Monsieur le ministre,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Si vous le permettez, je commencerai par vous exprimer mes remerciements les plus sincères, M. le ministre. Non seulement pour l’aperçu remarquable que vous venez de nous donner, mais aussi pour l’excellente coopération qui a prévalu entre l’Institut Diplomatique et la Division Diplomatie publique de l'OTAN pour l’organisation de ce qui s’annonce comme une conférence particulièrement intéressante. Il s’agit du premier événement de haut niveau à se tenir en Tunisie dans le cadre du Dialogue méditerranéen et je suis convaincu qu’il y en aura d’autres.
Mon exposé liminaire de ce matin servira essentiellement, à mon sens, à planter le décor de notre conférence et à replacer dans leur contexte les exposés plus thématiques que vont donner plusieurs de mes collègues de l’OTAN qui ont fait le voyage avec moi de Bruxelles. J'aimerais commencer par vous parler un peu des origines de l’OTAN. Je tiens à vous expliquer ensuite comment l’Alliance a évolué au cours des soixante dernières années et pourquoi nous souhaitons resserrer les liens avec la Méditerranée. Bien entendu, je voudrais dire quelques mots sur les possibilités de coopération plus étroites qui existent aujourd’hui entre votre pays – la Tunisie – et l’Alliance.
L’OTAN est l’Alliance dont le succès est le plus probant de l’histoire. Elle est née en 1949 de la volonté commune de pays d’Amérique du nord et d’Europe de défendre leur territoire et la liberté face à la menace que représentait l’Union soviétique. Pendant plus de quatre décennies, l’Alliance est parvenue à atteindre cet objectif grâce à la seule dissuasion : faire étalage de sa force militaire plutôt que l’utiliser.
Et l'OTAN telle qu’elle existait au temps de la Guerre froide a aussi vécu. Elle a fait place à une Alliance moderne, du 21e siècle, qui diffère de l’ancienne OTAN sous trois angles essentiels, que je me propose de vous décrire.
La première, et peut être la plus essentielle, caractéristique de l’OTAN d’aujourd’hui est la façon dont nous appréhendons la sécurité. Si la défense collective reste une vocation essentielle de l'Alliance, nous sommes bien conscients qu’il ne s’agit plus pour nous de devoir défendre l’Europe occidentale contre la menace d’une invasion massive de l’Est. Nous devons au contraire faire face à une nouvelle forme impitoyable de terrorisme ; au danger de voir les armes les plus dangereuses tomber entre les mains des individus les plus irresponsables ; et à des « États faillis » qui menacent la stabilité dans leur propre région et bien au-delà. Aujourd’hui, la coopération en matière de sécurité au sein de l’OTAN et avec celle-ci consiste à faire face à ces nouveaux défis sur le plan de la sécurité.
Les 26 pays membres de l’OTAN conviennent qu’une vision de la sécurité géographique et territoriale est trop étriquée pour gérer ces risques et menaces, et que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que ces défis arrivent à nos portes, et qu’il nous faut, au contraire, nous préparer à relever ces défis quand et où ils apparaissent – même si cela nécessite l’envoi de forces au-delà de nos frontières européennes traditionnelles.
Ainsi, à l’heure où je vous parle, plus de 50.000 soldats de l'OTAN sont déployés sur trois continents dans le cadre de différentes missions et opérations exigeantes placées sous mandat des Nations Unies. Les troupes de l’OTAN participent à des opérations de combat aussi bien que de maintien de la paix en Afghanistan, qui est, et de loin, notre mission la plus difficile. Nous participons aussi au maintien de la paix au Kosovo alors que les discussions se poursuivent aux Nations Unies pour décider de son statut futur. Nous apportons notre concours à la réforme de la défense en Bosnie‑Herzégovine. Les navires de l’OTAN effectuent des patrouilles en mer Méditerranée dans le cadre d’une mission antiterroriste. Nous assurons le transport aérien des troupes de l’Union africaine vers la région soudanaise en crise du Darfour et avons accepté de faire de même en Somalie. En 2005, à la suite du terrible tremblement de terre au Pakistan, nous avons organisé une des plus grandes opérations d'aide humanitaire de l’histoire.
J’attire ici votre attention sur le fait qu’aucune de ces missions ne consiste à assurer la défense territoriale ou à remporter une « victoire » militaire au sens traditionnel du terme. Je tiens aussi à souligner que, contrairement à ce que beaucoup pensent, l’OTAN ne souhaite pas être un gendarme du monde, prêt à intervenir pour résoudre les problèmes dans le monde entier. Nous ne voulons pas nous imposer. Et encore moins faire concurrence ou nous substituer aux Nations Unies. Toutes nos opérations sont d’ailleurs menées sous mandat des Nations Unies.
