Header
Version électronique 1998 Manuel de l'OTAN

 
L'ouverture de l'Alliance

Coopération entre l'OTAN et la Russie

Depuis la fin de la Guerre froide, l'OTAN voit dans le développement de relations constructives et coopératives avec la Russie un élément clé de la sécurité et de la stabilité devant servir les intérêts de la communauté internationale dans son ensemble. S'appuyant sur leur première coopération dans le cadre du Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA), à partir de 1991, et sur la décision ultérieure de la Russie d'adhérer au Partenariat pour la paix, l'Alliance et la Russie ont conclu, le 22 juin 1994, un accord visant à ce que soient poursuivis «un dialogue et une coopération larges et renforcés», en plus des activités prévues dans le cadre du PPP. Un certain nombre de domaines ont été précisés pour ce programme de coopération supplémentaire, et d'autres thèmes y ont été ajoutés par la suite.

Des réunions entre les seize pays membres de l'Alliance et la Russie (dites réunions à «16+1») tenues aux niveaux des Ministres, des Ambassadeurs et des experts ont permis l'organisation d'échanges d'informations et de consultations sur des questions d'intérêt commun. Les domaines choisis pour le développement de la coopération comprenaient le maintien de la paix, la sécurité écologique, la science et les questions humanitaires. Pour ce qui est de la politique d'information, de nouvelles initiatives ont été prises, dont des dispositions visant à améliorer, en Russie, l'accès aux informations concernant l'OTAN. Dans un premier temps, un responsable de l'information sur l'OTAN a été envoyé à Moscou, où il a pris ses fonctions au cours de l'été 1995.

Des initiatives ont également été lancées dans d'autres domaines. Le 20 mars 1996, un Mémorandum d'entente sur les plans civils d'urgence et l'état de préparation aux catastrophes a été signé par l'OTAN et le Ministère de la Fédération de Russie chargé de la protection civile, des situations d'urgence et de l'élimination des conséquences des catastrophes naturelles (EMERCOM), dans le cadre du Partenariat pour la paix. La Fédération de Russie s'y engageait à développer la coopération avec les pays de l'OTAN dans ce domaine. Les travaux menés par la suite ont porté leurs fruits, débouchant notamment sur la création d'un Centre euro-atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe et d'une Unité euro-atlantique de réaction en cas de catastrophe, en mai 1998 (voir le chapitre 8)

Une coopération étroite et efficace entre la Russie et l'OTAN pour la mise en uvre des aspects militaires de l'Accord de paix de 1995 sur la Bosnie-Herzégovine a ajouté une nouvelle dimension à l'évolution du partenariat de sécurité OTAN-Russie. La participation de troupes russes, aux côtés des contingents des pays alliés et d'autres pays partenaires, à la Force de mise en uvre (IFOR) dirigée par l'OTAN, à laquelle a succédé la Force de stabilisation (SFOR), est le reflet d'une responsabilité politique partagée s'agissant de la mise en uvre de l'Accord. Elle montre aussi de façon concrète que l'OTAN et la Russie peuvent collaborer efficacement à la construction de la sécurité coopérative en Europe, et elle a aidé les deux parties à dissiper les idées fausses que chacune pouvait avoir de l'autre. La participation d'unités russes aux opérations en Bosnie a été préparée et soutenue par des officiers russes en poste au SHAPE, qui ont joué un rôle essentiel dans le développement de relations de travail qui, bien que sans précédent, ont toujours montré un haut niveau d'efficacité et de professionnalisme.

Dans ce contexte, à leur réunion du 10 décembre 1996, tenue à Bruxelles, les Ministres des affaires étrangères des pays de l'OTAN ont demandé au Secrétaire général d'explorer avec la partie russe les possibilités de conclure un accord visant à approfondir et élargir les relations OTAN-Russie et à offrir un cadre pour leur développement futur. A l'issue de quatre mois d'intenses négociations entre MM. Solana, Secrétaire général de l'OTAN, et Primakov, alors Ministre russe des affaires étrangères, un accord est intervenu sur un document intitulé «Actefondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l'OTAN et la Fédération de Russie». Cet Acte a été signé à Paris, le 27 mai 1997, par le Secrétaire général de l'OTAN et les Chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'Alliance atlantique et par le Président de la Fédération de Russie.

L'Acte fondateur OTAN-Russie est l'expression d'un engagement durable, souscrit au plus haut niveau politique, d'uvrer ensemble à la construction d'une paix également durable et ouverte à tous dans la zone euro-atlantique. Il crée le cadre d'un nouveau partenariat de sécurité, constituant l'une des étapes de l'édification d'une Europe stable, pacifique et sans division. Il permet à l'Alliance et à la Russie d'établir entre elles une relation plus étroite, servant non seulement leurs propres intérêts, mais aussi, dans une perspective plus large, ceux de tous les autres Etats de la zone euro-atlantique.

