la Russie et pour reconstruire des institutions de défense malmenées pendant l'ère Ianoukovitch.
Ce renouveau est l'occasion de construire une relation plus satisfaisante, qui mette à profit les atouts de l'Ukraine, ne suscite pas de mécontentement et apporte de véritables réponses aux deux besoins les plus urgents du pays – préserver son indépendance et moderniser ses institutions publiques.
Quatre enseignements
Lorsque je repense à ce qui s'est passé pendant vingt ans dans le cadre du Partenariat spécifique OTAN-Ukraine, à la lumière du rôle officiel que j'ai joué pendant dix ans à cet égard, je relève quatre enseignements majeurs qui sont particulièrement utiles pour le développement de la relation OTAN-Ukraine aujourd'hui.Premier enseignement : reconnaître les mérites de l'Ukraine – et du Partenariat spécifique
À l'époque de la signature de la Charte, en 1997, l'OTAN, au travers du Partenariat pour la paix (PPP), avait établi des contacts positifs avec d'anciens pays du Pacte de Varsovie, de nouveaux États indépendants et des pays d'Europe occidentale non alignés, dans un cadre commun de dialogue et de coopération.
Toutefois, le PPP était loin d'être une fin en soi. Des pays d'Europe centrale et de la Baltique réclamaient l'adhésion à l’Alliance. Trois d'entre eux – la République tchèque, la Hongrie et la Pologne – ont été invités à entamer des pourparlers d'adhésion. La Russie, en revanche, cherchait à mettre en place une « relation particulière » privilégiée avec l'OTAN, qui devait lui permettre de préserver sa sphère d’influence historique et de garder un contrôle sur les politiques de l’OTAN. Pour les pays membres de l'OTAN, le poids de l'histoire de l'Europe restait très préoccupant – ils craignaient qu'en l'absence d'efforts concrets pour « gagner la paix », des abominations telles que l'éclatement de la Yougoslavie ou l'instabilité de l'entre-deux-guerres en Europe de l'Est puissent facilement se reproduire.
L'Ukraine mérite d'être félicitée pour le rôle constructif qu'elle n'a cessé de jouer dans cette région complexe. Son attachement aux principes régissant les relations interétatiques de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe est un gage important de stabilité aux frontières de l'OTAN et dans la région de la mer Noire. Sa pleine participation au PPP et ses contributions significatives régulières aux opérations de l'OTAN ont placé la barre très haut en termes de partenariat et contrastent favorablement avec l'attitude de la Russie. Par ailleurs, l'Ukraine – qui, en 1997, était confrontée à une économie en régression depuis 7 ans, à un déclin démographique et à une situation politique imprévisible – a progressé (souvent de façon hésitante, cependant) sur le plan des réformes économiques, politiques et de sécurité nationale qui étaient nécessaires pour éviter une catastrophe.
Le dialogue régulier mis en place dans le cadre du Partenariat spécifique a encouragé et aidé l'Ukraine à apporter une contribution constructive dans la région. Lorsque des tensions sont apparues, des consultations conjointes ont eu un effet stabilisateur important. Un exemple notable concerne le différend de 2001 au sujet des ventes d'armes de l'Ukraine à l'ex-République yougoslave de Macédoine1. À l'époque, au cours d'une réunion d'experts conjointe, un échange d'informations sur les réalités opérationnelles de ce pays a aidé les responsables ukrainiens à mieux comprendre les préoccupations des Alliés et à modifier leur politique.
Deuxième enseignement : tirer le meilleur parti des mécanismes et initiatives existants
L'OTAN et l'Ukraine ont développé un ensemble d'outils considérable, principalement au cours des cinq premières années du Partenariat spécifique. Il s'agit aussi bien d'outils de planification et de conseil stratégiques pour tout un éventail de réformes et d'activités de renforcement des institutions avec des objectifs définis et revus chaque année, que de groupes de travail conjoints actifs dans des domaines spécifiques comme la réforme de la défense, la sécurité économique et la coopération technique, ou encore de programmes et de projets pratiques axés sur des thèmes tels que le perfectionnement professionnel ou la destruction des armes légères et de petit calibre.
