En 2014, au sommet du pays de Galles, le premier auquel je participais en tant qu’ambassadeur suédois auprès de l’OTAN, la Suède s’est vu offrir, en même temps que quatre autres partenaires, des possibilités accrues de dialogue et de coopération. La Suède avait commencé à collaborer avec l’OTAN 20 ans plus tôt, en adhérant au Partenariat pour la paix. Venant s’ajouter à d’autres formes de partenariat, le programme « nouvelles opportunités » a permis le développement d’une relation plus flexible et plus individualisée. L’octroi de ce statut a coïncidé avec l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et l’intervention militaire de cette dernière dans l’est de l’Ukraine, ainsi qu’avec notre projet de loi sur la défense pour la période 2016-2020. Nous étions ainsi à la fois face à la nécessité de réfléchir à notre propre politique de défense et face au dramatique constat qu’un pays européen était prêt à violer l’ordre de sécurité existant en utilisant sa puissance militaire. Dès lors, nous n’avons pas attendu pour profiter des possibilités offertes par le nouveau programme.

En Suède, comme dans la plupart des pays européens, les événements de 2014 ont remis la défense et la sécurité au cœur des priorités politiques. La fin de la Guerre froide avait fait croire à l’avènement d’une paix éternelle et, dans les décennies qui ont suivi, la défense nationale a fait l’objet de moins d’attention. En l’absence de menaces évidentes pour la sécurité de notre pays, nous avons progressivement abandonné le principe d’une défense nationale forte conçue pour prévenir et parer toute invasion à grande échelle. Les gouvernements successifs ont réduit le budget de la défense et ont donné la priorité aux missions internationales visant à stabiliser l’Europe et son voisinage. Nous avons ainsi connu un allègement progressif du dispositif de défense national, qui a été réorienté en particulier vers les forces expéditionnaires.

Officier de liaison suédois servant au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité. Dirigée par l’OTAN en Afghanistan, cette mission a pris fin en décembre 2014. © Ministère suédois de la Défense
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Officier de liaison suédois servant au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité. Dirigée par l’OTAN en Afghanistan, cette mission a pris fin en décembre 2014. © Ministère suédois de la Défense

Aujourd’hui, c’est au Mali (MINUSMA) que notre contribution militaire à une mission internationale est la plus importante. Plus de 80 000 Suédois(es) ont pris part aux missions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de l’Union européenne (UE), de l’OTAN et à d’autres missions de soutien de la paix partout dans le monde. La Suède a participé à l’ensemble des missions dirigées par l’OTAN sous mandat de l'ONU, et elle continue de contribuer activement à la Force pour le Kosovo dans les Balkans occidentaux ainsi qu’à la mission Resolute Support, qui consiste à dispenser formation, assistance et conseils aux forces et aux institutions de sécurité afghanes. Un tel engagement a largement contribué à renforcer l’interopérabilité entre les forces armées suédoises et leurs partenaires internationaux, mais doit également être considéré comme un acte de solidarité internationale.

Au cours des décennies qui ont suivi la période de la Guerre froide (1949-1989), l’OTAN s’est concentrée sur les missions internationales de gestion de crise. La Suède s’est vu octroyer le statut de partenaire bénéficiant du programme « nouvelles opportunités » (partenaire EOP) au moment où l’OTAN décidait de s’adapter et d’opérer un recentrage afin de tenir compte des nouvelles réalités. Il est alors apparu évident qu’il était dans l’intérêt de l’OTAN et de la Suède de resserrer leur collaboration, face à la détérioration de l'environnement de sécurité et à la nécessité pour l’OTAN de mettre l’accent sur la défense collective et sur la défense de l’Europe. De plus, la nécessité de considérer la région de la mer Baltique comme une seule et même zone stratégique nous a naturellement poussées à élargir notre coopération.

La Suède a identifié trois domaines prioritaires : les consultations politiques, les exercices et le partage d’informations. Ces trois dernières années, nous avons beaucoup progressé dans chacun d’entre eux. En 2016, lors du sommet de Varsovie, l’OTAN a souligné qu’il était nécessaire d’organiser des consultations politiques régulières, de partager la connaissance de la situation et de mener des exercices conjoints avec la Finlande et la Suède. La collaboration mise en place à cet effet avec nos collègues des pays de l’Alliance et avec les services de l’OTAN a été aussi instructive que gratifiante.

