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Updated: 23-Jun-2005 NATO Speeches

NATO HQ,
Brussels

9 June 2005

Conférence de presse
de Mme Michèle Alliot-Marie
Ministre français de la Défense

réunion des Ministres de la Défense de l’Otan

MICHÈLE ALLIOT-MARIE (Ministre français de la Défense): Bien. Mesdames et Messieurs, vous avez déjà eu deux conférences de presse : celle du Secrétaire général de l'OTAN et celle du Secrétaire d'État américain. Je vais essayer de ne pas vous en faire subir une troisième trop longue.

En tous les cas, je vais peut-être commencer très rapidement par vous dire ce qu'ont été les positions que j'ai prises au nom de la France sur les différents points de l'ordre du jour ; ensuite je répondrai à vos questions.

Nous avons d’abord évoqué au cours de cette session un certain nombre de théâtres d'opérations extérieures.

En premier lieu, le Kosovo, dans lequel nous avons été unanimes pour souligner que la situation demeurait très instable et le demeurerait jusqu'au règlement du statut. Nous le savons d'autant que la France assume le commandement des opérations jusqu'au mois de septembre prochain ; donc j'ai insisté sur la nécessité de maintenir la Force telle qu'elle est aujourd'hui; de maintenir sa robustesse à la fois apparente, car il est évident que cela est un rôle très dissuasif à l'égard de tous ceux qui voudraient essayer de susciter des opérations, et de la maintenir également en réalité, puisque s'il y a un risque d'incidents, il faut pourvoir intervenir extrêmement vite.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas quelques aménagements à faire pour renforcer l'efficacité mais je dirais que globalement, il est essentiel de maintenir le niveau des Forces telles qu'elles existent aujourd'hui.

Nous sommes ensuite penchés plus largement sur l'Afghanistan en soulignant que si une partie de l'Afghanistan a retrouvé une situation à peu près calme, les attentats intervenus au cours des dernières semaines l'ont souligné, des zones de grande instabilité demeurent, dans l'est et le sud-est, mais également à Kaboul.

Les prochaines élections législatives risquent évidemment d'être une période également de grande tension et de grands risques. C'est la raison pour laquelle j'ai rappelé que la France avait décidé de renforcer ses moyens en apportant notamment une présence d'avions de combat et de ravitailleurs qui permettront de renforcer la sécurité dans cette zone.

Nous avons par ailleurs évoqué la synergie nécessaire et à renforcer entre l'ISAF et Enduring Freedom. Je parle bien de synergie puisque les deux missions étant très différentes, il n'est pas possible dans la situation actuelle de pouvoir les fusionner.

En ce qui concerne l'ISAF proprement dite, et la régionalisation, qui peut apporter un certain nombre d'avantages dans la stabilisation de la zone, j'ai fait part de la proposition de la France de prendre des responsabilités plus importantes à Kaboul ; ce qui se traduirait aussi par un certain renforcement de nos effectifs.

Enfin, j'ai souligné, à l'instar du ministre britannique et de Donald Rumsfeld, l'importance de la lutte contre la drogue. Il nous semble effectivement que ce n'est que dans la mesure où le problème de la drogue sera réglé que ce pays pourra, sur le long terme, retrouver sa stabilité.

Pour cela, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, il y a à la fois le soutien que nous pouvons apporter aux autorités afghanes, de qui dépend l'essentiel de la lutte contre la drogue, mais la nécessité également que la communauté internationale s'occupe des conséquences sur l'économie afghane de la disparition de ces cultures ; car l'un des problèmes aujourd'hui de l'Afghanistan, c'est bien celui d'une économie dans laquelle les gens ne trouvent pas de réelles perspectives d'avenir, de réels espoirs d'avenir.

