Updated: 07-Dec-2001 | NATO Speeches |
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Conférence de Pressedu Ministre des Affaires Etrangères, M. Hubert VédrineMesdames et Messieurs bonjour, La réunion du Conseil de l'Atlantique nord de ce matin m'a permis
de redire notre solidarité et de redire pourquoi nous pensons que
c'est un moment important et critique pour l'Alliance puisque c'est la
première fois que nous avons mis en jeu l'article 5. J'ai d'autre
part exprimé à nouveau notre grande satisfaction à
propos de l'accord qui a été passé entre les représentants
afghans à Bonn et indiqué que nous resterions très
engagés dans la suite du processus sous toutes ces formes. J'ai
souligné, comme les autres l'ont fait, que l'OTAN devait jouer
tout son rôle dans la lutte contre le terrorisme. A propos de la lutte contre le terrorisme, le cadre général - selon nous - est fourni par l'ONU et chaque organisation, dans sa zone géographique et dans son domaine de compétence, doit apporter une pleine contribution. Nous savons tous que la lutte contre le terrorisme va bien au-delà des réactions légitimes et militaires qui sont en cours, en ce moment, contre des cibles précises. Nous savons que cela se poursuivra dans la durée, que c'est nécessaire
sur beaucoup de plans, que cela passe par des coopérations de toutes
sortes, judiciaires, militaires, policières, fiscales, etc. A cet
égard, de nombreuses organisations, pas uniquement les Nations
unies globalement, mais aussi l'Union européenne, l'OSCE - on en
a parlé à Bucarest lundi et mardi - l'OTAN et d'autres organisations
encore doivent intervenir. Pour des raisons de commodité et d'efficacité,
il faut essayer de faire tout cela sans duplication, sans redondance.
Voilà les points principaux des échanges de ce matin. Il
y a beaucoup d'autres sujets importants pour nous, dont il n'a pas été
question directement ce matin, mais dont il sera question à d'autres
moments de ce Conseil, comme la défense européenne, les
Balkans, l'élargissement et d'autres sujets encore. Voilà
le résumé de nos positions pour ce matin. Q - Vous avez évoqué les relations avec la Russie,
y a-t-il eu des décisions en la matière ? (
) Avez-vous
aussi évoqué, s'agissant de la lutte contre le terrorisme,
l'adaptation de l'outil militaire ? R - Je crois que j'ai souligné une évidence, qui
est que la lutte contre le terrorisme est tellement diverse - si on veut
qu'elle soit efficace - qu'elle doit être menée sur tous
les plans, dans toutes les zones et sur tous les terrains. Chaque organisation
doit faire ce qu'elle fait de mieux, là où elle est la plus
compétente. On ne peut pas avoir une organisation qui veut coordonner
l'ensemble des autres, sauf l'ONU. Donc l'ONU, c'est le cadre général
; c'est normal. Après, il y a des actions qui doivent être
menées sur tous les plans. Regardez par exemple ce qui se passe dans le cadre du GAFI ; parce que
nous savons que la lutte contre le terrorisme ce n'est pas uniquement
un problème de blanchiment de l'argent sale, c'est aussi un problème
de salissement de l'argent propre, nous avons élargi la compétence
du GAFI. Nous avons élargi la composition du GAFI à d'autres
pays. Cela n'est pas du tout dans le domaine de l'OTAN. Je prends cet exemple et il y en a d'autres, pour dire que je ne réduis
pas du tout les compétences de l'OTAN. Au contraire, je souhaite
que l'OTAN puisse utiliser toutes ses compétences dans son domaine
et dans sa zone pour lutter contre le terrorisme. Je ne conçois
pas une lutte mondiale contre le terrorisme sans un engagement de l'OTAN,
bien sûr, mais chacun dans son rôle. Alors, en ce qui concerne l'adaptation des missions de l'OTAN - adaptation
continue, parce que cela ne commence pas maintenant, ces dernières
années l'OTAN a déjà fait preuve de beaucoup de capacité
d'adaptation et Lord Robertson doit être salué sur ce plan
- il faut tirer les leçons de ce qui s'est passé au Kosovo
et dans les Balkans : Qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce qui n'a
pas marché ? Sous quelles formes ? La contribution de l'OTAN à
la lutte contre le terrorisme, qu'est-ce que c'est ? Sous quelle forme,
par rapport aux autres organisations ? On ne peut pas y penser qu'à
l'intérieur de l'OTAN. Il faut qu'il y ait une réflexion
entre l'OTAN et les autres organismes engagés dans cette lutte.