L’ordre mondial menacé

Nos défis communs sont les plus vastes et les plus complexes que nous ayons connus depuis des décennies. Des puissances régionales et des acteurs non étatiques testent les limites de leur force en défiant leurs voisins, d’autres États et les institutions internationales. Les menaces sont multiples et plus complexes. La réactivité des forces armées et les capacités militaires resteront essentielles, mais ne suffiront pas à répondre aux menaces terroristes, aux cybermenaces ou aux menaces hybrides, auxquelles il convient de réagir par un renforcement – et non pas une diminution – de la coopération internationale.

Forces suédoises participant à l’exercice BALTOPS de l’OTAN en 2015.
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Forces suédoises participant à l’exercice BALTOPS de l’OTAN en 2015.

À cet égard, les récentes avancées de la coopération UE-OTAN sont encourageantes. La Suède figure parmi les États membres de l’UE ayant déclaré leur intention de rejoindre la nouvelle coopération structurée permanente (CSP), un cadre et un processus inscrits dans le traité sur l’Union européenne qui visent à promouvoir un approfondissement de la coopération en matière de défense et de sécurité entre les États membres de l’UE qui en sont capables et le souhaitent. L’Union européenne, l’OTAN, les États-Unis et les partenaires mondiaux doivent continuer à défendre un ordre mondial reposant sur le droit international et le respect des droits de l’homme. Un lien transatlantique fort est important pour la stabilité de l’OTAN et de l’Europe. En agissant ensemble au sein d’enceintes internationales ainsi que dans le cadre d’opérations et d’exercices, nous réduisons la probabilité d’une agression.

Ensemble, la Charte des Nations Unies et les principes et engagements souscrits dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) constituent le socle de la sécurité européenne. Un élément fondamental de ces préceptes est le droit de tous les États à l’intégrité territoriale, en ce compris le principe interdisant la modification des frontières nationales par le recours à la force, ainsi que le droit de chaque État à décider de sa politique de sécurité. La Suède salue l'initiative américaine de dissuasion pour l'Europe ainsi que la présence accrue de l’OTAN dans la région de la mer Baltique, qui contribuent à la stabilité de la région dans son ensemble. Pour répondre à la posture militaire agressive et aux actions imprévisibles de la Russie, la Suède a notamment renforcé sa défense nationale et développé la coopération dans le domaine de la sécurité. Associée à une diplomatie active passant par le dialogue, cette démarche nous permet de réaffirmer notre attachement au droit international et aux valeurs et principes de la démocratie.

Transformation de la politique suédoise de défense

La sécurité nationale est notre première responsabilité. Elle est directement liée à la paix et à la stabilité en Europe du Nord. En 2017, le gouvernement suédois a adopté une stratégie de sécurité nationale, document-cadre définissant les intérêts nationaux et les menaces dans différents domaines. La politique de défense de la Suède, qui bénéficie d’un large appui parlementaire, vise, d’une part, à moderniser les capacités militaires du pays et, d’autre part, à renforcer la coopération avec d’autres pays et organisations.

La Suède investit dans de nouvelles capacités, notamment une nouvelle génération d’avions de chasse Gripen. Crédit photo : Luftstridsskolan et Forsvarsmakten
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La Suède investit dans de nouvelles capacités, notamment une nouvelle génération d’avions de chasse Gripen. Crédit photo : Luftstridsskolan et Forsvarsmakten

À partir de 2015, une nouvelle tendance s’est dessinée dans le domaine des dépenses de défense. Pour la première fois en plus de vingt ans, le gouvernement a décidé d’augmenter le budget consacré à la défense, et ce de 11 % d’ici 2020. La tendance s’est confirmée en 2017, avec un accord multipartite portant l’augmentation totale à 17 % sur cinq ans.

La Suède œuvre actuellement à la création d’un réseau de coopération en matière de défense. Nous entretenons depuis longtemps une relation privilégiée avec la Finlande, qui est, comme la Suède, un pays militairement non aligné et un partenaire EOP. Ensemble, nous planifions des actions conjointes pour le temps de paix, mais pas seulement. Nous travaillons en étroite collaboration avec les pays nordiques et les pays baltes ainsi qu’avec l’Allemagne, la Pologne, le Royaume-Uni et les États Unis.

Conscription, capacités et résilience

En 2017, le gouvernement suédois a décidé de restaurer le système de conscription national. Le service militaire deviendra obligatoire pour les hommes et les femmes à compter du 1er janvier 2018, et environ 4 000 recrues devraient être incorporées la première année.

