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Version électronique 1998 Manuel de l'OTAN

 
La transformation de l'Alliance

La construction de l'Identité européenne de sécurité et de défense au sein de l'Alliance

Au début des années 90, les pays européens membres de l'OTAN se sont engagés dans un processus destiné à renforcer leur contribution aux missions et aux activités de l'Alliance et à leur permettre d'assumer, dans une manifestation de solidarité transatlantique, une plus grande responsabilité concernant la défense et la sécurité communes. Leur objectif était de mettre en place une véritable capacité militaire européenne sans double emploi avec les structures de commandement, les services de planification et les moyens et capacités militaires qui existaient déjà au sein de l'OTAN. Cette approche a été considérée comme répondant à la fois au souci des Européens d'élaborer une Politique étrangère et de sécurité commune et au besoin d'établir un partenariat équilibré entre les pays nord-américains et européens membres de l'Alliance.

Le renforcement de l'identité européenne dans les domaines de la sécurité et de la défense, désignée par le sigle IESD, est devenu une partie intégrante de l'adaptation des structures politiques et militaires de l'OTAN. Il constitue en même temps un élément important de l'évolution de l'Union européenne (UE) comme de l'Union de l'Europe occidentale (UEO). Le déroulement de ces deux processus repose sur les Traités de l'Union européenne de Maastricht (1991) et d'Amsterdam (1997), les déclarations correspondantes de l'Union de l'Europe occidentale et les décisions prises par l'Alliance à ses réunions au sommet tenues successivement à Londres (1990), Bruxelles (1994) et Madrid (1997).

En adoptant le Traité sur l'Union européenne signé à Maastricht en décembre 1991 et entré en vigueur le 1er novembre 1993, les dirigeants de la Communauté européenne étaient convenus d'élaborer une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), «y compris la définition à terme d'une politique de défense commune qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune». Cet accord faisait référence à l'Union de l'Europe occidentale (UEO) en tant que partie intégrante du développement de l'Union européenne créée par le Traité, et à la demande, adressée à l'UEO elle-même, d'élaborer et de mettre en uvre les décisions et les actions de l'Union ayant des implications dans le domaine de la défense. Lors de la réunion de l'UEO tenue à Maastricht en décembre 1991, parallèlement à celle du Conseil européen, les Etats membres de l'UEO ont publié une déclaration exprimant leur accord sur la nécessité d'une véritable Identité européenne de sécurité et de défense et d'une plus grande responsabilité de l'Europe en matière de défense.

En janvier 1994, les Chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'OTAN se sont félicités de l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht et du lancement de l'Union européenne, moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance et de permettre aux membres européens de l'OTAN d'apporter une contribution plus cohérente à la sécurité de tous les Alliés. Ils ont réaffirmé que l'Alliance est le forum essentiel de consultation entre ses membres et l'enceinte où ils s'accordent sur les politiques touchant à leurs engagements de sécurité et de défense au titre du Traité de Washington. Ils se sont également félicités de la coopération étroite et croissante entre l'OTAN et l'Union de l'Europe occidentale (UEO), coopération établie sur la base des principes agréés de complémentarité et de transparence. Ils ont aussi annoncé qu'ils se tenaient prêts à mettre à disposition les moyens collectifs de l'Alliance, après des consultations au Conseil de l'Atlantique Nord, pour des opérations de l'UEO menées par les Alliés européens dans l'optique de leur Politique étrangère et de sécurité commune.

Les Chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'OTAN ont donné instruction au Conseil de l'Atlantique Nord d'examiner comment il serait possible de développer et d'adapter les structures et procédures politiques et militaires de l'Alliance en vue d'atteindre trois objectifs : conduire avec plus d'efficacité et de souplesse les missions de l'Alliance, y compris le maintien de la paix, améliorer la coopération avec l'UEO et traduire dans les faits l'émergence de l'Identité européenne de sécurité et de défense. C'est dans le cadre de ce processus qu'a été élaboré le concept de Groupes de forces interarmées multinationales (GFIM). Le concept de GFIM, qui est évoqué plus haut, vise à offrir une plus grande souplesse opérationnelle et à permettre un déploiement de forces plus souple et plus mobile pour répondre aux nouvelles exigences de toutes les missions de l'Alliance. Il a notamment pour but de fournir des capacités militaires séparables mais non séparées pouvant être employées par l'OTAN ou par l'UEO.

A leurs réunions de Berlin et de Bruxelles, en juin 1996, les Ministres des affaires étrangères et de la défense des pays membres ont décidé que l'Identité européenne de sécurité et de défense devait être construite au sein de l'OTAN, et constituer une partie essentielle de l'adaptation interne de l'Alliance. Tous les Alliés européens pourraient ainsi apporter une contribution plus cohérente et plus efficace aux missions et activités de l'Alliance en tant qu'expression de leurs responsabilités partagées. Ce processus leur donnerait la possibilité d'agir eux-mêmes selon les besoins, et renforcerait le partenariat transatlantique. Tirant pleinement parti du concept de GFIM, l'Identité européenne renforcée serait fondée sur des principes militaires judicieux appuyés par une planification appropriée, et permettrait la création de forces militairement cohérentes et efficaces, capables d'opérer sous le contrôle politique et la direction stratégique de l'UEO.

