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Mise à jour: 26-Nov-2001 Revue de l'OTAN

Web edition
Vol. 49 - No. 3
Automne 2001
p. 13-15

L'volution des partenariats de l'OTAN

Promouvoir la scurit rgionale

James Appathurai (1) analyse la faon dont l'OTAN favorise la coopration rgionale en matire de scurit dans les Balkans, le Caucase et les Etats baltes.

Dans le domaine de la coopration euro-atlantique en matire de scurit, certains lments de premier plan retiennent pratiquement toute l'attention de la presse, qu'il s'agisse de l'OTAN et de son Partenariat pour la paix, de la dimension de dfense en dveloppement de l'Union europenne ou de l'Organisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE). Pourtant, ct de ces structures de grande taille et dj bien en place, des accords rgionaux plus rcents et de moindre envergure apportent d'importantes contributions la scurit dans des endroits sensibles de toute la zone euro-atlantique. Mme si elles sont menes un niveau moins lev, ces activits de coopration occupent une place non ngligeable dans l'ensemble de l'architecture de scurit, et l'Alliance est trs dsireuse d'aider les faire progresser.

La logique de la coopration rgionale en matire de scurit est tout fait claire. En mettant leurs ressources en commun de faon adquate, des pays ayant les mmes objectifs peuvent renforcer plus efficacement leur propre scurit. Au plan conomique, la coopration permet des conomies d'chelle et l'acquisition d'quipements qui, sinon, seraient financirement inaccessibles aux pays — surtout les plus petits — qui agiraient individuellement. Au plan militaire, la coopration multiplie le potentiel des forces armes de chacun des pays concerns. Au plan politique, la coopration dans le domaine de la scurit est la meilleure des mesures de confiance et de scurit, du fait qu'elle implique transparence, coordination et confiance mutuelle.

L'OTAN est un vivant tmoignage du succs de cette approche. Forme sa naissance, en 1949, d'un groupe de nations divises par une histoire trs rcente, et aussi spares par un ocan, elle est devenue l'alliance politico-militaire la plus cohsive et la plus efficace de tous les temps. L'exprience de l'OTAN montre aussi que la coopration rgionale ne remplace pas les autres dmarches, mais les complte. Tout pays peut avoir des associations de scurit multiples sans qu'aucune d'elles ait en souffrir. On peut citer cet gard la Coopration de dfense arospatiale de l'Amrique du Nord entre le Canada et les Etats- Unis, ou l'Identit europenne de scurit et de dfense de l'UE.

C'est prcisment parce que le potentiel de la coopration rgionale et subrgionale est si vident que l'Alliance appuie de plus en plus les efforts dploys dans ce domaine, mme entre des pays qui ne sont pas candidats une adhsion l'OTAN. Il n'existe pas de document unique qui expose officiellement les principes de base de la coopration rgionale et les modalits du soutien que l'Alliance lui apportera. En fait, cette approche est dfinie par toute une srie de documents et de choix politiques dont chacun porte sur un secteur ou un problme spcifique mais qui, pris dans leur ensemble, forment un tout intellectuellement cohrent. L'Alliance s'emploie favoriser la coopration rgionale en matire de scurit essentiellement dans les Balkans, le Caucase et les Etats baltes, dans le cadre gnral de l'action qu'elle mne pour promouvoir la paix et la scurit dans toute la zone euro-atlantique. L'OTAN cible son approche sur chacune des rgions, parce que chacune est confronte ses propres dfis de scurit dans un contexte gopolitique unique, et parce que chacune prsente pour l'Alliance un intrt unique sur le plan de la scurit.