Figurent également au rang de nos priorités le rétablissement d’une présence militaire sur l'île de Gotland et l’augmentation du nombre d’activités de formation et d’exercices. La participation aux exercices de l’OTAN les plus poussés et les plus complexes est essentielle pour développer l’interopérabilité et se préparer à une éventuelle coordination avec des pays partenaires. Deux sous-marins de nouvelle génération sont en construction et les capacités de lutte anti-sous-marine feront l’objet d’investissements supplémentaires. Dans le secteur de la défense aérienne, nous allons continuer à investir dans une nouvelle génération d’avions de chasse Gripen, et le gouvernement a récemment décidé de lancer une procédure d'acquisition pour le système de défense aérienne Patriot. Une décision finale devrait être rendue en 2018.

Si la principale priorité du projet de loi sur la défense est de renforcer la capacité de combat des forces armées, l’un de ses objectifs est également de rétablir une approche de la sécurité mobilisant tous les niveaux de l'État et de renforcer la résilience en s’alignant sur les sept exigences de base fixées par l’OTAN lors du sommet de Varsovie.

Toutes ces mesures indiquent clairement que nous prenons la sécurité très au sérieux.

Militairement non alignée mais pas neutre

Si la Suède est toujours militairement non alignée, elle ne vise plus la neutralité en cas de conflit, comme lors de la Guerre froide. Notre doctrine d’alors consistait à dire que notre non-alignement en temps de paix nous autorisait à rester neutres en temps de guerre. Avec notre adhésion à l’Union européenne en 1995, cet ancien principe de neutralité est devenu obsolète. En effet, l’article 42, paragraphe 7, introduit par le traité de Lisbonne (ratifié en 2007) dispose qu’au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies.

Aurora 17, le plus grand exercice militaire mené par la Suède en plus de vingt ans, a eu lieu du 11 au 29 septembre 2017. La photo représente un bataillon amphibie se déplaçant en formation dans l’archipel méridional du pays, lieu stratégique pour la défense de Stockholm, la capitale. © Forces armées suédoises
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Aurora 17, le plus grand exercice militaire mené par la Suède en plus de vingt ans, a eu lieu du 11 au 29 septembre 2017. La photo représente un bataillon amphibie se déplaçant en formation dans l’archipel méridional du pays, lieu stratégique pour la défense de Stockholm, la capitale.
© Forces armées suédoises

En 2009, le parlement suédois a adopté à l’unanimité une déclaration de solidarité, qui fait depuis lors partie de notre doctrine en matière de politique de sécurité. Elle stipule que “la Suède n’appartient à aucune alliance militaire. L’action collective et la coopération avec d'autres pays sont les meilleurs moyens d’écarter les menaces qui pèsent sur la paix et sur notre sécurité. Il est impossible d’imaginer dans notre région un conflit militaire qui n’affecterait qu’un seul pays. La Suède ne restera pas passive si une catastrophe ou une attaque frappe un autre État membre de l'UE ou un pays nordique, et elle compte sur ces pays pour réagir de même si elle était elle même touchée. Elle doit donc pouvoir à la fois fournir et recevoir un soutien militaire.

En 2016, le gouvernement a adopté un projet de mémorandum d’entente avec l’OTAN sur le soutien du pays hôte. Le but de ce mémorandum est de faire en sorte que la Suède soit en mesure, en tant que pays hôte, de fournir un soutien efficace aux activités militaires menées sur son territoire dans le cadre d’exercices, de crises ou d’opérations militaires se déroulant en Suède et à proximité. En septembre 2017, nous avons procédé à l’exercice national Aurora, avec la participation de plusieurs pays européens et des États-Unis. Il s’agissait du plus grand exercice militaire organisé par la Suède depuis plus de deux décennies, auquel ont pris part près de 20 000 militaires et plus de 40 organismes. L’exercice a été planifié et réalisé avec le souci de la transparence. Une invitation a été adressée aux observateurs internationaux, dont la Russie et le Bélarus, conformément au Document de Vienne (accord conclu entre les États participants de l'OSCE visant à mettre en œuvre des mesures de confiance et de sécurité).

Un partenaire proche, mais pas un membre de l’Alliance

Nos premières années en tant que partenaire EOP ayant été jugées fructueuses, nous bénéficierons de ce statut pendant trois années supplémentaires. Je suis convaincu que nous pouvons encore approfondir notre coopération avec l’OTAN. Si nous avons des valeurs et des intérêts communs, nous devons également tenir compte des restrictions politiques et militaires qui distinguent les pays partenaires des pays de l’Alliance. Nous nous réjouissons à la perspective de discuter avec les Alliés et les responsables de l’OTAN des priorités et des prochaines étapes de notre coopération. Enfin, je tiens à exprimer ma gratitude envers mes collègues des pays de l’Alliance et les services de l’Organisation, qui ont tout mis en œuvre pour que nous puissions tisser des liens encore plus forts.