En ce qui concerne le Darfour, troisième sujet, vous savez que c'est une question que nous connaissons bien et qui nous préoccupe beaucoup. Nous sommes en effet présents à proximité et nous avons effectué un effort important depuis l'année dernière, notamment à partir de notre base prépositionnée du Tchad, ce qui nous a permis d'intervenir pour aider les camps de réfugiés, notamment l'été dernier, au moment de la saison des pluies, quand ils risquaient d'être coupés de toutes leurs sources d'approvisionnement. Il est évident qu'avec l'Union européenne, nous avons contribué au soutien pour essayer de trouver une solution au Darfour.

Compte tenu de la situation qui prévaut encore, il est évident qu'il faut renforcer notre soutien à l'Union africaine pour les opérations qu'elle doit mener. C'est elle, bien entendu, qui en a la responsabilité. Mais il est vrai, aussi, qu'elle a besoin d'un certain nombre d'aides. La France, pour sa part, à Bruxelles, donc il y a 15 jours maintenant, avait fait part de l'ensemble du dispositif qu'elle mettait à disposition notamment en matière de transport, mais également en matière de soutien à travers un certain nombre d'officiers sur les problèmes de planification, de communication, etc.

Nous nous réjouissons de voir que l'OTAN est prête à apporter, elle aussi, une contribution logistique à l'Union africaine. Puisque c'est celle-ci qui est « leader » dans cette opération et il convient qu'elle le demeure. Il est évident que ce sera une façon de combler un certain nombre de lacunes qu'il pourrait y avoir de la part de l'Union européenne, qui ne peut pas tout apporter. Je pense que des apports complémentaires peuvent donc être bienvenus.

La coordination entre ces deux aides s'effectuera d'une façon souple. Chaque organisation gère les offres qui sont faites en son sein. Et la coordination s'effectue sur le terrain, en Afrique même, sous la direction de l'Union africaine.

Un autre point de l'ordre du jour, cette fois-ci ne concernant plus les théâtres extérieurs, mais l'organisation même de l'Alliance, a été consacré au processus de transformation de l'Otan. Un processus auquel la France participe totalement puisqu'elle va prochainement recevoir la certification de sa contribution à la NRF dans les trois domaines, aérien, maritime et terrestre ; elle sera donc susceptible d'intervenir d'une façon efficace à partir de juillet, pratiquement dans ces trois domaines, dans le cadre de la NRF 5. J'ai souligné un point en la matière, c'est qu'il est extrêmement important pour tous les pays qui interviennent dans la transformation, mais également les pays qui sont susceptibles d'intervenir dans les opérations, d'avoir une appréciation que je dirais réaliste à la fois des ambitions et des moyens de l'OTAN.

Il ne sert à rien de faire des grandes déclarations. Il ne sert à rien d'avoir plein d'intentions si par la suite elles ne se réalisent pas concrètement avec des capacités, notamment des capacités financières d'apporter réellement ces moyens et de les apporter dans la durée. Parce que nous nous rendons bien compte, dans un certain nombre de cas, que même si au départ il y a l'apport d'un certain nombre de capacités, lorsqu'il s'agit de se maintenir dans la durée, il peut y avoir des difficultés et des pays qui se retirent. Donc, je crois qu'il faut être pragmatique, savoir ajuster aussi les ambitions aux moyens et d'autre part prendre en compte le fait qu’un certain nombre de pays ont des capacités financières limitées. Il faut donc savoir trouver un juste équilibre entre d'une part, la transformation -et le coût des nouvelles technologies qui peuvent être nécessaires- et d'autre part, les opérations qu'il convient de mener en même temps.

En tout état de cause, il faut veiller à préserver l'interopérabilité entre les différents pays correspondants. Voilà, j'ai enfin indiqué qu'il était ainsi souligné que le problème du financement était essentiel et qu'il importait d'être équitable dans la répartition des charges entre les nations. Je rappelle en la matière d'ailleurs que la France est l'un des premiers contributeurs de l'OTAN. Voilà à peu près ce qui s'est dit jusqu'au moment où j'ai quitté le conseil OTAN-Russie pour vous rejoindre. Oui ?

