Je suis fermement convaincu de la valeur des réunions périodiques au Sommet. Une réunion de tous les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Alliance est, en elle-même, un événement important. Son succès est impératif – ni l’Alliance dans son ensemble, ni les participants individuels ne peuvent se contenter d’un compromis. Mais cela n’est pas tout. Un sommet constitue un catalyseur utile pour faire la preuve de la cohésion de l’Alliance, pour réaffirmer ses objectifs et pour fixer sa ligne d’action future. Nul ne s’attend que les participants examinent en détail les documents qu’ils approuvent.

Le temps dont ils disposent ne le permet jamais ; en fait, il pourrait être désastreux qu’ils essaient de le faire, car c’est une apparente unanimité, qui exige une préparation minutieuse, qui est l’essence du succès. Cette préparation implique de nombreuses heures de négociations et de transactions ardues entre les Représentants permanents de tous les pays membres et leurs collaborateurs, conformément aux instructions de leur gouvernement. Inévitablement, cette procédure exige que tous les intéressés acceptent des compromis. Mais il ne faut pas en conclure que tous les documents doivent simplement être considérés comme des tentatives de replâtrage, de réalisation d’une unité feinte et éphémère. Dire que les travaux préparatoires ont tout autant de valeur que la réunion au sommet elle-même n’est guère exagéré, car c’est au cours de ces travaux que tous les Alliés s’efforcent véritablement d’aplanir leurs divergences de vues et de démarches, en vue de parvenir à un accord sur les textes qui seront soumis aux chefs d’État et de gouvernement.

Les dirigeants des pays de l’Alliance qui participaient au sommet de Bonn réunis pour les photographes. Mais la presse a-t-elle accordé à cette réunion l’importance qu’elle méritait ?
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Les dirigeants des pays de l’Alliance qui participaient au sommet de Bonn réunis pour les photographes. Mais la presse a-t-elle accordé à cette réunion l’importance qu’elle méritait ?

Cela fut le cas de la réunion au sommet de 1974 qui avait pour objet de ratifier – et de lui donner ainsi un statut et une autorité accrue – la Déclaration sur les relations atlantiques, dont la préparation se poursuivait depuis un an et que les ministres des Affaires étrangères avaient approuvée une semaine auparavant à Ottawa, à une réunion qui marquait le 25e anniversaire de l’Alliance. Les chefs d’État et de gouvernement se réunirent à nouveau en 1975 pour réexaminer et réaffirmer les engagements qui figuraient dans la Déclaration. Au Sommet de Londres de 1977, les participants établirent un programme pour les activités de l’Alliance, dont les résultats furent examinés au Sommet de Washington de 1978. Cette dernière réunion revêtait une importance exceptionnelle ; les chefs d’État et de gouvernement y approuvèrent une étude des tendances à long terme des relations Est-Ouest, dont l’essentiel reste valable aujourd’hui, et y entérinèrent l’objectif d’une augmentation annuelle de trois pour cent en valeur réelle des dépenses de défense ainsi que le programme de défense à long terme qui, outre qu’il fournissait un cadre aux améliorations de la défense classique de l’Alliance au cours des années quatre-vingt, a conduit à la décision à deux volets de décembre 1979 sur la modernisation des forces nucléaires à portée intermédiaire et sur la limitation des armements. Les plans de défense de l’Alliance sont toujours fondés sur la mise en œuvre de ces décisions.

La plus récente de ces réunions au sommet s’est tenue à Bonn le 10 juin 1982. Son succès était tout aussi impératif que précédemment, mais elle était d’une importance particulière pour le Président Reagan, ce Sommet étant le point culminant de sa première visite en Europe depuis son entrée en fonctions dix-huit mois plus tôt. Ainsi, il convenait que soit approuvée à l’unanimité une déclaration retentissante qui contenait un « Programme pour la paix dans la liberté »( ). Si la réunion ne dura que quelques heures, la déclaration et les documents sur la maîtrise des armements et sur la défense qui l’accompagnaient étaient, comme d’habitude, le fruit de nombreuses semaines de discussions ardues. Les principes et les buts de l’Alliance y étaient réaffirmés, clairement et de manière incontestable. Nul ne devrait douter, après avoir lu ces documents, que l’Alliance soit unie sur les questions fondamentales, que le comportement de l’Union soviétique constitue, pour tous les Alliés, la principale menace contre la paix et la stabilité, que la fermeté de l’engagement des États-Unis ne fléchit pas et que la dissuasion et la détente restent les deux piliers de la politique de l’Alliance. En bref, le Sommet a apparemment atteint son objectif premier.

