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Gillian Goh et Christopher Clark, des Nations Unies, expliquent comment de nouvelles directives pourraient contribuer à éviter que les armes de petit calibre et les munitions ne tombent aux mains de groupes terroristes, à prévenir les fraudes et à réduire les accidents

Imaginez la puissance de 6300 tonnes de munitions allant des balles pour armes de petit calibre et des grenades aux obus de 14,5 mm. C’est la quantité que recèleraient les stocks d’un pays comme l’Afghanistan seulement.

Le colonel Ronald Green, directeur de la logistique pour le Commandement de la transition conjointe de la sécurité en Afghanistan, aurait dit, en substance, que les craintes de voir ces munitions faire l’objet de vols et être utilisées pour fabriquer des engins explosifs improvisés (EEI) l’empêchaient de dormir.

Mais les EEI peuvent être fabriqués à partir de toute une série de composants non militaires, comme le vernis à ongle et les engrais. Alors pourquoi les terroristes et les groupes armés voudraient-ils cambrioler des stocks d’armes ?

Les craintes de voir quelque 6300 tonnes de munitions - des balles pour armes de petit calibre et des grenades aux obus de 14,5 mm - faire l’objet de vols et être utilisées pour fabriquer des engins explosifs improvisés (EEI) m’empêchent de dormir
Colonel Ronald Green, directeur de la logistique pour le Commandement de la transition conjointe de la sécurité en Afghanistan

La réponse est la suivante : la fabrication et, dans une certaine mesure, le déploiement d’EEI se trouvent considérablement facilités si des explosifs préfabriqués ou des coups complets de munitions sont disponibles, au lieu d’avoir à fabriquer les engins sans aucun élément de base.

Les stocks militaires contiennent aussi souvent du matériel de destruction, comme des détonateurs, des cordeaux détonants et des explosifs plastiques, qui peuvent aider à fabriquer des EEI.

Un rapport de 2008 du Groupe d’experts gouvernementaux des Nations Unies sur les munitions conventionnelles indique que les stocks non sécurisés et mal gérés favorisent le détournement de munitions à des fins illicites. Ils peuvent constituer une source d’approvisionnement pour la fabrication d’EEI.

Des munitions détournées des stocks nationaux peuvent aussi parvenir aux participants à des guerres civiles et à des insurrections, à des terroristes, à des criminels et aux auteurs d’autres formes de violences armées, alimentant ainsi l’instabilité nationale et régionale, et menaçant la sécurité des États.

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Le groupe a également souligné l’importance de la sécurité du transport de munitions afin de réduire les risques de vol, de perte ou de détournement. Des interventions de caractère pratique sont nécessaires pour prévenir l’accès illicite à ces éléments, notamment la sécurisation des stocks nationaux de munitions.

Sur cette base, le rapport du Groupe d’experts a recommandé que des directives techniques pour la gestion des stocks de munitions conventionnelles, que les États pourraient utiliser sur une base volontaire, soient mises au point au sein des Nations Unies.

Quelles sont ces directives ?

Les directives, intitulées « directives techniques internationales sur les munitions », sont mises au point en utilisant une approche progressive à trois niveaux : basique, intermédiaire, avancé (1/2/3). De cette manière, les États peuvent améliorer la sécurité de leurs stocks en utilisant les directives de niveau un même s’ils ne disposent pas de ressources au départ, et ensuite mettre progressivement en œuvre des normes plus élevées.

Jusqu’ici 12 volumes portant sur l’ensemble de la gestion des munitions – du transport, au stockage et à la destruction – ont été rédigés.

Dans les transports par véhicules, munitions et armes devraient être séparées afin qu’en cas de vol de la cargaison, celle-ci ne soit pas immédiatement utilisable

Les directives contiennent des mesures claires pour


  • assurer la sécurité afin d’éviter les détournements pendant le transport des munitions (principe de la séparation)

  • renforcer la sécurité dans les installations de stockage afin d’éviter les vols(marquage, comptabilisation)

  • assurer la sécurité contre les détournements afin de contribuer à prévenir les détournements de munitions à grande échelle.

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Comment ces directives s’inscrivent-elles dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

1. Disposition relative au transport visant à réduire les détournements en vue de la fabrication d’EEI

En premier lieu, les directives visent à assurer la sécurité contre les détournements pendant le transport des munitions. Elles recommandent un principe sécuritaire général de séparation : cela signifie que dans les transports par véhicules, munitions et armes devraient être séparées afin qu’en cas de vol de la cargaison, celle-ci ne soit pas immédiatement utilisable.

Ce principe de séparation peut facilement être appliqué aussi aux composants d’EEI. Par exemple, les détonateurs et les explosifs pourraient également être transportés séparément.

2. Systèmes de marquage et de comptabilisation efficaces pour prévenir les vols
Les directives contiennent aussi des dispositions claires pour le marquage et le conditionnement des munitions, la gestion des inventaires et le dénombrement des stocks qui contribuent à prévenir les vols et les détournements dans les stocks.
Elles recommandent, par exemple, d’appliquer sur les munitions et leurs conditionnement des marquages qui


  • donnent des informations permettant d’assurer correctement le stockage, la manutention et le transport des explosifs ;

  • aident à l’identification de la nature des munitions, et

  • contribuent à l’application de procédures de comptabilisation et de contrôle appropriées.


Tout écart, perte ou vol apparaît rapidement lorsque ces mesures sont appliquées en même temps que des procédures de comptabilisation efficaces. Une bonne comptabilisation est aussi un moyen de dissuasion, car des membres du personnel qui seraient tentés de voler savent que ce qu’ils prélèveraient ne passera pas inaperçu.

3. Principes de sécurité
Les directives établissent une classification claire des éléments susceptibles d’attirer particulièrement les criminels et les organisations terroristes. Elles stipulent que ces éléments doivent faire l’objet de mesures de sécurité plus strictes que les autres munitions. Ces éléments comprennent les composants potentiels d’EEI tels que les détonateurs et divers types d’explosifs.

Comment ces classifications sont-elles utilisées ?

On peut citer parmi les principes visant à lutter contre les détournements qui figurent dans les directives:


  • La perturbation du fonctionnement des réseaux illicites, notamment en établissant des listes noires d’avions, en annulant les licences pour le courtage d’armes et de marchandises militaires afin de désorganiser le réseau ou à tout le moins de retarder ses opérations ;

  • la contre-vérification des documents d’importation/d’exportation/de transport pour repérer les incohérences susceptibles d’indiquer qu’il s’agit d’une cargaison illicite ;

  • et les directives contiennent, évidemment, des principes pour améliorer la coopération, le soutien et le partage d’informations au niveau international, qui sont essentiels pour faire face à ce problème mondial.

Une bonne comptabilisation est aussi un moyen de dissuasion, car des membres du personnel qui seraient tentés de voler savent que ce qu’ils prélèveraient ne passera pas inaperçu

Les directives techniques internationales sur les munitions en sont au stade de la rédaction finale. Elles devraient être achevées et validées en 2011, après quoi la phase de mise en œuvre débutera.

Les Nations Unies souhaiteraient qu’elles soient le plus largement possible applicables au niveau mondial, étant donné qu’elles portent sur un problème mondial.