Les Balkans

L'Europe du sud-est revt pour l'OTAN une extrme importance gopolitique. Le Kosovo, par exemple, se situe dans une zone stratgique vitale pour l'Alliance: il se trouve juste au-dessus de deux membres de l'OTAN, en dessous de nouveaux membres d'Europe centrale, et il est organiquement li la Bosnie-Herzgovine (la Bosnie). L'instabilit, les conflits et les multiples violations des droits de l'homme qu'a connus cette rgion ont reprsent des dfis directs pour les intrts de l'OTAN au cours de la dernire dcennie, et l'Alliance a d s'employer faire en sorte que les crises ne dstabilisent pas les pays voisins. Les moyens les plus connus par lesquels l'OTAN a favoris la paix et la scurit dans les Balkans sont les oprations de maintien de la paix qu'elle a diriges en Bosnie et au Kosovo. Mais l'Alliance s'est aussi engage dans un certain nombre d'autres entreprises militaires et politiques destines promouvoir la stabilit dans toute l'Europe du sud-est, de la diplomatie prventive la promotion active de la coopration rgionale.

L'exemple le plus remarquable de telles entreprises est sans doute l'Initiative de l'OTAN sur l'Europe du sud-est. Lance par l'Alliance lors de son Sommet de Washington de 1999 en vue de promouvoir la coopration et la scurit et la stabilit long terme dans la rgion, elle s'est appuye sur des relations de coopration dj largement tablies avec les Partenaires dans le cadre du Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) et du Partenariat pour la paix et s'est tendue des pays qui n'appartenaient pas ces institutions et programmes — la Bosnie et ( l'poque) la Croatie — avec une perspective d'inclusion de la Rpublique fdrale de Yougoslavie. Un Groupe de travail ad hoc sur la coopration rgionale, cr sous les auspices du CPEA, favorise la coopration rgionale de manire stimuler et soutenir la collaboration pratique entre les pays de l'Europe du sud-est. Les pays de la rgion, par exemple, ont tabli, en septembre 2000, le Groupe directeur sur la coopration en matire de scurit en Europe du sud-est (SEEGROUP), dont les membres assument la prsidence tour de rle, afin d'appuyer les divers processus de coopration en cours. Les activits comportent le dminage, la recherche de la matrise des armes lgres et de petit calibre, la simulation dans le domaine de la gestion des crises et la gestion de la circulation arienne.

L'Alliance s'emploie aussi, avec d'autres organisations internationales, construire la stabilit rgionale dans le cadre du Pacte de stabilit pour l'Europe du sud-est, parrain par l'UE. Ainsi, l'OTAN a contribu au lancement de programmes visant faciliter le passage la vie civile d'officiers appels sortir du cadre militaire (voir article page 23) et d'autres programmes devant permettre de fermer des bases militaires et de les affecter au secteur civil. D'autres activits doivent tre diriges au niveau rgional. Un bon exemple est celui du Document commun d'valuation des dfis et des opportunits en matire de scurit rgionale en Europe du sud-est (SEECAP). L'ide en a t lance par l'OTAN, puis reprise par les pays de la rgion, dont la Rpublique fdrale de Yougoslavie. Le SEECAP nonce des conceptions des dfis de scurit qui sont communes aux pays signataires et devrait constituer une premire tape essentielle vers l'tablissement de relations pacifiques dans les Balkans. Il expose aussi les opportunits qui s'offrent aux pays participants pour ce qui est de cooprer au traitement de ces dfis.

Le Caucase

Le scnario est diffrent dans le Caucase, o l'OTAN favorise galement la coopration rgionale. Mme si le Caucase connat des problmes tout aussi difficiles rsoudre, le seul membre de l'Alliance en ressentir directement les effets est la Turquie. De plus, il existe certainement l'ide que l'OTAN en tant qu'organisation n'a qu'une influence limite dans la rgion et que ses membres peuvent y contribuer plus utilement la paix et la scurit par des mesures bilatrales, ou dans le cadre d'une action mene par l'intermdiaire d'autres organisations, telles que l'OSCE ou les Nations Unies.

Pour toutes ces raisons, l'OTAN adopte dans le Caucase une approche plus discrte. Elle n'en continue pas moins de soutenir activement la coopration en matire de scurit dans la rgion, afin d'y promouvoir la transparence et la confiance. Le principal instrument de cette action de l'OTAN est le Groupe de travail ad hoc du CPEA sur les perspectives de coopration rgionale dans le Caucase. Les domaines prioritaires recenss par ce groupe de travail pour une coopration pratique au niveau rgional sont les questions conomiques lies la dfense, les plans civils d'urgence, la coopration scientifique et environnementale, et les activits d'information.