Les bureaux de l'OTAN en Ukraine – le Bureau de liaison de l'OTAN, qui facilite la participation de l'Ukraine au PPP et appuie ses efforts de réforme dans le secteur de la défense et de la sécurité, et le Centre d'information et de documentation de l'OTAN – ont permis de renforcer la coopération OTAN-Ukraine en établissant des contacts directs avec les multiples intervenants concernés par un dossier spécifique et en aidant à harmoniser les travaux de chacun. La récente fusion de ces deux organes en une Représentation commune de l'OTAN a eu un effet positif en ce sens qu'elle a permis de réduire les difficultés d'organisation ; toutefois, en cas de nouvelle reconfiguration, il conviendrait de réfléchir attentivement à l'impact fonctionnel que celle-ci aurait sur les relations avec les intervenants, qui sont essentielles.
Pour ceux qui envisagent de nouvelles initiatives, le « feuilleton » des tentatives de l'Ukraine pour participer au MAP – et les difficultés de l'Alliance à y donner suite – devraient servir de mise en garde. En décembre 2001, l'Ukraine proposa d'initier un mouvement savamment orchestré vers le MAP pour faire contrepoids à la pression de plus en plus forte de la Russie. Doutant de la sincérité du président ukrainien, M. Koutchma, les Alliés mirent au point un compromis : un « plan d'action », adopté au sommet de Prague en novembre 2002, qui allait ouvrir la voie à d'intenses travaux de consultation, de coopération et d'évaluation dans les domaines politique et économique et dans celui de la sécurité nationale, le but étant de répondre aux critères d'adhésion à l'OTAN – il s'agissait en quelque sorte d'un plan d'action pour l'adhésion amputé du mot « adhésion ».
Dépourvu de ce mot magique, ce puissant nouvel instrument fut toutefois largement sous-utilisé. Et, pour la diplomatie ukrainienne, la participation au MAP prit des allures de quête du Graal. Il en résulta une Alliance divisée, l'impression que les principales réunions OTAN-Ukraine étaient un échec, et d'importants coûts de substitution. À deux reprises au moins, en 2005 et en 2007-2008, la volonté de participer au MAP pris le pas sur des initiatives pratiques qui étaient destinées à attirer l'attention du monde politique sur les véritables vulnérabilités de l'Ukraine et à mobiliser des ressources. Ces opportunités historiques sont autant de rendez-vous manqués.
Troisième enseignement : les institutions sont le ciment des réformes
Les institutions officielles de l'Ukraine ont souvent montré qu'elles n'étaient pas suffisamment solides pour qu'il soit possible de tirer parti des connaissances et du savoir-faire acquis grâce à la coopération avec l'Alliance. Des unités de l'armée ukrainienne s'entraînaient selon les normes du PPP ? Leurs manuels restaient inchangés. Une unité était constituée en vue d'un déploiement dans le cadre d'une opération ? À leur retour, les hommes qui la composaient étaient renvoyés dans leur unité de départ. Des officiers allaient s'entraîner à l'étranger ? À leur retour, ils ne pouvaient que constater que leur expérience nouvellement acquise était plus appréciée par des groupes de réflexion civils que par l'armée.
En conséquence, lors du 5e anniversaire du Partenariat spécifique, en 2002, les personnes qui, à l'OTAN, étaient responsables de la coopération militaire OTAN-Ukraine ont estimé en toute franchise que des succès importants avaient été enregistrés pour des activités spécifiques, mais que l'impact systémique était limité. Le fait que le représentant militaire de l'Ukraine à Bruxelles approuve cette évaluation, en dépit des pressions politiques, témoignait de la transparence des relations avec l'armée. Cela lui donne aussi l'occasion de critiquer la tendance qu'ont les forces armées ukrainiennes à considérer l'expérience acquise dans le cadre d'activités de l'OTAN comme un élément étranger à leur doctrine et à leurs procédures de base.