Fort bien. Après plusieurs années durant lesquelles l’image publique de l’Alliance a si souvent été celle du désarroi, cette manifestation d’unité ne pouvait être que bienvenue. Cela dit, on aimerait pouvoir conclure en disant : « et l’Alliance vécut éternellement des jours heureux ». Mais il n’y a aucun espoir qu’il en soit ainsi.

PAS D’ÂGE D’OR DE L’HARMONIE

Ceux qui prétendent avoir vu dans les différends transatlantiques de ces dernières années des germes de désintégration sont loin de la vérité, ou bien ils ont la mémoire courte. Les États-Unis ne peuvent pas davantage se permettre d’abandonner leur alliance avec l’Europe, que l’Europe ses liens avec les États-Unis. Les intérêts d’ordre politique, stratégique et économique des pays sur les deux rives de l’Atlantique sont trop étroitement liés pour être dissociés si exaspérants ou si décevants que puissent se juger les uns ou les autres. En outre, ces différends n’ont rien de très nouveau, à cette exception près que la scène internationale où ils surgissent est en constante évolution – nombre de ceux qui ont éclaté dans le passé semblaient alors tout aussi traumatisants. En revanche, il n’existe pas de plateau dans les relations au sein de l’Alliance. Et il n’existait pas non plus d’âge d’or de l’harmonie dans le passé. Nombre de désaccords sont dus à des différences ineffaçables – différences de dimensions, de géographie, d’histoire et de conjoncture économique. D’autres sont provoqués par des perceptions et des priorités nationales différentes qui sont difficiles à concilier. Le fait est que la cohésion entre les quinze gouvernements de pays membres indépendants – qui sont aujourd’hui seize – n’est maintenue, comme elle l’a toujours été, que grâce à des efforts constants dans tous les domaines d’activité de l’Alliance. Dans quelle mesure le Sommet contribuera-t-il à résoudre – ou à atténuer – les problèmes de l’Alliance ? Telle est la question importante qui se pose à son sujet. Je dois reconnaître que je suis déçu. La Déclaration approuvée au Sommet est ferme sur les principes généraux, mais lamentablement faible au sujet de tel ou tel point précis et des directives pour l’avenir. Bien entendu, les événements des prochains mois montreront peut-être que je me trompe. J’espère qu’il en sera ainsi, mais il n’y a guère de raisons de le penser. Quels sont donc les principaux problèmes ?

L’image publique

Le premier de ces problèmes est l’image publique de l’Alliance qui est mal présentée. Nombreux sont ceux qui ignorent pourquoi elle est nécessaire, ce qu’elle accomplit et comment elle contribue à « la paix dans la liberté » – en particulier, pourquoi le renforcement de la défense n’est pas seulement compatible avec les progrès des négociations sur la limitation des armements, mais est une condition nécessaire de ces progrès. De nombreux adeptes du « Mouvement pour la paix » sont sincères, même s’ils sont induits en erreur. Le soutien que leur accordent ceux qui n’ignorent rien des objectifs de l’Alliance, mais y sont hostiles, est moins sincère.

Dans le cadre de son budget et de son mandat limités, le Service de l’information de l’OTAN fait de son mieux. Mais le message ne passe pas. Par exemple, l’Alliance a publié cette année deux documents remarquables, la première comparaison qui ait jamais été faite entre les forces de l’OTAN et du Pacte de Varsovie, en avril( ) et l’Édition spéciale de la Revue de l’OTAN en juin, qui contiennent des articles d’éminentes personnalités sur divers aspects de la politique de l’Alliance. Le premier est une analyse factuelle qui donne à réfléchir, le second est une évaluation réaliste. Je connais mal la réaction qu’ils ont suscitée dans d’autres pays, mais je ne les ai ni vus ni entendus évoquer dans les médias britanniques. En outre, les nouvelles concernant le Sommet lui-même ont été pratiquement inexistantes. Pour l’homme de la rue, voire le lecteur de la presse quotidienne, il pourrait n’avoir jamais eu lieu. Cependant, si certains points de la Déclaration et du document sur la maîtrise des armements avaient été traités avec imagination, ils auraient pu rivaliser avec l’engagement de M. Brejnev concernant la non-initiative d’emploi de l’arme nucléaire, habilement calculé pour faire les gros titres des journaux la veille de la deuxième Session spéciale des Nations Unies sur le désarmement. L’on dira que cette question relève de la compétence des gouvernements individuels et que chaque pays a ses exigences particulières. Certes, mais les résultats sont, ou devraient être, au centre des préoccupations de l’Alliance tout entière. Je crois que la question de l’image publique de l’Alliance devient d’une importance et d’une urgence telles qu’elle justifie un grand effort de coordination des Alliés. Une certaine réorganisation des services de Bruxelles pourrait être nécessaire à cette fin.

