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Updated: 07-Dec-2001 NATO Speeches

NATO HQ,
Brussels
6 déc. 2001

Intervention

du Ministre des Affaires étrangeres, M. Hubert vedrine
au Conseil Ministeriel de l'OTAN

Monsieur le Secrétaire général,

Chers collègues,

Nous tenons aujourd'hui notre première réunion depuis le 11 septembre.

Il s'agit d'un moment critique pour l'Alliance: pour la première fois depuis sa création, l'Alliance a mis en jeu l'article 5 ; nous avons ainsi collectivement et immédiatement marqué notre solidarité à l'égard de notre allié et notre ami américain, si cruellement frappé.

Nous avons reconnu que les attaques du 11 septembre, dirigées de l'extérieur sur le territoire d'un pays membre, étaient une attaque contre chacun d'entre nous.

Et s'agissant de mon pays, cette solidarité est naturelle : comme à chaque fois que l'essentiel était en jeu, la France s'est tenue aux côtés de son allié américain et du peuple des Etats-Unis. C'est encore le cas aujourd'hui en soutenant la campagne menée en Afghanistan contre les responsables des attentats du 11 septembre et je dis à cet égard notre confiance en Colin Powell.

Notre solidarité s'est traduite par un soutien effectif et concret : dans le cadre de l'OTAN d'abord, la France a ainsi mis à disposition ses Awacs pour les Balkans, en remplacement de ceux affectés à la surveillance du territoire des Etats-Unis.

Cette solidarité s'est traduite aussi, à titre bilatéral, par une présence militaire en appui de l'opération conduite par les Américains en Afghanistan par le déploiement de navires dans l'Océan indien, par l'envoi d'avions de reconnaissance, par l'envoi de troupes pour la sécurisation de l'aide humanitaire, sur la base de la résolution 1378. De nombreux pays ici représentés ont, d'une façon ou d'une autre, apporté leur contribution.

Nous avons considéré dès le début que l'action militaire ne saurait suffire à elle seule. Notre plan d'action pour l'Afghanistan insistait dès le premier octobre sur la dimension politique des problèmes de ce pays et sur sa reconstruction.

Aussi, dans le même temps où se poursuivent les opérations militaires, il fallait travailler à préparer l'avenir politique et le rétablissement d'une stabilité qui puisse être durable. Nous nous réjouissons à cet égard, grâce à l'attitude constructive des Afghans et grâce aux efforts du représentant du SGNU, M. Brahimi, de l'accord politique trouvé à Bonn, au Petersberg, qui permet l'installation, pour commencer, d'une administration de transition représentative. Il faut maintenant que les dirigeants afghans, tous les chefs afghans, jouent le jeu. Ce doit être aussi le cas des pays voisins.

Nous devons également réfléchir à la façon de répondre aux différents problèmes posés par le nouveau contexte consécutif au 11 septembre, au-delà de la réaction militaire immédiate.

Dans cette réflexion, l'OTAN doit évidemment prendre sa place et réfléchir à l'adaptation de ses outils militaires à la nouvelle dimension de la lutte contre le terrorisme, tout en tenant compte des compétences des autres institutions. Le principe qui doit nous guider, à chaque pas, devrait être celui de la valeur ajoutée, c'est-à-dire de la non-duplication et de la non-confusion des rôles.

D'autant plus que la lutte contre le terrorisme n'est pas exclusivement une affaire de réponse militaire même si celle-ci est indispensable dans les moments clefs, beaucoup d'entre nous l'ont dit.

L'effort à long terme, qui seul permettra de vaincre le terrorisme, a été lancé dans toutes les enceintes multilatérales compétentes et doit s'y poursuivre :

  • aux Nations unies, dont le rôle en la matière demeure évidemment essentiel. L'adoption par le Conseil de sécurité des résolutions 1368 et 1373 a marqué une étape décisive de la lutte contre le terrorisme et pour l'organisation de la réponse de la communauté internationale.

  • au sein de l'Union européenne, seule capable de mettre en place des réponses appropriées et coordonnées, dans les domaines qui sont essentiels pour le combat engagé, à savoir le domaine du financement, du contrôle judiciaire et des mesures policières ; cette action sera déterminante pour le succès de ces politiques à long terme.

Enfin, nous devons nous attaquer aussi à la racine des conflits, aux injustices et à l'instabilité, qui ne créent peut-être pas le terrorisme mais dont le terrorisme se nourrit, pour pouvoir complètement l'éradiquer.

La réaction de la Russie à ces attentats a été remarquable. En effet, le président Poutine a confirmé son choix stratégique, un choix sur le rôle de la Russie dans le monde et aussi pour un partenariat avec le monde occidental.

Nous devons y répondre par une ouverture aussi décidée, avec pour objectif d'établir avec la Russie, une relation fondée non plus sur l'équilibre des forces et des menaces, mais sur la confiance. Cela est vrai pour l'OTAN, mais aussi pour nos relations bilatérales ou celles que nous développons dans les autres enceintes internationales.

C'est pourquoi en ce qui concerne l'OTAN et la Russie, la France, qui a été avec l'Allemagne à l'origine de l'Acte Fondateur, pense comme le Premier ministre britannique, qu'il faut aujourd'hui aller plus loin et que nous devons répondre aux ouvertures reçues par une novation véritable :

  • cela veut dire la création d'une nouvelle enceinte où la Russie et les Alliés seraient des partenaires égaux.

  • cela veut dire aussi des travaux de substance portant sur ce qui est au cœur des compétences de l'OTAN.

Je pense notamment au domaine de la gestion des crises, où des opérations conjointement décidées, planifiées et dirigées par l'OTAN et la Russie pourraient être examinées et mises en oeuvre, par exemple dans les Balkans.

On peut penser à d'autres sujets tels que le désarmement et la maîtrise des armements, la défense antimissile de théâtre et les aspects militaires du contre-terrorisme.

On ne peut encore trancher tout cela, c'est compliqué, mais nous devons engager cette réflexion sans tarder et sans réserves. Il ne s'agit pas de faire du neuf avec de l'ancien, mais de penser l'avenir.

Je n'aborderai pas ici, à dessein, les trois sujets importants que sont les progrès de la défense européenne, la question des Balkans - qui sont à l'ordre du jour cet après midi de notre réunion conjointe avec l'Union européenne - ni celui de l'élargissement. Nos positions sur ce dernier point sont bien connues, l'absence d'exclusive d'aucune sorte. Elles ont été exposées clairement ; nous aurons tout loisir d'y revenir dans les mois qui viennent, dans la perspective des décisions qui devront être prises au Sommet de Prague.

Ce Sommet doit être préparé avec soin sur les autres dossiers également. L'Alliance doit d'ici là poursuivre son adaptation avec le pragmatisme nécessaire, et en même temps avec le dynamisme que le Secrétaire général lui apporte, en se gardant des débats théologiques, à l'heure où, comme nous venons de le voir, c'est dans l'action concrète que l'utilité des organisations doit être démontrée chaque jour.

L'Alliance a su s'adapter progressivement et de façon pragmatique, à toutes les évolutions fondamentales de notre monde. Il faut maintenir le lien transatlantique qui est notre richesse commune. Continuons, il faut persévérer dans cette voie.

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