À l’été 2011, on célébrera le dixième anniversaire du Programme d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects. Quels effets ce programme a-t-il réellement eus, demande Sarah Parker ?

En 2001, les États membres de l’ONU ont signé un plan politiquement contraignant pour s’attaquer au problème des armes de petit calibre. Cette décision est intervenue dans le contexte d’une prise de conscience grandissante du fait que la fabrication, le transfert et la circulation illicites d’armes légères et de petit calibre – et leur accumulation excessive et leur dissémination incontrôlée dans de nombreuses régions du monde – portaient préjudice à la sécurité et au développement humains.

Le Programme d’action 2001 des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects voyait le jour. Dix ans plus tard, il est crucial d’examiner quels progrès ont été réalisés.

Mesurer les « progrès » enregistrés dans la mise en œuvre du programme d’action des Nations Unies n’est pas une tâche aisée

Il faut savoir, auparavant, ce que ce programme d’action contient exactement : des engagements nationaux, régionaux et mondiaux pour prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite d’armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects. Ceux-ci couvrent un large éventail de domaines, dont :


  • la fabrication d’armes de petit calibre,

  • le marquage,

  • la conservation des informations et le traçage,

  • la gestion et la sécurité des stocks,

  • l’identification et l’élimination des surplus,

  • les transferts internationaux,

  • le courtage,

  • la sensibilisation de l’opinion publique,

  • les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR),

  • et la coopération et l’assistance internationales pour faciliter l’application du programme d’action.

© Reuters Ricardo Moraes
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© Reuters Ricardo Moraes

Mesurer les « progrès » enregistrés dans la mise en œuvre du programme d’action n’est pas une tâche aisée. Plusieurs facteurs entravent notre capacité à déterminer ou à évaluer la mesure dans laquelle les États respectent les engagements pris dans le cadre de ce programme.

Premièrement, il n’existe pas de processus de contrôle officiel du programme. Aucun mécanisme ou organe n’a été créé pour évaluer le respect des engagements des États. Les dispositions de suivi du programme prévoient des réunions « d’examen » de l’application tous les deux ans. En dehors de cela, il est prévu que les États établissent « à titre volontaire » des rapports sur leurs activités de mise en œuvre. L’examen, limité, du respect des engagements et de l’application dépend donc des rapports et des évaluations établis par les pays eux-mêmes.

Deuxièmement, si la gamme des problèmes et des mesures de maîtrise des armes de petit calibre couverte par le programme est large, de nombreux engagements sont « ouverts » ; ils énoncent une série d’objectifs importants, mais décrivent rarement les mesures concrètes que les pays doivent prendre pour les atteindre.

Le programme indique, par exemple, que les États doivent mettre en place des lois, des réglementations et des procédures administratives adéquates pour exercer un contrôle efficace de la production, de l’exportation, de l’importation, du transit ou de la réexpédition d’armes légères et de petit calibre, mais il ne donne pas de précisions sur ces lois adéquates, ou sur ce qu’il faut entendre par « contrôle efficace ».

L’établissement de rapports sur la mise en œuvre du programme d’action des Nations Unies a été globalement satisfaisant. 34 États membres n’ont toutefois jamais rédigé de tel rapport

Malgré cela, plusieurs développements prometteurs sont intervenus dans le processus du programme d’action. Le niveau de participation au processus de compte rendu a, par exemple, été très large. Entre 2002 et 2010, 158 États membres ont au moins rédigé un rapport sur leur mise en application (même si 34 États membres n’en ont jamais établi).

Les rapports ont été plus nombreux pendant les années où se sont tenues les réunions biennales (2003, 2005, 2008 et 2010). La présentation de rapports biennaux, et non annuels, semble être devenue une pratique bien établie.

Plus de 580 rapports nationaux ont été présentés depuis 2002 sur les progrès réalisés par les pays, le soutien qu’ils ont apporté ou reçu, et les besoins qui n’ont pas été satisfaits concernant la mise en œuvre du programme d’action.

Ce que les statistiques ne font pas apparaître, c’est la qualité des informations et le degré de précision des rapports soumis, qui varient considérablement. Il est donc difficile de comparer les rapports nationaux, ce qui entrave, du même coup, l’évaluation globale de l’application du programme.

L’absence de format obligatoire pour la présentation des rapports a contribué à ces divergences. Un modèle a été mis au point pour aider les pays, mais il n’a pas été utilisé de manière uniforme, et il ne couvre pas, par ailleurs, la totalité des engagements prévus dans le programme. Le Bureau des affaires de désarmement des Nations Unies a maintenant revu ce modèle pour le rendre plus complet, ce qui facilite l’établissement des rapports.

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© Reuters Faleh Kheiber_2

La tendance à la présentation de rapports biennaux pourrait contribuer à améliorer la quantité et la qualité des rapports, et l’utilisation du nouveau modèle devrait permettre une meilleure comparaison des rapports nationaux.