La faiblesse des institutions officielles en Ukraine est cependant une triste réalité, et tout projet ou programme qui ne parvient pas à comprendre et à tempérer cette réalité aura tout naturellement des résultats décevants. À l'inverse, les projets qui se sont révélés concluants et durables sont ceux qui ont développé leur propre base institutionnelle. Ainsi, le programme de perfectionnement professionnel (PDP) prévoyait un comité conjoint propre à chaque projet. Et, afin de coordonner la multitude de travaux consultatifs qui étaient en cours dans le secteur de la défense pendant la période 2007-2009, un comité conjoint de coordination, présidé par le directeur politique « défense », fut créé au sein du ministère de la Défense, avec l'aide du Bureau de liaison de l'OTAN.
Les raisons du succès de ces travaux de gestion conjoints sont simples : transparence de l'information, respect des normes et des procédures et responsabilité conjointe face aux autorités supérieures. Les projets qui, comme le PDP, sont menés au sein de groupes de travail relèvent du Groupe de travail conjoint sur la réforme de la défense, qui relève lui-même de la Commission OTAN-Ukraine, laquelle dirige les activités en coopération et sert de forum de consultation entre les Alliés et l'Ukraine. Pour attirer l'attention d'un homologue, il n'y a pas grand-chose de plus efficace que la perspective d'un exposé conjoint à Bruxelles, dont les conclusions figureront dans un rapport aux ministres de la Défense.
Contrairement aux institutions officielles, en Ukraine, les institutions non officielles et les liens personnels sont solides. Les Ukrainiens y recourent depuis des siècles, souvent au détriment des organes officiels. Ces dernières années, ces mécanismes informels ont été un moteur d'évolution sociale, comme l'a encore montré récemment le travail remarquable accompli par des volontaires, qui a permis de combler les principales insuffisances dans le système de défense – logistique, entraînement, soutien médical, maintenance, acquisitions, etc. – pour parvenir à mobiliser et à déployer des unités de combat ukrainiennes dans l'est du pays en 2014. Si la coopération OTAN-Ukraine peut mettre à profit leur énergie et leur persévérance, ces institutions informelles seront un puissant moteur de changement durable.
Quatrième enseignement : ne pas oublier les valeurs
Si l'évaluation « en toute franchise » évoquée plus haut était précise, elle n'en était pas moins terriblement incomplète. C'est ce que j'ai découvert au printemps 2004, lorsque j'ai pris mes fonctions de chef du Bureau de liaison de l’OTAN en Ukraine. Lors d'une visite à une unité qui avait été choisie peu de temps auparavant pour travailler dans le cadre du PPP, le commandant a profité de l'occasion pour me présenter publiquement à plusieurs anciens commandants d'unité qui étaient également en visite – des colonels et des généraux soviétiques – et il leur a dit ouvertement : « Nous travaillons avec l'OTAN à présent. C'est notre avenir. »
L'importance de ce simple acte de bravoure fut confirmée quelques mois plus tard lorsque, le 22 novembre 2004, cette unité – composée de milliers d'hommes et de centaines de véhicules blindés – reçut l'ordre d'occuper des barrages autour de la capitale, Kiev, afin de se préparer à réprimer des mouvements de protestation contre les fraudes électorales, qui s'étaient formés dans le centre-ville. Prenant un risque personnel et professionnel considérable, le commandant refusa.
Cette position de principe, adoptée ensuite à de multiples reprises par d'autres commandants, a eu un impact énorme sur l'histoire de l'Ukraine, contribuant directement au succès de la révolution orange, qui permit de faire annuler de façon pacifique une élection truquée. Elle a également contribué à faire carrément passer les forces armées dans le camp de la démocratie – ce qui a à son tour joué un rôle important pendant la révolution de la dignité en 2014.
Pour les auteurs de l'évaluation de 2002, qui parlaient alors d'un impact systémique limité, c'était une leçon d'humilité : la dynamique des relations entre l’OTAN et l’Ukraine ne se résume pas, loin de là, à mesurer la réussite d'un projet. Les militaires professionnels ukrainiens considèrent qu'ils servent leur pays et sa population, et non un régime politique. À la fin 2004, plus de 20 000 militaires avaient pris part à des opérations de maintien de la paix dirigées par l'OTAN ou l'ONU et travaillé côte à côte avec leurs homologues de l'OTAN, ayant le sentiment d'appartenir à une communauté de professionnels pour lesquels il est totalement inconcevable de s'en prendre à la population. Aujourd'hui, ce chiffre a presque doublé.
