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Mise à jour: 04-Jan-2007 | Discours |
Bibliothèque 6 nov. 2006 Eng. / Fr. |
"Une OTAN à vocation mondiale : Discours du Secrétaire général à la conférence du SDA
Bonjour Mesdames et Messieurs C’est avec grand plaisir que je me retrouve de nouveau ce matin au SDA. « Une OTAN à vocation mondiale : trop ou trop tard », tout un programme – encore une formule qui porte bien l’empreinte de Gilles Merritt ! Elle cherche à provoquer et je dois reconnaître qu’elle y parvient. Je vais donc axer mon intervention sur le thème de la conférence et vous présenter mon point de vue sur l’aspect « vocation mondiale » et sur la sollicitation extrême évoquée dans le titre. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises et je le répéterai aujourd’hui : nous n’avons pas besoin d’une OTAN à vocation mondiale. Ce n’est pas l’enjeu de notre transformation. Le type d’OTAN qu'il nous faut – et que nous mettons en place avec succès – c’est une Alliance qui défend ses membres contre les menaces planétaires: le terrorisme, la dissémination des armes de destruction massive et les États faillis. Pour faire échec à ces menaces, nous n’avons pas besoin de devenir un gendarme du monde. Ce qu’il nous faut c’est une approche de plus en plus mondiale de la sécurité, où les organisations, et parmi elles l’OTAN, jouent le rôle qui est le leur. Mais une mission aussi exigeante ne va-t-elle pas entraîner une sollicitation excessive, comme le suggère le thème de la conférence ? L’obligation de lutter contre les menaces planétaires ne risque-t-elle pas d’enliser l’OTAN dans des engagements toujours plus contraignants, alors qu’elle ne dispose que de moyens limités? Il est clair qu’elle restera en permanence confrontée à des sollicitations de plus en plus nombreuses. À l’heure où je vous parle, plus de 50 000 soldats sont placés sous commandement OTAN dans des opérations et des missions qui se déroulent sur trois continents. Jamais nos moyens n’ont été autant sollicités. Et comme les demandes d’intervention ne manqueront pas de se multiplier, nous devons faire le nécessaire pour que l'Alliance soit en mesure de répondre. À mon avis, cela signifie que nous devons nous concentrer sur six grands domaines. Premièrement, nous devons continuer de renforcer nos capacités. Lors du sommet à Riga, dans trois semaines, nous rassemblerons les éléments essentiels des activités de l’OTAN dans ce domaine, notamment la défense antimissile, la surveillance air-sol, les activités liées au terrorisme et la défense contre les armes de destruction massive. 13 pays membres de l’OTAN et un pays partenaire signeront un mémorandum d’entente sur l’utilisation collective d’avions de transport stratégique C-17. Et la Force de réaction de l’OTAN devrait parvenir à la capacité opérationnelle finale. Cela témoigne des prodigieux progrès que nous avons déjà accomplis. Mais je crois qu’il y aura encore plus à faire après Riga. Nous devons aussi disposer d’un cadre OTAN beaucoup plus clair pour l'entraînement et l’emploi des forces spéciales. C’est pourquoi le sommet de Riga ne sera pas une fin, mais simplement une étape dans la poursuite de la transformation militaire. Bien entendu, disposer des capacités adéquates ne signifie pas seulement disposer du matériel adéquat. Il faut aussi avoir le bon système de planification de la défense. C’est pourquoi nous affinons actuellement notre processus de planification de la défense sur la base de la Directive politique globale, qui sera diffusée à Riga. Cette directive énonce le type de capacités de défense dont nous avons besoin pour faire face aux défis auxquels nous serons vraisemblablement confrontés demain. Il nous faut un processus de planification qui soit encore davantage fondé sur les capacités, qui soit encore plus adapté aux besoins spécifiques des différents Alliés et encore plus souple pour remédier aux insuffisances éventuelles. Deuxièmement, nous devons répartir plus équitablement les risques et les charges. La question des réserves et des restrictions nationales pour ce qui est de l’utilisation de nos forces sur le théâtre en est un exemple frappant. Lorsqu’il s‘agit d’envoyer leurs soldats sur les théâtres d’opérations, certains pays de l’OTAN opposent encore toutes sortes de restrictions. Cela limite les possibilités d’utilisation de leurs forces et entrave la marge de manœuvre de nos commandants. Ces derniers mois, nous avons réussi à éliminer certaines de ces réserves, mais nous devons poursuivre encore notre effort. Aujourd’hui, l’OTAN doit pouvoir