Q: Madame, la ministre, Monsieur Rumsfeld aujourd'hui a parlé du fait que la NRF ne doit pas être une force de réserve. Dans quel contexte ? avait-il fait cette remarque à l'intérieur du conseil ?

MICHÈLE ALLIOT-MARIE : Écoutez, je ne l'ai pas bien entendu cette fois-ci développer ce point. Mais je l'avais entendu à d'autres moments. Et je dirais que je partage un peu son point de vue dans la mesure où il ne convient pas que la NRF soit utilisée comme une réserve. Elle doit bien garder son rôle qui est d'être une force de réaction rapide. Donc, je suppose que c'est cela que M. Rumsfeld a voulu dire.

Vous savez on en avait parlé à propos de l'Afghanistan lors des élections présidentielles. Devant l'absence de contributions d'un certain nombre de pays, ou l'absence de réactions aux demandes de contributions supplémentaires, on avait envisagé d'utiliser la NRF. Et je vous rappelle qu'à ce moment-là, j'avais été l'une des premières à dire : « Non, ce n'est pas le rôle de la NRF, puisque nous savons que ces élections vont avoir lieu. Donc, ça peut être planifié bien avant. Ce n'est pas un problème de réaction rapide ». Ça ne peut être un problème de réaction rapide que s'il y avait un débordement en quelque sorte et qu'à ce moment, effectivement, il y ait besoin -pour empêcher l'explosion- d'intervenir très vite. Mais dans le cadre d'un simple renforcement, ce sont des forces, je dirais, normales, d'utilisation normale et pas une force d'intervention rapide qui doit être utilisée. Donc, je pense que c'est ce principe qu’a cité M. Rumsfeld.

Q.: Hier, ici, on a entendu du côté de l'OTAN que c'est l'OTAN qui va faire la coordination du transport aérien au Darfour.

MICHÈLE ALLIOT-MARIE: Non, c'est fait localement. C'est l'Union africaine. C'est ce que je vous disais tout à l'heure. Il y a eu un accord selon lequel chacun, c'est-à-dire l'Union européenne et l'OTAN, garde en quelque sorte la maîtrise de ses forces. La coordination se fait sur le terrain, sous la direction générale de l'Union africaine. Je crois que ça correspond beaucoup plus à l'esprit de ce qui est mis en place.

Q.: Madame, strategic partnership between Europe and NATO, does it also mean more strategic autonomy from the EU, as stressed by you ? Can you give us more details on this topic -strategic autonomy for the European Union ?

MICHÈLE ALLIOT-MARIE: Ecoutez, je pense que c'est d'une façon générale que vous posez cette question. Ce que je veux dire, c'est que l'Union européenne a depuis longtemps prévu d'avoir une autonomie stratégique à travers une défense européenne. Cela avait été notamment l'objet de la rencontre de Saint-Malo entre le président Chirac et M. Blair. Depuis trois ans, nous avons mis en place cette défense européenne. Elle progresse chaque jour. Les groupements tactiques, la Force européenne de gendarmerie, l'Agence européenne de défense et d'armement, les opérations qui ont été menées, notamment celles en Ituri et aujourd'hui celle en Bosnie, les programmes d'armement commun, tout ceci montre que cette Union européenne existe.

Ce qui lui permet d'agir seule lorsqu'elle le souhaite. C'est ce qui s'est passé notamment en Ituri, en République démocratique du Congo à l'été 2003. Elle agit en complémentarité et au sein de l'OTAN quand cela apparaît comme une évidence : en complémentarité de l'OTAN, c'est-à-dire en substitution de l'OTAN dans le cadre des accords de Berlin plus. C'est ce que nous avons fait en Macédoine. C'est ce que nous sommes en train de faire en Bosnie. Et elle agit au sein de l'OTAN, notamment lorsque, comme nous l'avons fait pendant six mois, elle dirige l'opération de l'ISAF en Afghanistan, puisque c'est le corps européen qui a assuré le commandement de l'ISAF. Donc, cette autonomie, elle existe, parce que les Européens sont en train d'acquérir les capacités d'action, les capacités de leur protection. Mais il est évident que ceci ne se fait pas contre l'OTAN comme certains auraient voulu le faire croire à un moment donné, mais en totale transparence et complémentarité avec l'OTAN.