J’en arrive à la deuxième caractéristique essentielle de cette OTAN du 21e siècle, sur laquelle je tiens à mettre l’accent : nos relations plus étroites avec d’autres institutions. L’Afghanistan en est la parfaite illustration. Pour que l’Afghanistan soit stable et qu’il puisse voler de ses propres ailes, il y a deux conditions à remplir : la sécurité et le développement. Et ces deux processus doivent aller de pair.
En Afghanistan comme ailleurs, aujourd’hui, l’OTAN n’agit pas seule. Nous œuvrons naturellement en partenariat étroit avec les gouvernements concernés. Mais, de plus en plus, l’OTAN coopère également avec d’autres acteurs internationaux comme les Nations Unies, l’Union européenne, le G8 et la Banque mondiale, ainsi qu’avec des organisations non gouvernementales. Nous sommes en effet tous conscients du fait que cette approche globale est la seule manière de parvenir à une stabilité durable et de garantir notre propre sécurité.
La troisième caractéristique essentielle de l’OTAN d’aujourd’hui est la notion de partenariat. Comme je viens de le faire remarquer, vouloir promouvoir la sécurité aujourd’hui est une tâche immense, qui appelle un nouveau degré de coopération. C’est pour cette raison que l’OTAN souhaite non seulement développer une coopération plus étroite avec d’autres institutions internationales, mais aussi avec plusieurs pays. Des pays qui se rendent bien compte qu’eux non plus ne sont pas à l’abri des nouveaux risques et des nouvelles menaces.
Permettez-moi de souligner qu’un Partenariat avec l’OTAN n’est en aucun cas un processus unidirectionnel dont l’Alliance serait la seule bénéficiaire. Non, nos Partenaires en tirent également profit, et ce de différentes façons. Nous œuvrons ensemble avec les partenaires intéressés dans des missions et opérations qui visent à préserver la sécurité de nos pays et populations. Nous participons à un dialogue politique régulier afin d’examiner des questions de sécurité d'intérêt commun. Les programmes et instruments de Partenariats de l’OTAN offrent une large gamme d’activités dont nos Partenaires peuvent tirer avantage, notamment contribuer à réformer leurs appareils militaires et à renforcer l’interopérabilité de leurs forces avec celles de l’Alliance.
Pour toutes ces raisons, il est à la fois logique et opportun que l’OTAN cherche non seulement à renforcer la coopération avec ses voisins de l’Est du continent européen, mais aussi avec ses voisins du Sud. Nous sommes tous confrontés aux mêmes menaces et nous ne pourrons réellement en venir à bout qu’en travaillant ensemble. Aussi, à l’heure où l’OTAN élargit la portée de ses missions et opérations, jusqu’à la périphérie même de votre pays , il est essentiel que nous échangions nos points de vue et partagions nos expériences.
En résumé, l’idée à l’origine du lancement du Dialogue méditerranéen de l’OTAN en 1994 était la suivante : favoriser la compréhension mutuelle, renforcer la transparence et entamer une coopération concrète sur des questions d’intérêt mutuel avec les pays d’Afrique du Nord et du Moyen‑Orient, notamment la Tunisie. C’est la raison pour laquelle dix ans plus tard, au Sommet de l’OTAN à Istanbul en 2004, nous avons non seulement approfondi le Dialogue méditerranéen, mais aussi lancé un cadre de coopération distinct avec les pays du Golfe intéressés -- l’Initiative de coopération d’Istanbul ou ICI.
Le principe de base du Dialogue méditerranéen et de l’ICI est très simple. Dans ces deux cadres, l’OTAN n’impose rien à aucun de ses partenaires ; elle leur propose simplement de travailler ensemble dans des domaines où elle a de l’expérience et des compétences, et pour lesquels ses partenaires sont prêts à définir leurs besoins spécifiques, en affichant une véritable volonté de s’approprier le processus. Nous ne voulons pas alourdir cette coopération ni faire double emploi, mais plutôt privilégier les domaines où l’OTAN apporte un avantage évident et une valeur ajoutée : la coopération pratique.
Ces dernières années, les possibilités de coopération concrète au titre du Dialogue méditerranéen ont plus que doublé. Il existe aujourd’hui un catalogue de plus de 600 activités différentes : cela va d’activités entre militaires sur toute une série de sujets à la coopération dans le domaine de la gestion de l’espace aérien, des plans civils d’urgence, de la formation linguistique et il y en a encore beaucoup d’autres. En 2004, plus d’un millier de ressortissants des sept partenaires du Dialogue méditerranéen ont pris part pour la première fois à ces activités. L’année 2006 a été une année de consolidation globale, au cours de laquelle la Tunisie a effectivement renforcé considérablement sa participation.
En effet, la Tunisie a participé très activement à une vaste gamme de programmes et d’activités dans le cadre de ce processus.