L'Union européenne aussi est engagée dans la lutte contre
le terrorisme. Tout ce qui tourne autour de la mise en uvre d'un
espace judiciaire est un élément de cette lutte. D'autre
part, il y a la dimension "renseignement" qui est très
importante, qui à mon avis est appelée à se développer. Pour la Russie, j'ai dit tout à l'heure ce que j'en pensais. On
n'a pas encore conclu - je parle des instructions précises - cela
doit se poursuivre. Q - Est-ce que, à la réflexion et étant donné
ce qui s'est passé, vous pensez que ça a été
une bonne idée d'invoquer l'article 5 ? Et est-ce que on n'a pas
tendance à assister à une marginalisation de l'Alliance
atlantique ? R - Je pense que ça a été une bonne réaction
d'invoquer l'article 5, parce que c'était une réaction politique
et, sur le plan de la relation presque amicale et humaine entre les peuples,
je pense que nous aurions manqué quelque chose si cette expression
de solidarité n'avait pas été faite. D'autant que
si vous prenez l'article 5, c'est une réalité : c'est vrai
qu'un des alliés a été touché sur son territoire
par une attaque venue de l'extérieur. Donc cela aurait même
été une faute de ne pas l'invoquer. Cela avait, je le répète,
une grande force politique et humaine. Donc je crois que c'était
bien de le faire. Cela restera un moment important de la relation entre
les Etats-Unis et leurs alliés. Maintenant, sur le plan pratique c'est différent. Nous savons
tous que depuis le début, les Etats-Unis, et plus particulièrement
le Pentagone - pour des raisons presque concrètes de commodité
et de fonctionnement - ont préféré agir pour l'essentiel
seuls en utilisant quelques contributions, à tel ou tel moment,
de tel ou tel pays, de tel ou tel allié qui avait des capacités
dans tel ou tel domaine particulier ou qui, pour des raisons géographiques,
était utile. C'est resté marginal, on le sait. C'est un
choix qui appartenait aux Etats-Unis. Je ne pense pas que cela soit négatif
dans sa signification, ni par rapport à l'OTAN, ni par rapport
à n'importe quel autre pays. La force politique de l'invocation
de l'article 5 reste entière. Q - Peut-on avoir votre position sur les possibilités d'entente
avec la Turquie sur la défense européenne ? Il paraît
que maintenant ce sont les Grecs qui posent problème. Est-ce que
vous croyez qu'on va pouvoir convaincre les Grecs, ou est-ce que cela
va recommencer de nouveau ? R - Je ne veux pas rentrer dans le détail de cette affaire
très compliquée. J'espère qu'on va y arriver. Ce
ne serait vraiment pas raisonnable si on n'y parvenait pas ! Il n'y pas
de contradiction vraie entre le projet européen, le bon fonctionnement
de l'Alliance et la défense des intérêts légitimes
de la Turquie. Il n'y a pas de contradiction. Il faut trouver une formule
dans laquelle il y ait des consultations qui permettent à la Turquie
de faire valoir ses intérêts légitimes sans que cela
paralyse le projet européen. J'espère que nous sommes proches
du but. Je n'en dis pas plus pour ne pas compliquer notre travail. Q - Monsieur le Ministre, quel est l'avenir de la politique européenne
de défense et de sécurité dans ce " feuilleton
" que vous venez d'évoquer, avant le Sommet de Laeken qui
doit permettre de déclarer l'opérationnalité des
troupes ? R - Je pense que la Politique européenne de sécurité
et de défense a un grand avenir. Bien sûr, c'est difficile
à mettre en uvre parce qu'il fallait concilier un certain
nombre de choses : concilier d'une part le bon fonctionnement de l'Alliance
atlantique auquel nous sommes attachés, d'autre part la légitimité
du projet européen. Et puis tenir compte d'un certain nombre de
situations particulières - des pays qui sont dans l'Union européenne
mais qui ne sont pas dans l'OTAN, des pays qui sont dans l'OTAN mais qui
ne sont pas dans l'Union européenne, des statuts particuliers,
des traditions nationales différentes, des précautions à
prendre - pour que les intérêts des uns et des autres ne
soient pas maltraités. C'est très compliqué, vous
le savez. Cela fait quelques années que l'on travaille là-dessus.