Q: Madame la ministre, il existe un contentieux spécial de l'Afrique pour la France, pour l'Europe, et c'est pour ça que c'était important le rôle de l'Union européenne vis-à-vis du Darfour. Et si je peux faire une autre question. Il y a beaucoup de commentaires selon lesquels maintenant, avec la crise de confiance dans l'Europe après le référendum, c'est plus important la sécurité externe. Mais avec tous les problèmes budgétaires qu'on a vu aujourd'hui avec les statistiques sur les dépenses nationales, etc. ?

MICHÈLE ALLIOT-MARIE: Sur le premier point, oui, il est évident que l'histoire a créé des liens particuliers entre l'Europe et l'Afrique, plus particulièrement entre certains pays et l'Afrique. Je pense à la France, mais aussi à la Grande-Bretagne ou à la Belgique. Donc il est normal qu'à ce titre nous soyons préoccupés des crises qui sont aujourd'hui en train de se développer en Afrique. Eh, ceci dit, c'est également un intérêt plus proche qui existe pour nous. Puisque nous voyons que chaque fois qu'il y a une crise dans une région, dans un pays d'Afrique, il y a de grandes migrations de population. Et s'il y avait une généralisation de ces crises par un effet de tâche d'huile, d'ethnie en ethnie, c'est l'Europe qui serait le premier lieu d'accueil de cette immigration illégale en quelque sorte, qui pourrait toucher des millions de personnes. C'est donc une double préoccupation que nous avons et qui est aussi une préoccupation très directe. Voilà ce qui explique effectivement que nous nous sentions proches d'un certain nombre de pays.

L'Europe a pour but, non pas de se substituer, non pas forcément d'aller sur place, mais d'aider les Africains à régler eux-mêmes les crises qui affectent l'Afrique, à les régler sur le plan politique -il y a un certain nombre de structures comme l'Union africaine dont c'est aussi le rôle- de les aider également à avoir les forces militaires communes qui peuvent permettre de mettre fin à ces crises ou à les empêcher. C'est notamment le concept français RECAMP, de formation et d'entraînement d'un certain nombre d'armées africaines, qui répond à ce besoin. Je signale que nous cherchons effectivement maintenant à européaniser le concept RECAMP,, donc à avoir plusieurs pays qui participent à ce soutien aux forces militaires africaines.

Maintenant, en ce qui concerne la situation actuelle de l'Europe, je dirais que, bon, il y a effectivement une crise, ou des éléments d'une crise politique, mais en rien une crise concernant la défense. La défense européenne est ce qui a le plus progressé en Europe depuis trois ans. Et même si certains éléments favorisant sa mise en oeuvre étaient inscrits ou sont inscrits dans le projet de constitution, nous n'avons pas besoin non plus de cela pour continuer à progresser. Pour une raison très simple : c'est que nous avons déjà fait beaucoup de choses - je le vous disais tout à l'heure - sur le plan des groupements tactiques 1500, qui ne sont pas prévus dans la constitution, sur le plan des programmes communs, l’A400 M, les hélicoptères NH90 et Tigre, les missiles Scalp et Meteor, etc. Tout ceci, donc, ça continue tout à fait normalement. Nous avons même anticipé, sans le texte constitutionnel, sur les coopérations renforcées avec notamment la Force européenne de gendarmerie ou la relation dite « cinq plus cinq », entre les cinq pays du sud de l'Europe et les cinq pays du Maghreb pour une coopération dans la lutte contre l'immigration clandestine et le terrorisme par voie maritime. Donc, tout ceci va continuer. L'Agence européenne de défense et l'armement existe d'ores et déjà ; elle était inscrite dans la constitution, mais nous avions anticipé, donc elle va continuer en ce sens.

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