prendre en charge l’ensemble des opérations, depuis le combat jusqu’au maintien de la paix. C’est pourquoi émettre des réserves au sujet des opérations, c’est aussi émettre des réserves quant à l’avenir de l’OTAN. À Riga, je le dirai clairement et avec force aux chefs d’État et de gouvernement de nos pays. La réforme de nos modalités de financement est un autre élément important de la répartition des charges. Il suffit de considérer la Force de réaction de l’OTAN (NRF). L’Organisation applique le principe de l’imputation des dépenses à leur auteur, ce qui signifie que les pays prennent en charge les dépenses liées à leur participation aux opérations de l’Alliance. En cas de déploiement de la NRF, seuls les pays qui participent à la force au moment du déploiement doivent payer. Autrement dit, si vous ne participez pas à la NRF à ce moment-là, vous ne payez pas. La chance est de votre côté. Cela tient à mon avis de la loterie, ce ne sont pas les modalités de financement d’une Alliance fondée sur la solidarité. J’ai donc proposé d’étendre, à l’essai, le financement commun pour une courte période aux déploiements de la NRF, en particulier à l’élément de transport aérien stratégique. Cette question est bien sûr à l’étude. Mais si elle est adoptée, cette proposition renforcerait considérablement la crédibilité de la NRF et lui donnerait le rôle de catalyseur que nous voulons lui voir jouer pour la transformation de nos forces. À tout le moins, cela éviterait que les pays recourent à des alibis nationaux pour ne pas s’engager. Troisièmement, nous devons améliorer la coordination avec les autres intervenants. L’un des grands enseignements que nous avons tirés dans les Balkans et ce que l’Afghanistan nous montre aujourd’hui, c’est qu’il faut travailler en plus étroite collaboration avec les autres organisations internationales - gouvernementales et non gouvernementales. La sécurité et le développement vont de pair, nous le savons tous. Mais nous n’agissons pas toujours en conséquence. Il y a encore un trop grand fossé entre ceux qui assurent la sécurité et ceux qui s’occupent du développement. C’est un fossé qu’il nous faut combler. Nous devons travailler en plus étroite coordination avec l’ONU, l’UE et les ONG – non seulement sur le terrain, mais aussi au niveau stratégique. Cela est surtout vrai au Kosovo et en Afghanistan. En Afghanistan, sous la direction de l’OTAN, la FIAS a créé des conditions propices au développement. Il faut tirer parti de ces conditions - pleinement et rapidement. L'OTAN travaille beaucoup, mais elle n'est ni un organisme de secours ni une agence de reconstruction. L'heure est venue pour la communauté internationale d’intervenir et d’aider à guider l’Afghanistan dans la bonne direction. Quatrièmement, il nous faut développer encore nos partenariats. Désormais, la valeur stratégique de la politique de partenariat de l'OTAN ne peut être mise en doute. Il est véritablement devenu impensable que l'OTAN n'ait pas de partenaires. Mais même ce qui fonctionne de façon satisfaisante peut encore être amélioré. Il faut en particulier que nous rendions plus cohérents les cadres de nos divers partenariats. À cette fin, nous souhaitons pouvoir mettre les outils de notre programme de Partenariat pour la paix à la disposition d'autres cadres de partenariat, comme le Dialogue méditerranéen et l'Initiative de coopération d'Istanbul. Nous chercherons aussi à mettre les compétences de l'OTAN à profit pour former les forces de sécurité d'autres pays, notamment des pays du Moyen-Orient. Enfin, et ce n'est certainement pas là le point le moins important, nous allons renforcer nos liens avec les pays de la région Asie-Pacifique. Le moment est tout à fait approprié pour cela. L'Australie et la Nouvelle-Zélande sont déjà à nos côtés en Afghanistan. Le Japon et la Corée du Sud ont aussi montré qu'ils sont disposés à assumer une plus grande part du fardeau de la sécurité internationale. Nous sommes tous confrontés aux mêmes menaces, et il est dans leur intérêt, comme dans le notre, que nous nous rapprochions. Par ailleurs, comme je l'ai dit au début de mon intervention, il n'est pas nécessaire que l'OTAN devienne une organisation à vocation mondiale. Et je ne pense pas que quiconque ait jamais proposé que des pays d'Asie deviennent membres de l'Alliance. De telles idées sont une diversion. Le vrai problème est le suivant : face à "l'insécurité à l'échelle de la planète", la position d'un pays sur la carte est un facteur qui importe de moins en moins. Ce qui compte, c'est la position mentale, la volonté du