La défense

Le problème de la défense vient ensuite. L’impératif est clair : maintenir un dispositif de dissuasion crédible et éviter tout abaissement du seuil nucléaire. La tâche est bien expliquée dans le document sur la comparaison des forces en présence que j’ai évoqué plus haut. Comment redresser le déséquilibre adverse qui s’accentue ? C’est le problème qui se pose aujourd’hui, comme par le passé. Dans ses limites, l’engagement pris au Sommet de « continuer de renforcer le dispositif de défense de l’Alliance, spécialement en ce qui concerne les forces classiques » ne peut être contesté. Mais ses limites sont étroites. Les mesures qui sont proposées pour remplir cet engagement ne sont guère plus qu’une répétition de celles qui constituent la base des plans de défense de l’OTAN depuis plusieurs années, à une exception insigne près, l’augmentation annuelle de trois pour cent en valeur réelle des dépenses de défense, qui a été entérinée au Sommet de 1978. Le moins que l’on puisse dire est que les européens ont atteint cet objectif de manière inégale. S’il a été réaffirmé par les ministres de la Défense en mai 1982, le fait qu’il ait été omis dans le document adopté au Sommet de Bonn indique implicitement que l’engagement de l’Alliance à son égard est mis en doute. Cela est regrettable. Le fait désagréable est qu’une défense améliorée exige plus d’argent à une époque où les fonds sont rares partout. Le chiffre de trois pour cent est un point de repère utile, même s’il est approximatif, pour l’évaluation des efforts nationaux (selon les autorités militaires, une augmentation de quatre pour cent serait nécessaire).

Étudier les « moyens d’exploiter avec plus d’efficacité les ressources nationales consacrées à la défense » pourrait alléger dans une certaine mesure le fardeau financier supplémentaire qui s’impose. Mais jusqu’à présent la réussite des efforts déployés dans ce sens a été mitigée. Pour obtenir à l’avenir des résultats concrets, il sera nécessaire de briser certains moules généralement acceptés. À cette fin, une puissante impulsion politique s’imposera – et il n’en existe aucun signe avant-coureur. Peut-être aurait-elle été provoquée si le Sommet avait donné pour directive à l’Alliance d’examiner des mesures précises, telles que le réajustement des rôles, la rationalisation des déploiements, la spécialisation fonctionnelle des tâches de logistique et de services et la coopération dans ces domaines. Ainsi que l’a suggéré David Greenwood dans l’Édition spéciale (juin) de la Revue de l’OTAN, l’Alliance pourrait envisager de s’organiser en une entreprise réellement « collective » au lieu de continuer à fonctionner simplement en entreprise « conjointe ».

Mme Margaret Thatcher, Premier ministre britannique et M. Joseph Luns, Secrétaire général de l’OTAN, s’entretiennent avant l’ouverture du Sommet de Bonn.
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Mme Margaret Thatcher, Premier ministre britannique et M. Joseph Luns, Secrétaire général de l’OTAN, s’entretiennent avant l’ouverture du Sommet de Bonn.

Les relations Est-Ouest

Le troisième problème est celui des relations Est-Ouest. La consultation sur cette question, depuis longtemps l’un des aspects des activités de l’Alliance, a toujours été, dans la pratique, la condition préalable de la coordination des politiques de défense. Depuis l’adoption en décembre 1967 du Rapport sur les futures tâches de l’Alliance (dit « Rapport Harmel », du nom du ministre belge des Affaires étrangères qui en avait pris l’initiative) qui soulignait que la poursuite des mesures destinées à favoriser la détente était tout aussi importante, cette consultation est devenue indispensable et permanente. C’est là un des aspects les plus réussis et les plus constructifs de l’évolution politique de l’Alliance. En fait, l’état des relations Est-Ouest étant au cœur même de la sécurité de l’Alliance, il aurait été désastreux pour sa cohésion qu’il en ait été autrement.

Des discussions, souvent animées, n’ont pas manqué de s’engager. Mais l’on peut, je crois, dire sans mentir que, dans l’ensemble, il n’y a eu aucune divergence de vues sérieuse au sujet du comportement de l’URSS, voire de l’évaluation de ses intentions. Les différends, dont les plus aigus ont surgi entre les deux rives de l’Atlantique, reflètent des divergences – souvent profondes – au sujet des mesures qui peuvent, et qui devraient, être prises à leur égard. La distinction entre la conception américaine des relations Est-Ouest, sur le plan mondial, et celle de l’Europe, sur le plan régional, est trop simpliste et, en tout cas, dépassée (tout au moins depuis le contrecoup de l’invasion soviétique de l’Afghanistan qui l’a mise en lumière). Mais cette distinction contient néanmoins un germe de vérité : pour les européens, la détente est une condition nécessaire de la coexistence pacifique (et des précieux échanges commerciaux) sur le continent alors que, pour les américains, elle constitue moins une fin en elle-même que l’issue souhaitable, qui peut, ou non, être atteinte, des efforts destinés à « gérer » l’affrontement entre les super-puissances.