Ce sentiment d'affinité est très répandu dans les forces armées. Comme l'expliquait un chef d'état-major de la défense ukrainien : « Mon homologue russe et moi, nous parlons la même langue ; il est donc facile pour moi de m'entretenir avec lui. Mais j'ai beaucoup plus de sujets de conversation en commun avec mon collègue espagnol. » Ces affinités sont également partagées par la grande majorité des stratèges ukrainiens, qu'ils fassent ou non partie du gouvernement, qui ont établi des liens solides avec leurs homologues occidentaux, qui sollicitent ouvertement leurs conseils pour l'élaboration de propositions d'orientations et qui – pour le dire franchement – ne voient aucune alternative viable pour leur pays.
Vingt ans de partenariat, et après ?
Après plusieurs années de calme relatif, la « révolution de la dignité » et l'agression russe en Crimée et dans le Donbass ont fait entrer le Partenariat spécifique OTAN-Ukraine dans une nouvelle période d'activité intense. En réponse à cette agression, l'OTAN a joué un rôle important en termes de communication stratégique, à la fois en direction de l'opinion publique et dans le contexte intergouvernemental, en présentant des données factuelles sur l'agression russe et en mettant fin à la désinformation. L'Alliance – l'OTAN et les Alliés à titre individuel – a également mobilisé des ressources considérables pour soutenir les opérations de l'Ukraine et développer des capacités dont le pays avait cruellement besoin.
À l'avenir, le défi consistera à utiliser ces ressources efficacement pour obtenir des résultats durables. Pendant la période qui a suivi la révolution orange, les outils du Partenariat spécifique montré que c'était possible. La Commission OTAN-Ukraine et son ensemble de comités et d'outils programmatiques peuvent garantir une circulation fluide de l'information, assurer une gestion conjointe et maintenir le lien entre le dialogue politique et les travaux pratiques. Le rôle que la Représentation de l'OTAN en Ukraine est naturellement appelée à jouer, c'est d'harmoniser les travaux des différents acteurs – les programmes de l'OTAN, les Alliés et les institutions ukrainiennes –, ce processus étant la clé du succès. Le mécanisme des fonds d’affectation spéciale permet de faire en sorte que des projets pratiques bénéficient d'un soutien dans la durée – pour autant que les Alliés y consacrent une part suffisante de leurs budgets nationaux.
Parmi la multitude de projets pratiques, il s'agira de ne pas ignorer les niveaux politique et stratégique, ainsi que leurs liens avec les débats dans la société au sens large. La communication stratégique a un rôle important à jouer ; il en va de même des efforts visant à renforcer les liens entre les stratèges au sein de l'Alliance et en Ukraine, et à leur permettre de prendre part au dialogue sur les orientations et les réformes.
Enfin et surtout, l'Alliance doit garder à l'esprit que l'un des plus grands succès du Partenariat spécifique est d'avoir permis de créer des affinités sur le plan humain, affinités nées de la coopération à l'appui de valeurs communes. C'est dans le cadre du PPP et des opérations de l'OTAN que les forces armées ont le plus travaillé côte à côte au quotidien. Maintenant, que le centre de gravité des opérations ukrainiennes s'est déplacé dans l'est du pays – où des restrictions ont été imposées aux activités du personnel de l'OTAN et des pays de l'Alliance –, ces contacts réguliers risquent d'être moins fréquents.
Une autre menace pèse sur les liens ainsi créés : le ressentiment persistant dû à ce que l'Ukraine considère – à juste titre dans une certaine mesure – comme une première réponse inadéquate des Occidentaux à ses demandes d'assistance dans le domaine de la défense suite à l'invasion russe au début de l'année 2014. Ce ressentiment nuit à l'autorité morale et au capital politique dont jouit l'Alliance aux yeux des Ukrainiens, ce qui entrave les efforts déployés pour résoudre les problèmes.