pays en question de s'engager aux côtés des autres, pour faire la différence. Telle est la logique des partenariats mondiaux de l'OTAN. Cela montre simplement que nous passons d'une approche géographique à une approche fonctionnelle de la sécurité. Cinquièmement, il nous faut renforcer le dialogue politique. En raison de la complexité de notre environnement de sécurité, nous ne pouvons plus considérer l'OTAN exclusivement au travers du prisme des capacités. Là encore, l'Afghanistan constitue un parfait exemple. Pour y faire la différence, il faut disposer d'une puissance militaire suffisante, mais il faut aussi veiller à la reconstruction et au développement, mettre en place des politiques de lutte contre les stupéfiants, et instaurer la démocratie. Autrement dit, l'Afghanistan est la preuve que la sécurité doit être envisagée de façon plus globale. Avant toute chose, ce point de vue holistique exige le dialogue. Il exige que nous considérions l'OTAN non pas simplement comme un instrument de constitution de forces, mais aussi comme une instance permettant de procéder à des échanges de vues résolument prospectifs sur les menaces et les défis futurs. Il faut en particulier que nous procédions à un débat éclairé sur les questions qui nécessitent de donner une définition plus claire du rôle que l'OTAN devrait ou ne devrait pas jouer. La sécurité énergétique constitue un cas typique. Certains sont d'avis que ce n'est pas là une question qu'il appartient à l'OTAN de traiter, mais d'autres pensent tout le contraire. Pour moi, poser aujourd'hui la question de la sécurité énergétique, et permettez-moi d'employer une métaphore, cela coule de source, et il nous faut examiner ce que l'OTAN pourrait apporter en plus. En tant que Secrétaire général, je continuerai à favoriser une réflexion approfondie sur ces questions essentielles, et sur d'autres aussi, tant dans les capitales de l'Alliance que par le biais d'un débat entre les pays membres de l'OTAN. Dernier point, il nous faut rompre l'impasse dans laquelle les relations OTAN-UE se trouvent. Ces relations souffrent actuellement d'être sous-exploitées, plutôt que surexploitées. De fait, compte tenu de l'ampleur des défis actuels à l'égard de la sécurité, il est surprenant de constater combien l'ordre du jour commun de nos deux institutions reste peu étoffé. Et ce en dépit des nombreux efforts, notamment ceux du SDA, consentis pour rapprocher l'OTAN et l'UE. Je ne me fais aucune illusion quant au temps qui sera nécessaire pour surmonter les obstacles officiels bien connus à notre coopération. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes condamnés à l'inaction. Il faut que l'OTAN et l'UE mènent un dialogue continu sur l'harmonisation de leur transformation militaire, notamment sur la NRF et sur les groupements tactiques de l'UE. Il leur faut aussi mener un dialogue continu sur le Kosovo, où, dans les mois à venir, il sera encore plus important que l'OTAN et l'UE coopèrent de façon harmonieuse. Il faut aussi que nos deux organisations cessent de reproduire leurs initiatives respectives. Si l'OTAN ou l'UE décide de lancer un projet intéressant, au lieu d'entreprendre une initiative similaire, l'autre institution devrait soutenir les efforts déjà engagés. L'OTAN et l'UE œuvrent dans le secteur de la sécurité, et leur vocation n'est pas de se faire valoir. Ainsi, même si les relations OTAN-UE ne sont pas inscrites à l'ordre du jour de notre Sommet de Riga, elles devraient continuer de figurer en bonne place sur notre liste des travaux à entreprendre pour les mois à venir. Car ces relations sont essentielles au développement d'une approche véritablement holistique de la sécurité. Mesdames et Messieurs, je vous ai présenté six mesures que l'OTAN devra prendre pour instaurer la sécurité selon des modalités nouvelles et dans des endroits nouveaux. Certaines de ces mesures seront prises à Riga, pour d'autres, il faudra attendre davantage. D'ailleurs, il est très probable qu'un nouveau sommet se tienne en 2008. Et comme 2009 marquera le soixantième anniversaire de l'OTAN, ce sera peut-être l'occasion d'organiser un autre sommet. Cette succession serrée de sommets aura pour effet en quelque sorte de maintenir une saine pression, qui incitera à faire avancer la transformation de l'OTAN, et c'est très bien ainsi. Car comme les défis se posent désormais à l'échelle de la planète, les institutions ne sont pas jugées par ce qu'elles représentent mais par les résultats auxquels elles parviennent. Je vous remercie.
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