Conférence
du CPEA sur
Dix Années de
Partenariat et
de coopération
Siège de l'OTAN
26 octobre 2001
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Le
Partenariat,
fondement de la sécurité euro-atlantique
Discours
de l'ex-prsident de la Finlande, Martti Ahtisaari
C'est pour moi un grand plaisir que de participer à
cette conférence, qui célèbre dix
années de Partenariat et de coopération.
Le thème de cette réunion, "Le Partenariat,
fondement de la sécurité euro-atlantique",
est très concret et tout à fait opportun.
L'OTAN a changé de manière fondamentale
au cours de ces dix années, comme l'atteste sa
coopération avec des pays non membres. Géographiquement,
elle a relié entre eux tous les pays de la région
euro-atlantique. Politiquement, elle a développé
la notion de sécurité coopérative.
Cependant, nous envisageons aujourd'hui la sécurité
européenne d'un point de vue complètement
différent de celui qui était le nôtre
il y a juste deux mois. Je me propose d'aborder dans cet
exposé trois grands thèmes. Tout d'abord,
j'évoquerai l'évolution de l'environnement
de sécurité et les nouveaux défis
et opportunités qui en découlent pour l'architecture
de sécurité européenne et en particulier
pour l'OTAN et le Partenariat. Ensuite, je vous parlerai
brièvement de l'importance du Partenariat et de
sa contribution à la stabilité de l'Europe.
Enfin, je vous ferai part de quelques réflexions
concernant l'avenir du Partenariat.
Après les attentats tragiques de New York et de
Washington, il a été dit et redit que le
monde et notre conception de la sécurité
avaient fondamentalement et irrévocablement changé.
L'envergure de ces actes de terrorisme visant des civils
innocents au-delà des frontières et la nature
de ceux qui les ont organisés, qui n'appartiennent
à aucun Etat, représentent un défi
de sécurité comme nous n'en avions jamais
connu jusque là.
De fait, le terrorisme est un bon exemple des nouvelles
menaces pour la sécurité qui mettent sérieusement
en cause un système de sécurité encore
largement centré sur les Etats. Un grand nombre
des menaces les plus graves qui existent aujourd'hui ont
un caractère mondial. Outre le terrorisme, elles
comprennent la corruption, le crime organisé, le
trafic de drogue, la dissémination des armes de
petit calibre et la prolifération des armes de
destruction massive. Au total, ces nouvelles menaces sont
telles qu'il est extrêmement difficile pour les
gouvernements d'apporter des réponses efficaces.
Face au terrorisme et à aux opérations de
guerre biologique, la force militaire traditionnelle ne
suffit plus, tant s'en faut. Il est capital que l'effort
militaire s'accompagne d'autres mesures, telles qu'une
coopération internationale des services de police,
des enquêtes et une coopération dans le domaine
financier, et une action diplomatique. C'est pourquoi
il est indispensable que la communauté internationale
poursuive l'amélioration de la préparation
civile pour la gestion des crises.
En outre, la démocratie, le respect des droits
de l'homme, la primauté du droit et la lutte contre
la corruption sont des principes essentiels. Nous ne pouvons
pas parler de sécurité si ces principes
ne sont pas respectés et appliqués dans
les sociétés. Je souhaite que le changement
que le monde a connu le 11 septembre incite les gouvernements
à rechercher les moyens de développer la
coopération entre pays démocratiques pour
s'attaquer aux causes profondes des conflits, y compris
en atténuant la pauvreté. Tout progrès
suppose une meilleure prise de conscience de ce qu'il
existe des moyens pacifiques de résoudre les problèmes
qui sont à l'origine du terrorisme. L'une des causes,
que l'on retrouve trop souvent, est le non-respect du
droit à l'autodétermination auquel peuvent
prétendre toutes les nations.
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Cette nouvelle situation mondiale pose de nouveaux défis
pour l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
dans son ensemble, y compris ses partenaires. Comment,
en tant qu'organisation régionale, peut-elle contribuer
à la gestion de menaces qui ont un caractère
mondial ? Ce séminaire fait partie, me semble-t-il,
du processus de réflexion dans lequel l'OTAN s'est
engagée, à propos des menaces auxquelles
nous sommes confrontés et des solutions qui peuvent
y être apportées. A l'évidence, ces
problèmes ne peuvent être réglés
sans une coopération internationale efficace. Il
importe donc, avant toute autre chose, d'améliorer
la manière dont nous coopérons et échangeons
des informations.