Ces dernières années, elle a montré un intérêt croissant pour la lutte contre le terrorisme, tout comme pour la coopération entre militaires, la coopération scientifique et technologique, et la diplomatie publique. Je suis convaincu qu’il reste de très nombreuses possibilités d’approfondir notre coopération dans ces domaines et dans d’autres encore.
Nous nous sommes réjouis de voir que la Tunisie souhaitait établir un programme de coopération individuel avec l’OTAN, de façon à mieux structurer et cibler sa coopération pratique, et nous attendons avec intérêt les propositions de la Tunisie à cet égard. Mais nous avons également été très satisfaits de sa participation, ces dernières années, à plusieurs réunions conjointes de nos ministres respectifs des affaires étrangères et de la défense et de nos chefs d’état‑major. Pour l’OTAN, il est extrêmement important d’encourager les pays partenaires à prendre part concrètement à des opérations dirigées par l’Alliance. Une de ces opérations présente un intérêt particulier pour nos partenaires méditerranéens : Active Endeavour, notre opération maritime de lutte contre le terrorisme en Méditerranée. Plusieurs de nos partenaires méditerranéens ont fait savoir qu’ils souhaitaient contribuer à cette opération, qui est importante pour la sécurité de la région méditerranéenne comme pour celle du continent européen. Nous finalisons les modalités devant permettre à l’Algérie et au Maroc d’y participer. Et nous serions évidemment heureux de travailler avec la Tunisie dans ce domaine également.
Pour un partenaire engagé et actif comme la Tunisie, la décision de renforcer encore le Dialogue méditerranéen ainsi que l'Initiative de coopération d'Istanbul, prise au Sommet de Riga en novembre dernier, ouvre des perspectives très prometteuses. Permettez‑moi de vous en exposer les grandes lignes.
Premièrement, nous avons décidé d’inviter les partenaires qui soutiennent les opérations de l’OTAN à entamer un dialogue et des consultations plus approfondis avec les Alliés, y compris dans le cadre de réunions entre le Conseil de l’OTAN et un pays à titre individuel ou un groupe de pays partenaires. Cela renforcera la dimension politique de notre partenariat, et le rendra plus réactif aux événements pouvant survenir.
Deuxièmement, nous avons également décidé de permettre à nos partenaires du Dialogue méditerranéen et du Golfe d'avoir accès à de nombreux outils de partenariat qui, jusqu'ici, étaient réservés à nos partenaires de longue date d’Europe et d’Asie centrale. Cela permettra d’élargir considérablement le champ de notre coopération.
Troisièmement, ‑ et c’est peut‑être le volet le plus important ‑ , nous avons lancé l’« Initiative OTAN de coopération en matière de formation ». Forte de près de soixante années de coopération militaire entre Alliés, l'OTAN offre une très grande expérience en matière de formation. Nous souhaitons partager cette expérience avec nos partenaires du bassin méditerranéen et du Golfe, dans le cadre du Collège de défense de l’OTAN à Rome et d’autres institutions de l’OTAN dans un premier temps, mais également dans le cadre d’équipes mobiles d’instructeurs. Quel est notre objectif ? Notre principal objectif est ici de renforcer « l’interopérabilité humaine », notion si importante tant pour notre coopération au quotidien que pour les missions que nous pourrions souhaiter entreprendre ensemble à l’avenir.
Je pense qu’à l’avenir, un des défis essentiels pour nous tous sera de faire en sorte que l'opinion publique soutienne nos efforts. Nous devons veiller à ce que dans tous nos pays, le public ait une meilleure connaissance du nouvel environnement de sécurité, et nous demander comment nous pourrons, ensemble, mieux appréhender les risques et les menaces découlant de cet environnement. Nous devons expliquer la logique de notre coopération et indiquer quels sont nos objectifs globaux. Enfin, nous devons travailler ensemble de façon ouverte et constructive, de manière à obtenir des résultats concrets qui témoignent de la valeur de notre coopération.
Monsieur le ministre,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
La coopération entre pays et institutions n’a jamais été aussi importante que dans l’environnement de sécurité instable que nous connaissons actuellement au niveau international. Aujourd’hui, un objectif majeur de l’OTAN est de favoriser cette coopération.
En resserrant les liens entre les deux rives de la Méditerranée, l’Alliance veut instaurer la confiance et la compréhension mutuelle ‑ unir davantage de pays dans la lutte pour relever les défis de sécurité communs - et augmenter ainsi nos chances de réussite.
L’OTAN est très reconnaissante à la Tunisie pour son engagement actif. Les avantages mutuels sont évidents. Il nous suffit de saisir les occasions qui se présentent à nous. Enfin, j’espère et je suis convaincu que notre réunion d’aujourd’hui et de demain sera une étape importante pour la compréhension mutuelle et pour le renforcement de notre coopération.
Je vous remercie de votre attention.