D’autres outils mis au point par le Bureau, comme la mise en regard via Ie Web des besoins et des ressources en matière de coopération et d’assistance internationales pour la mise en œuvre du programme d’action, offrent également des perspectives d’amélioration.

Mais la comparabilité des rapports nationaux est limitée, non seulement en raison des divergences de pratiques de compte rendu, mais aussi à cause du manque de spécificité de nombreux engagements et de l’absence de points de référence.

Cependant, plusieurs développements intervenus dans le processus du programme vont permettre aux pays de mieux comprendre ce qu’il faut entendre par contrôles adéquats et efficaces (et, du même coup, fournir un point de référence pour mesurer les progrès réalisés dans la mise en œuvre). On peut citer à cet égard :

  • L’élaboration de normes internationales sur la maîtrise des armes de petit calibre par le Mécanisme des Nations Unies pour la coordination de l’action concernant les armes légères. Celles-ci fourniront des orientations sur l’application ainsi que des points de référence mesurables pour évaluer le caractère adéquat des efforts menés par les pays.


  • L’adoption de l’instrument international visant à permettre aux États de procéder à l’identification et au traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre illicites (l’Instrument de traçage international ou ITI). L’ITI contient des engagements politiquement contraignants destinés à améliorer la traçabilité des armes légères et de petit calibre grâce à un meilleur marquage, à une meilleure conservation des informations et à un renforcement de la coopération internationale. Il se fonde sur les dispositions en matière de marquage et de traçage qui figurent dans le programme d’action.


  • Une compréhension croissante et évolutive des engagements du programme d’action et des points de référence pour évaluer sa mise en œuvre. Par exemple, le rapport du Groupe d’experts gouvernementaux sur le courtage contient des recommandations telles que la conservation des informations par les courtiers et/ou l’État et des exemples de sanctions qui pourraient être imposées en cas d’activités de courtage illicites. Autre exemple : la réunion biennale de 2008, qui a mis en lumière la nécessité de réduire au minimum les effets des programmes de destruction sur l’environnement.

Ces développements sont, certes, prometteurs, mais on ne sait pas si les États tireront parti de ces nouveaux outils. Par exemple, un peu moins d’un tiers seulement de tous les pays qui ont présenté des rapports ITI en 2010 ont fourni des informations précises sur leur mise en application de cet instrument, bien que celui-ci prévoie un engagement ferme de comptes rendus nationaux tous les deux ans.

Le niveau décevant de la soumission de rapports sur l’ITI donne à penser que six ans après son adoption, soit les États ne savent généralement pas qu’ils ont l’obligation de rendre compte de sa mise en œuvre, soit qu’ils ont choisi de ne pas en rendre compte spécifiquement.

Il convient d’aller au-delà du texte des rapports nationaux et d’intégrer les détails de mise en œuvre qui font défaut

En résumé, dix ans après son adoption, le programme d’action ne doit pas être considéré isolément. Il a servi a établir le cadre normatif pour la maîtrise des armes de petit calibre, mais il est en fait « complété » actuellement par d’autres instruments et processus qui renforcent et développent ses dispositions. La poursuite de la mise en place de points de référence spécifiques et d’orientations pratiques pour la mise en œuvre contribuera, si ces éléments sont intégrés dans les pratiques nationales de compte rendu, à l’évaluation des progrès globaux réalisés dans l’application du programme d’action. Il reste à voir si cela se traduira par des mesures concrètes au niveau des États.

La Conférence d’examen 2012 fournira une occasion de dresser le bilan d’application global. Une dizaine d’années après l’adoption du programme d’action, il apparaît clairement que si les rapports nationaux constituent une base importante pour toute évaluation de ce type, les informations qu’ils contiennent sont rarement suffisantes. Il convient d’aller au-delà du texte de ces rapports et d’intégrer les détails de mise en œuvre qui font défaut, et de vérifier, par ailleurs, les informations contenues.

Autre question concernant le programme d’action et l’ITI, qui va au-delà des données factuelles sur l’application : celle-ci a-t-elle l’impact qu’elle était censée avoir ? Le programme d’action prévient-il, combat-il ou éradique-t-il effectivement le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects ?

Actuellement, l’accent est mis sur l’amélioration de notre compréhension de la mise en œuvre et sur la détermination de la mesure dans laquelle les pays appliquent effectivement le programme. À moyen et à long terme, ces deux questions seront en effet cruciales pour déterminer la voie qu’il conviendra de suivre dans l’avenir s’agissant des armes de petit calibre. Les États appliquent-ils le programme d’action ? Celui-ci a-t-il un impact sur le commerce illicite d’armes de petit calibre ? La Conférence d’examen de 2012 aura un rôle clé à jouer pour orienter le processus vers une réponse à ces questions.