Les quatre sections du document exposent les principes et les mécanismes régissant le partenariat entre l'OTAN et la Russie. Un préambule décrit le contexte de l'accord intervenu et souligne la détermination de chacune des deux parties à réaliser ses objectifs, en rappelant qu'elles ont toutes deux connu une transformation fondamentale depuis la fin de la Guerre froide.

La section I de l'Acte fondateur énonce les principes de base du partenariat OTAN-Russie. En vue de la concrétisation de ce partenariat, la section II prévoit la création d'une nouvelle instance, le Conseil conjoint permanent OTAN-Russie (CCP), pour les consultations, la coopération et, dans toute la mesure du possible, l'obtention de consensus et la prise de décisions communes. L'Acte fondateur confie au CCP les missions suivantes :

  • tenir des consultations régulières sur une large gamme de questions en rapport avec la politique ou la sécurité, décrites dans la section III;

  • sur la base de ces consultations, aboutir à des initiatives conjointes pour lesquelles l'OTAN et la Russie conviendraient de s'exprimer ou d'agir en parallèle;

  • lorsqu'un consensus aura été atteint, prendre, s'il y a lieu, des décisions et des mesures conjointes, cas par cas.

En mettant en uvre cet accord, l'OTAN et la Russie collaborent dans de multiples domaines. Le Conseil conjoint permanent reste toutefois totalement distinct du Conseil de l'Atlantique Nord, qui est le principal organe de décision propre à l'OTAN chargé de réaliser les objectifs du Traité de l'Atlantique Nord.

Les sujets sur lesquels l'OTAN et la Russie se consultent et coopèrent sont notamment la prévention de la prolifération des armes de destruction massive, l'échange d'informations sur les politiques de sécurité et de défense ainsi que sur les forces armées, les questions relatives aux armes nucléaires, la conversion des industries de défense, les problèmes d'environnement en rapport avec la défense, la préparation aux situations d'urgence dans le domaine civil et les actions conjointes possibles, y compris les opérations de maintien de la paix.

La Section IV porte sur les questions politico-militaires. Les membres de l'OTAN y réitèrent notamment leur déclaration du 10 décembre 1996 selon laquelle ils n'ont «aucune intention, aucun projet et aucune raison» de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux pays membres de l'Alliance, et n'ont nul besoin de modifier un quelconque aspect du dispositif ou de la politique nucléaire de l'OTAN - et n'en prévoient aucunement la nécessité pour l'avenir. La section IV évoque également l'importance que revêt l'adaptation du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE) dans le contexte plus vaste de la sécurité dans la zone de l'OSCE. Elle indique aussi que les Etats membres de l'OTAN et la Russie uvreront ensemble, à Vienne, avec les autres Etats Parties pour adapter le Traité FCE afin d'en améliorer la viabilité et l'efficacité, compte tenu de l'évolution de l'environnement de sécurité en Europe.

Par ailleurs, cette section rappelle la déclaration des Etats membres de l'OTAN selon laquelle, «dans le contexte de sécurité actuel et prévisible, l'Alliance remplira sa mission de défense collective et ses autres missions en veillant à assurer l'interopérabilité, l'intégration et la capacité de renforcement nécessaires plutôt qu'en recourant à un stationnement permanent supplémentaire d'importantes forces de combat».

La section IV indique enfin que pour développer la coopération entre leurs institutions militaires, l'OTAN et la Russie «renforceront les consultations et la coopération politico-militaires dans le cadre du Conseil conjoint permanent», grâce à un dialogue intensifié entre les hautes autorités militaires de l'OTAN et de ses Etats membres et celles de la Russie. Afin de favoriser ce dialogue intensifié et d'apporter un soutien aux éléments militaires du CCP, l'OTAN et la Russie sont convenues d'établir des missions de liaison militaires à différents niveaux, selon le principe de la réciprocité.

L'Acte fondateur reflète ainsi l'évolution de l'environnement de sécurité en Europe et constitue un engagement durable entre l'OTAN et la Russie de travailler ensemble. En plus d'avoir conclu des accords sur les principes qui sous-tendent leur partenariat et sur les domaines spécifiques dans lesquels poursuivre leur coopération politique et militaire, l'OTAN et la Russie ont fait de leur Conseil conjoint permanent un lieu de consultation, de coordination, de coopération et de recherche de consensus sur les questions de sécurité d'intérêt commun. Les consultations au sein du Conseil conjoint permanent ne s'étendent pas aux problèmes internes propres à l'OTAN, à ses Etats membres ou à la Russie. L'Acte fondateur ne donne ni à l'OTAN ni à la Russie un droit de veto sur les actions de l'autre partie, et il ne peut pas non plus être utilisé d'une façon qui porte préjudice aux intérêts d'autres Etats. Son rôle véritable consiste à renforcer la coopération entre l'OTAN et la Russie et à établir les possibilités de prise de décisions et de mesures conjointes. Le Conseil conjoint permanent est déjà devenu un important moyen de renforcer la confiance, de dissiper les idées fausses et de développer un mode de consultations et de coopération régulières. Il se réunit tous les mois au niveau des Ambassadeurs et des Représentants militaires, et deux fois par an au niveau des Ministres des affaires étrangères et de la défense ainsi qu'au niveau des Chefs d'état-major/Chefs des Etats-majors généraux de la défense nationale. Il peut aussi se réunir au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement.