La déclaration du Sommet fait longuement état des relations Est-Ouest et de la détente, bien entendu toujours en termes que les seize gouvernements ont pu accepter. Mais toute illusion concernant la possibilité d’aplanir, d’une manière ou d’une autre, les divergences a été rapidement dissipée par les désaccords qui ont suivi, par exemple sur les crédits commerciaux et le gazoduc. S’étendre sur ces questions serait vain. Mais elles démontrent qu’il est urgent que l’Alliance élabore un Code de conduite pour les relations Est-Ouest, qui donne des directives précises sur l’application des principes adoptés dans la Déclaration. Certes, cette tâche ne sera pas facile, et des compromis s’imposeront. Mais si cet effort n’est pas tenté, la poursuite des divergences existantes accentuera la tension des relations transatlantiques.

Les questions extérieures à la zone du Traité

Enfin, comment régler les questions extérieures à la zone du Traité. L’on a souvent dit que ce problème est le plus important de ceux qu’affrontera l’Alliance au cours des années quatre-vingt. Bien que je ne le place pas au-dessus de ceux que je viens d’évoquer, il est certainement apparu qu’une réflexion nouvelle s’impose à son sujet, si l’on veut que l’Alliance soit en mesure de réagir de manière constructive aux menaces dirigées contre la stabilité et les intérêts vitaux de ses membres qui n’ont pas d’impact direct sur les engagements du Traité.

L’importance de ces questions pour l’Alliance était reconnue dans le Rapport Harmel de 1967, où l’on peut lire que « La zone du Traité de l’Atlantique Nord ne peut être considérée isolément du reste du monde. Les crises et les conflits qui surgissent en dehors de cette zone peuvent compromettre sa sécurité, soit directement, soit en affectant l’équilibre global ». Le rapport recommandait donc que les Alliés continuent de se consulter sur ces questions. Toutefois, la Déclaration sur les relations atlantiques était beaucoup moins catégorique sur ce point : « (Les Alliés) sont fermement résolus … à renforcer la pratique de consultations franches, et en temps opportun, par tous les moyens qui pourraient être appropriés, sur les questions touchant leurs intérêts communs en tant que membres de l’Alliance, en tenant compte de ce que ceux-ci peuvent être influencés par des événements survenant dans d’autres parties du monde ».

L’on n’exagère guère en disant que cette pratique s’est bornée, pour l’essentiel, à des exposés et des échanges d’informations limités qui peuvent – et c’est bien le cas – révéler des divergences entre les membres de l’Alliance sur le fond et les méthodes, aussi bien que sur les priorités nationales. Le rôle de la consultation devrait être d’aplanir ces divergences. Mais, pour être efficace, une telle consultation doit être réellement réciproque sans qu’une question n’en soit exclue, si délicate et si sujette à controverse qu’elle puisse être. L’Alliance doit, cela est vrai, marcher sur la corde raide entre l’apparence d’une ingérence ouverte dans les affaires des pays et d’une inaptitude à se concerter sur la meilleure manière de sauvegarder ses intérêts. Malheureusement, l’on a souvent l’impression que c’est cette inaptitude, plutôt que la crainte d’une ingérence, qui entrave ses activités. Y-a-t-il peut-être là un rôle à jouer pour la coopération politique entre les Dix de la Communauté européenne ? Les Dix ont consacré de grands efforts à améliorer la coordination de leurs politiques étrangères et à élaborer un « point de vue européen ». Si les résultats ainsi obtenus pouvaient être utilisés d’une manière ou d’une autre pour renforcer la procédure de consultation au sein de l’Alliance, cela ne pourrait être que bénéfique. La Déclaration du Sommet de Bonn ne va pas plus loin que les communiqués publiés par les ministres des Affaires étrangères après leurs deux réunions de 1981. Mais le dernier mot sur cette question n’est sûrement pas dit.