Mais, compte tenu de la difficulté, je trouve qu'on avance assez
vite quand même. Nous surmontons les obstacles les uns après
les autres et je suis convaincu que nous arriverons à cette déclaration
d'opérationnalité et même à lui donner un vrai
contenu. Etape après étape, l'Europe se dotera de cet instrument
dont elle a besoin. Je suis très optimiste, disons dans le moyen
terme. Dans le court terme, je vois bien qu'il y a encore beaucoup de
difficultés à surmonter, mais je n'imagine pas une seconde
que le projet s'arrête. Q - Dans votre discours vous avez parlé de l'élargissement
de l'OTAN "sans exclusive", dans un autre contexte vous avez
parlé de "Big Bang" de l'Union européenne. Est-ce
que vous pensez qu'il est possible de parler d'un Big Bang simultané
? Et est-il possible de parler d'un Sommet OTAN/UE en 2004 ? R - Les sommets sont toujours possibles ! Ce n'est pas le plus
compliqué à organiser, d'ailleurs il y a une réunion
cet après midi OTAN/UE. Ce sont deux phénomènes différents
: les critères ne sont pas les mêmes, les modes de négociations
ne sont pas les mêmes. Globalement c'est une sorte de mouvement
historique qui va dans la même direction : dans la direction de
l'unité, par rapport à des situations antérieures
de division. Mais on ne peut pas pousser les ressemblances trop loin.
J'ai voulu dire ce matin que nous n'avions pas d'objection de principe,
aucun refus a priori en ce qui concerne cette question de l'élargissement
de l'OTAN. Après, il faut voir les critères plus précis
d'adhésion à l'OTAN. En ce qui concerne l'élargissement
de l'Union européenne, c'est une autre discussion. Q - Dans l'esprit des Français, quand l'article 5 cessera-t-il
de s'appliquer ? Est-ce à la fin de l'opération ? Est-ce
que cela continuera ? R - Ce n'est pas une question d'analyse française. L'article
5 c'était le constat d'un fait : une attaque d'un Etat membre contre
son territoire. Ce qui a fondé la riposte, ce n'est pas l'article
5, c'est la reconnaissance par le Conseil de sécurité de
la situation de légitime défense, de légitime riposte
au sens de l'article 51 de la Charte et donc la résolution 1368.
C'est ce qui a fondé la légitimité de la réaction.
La question de savoir jusqu'où va la résolution 1368, par
rapport à quel type d'action, peut donc se poser, peut être
examinée au sein du Conseil de sécurité plus valablement
qu'au sein de l'OTAN. A ce moment là, il faudra reprendre les termes
exacts de la résolution. Q - Vous avez évoqué la question des relations avec
la Russie. Qu'en est-il de la possibilité d'adhésion de
la Russie à l'OTAN ? Qu'en est-il aussi des relations entre l'OTAN
et la Biélorussie ? R - Premièrement, je me concentre sur les problèmes
qui sont posés et pas sur les problèmes qui ne sont pas
posés. Alors je me suis exprimé sur la question russe et
pas sur la question de la Biélorussie. Pourquoi sur la question
russe ? Parce qu'il y a une attitude et une ouverture du président
Poutine depuis un certain temps mais plus encore depuis le 11 septembre.
