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Un nouveau regard sur le rle de l'OTAN dans la scurit europenneMichael RhleAdministrateur principal - planification, Section plans politiques et rdaction des discours, Division des affaires politiques de l'OTAN |
Quel objectif l'OTAN poursuit-elle, prsent que la menace sovitique a disparu?" Dix ans aprs la fin de la Guerre froide, certains posent encore cette question, et elle est lgitime. Aprs tout, la thorie ne nous dit-elle pas que les alliances se dfont une fois que l'ennemi commun a t vaincu? Dans ce cas, pourquoi l'OTAN est-elle encore l? Et pourquoi domine-t-elle encore le dbat sur la scurit europenne - qu'il s'agisse de la Bosnie ou de l'largissement?
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A partir de la gauche, Jorge Domecq, (Directeur du Cabinet), Javier Solana, Secrtaire gnral de l'OTAN, et Anthony Cragg (Secrtaire gnral adjoint pour les plans de dfense et les oprations), juste avant le dbut de la runion du Conseil de l'OTAN sur la crise au Kosovo, le 27 octobre dernier. (Photo OTAN 51Kb) |
Il est vident que la gestion efficace de tels processus requiert la participation de bien d'autres acteurs ct de l'OTAN. En effet, ces dernires annes, toutes les grandes organisations ont cess de ne s'occuper que d'une seule question et se sont engages dans la gestion de ces grandes transformations politiques. Le processus d'largissement de l'Union europenne, ses programmes spciaux pour la Russie ou sa dimension mditerranenne grandissante tmoignent de cette tendance, de mme que le rle jou par l'Organisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE) dans le dsamorage des problmes de minorits en Europe, dans l'organisation d'lections libres en Bosnie ou, plus rcemment, dans la vrification du respect d'un accord au Kosovo.
L'OTAN reste cependant unique, car elle seule dispose des instruments ncessaires pour runir ces processus dans la cohrence. Conjuguant la consultation politique, la comptence militaire et sa vocation transatlantique, l'Alliance apporte une contribution irremplaable la gestion de la dimension scuritaire du processus d'intgration europenne, l'volution de la Russie vers un rle d'acteur responsable dans le domaine de la scurit, au maintien de la relation transatlantique et l'volution de la gestion des crises dans la rgion euro-atlantique.
Equipe prparant le terrain, Pristina, le 18 octobre, pour l'arrive chelonne de 2000 observateurs de l'OSCE qui vrifieront l'application des rsolutions des Nations Unies visant viter une catastrophe humanitaire au Kosovo. Une force de l'OTAN a t prvue pour l'"extraction" d'urgence, en cas de ncessit, des observateurs de l'OSCE. (Photo AP 51Kb) |
Aujourd'hui, cette passivit a disparu. Depuis qu'il a t dcid de dvelopper une Identit europenne de scurit et de dfense (IESD) au sein de l'OTAN, et non en dehors de l'Alliance, l'OTAN contribue activement approfondir l'intgration europenne. En renforant la capacit d'agir de l'UEO dans des cas o une raction militaire europenne pourrait tre prfrable, l'OTAN offre un cadre grce auquel les limites de l'Europe en tant qu'acteur stratgique pourront disparatre progressivement.
Si l'on cherche dvelopper une IESD au sein de l'OTAN, ce n'est pas seulement parce que l'on sait que, dans l'avenir prvisible, le poids militaire de l'Europe restera dpendant du soutien matriel apport par les Etats-Unis. C'est aussi parce que l'on sait que d'autres partenaires stratgiques, comme le Canada, la Norvge et la Turquie, continueront ainsi de participer au processus. Au total, une OTAN plus souple devrait permettre l'Europe de progresser dans l'approfondissement de son intgration sans tre tiraille par une douloureuse opposition entre les ambitions politiques et des moyens militaires limits.
La contribution de l'OTAN l'largissement dans le contexte de l'intgration europenne est encore plus directe: elle consiste largir l'Alliance elle-mme. En effet, la division de l'Europe ne pourra tre vritablement efface que si les nouvelles dmocraties de l'Est ont elles aussi la possibilit d'exercer leur droit de dterminer leur propre politique trangre et leur orientation dans le domaine de la scurit. Compte tenu de l'intgration unique, sur le plan historique, qu'ont ralise l'OTAN et l'UE, il n'y a rien d'tonnant ce que nombre de ces Etats envisagent leur avenir comme membres de ces deux organisations.
Les deux processus d'largissement ont dj fait la preuve de leur valeur en tant qu'instruments efficaces d'un changement bien gr. La seule perspective d'adhrer l'OTAN et l'UE a incit de nombreux pays d'Europe centrale et orientale entreprendre des rformes intrieures et s'efforcer de rgler les diffrends bilatraux. L'engagement crdible de l'OTAN de laisser la porte ouverte de nouvelles adhsions est donc sans doute un des leviers susceptibles de jouer le plus fortement en faveur d'une volution positive de l'environnement stratgique pour les annes venir.