A la réunion du Conseil conjoint permanent tenue à New York le 26 septembre 1997, les Ministres des affaires étrangères ont approuvé le programme de travail du CCP pour la fin de l'année 1997. Ce programme mentionnait divers thèmes à soumettre à des consultations entre l'OTAN et la Russie, notamment la situation en Bosnie-Herzégovine, la non-prolifération, la maîtrise des armements et le maintien de la paix. Les domaines de coopération pratique comprenaient la reconversion des officiers dégagés des cadres, la préparation aux situations d'urgence dans le domaine civil et les secours en cas de catastrophe. Y figuraient également des mesures visant la création d'autres structures mentionnées dans l'Acte fondateur, dont l'établissement de missions de liaison militaires et la création d'un Centre de documentation de l'OTAN à Moscou, de même que d'autres mesures destinées à favoriser le resserrement des relations entre l'Assemblée de l'Atlantique Nord et l'Assemblée fédérale russe.

Les Ministres des affaires étrangères ont approuvé le programme de travail du Conseil conjoint permanent pour 1998 à leur réunion tenue à Bruxelles le 17 décembre 1997. Ils ont adopté un calendrier de consultations politiques devant s'étendre jusqu'à la réunion ministérielle de printemps, et ils ont décidé la poursuite des travaux en cours au niveau des experts dans les domaines du maintien de la paix, des plans civils d'urgence, des questions scientifiques et environnementales liées à la défense et des possibilités de coopération en matière d'armements. Ils sont également convenus de prévoir des réunions d'experts sur les questions relatives aux armes nucléaires, à la conversion dans le secteur de la défense et à la non-prolifération.

Au cours de la réunion du Conseil conjoint permanent tenue à Luxembourg le 28 mai 1998, les Ministres des affaires étrangères ont dressé le bilan de la mise en uvre du programme de travail pour 1998 et ont pris note des consultations menées sur la situation en Bosnie-Herzégovine, la crise au Kosovo, le maintien de la paix, la non-prolifération, le terrorisme, les questions nucléaires et les programmes de développement des infrastructures. Les Ministres se sont félicités de l'ouverture à Moscou, en février 1998, du Centre de documentation de l'OTAN pour les questions de sécurité européenne. Ils ont aussi apporté leur soutien au développement de la coopération concernant la reconversion des militaires dégagés des cadres. Les activités de suivi prévues pour 1998 comprenaient l'organisation de séminaires et d'ateliers sur la reconversion des officiers dégagés des cadres, ainsi que sur le maintien de la paix et le terrorisme.

Un atelier sur les relations OTAN-Russie s'est tenu à Moscou les 19 et 20 juin 1998, à l'occasion du premier anniversaire de la signature de l'Acte fondateur. Il a rassemblé quelque quatre-vingt-dix décideurs et universitaires provenant de quatorze pays de l'OTAN et de la Russie.

Le 18 mars 1998, la Fédération de Russie a officiellement mis en place sa Mission auprès de l'OTAN. Pour faciliter la coopération militaire et liée à la défense, elle a nommé un Haut Représentant militaire, dont le bureau fait partie intégrante de cette Mission. A leur réunion du 28 mai 1998 à Luxembourg, les Ministres des affaires étrangères du CCP ont décidé que des missions de liaison militaires (MLM) seraient établies de part et d'autre pour la fin 1998. Comme le prévoit l'Acte fondateur, cet établissement de MLM impliquera le détachement d'officiers de liaison russes auprès des grands commandements de l'OTAN et des arrangements réciproques pour l'envoi d'officiers de liaison de l'OTAN en Russie.

L'Acte fondateur jette ainsi les bases d'un partenariat de sécurité stable et durable. Les travaux relatifs à sa mise en uvre sont en bonne voie, et les réunions du Conseil conjoint permanent OTAN-Russie aux niveaux des Ministres et des Ambassadeurs, ainsi que les contacts entre militaires, ont contribué à créer un nouvel esprit de coopération et de confiance.


 [ Go to Homepage ]  [ Go to Index ]  [ [ Go To Next Page ] ]