D'autre part, il y a une prise de position du Premier ministre britannique
Tony Blair, qui va d'ailleurs dans le sens d'un certain nombre de propositions
qui avaient déjà été faites pour qu'il y ait
entre l'OTAN et la Russie une relation plus forte que celle qui a été
créée par l'Acte fondateur OTAN/Russie que la France avait
parrainé avec d'autres pays. Nous sommes donc d'accord pour aller
plus loin. Mais ce n'est pas la question de l'adhésion qui a été
posée. En réalité, cette question n'a été
posée ni par les Russes, ni par les pays membres, ni par l'initiative
de Tony Blair qui est celle d'une coopération sur un mode différent
entre l'OTAN et la Russie. Je propose qu'on en reste là à
ce stade. C'est déjà une progression, une innovation. Notre
réponse à nous c'est : une nouvelle enceinte où la
Russie et les alliés seraient des partenaires égaux, c'est
une enceinte à 19+1, ce n'est pas une adhésion à
proprement parler. C'est donc un problème qui n'est pas posé. Q - Y a-t-il des propositions concrètes pour que l'OTAN
travaille, en partenaires égaux, avec la Russie ? R - Oui, il y a une certaine convergence manifestement que l'on
ressent sur ce sujet et je rappelle que notre idée, c'est une nouvelle
enceinte, avec des travaux de substance, portant sur des domaines de compétence
de l'OTAN. J'ai senti un mouvement général dans ce sens.
Dans les sujets, j'ai cité la gestion des crises. On pourrait imaginer
des opérations conjointement décidées, planifiées
et dirigées par l'OTAN et la Russie, par exemple dans les Balkans.
C'est un exemple, mais on peut avoir d'autres idées. Q - Le président Arafat semble tout seul aujourd'hui. Il
n'a plus les moyens de mener sa politique. Comment le voyez-vous capable
de mettre en uvre une solution ? Vous avez souligné la nécessité
de lutter contre le terrorisme dans ses racines. L'un des conflits majeurs
est celui du Proche-Orient. R - Je vais répondre très brièvement. D'abord,
la France n'a pas attendu le 11 septembre pour découvrir la gravité
du problème du Proche-Orient. C'est un problème sur lequel
la France est engagée depuis des années. Inlassablement
elle a fait beaucoup de propositions, beaucoup de démarches, notamment
avec ses partenaires européens, mais également par elle-même.
Cela fait partie de ce travail général que nous devons avoir
par rapport au monde dans son ensemble pour traiter les problèmes
à leur racine, en effet. En ce qui concerne la situation au Proche-Orient,
je peux redire ici ce que j'ai dit à Bucarest lundi, qui est que
nous demandons à Yasser Arafat de faire tout ce qui est en son
pouvoir pour lutter contre le terrorisme, qui est d'ailleurs autant son
ennemi que celui d'Israël. Il doit faire tout ce qui est en son pouvoir,
inlassablement, de façon concrète, visible. C'est une première
chose. Nous demandons aux pays de la région, aux pays voisins, de soutenir
Yasser Arafat dans cette lutte contre le terrorisme qui combat à
la fois Israël et la politique de l'Autorité palestinienne
- le terrorisme combat les deux. Nous demandons aux pays voisins d'aider
l'Autorité palestinienne dans cette lutte difficile. Enfin, nous
répétons que si on veut que l'Autorité palestinienne
soit en mesure de mener cette lutte avec efficacité, il faut plutôt
renforcer sa capacité que la diminuer. Il faut plutôt la
renforcer, et sur un plan pratique et sur un plan politique. Voilà
ce que nous pensons sur la façon de traiter cette affaire. Je vous remercie.
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