Sous les auspice du CPEA, un sminaire sur la coopration rgionale en matire de scurit nergtique dans le Caucase s'est tenu en Azerbadjan en 2000, pour traiter des aspects de la scurit nergtique relatifs l'environnement, l'conomie et aux situations d'urgence du domaine civil. Des sminaires ont aussi eu lieu en d'autres endroits de la rgion propos de l'conomie lie la dfense, des plans civils d'urgence, de la coopration civilo-militaire, des armes lgres et de petit calibre et de la coopration scientifique. Il est envisag d'organiser d'autres confrences, sur le terrorisme international et sur la non-prolifration des armes de destruction massive, de mme que sur la gestion des crises et le dminage. Les dmarches ainsi entreprises sont toutes d'autant plus utiles qu'elles portent sur des questions d'intrt immdiat pour la scurit des pays de la rgion.

Il convient de souligner que, s'agissant de promouvoir la coopration dans le Caucase, d'autres groupements rgionaux, tels que l'OSCE et le Groupe GUUAM, organisme runissant la Gorgie, l'Ukraine, l'Ouzbkistan, l'Azerbadjan et la Moldova, jouent un rle prpondrant. L'OTAN continue toutefois d'assumer le sien en encourageant l'laboration de solutions communes entre des pays confronts aux mme dfis.

Les Etats baltes

La troisime grande rgion dans laquelle l'OTAN s'emploie promouvoir la coopration est celle de la Baltique. A la diffrence des Balkans, o les problmes sont graves et l'intrt de l'OTAN immdiat, ou du Caucase, o les problmes sont tout aussi difficiles rsoudre mais affectent moins directement l'Alliance dans son ensemble, la rgion des Etats baltes, si elle revt pour l'Alliance une importance gopolitique directe, connat une coopration qui est dj en bonne voie et ne ncessite pas le mme niveau de soutien de l'OTAN.

Les progrs ainsi accomplis localement n'ont rien de surprenant, car il s'agit d'une rgion o une coopration existe de longue date. Il est clair qu'une fois devenues des Etats, au dbut du XXe sicle, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont naturellement cherch tablir entre elles une coopration plus troite, pour des raisons gographiques, politiques, conomiques et militaires videntes. Aujourd'hui, cette coopration s'est encore renforce — galement pour des raisons videntes. D'un point de vue gographique, ces trois pays forment toujours une rgion naturelle. Ce sont de petits Etats, dont la population et l'conomie ont des dimensions modestes. En outre, leur volution socioconomique depuis les annes 20 prsente des caractristiques similaires, et il n'existe actuellement aucun vritable sujet de dsaccord entre eux.

C'est sans doute pourquoi l'on peut dire sans risque d'erreur que nulle part dans l'Europe de l'aprs-Guerre froide, la coopration subrgionale n'a t aussi profonde que dans la rgion de la Baltique. Le Conseil des Etats de la mer Baltique (CBSS), qui a t instaur en 1992 l'initiative des ministres danois et allemand des affaires trangres de l'poque, constitue un excellent exemple de groupement rgional russissant dans ses entreprises. Douze pays s'y efforcent ensemble d'approfondir la coopration dans toute une srie de domaines. Si la scurit au sens traditionnel ne figurait pas initialement son programme, le CBSS favorise maintenant la coopration subrgionale pour la lutte contre le crime organis et la recherche et le sauvetage en mer, en recourant mme des units militaires.