Ce préjudice ne doit pas être pris à la légère : si rien ne change, il pourrait en résulter frustration, désillusion et désengagement. Mais la situation n'est pas irréversible, à condition que l'Alliance de façon collective (ou un nombre suffisant d'Alliés à titre individuel) reconnaisse qu'il y a eu un manquement et agisse avec plus de détermination afin de respecter son engagement à apporter son soutien à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, comme l'énonce l'article 14 de la Charte OTAN-Ukraine.
Pour qu'il soit un minimum crédible, je pense que le soutien de l'OTAN doit comprendre, entre autres, la mise à disposition d'armes défensives, que l'Ukraine attend depuis longtemps (ainsi que l'entraînement et le soutien correspondants, et l'introduction de nouvelles méthodes opérationnelles). S'il avait pour but de supprimer les avantages sur lesquels la Russie s'appuyerait dans une guerre à plus grande échelle – dans des domaines tels que les blindés, la puissance aérienne, la guerre électronique et le renseignement stratégique –, ce soutien favoriserait la dissuasion et renforcerait la stabilité stratégique. La présence plus régulière de personnels de pays de l'Alliance en Ukraine et alentour (en dehors de la zone de combat) et une coopération opérationnelle accrue dans des domaines comme le contrôle de l'espace aérien, la défense aérienne et le soutien du pays hôte augmenteraient aussi sensiblement la dissuasion et renforceraient le capital politique dont jouissent les Alliés pour encourager les réformes dans le pays.
L'Ukraine doit elle aussi prendre conscience des frustrations persistantes de l'Alliance et s'efforcer d'y remédier. Elle doit au minimum veiller à ce que l'OTAN et les Alliés puissent constater les résultats obtenus grâce aux ressources qu'ils mettent à disposition, en intégrant pleinement les programmes de coopération et de réforme dans les plans nationaux et en en assurant une gestion et une évaluation plus transparentes. Par ailleurs, les dirigeants militaires ukrainiens pourraient eux aussi donner un exemple de courage moral patriotique en planifiant de façon proactive le passage de témoin à la nouvelle génération de dirigeants, et en repérant pour ce faire des individus dotés d'une expérience du combat et de la coopération avec l'Alliance, en leur permettant d'acquérir l'expérience requise, y compris via le leadership sur le terrain et la formation à l'étranger, et en les nommant à des postes de hauts responsables.
Trois bonnes raisons de se réjouir
Lorsqu'ils se réuniront à Kiev et à Bruxelles le 9 juillet pour célébrer le 20e anniversaire du Partenariat spécifique OTAN-Ukraine, responsables et sympathisants auront parfaitement le droit de porter un toast au succès de cette initiative, avec quelques réserves toutefois.
L'Ukraine est plus fermement ancrée que jamais dans l'espace de sécurité euro-atlantique, même si elle pourrait l'être bien plus encore. Les programmes de coopération et les missions consultatives n'ont jamais été aussi vastes et approfondis, même si l'on peut encore bien trop souvent parler d'« impact systémique limité ». Le Partenariat spécifique donne à des dizaines de milliers de soldats, de responsables, d'experts, de journalistes, de parlementaires et de citoyens l'occasion de partager des affinités, et nous pourrons nous aussi lever notre verre au petit rôle que nous avons joué dans ce succès.
Nous nous devrons par ailleurs de nous souvenir des milliers d'Ukrainiens qui ont perdu la vie ces trois dernières années suite à l'agression russe, et aussi des millions de personnes qui ont été contraintes d'abandonner leur foyer et des centaines de milliers de professionnels – civils et militaires – qui restent vigilants, jour après jour, pour éviter une extension du conflit, pour nous protéger contre les cyberattaques de plus en plus nombreuses et pour lutter contre la désinformation qui cible nos institutions démocratiques clés. C'est dans ce monde de plus en plus dangereux, où les enjeux sont plus importants que jamais, que le Partenariat spécifique évolue.
Notre troisième toast ira aux responsables à qui il incombe de diriger le Partenariat spécifique aujourd'hui : puissent-ils avoir la sagesse de tirer les leçons du passé, le courage de laisser de côté les déceptions et les ressentiments latents, et enfin l'énergie et l'imagination nécessaires pour faire progresser la relation OTAN-Ukraine dans ce nouveau monde dangereux.
1 La Turquie reconnaît la République de Macédoine sous son nom constitutionnel.