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Version électronique 1998 Manuel de l'OTAN

 
Politique et prise de décisions

Politique nucléaire

Depuis la fin de la Guerre froide, l'Alliance a pris des mesures d'une grande portée en vue d'adapter l'ensemble de sa politique et de son dispositif de défense au nouvel environnement de sécurité. La stratégie et le dispositif de forces nucléaires de l'OTAN figurent parmi les premiers domaines soumis à un réexamen et ayant fait l'objet de certains des changements les plus radicaux.

En fait, la stratégie et le dispositif de forces nucléaires de l'OTAN illustrent bien les mesures concrètes et positives que l'Alliance a pu prendre pour s'adapter au changement. Dans le nouvel environnement de sécurité, elle a pu réduire de façon radicale sa dépendance vis-à-vis des forces nucléaires. Sa stratégie reste axée sur la prévention de la guerre, mais elle n'est plus dominée par la possibilité d'une escalade mettant en jeu des armes nucléaires. Ces forces continuent de jouer un rôle essentiel dans la prévention de la guerre, mais à présent, leur objectif est plus fondamentalement politique. Elles ne sont plus dirigées contre tel ou tel pays, ni contre une menace spécifique. Elles sont là pour préserver la paix et empêcher la coercition, et les circonstances dans lesquelles leur utilisation pourrait devoir être envisagée sont considérées comme des perspectives très lointaines.

Les forces nucléaires de l'OTAN contribuent à la paix et à la stabilité en Europe en faisant ressortir le caractère irrationnel qu'aurait une guerre de grande ampleur dans la région euro-atlantique. Elles rendent les risques d'une agression contre l'OTAN plus incalculables et inacceptables que ne pourraient le faire les seules forces conventionnelles. Elles jettent aussi le doute chez tout pays qui pourrait envisager de chercher à s'assurer un avantage politique ou militaire en menaçant d'employer ou en employant des armes nucléaires, biologiques ou chimiques (NBC)1 contre l'Alliance. En favorisant la stabilité européenne, en aidant à décourager les menaces de recours aux armes de destruction massive (ADM) et en contribuant à la dissuasion contre l'emploi de telles armes, le dispositif nucléaire de l'OTAN sert les intérêts non seulement des Alliés, mais aussi des pays partenaires et de l'Europe dans son ensemble.

Pendant la Guerre froide, les forces nucléaires de l'OTAN ont joué un rôle central dans la stratégie de riposte graduée de l'Alliance. Afin d'empêcher, par la dissuasion, une guerre de grande ampleur en Europe, l'OTAN a intégré les armes nucléaires dans l'ensemble de sa structure de forces, et l'Alliance a maintenu une série de plans de désignation d'objectifs pouvant être mis en oeuvre sur court préavis.

La dépendance moins grande de l'OTAN à l'égard des forces nucléaires s'est manifestée par des réductions majeures de ces forces. En 1991, l'OTAN a décidé de réduire de plus de 80 % par rapport aux niveaux de la Guerre froide le nombre des armes disponibles pour ses forces substratégiques2 en Europe. La réalisation de cette mesure s'est achevée en 1993. En conséquence, toutes les armes substratégiques à lanceur terrestre (artillerie nucléaire, missiles sol-sol et sol-air) ont été éliminées, ainsi que toutes les armes substratégiques dont étaient dotés les navires de surface. Toutes les charges nucléaires initialement affectées aux forces substratégiques ont été retirées de l'arsenal de l'OTAN. La plupart de ces charges ont déjà été démantelées, et les autres le seront prochainement. Ces réductions se sont traduites non seulement par une baisse spectaculaire du nombre relatif des armes nucléaires stockées en Europe, mais aussi par une diminution significative des types de systèmes d'armes nucléaires.

Outre la diminution des forces substratégiques, la réduction des forces stratégiques à la disposition des Alliés est en cours. Par le Traité sur la réduction des armes stratégiques START I, le nombre des armes stratégiques déployées par les Etats-Unis, qui se situait bien au-delà de 10.000, sera ramené à 6.000. Le Traité START II réduira davantage encore le nombre des armes détenues par chaque partie, pour le ramener à un niveau situé entre 3.000 et 3.500. Les Etats-Unis et la Russie ont indiqué qu'ils étaient prêts, lorsque le Traité START II sera entré en vigueur, à entamer des négociations visant à ramener le nombre des armes stratégiques à un chiffre compris entre 2.000 et 2.500 charges pour chacun d'eux. La France et le Royaume-Uni ont également procédé à des réductions majeures de leurs forces stratégiques.

Les seules armes nucléaires basées à terre que l'OTAN maintient en Europe sont des bombes pour avions à double capacité. Ces armes, dont le nombre a également été sensiblement réduit, sont stockées dans des conditions de haute sécurité sur des bases moins nombreuses. L'état de préparation nucléaire des avions de l'OTAN à double capacité a été progressivement réduit, une plus grande importance étant accordée à leurs rôles conventionnels. Aucune des armes nucléaires de l'OTAN n'a pour cible tel ou tel pays.

Les Alliés ont estimé que ce dispositif de forces «substratégiques» peut, pour l'avenir prévisible, répondre aux besoins de l'Alliance. L'OTAN a également déclaré que son élargissement n'exigera aucune modification de son dispositif nucléaire actuel. Les pays membres n'ont aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres, n'ont nullement besoin de modifier un quelconque aspect de leur dispositif ou de leur politique nucléaire et n'en prévoient aucunement la nécessité pour l'avenir.

La sécurité collective garantie par le dispositif nucléaire de l'OTAN est partagée par l'ensemble des membres de l'Alliance; elle rassure les pays qui, autrement, pourraient se sentir vulnérables. La présence de forces nucléaires des Etats-Unis basées en Europe et destinées à l'OTAN établit un lien politique et militaire essentiel entre les membres européens et nord-américains de l'Alliance. En même temps, la participation au dispositif nucléaire de l'Alliance de pays non dotés d'armes nucléaires montre la solidarité qui existe entre les Alliés, leur engagement commun à préserver leur sécurité, et toute la mesure dans laquelle ils se partagent les fardeaux et les risques.

De même, la supervision politique du dispositif nucléaire de l'OTAN est partagée entre les pays membres. Le Groupe des plans nucléaires de l'OTAN est une instance au sein de laquelle les Ministres de la défense de pays alliés dotés ou non d'armes nucléaires participent ensemble à l'élaboration de la politique nucléaire de l'Alliance et à la prise de décisions concernant le dispositif nucléaire de l'OTAN.


1 Les termes NBC (armes nucléaires, biologiques et chimiques) et ADM (armes de destruction massive) sont interchangeables.

2 La signification des termes «stratégique» et «substratégique» varie légèrement d'un pays à l'autre. Les armes nucléaires stratégiques sont normalement définies comme des armes de portée «intercontinentale» (plus de 5.500 km), mais, dans certains contextes, elles peuvent également inclure des missiles balistiques de portée intermédiaire (et donc inférieure). Le terme «armes nucléaires substratégiques» est utilisé dans les documents OTAN depuis 1989 pour les armes nucléaires de portée intermédiaire et de courte portée et désigne maintenant surtout les armes à vecteur aérien pour les avions à double capacité de l'OTAN (les autres armes nucléaires substratégiques ayant été retirées de l'Europe).


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