Le CBSS a servi de modle pour des entreprises similaires dans d'autres parties de l'Europe, en particulier dans les Balkans. De plus, les activits de coopration menes au niveau des Etats sont tayes par un solide rseau d'organismes spcialiss, ainsi que par des liens tisss entre les provinces, les villes et les communes de toute la rgion. C'est notamment le cas dans le domaine de la scurit, o les trois Etats ont le mme dsir de consolider leur indpendance et de repousser toute instabilit venant de l'Est. Une coopration trilatrale rgulire concernant la protection de l'espace arien, par exemple, a rcemment conduit la cration du Rseau balte de surveillance arienne (BALTNET), systme commun aux trois pays.

Ces pays se rendent galement compte qu'tant donn le caractre limit de leurs ressources de dfense, il est logique qu'ils travaillent ensemble leur dveloppement. Le Groupe d'assistance pour la scurit dans la Baltique travaille efficacement la coordination internationale de l'aide la scurit destine aux forces armes de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie. Le Collge de dfense balte, cole cre principalement l'intention des officiers des Etats baltes et o les cours ont lieu en langue anglaise, est aussi un bon exemple de coopration en matire de formation militaire.

Les trois Etats baltes veulent par ailleurs montrer qu'ils sont de bons partenaires europens, dsireux d'apporter leur contribution la scurit. Leur bataillon commun de maintien de la paix, le BALTBAT, et la Flottille balte (BALTRON) sont des exemples vidents de la mise en uvre d'une coopration concrte. Le BALTBAT a dj particip activement aux oprations de maintien de la paix diriges par l'OTAN dans les Balkans.

L'appui par l'OTAN de la participation des Etats baltes ses oprations de maintien de la paix est l'une des formes d'encouragement que l'Alliance et ses membres apportent la coopration entre les trois pays. Ces oprations ont montr qu'en agissant ensemble, les Etats baltes peuvent disputer un match dans une catgorie suprieure la leur et exercer sur les vnements de la zone euro-atlantique une influence hors de proportion avec la taille de chacun d'eux.

L'OTAN facilite aussi cette coopration par le biais du Plan d'action pour l'adhsion et du Partenariat pour la paix. Ces deux projets visent amliorer les capacits militaires des pays participants et, en particulier, accrotre l'interoprabilit pour les oprations menes conjointement. Il s'agit l de conditions indispensables un renforcement de la coopration rgionale, et les trois Etats baltes s'emploient y rpondre.

Les membres de l'Alliance appuient galement la coopration des Etats baltes au niveau national. Ainsi, le Danemark a jou cet gard un rle de premier plan, en fournissant une aide au Collge de dfense balte et en accueillant des soldats de la paix baltes au sein des formations danoises prsentes dans les Balkans. Les Etats-Unis ont, de leur ct, apport un soutien politique essentiel, qui s'est exprim en particulier dans leur Charte pour la Baltique de 1998, accord qui, comme l'a indiqu l'poque le prsident Bill Clinton, vise encourager une coopration troite entre les Etats baltes et leurs voisins et montrer "la volont de l'Amrique d'aider l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie approfondir leur intgration et se prparer une adhsion l'Union europenne et l'OTAN".

Le lien tabli par le prsident Clinton entre la coopration rgionale et l'appartenance aux institutions euro-atlantiques est important du fait que c'est dans la rgion de la Baltique, en particulier, que l'on se demande parfois si le succs de la coopration rgionale ne risquerait pas de nuire aux aspirations concernant une adhsion l'OTAN. Or, loin de limiter les chances d'une telle adhsion, le succs de la coopration rgionale constitue pour les pays candidats un puissant "argument de vente". L'OTAN est une organisation dont les Etats membres travaillent ensemble, mettent leurs ressources en commun et laborent des politiques par consensus. Le succs de la coopration rgionale n'a pas seulement pour effet de prparer les candidats une adhsion; il montre aussi aux membres actuels de l'Alliance que les pays en cause sont dsireux et capables d'accepter les conditions et les mthodes de travail de l'OTAN — tout en assurant, videmment, la scurit ncessaire l'ensemble des participants.


  1. James Appathurai est Administrateur principal la Section plans politiques de la Division des affaires politiques de l'OTAN.
  2. La Turquie reconnaît la République de Macédoine sous son nom constitutionnel.