UNE FORMIDABLE TÂCHE POUR LES ANNÉES QUATRE-VINGT

Rien de ce qui précède ne peut déprécier les réalisations indiscutables de l’Alliance. Sa survie depuis trente-trois ans prouve largement sa réussite et, même si elle ne fait que cela, la Déclaration du Sommet témoigne de sa constante vitalité et de son importance permanente pour tous ses membres. Que l’Alliance soit capable d’agir collectivement et qu’elle ait la volonté de le faire ne peut être mis en doute. À titre d’exemples remarquables, on peut citer, depuis quelques années, sa décision à deux volets de décembre 1979 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, sa ferme position de décembre 1980 sur la Pologne, appuyée par des plans de circonstance, et la spectaculaire manifestation de solidarité alliée à la Conférence de Madrid sur la sécurité européenne, tout au long de l’année 1981, aussi bien lors de la présentation du plaidoyer européen en faveur des droits de l’homme qu’à l’appui de l’initiative française concernant les mesures de confiance.

Tout au long de son existence, la capacité d’adaptation que l’Alliance devait posséder ne lui a jamais fait défaut, ainsi que le montre la manière dont elle a rétabli son équilibre pendant l’été de 1980, après une pénible période de désunion à la suite de l’invasion soviétique de l’Afghanistan, et à nouveau en janvier 1981, à la suite de signes de désarroi similaires provoqués par l’instauration de la loi martiale en Pologne. Mais la tâche à accomplir pendant les années quatre-vingt reste formidable. Pour conserver le soutien de l’opinion publique, et en particulier celui de la jeune génération, nous devons tracer une juste image de l’Alliance, pour maintenir la crédibilité de la dissuasion, nous devons trouver des moyens d’améliorer l’efficacité de nos forces classiques, pour opposer une riposte cohérente au défi soviétique, nous devons concilier d’une manière quelconque nos divergences au sujet des relations Est-Ouest et pour résister avec succès aux menaces qui pèsent sur les intérêts mondiaux de l’Alliance, nous devons concevoir des moyens de mieux coordonner nos stratégies.

L’Alliance a retrouvé son équilibre après une période de désunion qui a suivi l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Ci-dessus, des soldats armés montent la garde devant les mosquées de Kaboul peu de temps après l’invasion.
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L’Alliance a retrouvé son équilibre après une période de désunion qui a suivi l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Ci-dessus, des soldats armés montent la garde devant les mosquées de Kaboul peu de temps après l’invasion.

Nul ne peut s’attendre qu’un seul Sommet réussisse à résoudre ces problèmes. Mais celui de Bonn aurait pu indiquer le moyen de s’y attaquer, peut-être en déclarant son intention d’examiner les progrès accomplis à un autre Sommet qui se tiendrait l’année prochaine. Cela n’ayant pas été fait, l’initiative en est laissée aux ministres des Affaires étrangères et aux ministres de la Défense, qui tiendront leurs réunions habituelles vers la fin de l’année. En l’absence de directives claires des chefs d’État et de gouvernement, leur tâche pourrait ne pas être facile. Mais j’espère qu’ils examineront sérieusement un expédient possible – l’organisation – d’un « Examen spécial », en dehors du cadre normal de l’Alliance. Cette méthode a été adoptée à deux reprises par le passé. Tout d’abord, en 1956, lorsque fut créé un Comité (le Comité des Trois) chargé de « présenter au Conseil des recommandations quant aux mesures à prendre pour améliorer et développer la coopération entre pays de l’OTAN dans les domaines non militaires et pour accroître l’unité au sein de la Communauté atlantique ». Les Trois sages ont établi un rapport magistral dont sont issues les pratiques et les procédures politiques, telles qu’elles existent aujourd’hui. Une seconde fois, en décembre 1967, lorsque les ministres des Affaires étrangères ont approuvé le Rapport Harmel qui avait été fondé sur des études dirigées par cinq personnalités éminentes nommées par divers gouvernements membres. Ses principes généraux s’appliquent toujours aux politiques et aux activités de l’Alliance.

Si remarquables que soient ces deux rapports, ils datent de vingt-six et quinze ans respectivement – il est donc grand temps d’entreprendre un nouvel examen qui tienne compte des problèmes et de la conjoncture en évolution des années quatre-vingt. Les deux examens précédents sont entièrement différents : les Trois sages ont travaillé de manière à peu près indépendante, l’exercice Harmel a été attentivement contrôlé. À mon avis, c’est en adoptant la première de ces méthodes que l’on répondrait le mieux aux besoins de l’Alliance, mais je comprendrais fort bien que des gouvernements prudents puissent préférer la seconde. Quelle que soit la démarche choisie, je ne doute guère que, pour que l’Alliance remporte au cours des années quatre-vingt les mêmes succès que pendant ses trente ans d’existence, la décision doive être prise à bref délai et que la seule option qui ne soit pas ouverte soit l’immobilisme.