Mais que peut faire l'OTAN pour aider la Russie participer aux transformations qui se produisent en Europe? N'est-elle pas prcisment l'organisation qui exclut le plus manifestement la Russie - et qui est par consquent la plus limite dans ses possibilits de coopration?
Certes, il serait prsomptueux de la part de l'OTAN de revendiquer un rle directeur dans le processus de dmocratisation de la Russie. Mais les efforts de coopration de l'Alliance avec la Russie n'en demeurent pas moins d'une importance cruciale. Ils indiquent que l'OTAN prend au srieux le rle de la Russie en tant qu'acteur de premier plan dans le domaine de la scurit.
L'Acte fondateur OTAN-Russie de mai 1997 a ouvert la voie d'une nouvelle relation de coopration. Il a cr de nouveaux cadres de coopration, dans des secteurs allant de la prvention de la prolifration la formulation de conceptions communes de la gestion des crises. En outre, travers le Conseil conjoint permanent OTAN-Russie, la consultation politique entre l'Alliance et la grande puissance eurasiatique a t institutionnalise. Le CCP comble donc une lacune dans l'architecture de scurit europenne. Mme si les consultations en son sein ne dbouchent pas toujours sur des positions communes, elles permettront de rduire considrablement les malentendus ou le risque de voir mettre des signaux contraires lors d'une crise ventuelle. Et surtout, ces consultations prouvent que l'OTAN et la Russie n'ont pas cd la logique fataliste consistant se dsigner l'une l'autre comme adversaire permanent.
M. William Cohen, Secrtaire la dfense des Etats-Unis ( gauche), aux cts de M. Veiga Simao, Ministre de la dfense du Portugal, lors de la runion informelle des Ministres de la dfense des pays de l'OTAN Vilamoura, au Portugal, le 24 septembre. Des relations transatlantiques fortes sont un lment essentiel l'Alliance. (Photo OTAN 48Kb) |
Telles sont les raisons pour lesquelles une nouvelle architecture de scurit europenne devra toujours tre aussi une architecture euro-atlantique. Mais si l'on veut que le lien transatlantique fonctionne sans heurts dans l'avenir, on ne pourra pas se contenter de faire comme avant. Des deux cts de l'Atlantique se met en place une nouvelle gnration qui ne considre plus l'OTAN travers le prisme de l'exprience personnelle et ou d'un attachement affectif. Cela donne penser que si l'OTAN veut demeurer le forum central de la coopration transatlantique en matire de scurit dans un nouvel environnement de scurit, elle doit tre en mesure de faire face de nouveaux dfis.
La prolifration des armes de destruction massive en est un. Seule la coopration transatlantique peut permettre de la prvenir politiquement, mais aussi de se protger militairement contre ses ventuelles consquences. Il est donc tout fait logique que l'OTAN l'ait inscrite son programme.
Le maintien de bonnes relations transatlantiques demande aussi que l'on aborde la question du juste partage des charges au sein de l'Alliance. Comme il a dj t dit au sujet de l'intgration europenne, l'OTAN s'efforce actuellement de trouver une nouvelle formule de partage des charges entre les deux rives de l'Atlantique travers un renforcement de la capacit d'agir de l'Europe. Cependant, cette politique ne pourra russir que si les Etats-Unis abandonnent leur scepticisme latent quant la capacit de l'Europe d'assumer un rle qui lui soit propre dans le domaine de la scurit. Et de son ct, l'Europe doit essayer d'tablir une IESD non pas tant pour affirmer ses particularits que pour contribuer vritablement un nouveau partenariat transatlantique mieux dvelopp.
L encore, l'OTAN reste l'institution indispensable. Sa comptence militaire unique lui a permis de tisser des liens avec de nombreux pays non membres. Le Partenariat pour la paix (PPP) a incit 27 pays, de la Sude au Kazakhstan, s'engager dans une relation de coopration de caractre militaire avec l'OTAN. Aucune autre institution n'aurait pu susciter un tel lan.
Cette coopration a dj jou un rle important dans la mise en place de l'opration multinationale en Bosnie et en ce qui concerne l'aide aux Etats voisins du Kosovo. En outre, elle facilitera la cration de coalitions militaires futures. Avec le complment politique du PPP qu'est le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA), l'OTAN a ainsi cr un cadre de scurit qui relie les membres de diffrentes organisations, favorise des approches communes de la gestion des crises et de la coopration rgionale, et offre aux anciens pays neutres un moyen de se rapprocher des structures de scurit euro-atlantiques.
Certes, il s'agit l d'un ambitieux critre de mesure des rsultats de l'OTAN, puisqu'il va bien au-del de la dissuasion et de la dfense pour s'intresser la gestion du changement politique long terme. Mais c'est le seul critre qu'il soit utile d'appliquer. Comme l'a dclar un jour M. Javier Solana, Secrtaire gnral de l'OTAN, l'Alliance ne vise plus viter "le pire"; elle vise raliser "le meilleur" - une nouvelle architecture de scurit pour la zone euro-atlantique.