La Conférence intergouvernementale de l'Union européenne chargée de revoir le Traité de Maastricht s'est achevée en juin 1997 avec la signature du Traité d'Amsterdam. Ce nouveau Traité avait un certain nombre d'implications pour la poursuite du développement de l'IESD. Il faisait, en parti-culier, explicitement référence aux tâches que les pays membres de l'UEO avaient définies comme pouvant être effectuées sous l'autorité de l'UEO - les missions dites de Petersberg, approuvées par les Ministres de l'UEO lors de leur réunion de juin 1992 à Petersberg, près de Bonn. Ces missions entrent dans trois catégories : missions d'aide humanitaire et d'évacuation de ressortissants, missions de maintien de la paix et missions assignées à des forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix.

Au Sommet de Madrid, en juillet 1997, les Chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'OTAN se sont félicités des progrès considérables réalisés en ce qui concerne la création de l'IESD au sein de l'Alliance. Le Conseil de l'Atlantique Nord en session permanente a été invité à mener à bien rapidement ses travaux dans ce domaine, en coopération avec l'UEO.

En suite à ces décisions concernant le développement de l'IESD au sein de l'OTAN, des dispositions ont été définies, dans le cadre de l'adaptation de l'Alliance, en vue de couvrir tous les aspects d'un soutien de l'OTAN à une opération dirigée par l'UEO. Il s'agit notamment :

  • de prendre en compte les besoins de l'UEO dans les nouvelles procédures de planification de la défense adoptées par l'OTAN pour le développement des forces et des capacités. (L'UEO a commencé dès 1997 à participer au processus de planification de la défense de l'Alliance, en apportant une contribution à la Directive ministérielle de 1997 (voir le chapitre 7));

  • d'introduire des procédures en vue du recensement des moyens et capacités de l'OTAN auxquels l'UEO pourrait souhaiter faire appel avec l'accord du Conseil de l'Atlantique Nord;

  • d'établir, s'agissant du commandement multinational européen au sein de l'OTAN, des dispositions qui pourraient être utilisées pour la préparation, le soutien, le commandement et la conduite d'une opération menée sous le contrôle politique et la direction stratégique de l'UEO. En vertu de ces dispositions, l'Adjoint au Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) se voit attribuer un rôle distinct, aussi bien en temps normal que dans le contexte d'opérations dirigées par l'UEO, pour ce qui est des forces devant être mises à la disposition de l'UEO;

  • d'introduire des dispositions en matière de consultation et de partage des informations afin d'assurer la coordination nécessaire tout au long d'une opération dirigée par l'UEO et entreprise avec le soutien de l'OTAN;

  • d'élaborer des plans et des exercices militaires pour des missions illustratives de l'UEO.

De telles dispositions signifieraient en pratique qu'en cas de crise où l'UEO déciderait d'intervenir (et où l'Alliance choisirait de s'abstenir), la première demanderait à utiliser des moyens et capacités de la seconde, qui pourraient comprendre un quartier général de GFIM, pour la conduite d'une opération placée sous son contrôle et sa direction.

Les moyens demandés pourraient alors être mis à disposition, cas par cas, par le Conseil de l'Atlantique Nord pour être utilisés par l'UEO. Les conditions de leur transfert à l'UEO, du suivi de leur utilisation et de leur restitution ou de leur rappel ultérieurs feraient l'objet d'un accord spécifique entre les deux Organisations. Au cours de l'opération, l'OTAN suivrait l'utilisation de ses moyens et se tiendrait régulièrement en liaison avec l'UEO sur le plan politique. Des commandants européens appartenant à la structure de commandement de l'OTAN seraient désignés pour agir sous le contrôle politique de l'UEO. Les moyens seraient restitués à l'OTAN à la fin de l'opération ou selon les besoins. L'OTAN et l'UEO auraient des consultations étroites tout au long de l'opération, y compris dans sa phase préparatoire.

Les prochaines étapes de la poursuite du développement de l'IESD au sein de l'Alliance viseront à achever ou affiner les accords sur l'utilisation des moyens de l'OTAN et les dispositions en matière de commandement ainsi que sur le partage des informations, l'essai et l'évaluation en commun des procédures de gestion des crises, après quoi des exercices seront organisés pour les forces et les éléments de commandement. Ces mesures contribueront au développement des procédures concrètes requises pour soutenir des opérations de l'UEO et faire en sorte que celles-ci soient bien préparées pour le cas où elles devraient avoir effectivement lieu.


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