La seconde caractéristique de l'environnement de sécurité
européen actuel est que la majorité des conflits armés
se déroulent non pas entre Etats, mais à l'intérieur
d'un Etat. Les zones de conflit et les sociétés déchirées
par la guerre ont besoin d'une aide de longue durée apportée
par la communauté internationale, y compris la présence
d'une force stabilisatrice. Les opérations de maintien de la paix
menées par l'OTAN dans les Balkans ont démontré la
valeur du Partenariat dans la pratique. Le processus de planification
et d'examen (PARP) est un instrument essentiel du développement
de l'interopérabilité militaire. Il facilite l'évaluation
et l'accroissement de la capacité des forces de coopérer
dans des opérations de gestion des crises. On peut même dire
que sans la contribution des pays du PPP, la SFOR et la KFOR n'auraient
pas enregistré les mêmes succès.
Cependant, le défi pour l'OTAN et ses partenaires est loin d'avoir
disparu, dans les Balkans. J'ai dit dans une autre enceinte que la communauté
internationale doit être prête à maintenir son implication
dans les Balkans à long terme - pendant dix ou vingt ans - jusqu'à
ce que l'objectif soit atteint. La présence de troupes internationales
sera nécessaire pendant longtemps si l'on veut stabiliser la région.
Les membres de l'OTAN et les Partenaires ont beaucoup en commun, en particulier
les valeurs de liberté et de démocratie. Comme l'a indiqué
le Secrétaire général, Lord Robertson, au Sommet
de Sofia, le 5 octobre, les nouvelles démocratie ont démontré
une fois de plus qu'elles ne sont pas des amis uniquement lorsque tout
va bien. Elles ont fait ressortir que la communauté euro-atlantique
évolue rapidement pour devenir, non plus une communauté
de valeurs partagées, mais une communauté d'actions partagées.
Je suis d'accord avec cette affirmation. L'OTAN n'est pas un simple club
politique et culturel; c'est quelque chose de bien plus sérieux
: une alliance défensive et une pierre angulaire de la sécurité
européenne.
La constitution d'une coalition pour la lutte contre le terrorisme a
ouvert, dans d'autres domaines, la possibilité d'une collaboration
qui aurait semblé impossible il y a moins de deux mois. Au cours
de ces dernières semaines, le monde a été témoin
d'un réajustement géopolitique potentiellement comparable
à celui de 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale,
ou de la chute du mur de Berlin, en 1989. L'une des manifestations les
plus visibles de ce changement était cependant la visite de M.
Poutine à Bruxelles au début de ce mois.
L'OTAN s'est progressivement élargie pour inclure les dix-neuf
pays actuels. Mais le processus d'élargissement ne peut s'arrêter
là. Plusieurs pays européens ont exprimé le souhait
d'adhérer à l'OTAN. Parmi les pays qui aspirent à
devenir membres figurent la Slovénie, la Slovaquie, la Roumanie,
la Bulgarie et les Etats baltes. Les autres pays des Balkans et l'Ukraine
pourraient être candidats plus tard. J'apprécie à
sa juste valeur la politique de la porte ouverte pratiquée par
l'OTAN et sa volonté de développer la coopération
avec les pays partenaires. Il est important que chaque pays ait le droit
de choisir ses propres arrangements de sécurité. Toutefois,
dans le contexte de l'élargissement, les dispositions relatives
au Partenariat exigeront une attention et un effort particuliers de l'Alliance
si l'on veut que ces dispositions restent pertinentes pour les pays qui
n'adhéreront peut-être pas de sitôt à l'Alliance
ou qui n'y entreront peut-être jamais.
L'Union européenne prend des mesures pour améliorer sa
propre capacité de gestion de crise civile et militaire et, ce
faisant, elle s'efforce d'améliorer le lien entre les capacités
militaires et la mise en place de mécanismes décisionnels
plus efficaces pour la prévention et la gestion des crises. Tandis
que l'UE accroît ses capacités, nous devons veiller à
ce que les développements au sein de l'OTAN et de l'UE restent
complémentaires. Après tout, nous partageons le même
objectif des deux côtés de l'Atlantique : le renforcement
des capacités européennes pour parvenir à un meilleur
équilibre dans le partage des charges entre les Etats-Unis et l'Europe.
La présence de troupes américaines reste un élément
important de la sécurité globale de l'Europe. La politique
européenne de sécurité et de défense, la PESD,
ne concerne pas la constitution par l'UE d'une capacité de défense
collective ; elle concerne la gestion des crises et l'accroissement de
la flexibilité dans le traitement des situations de crise. La réalisation
de cet objectif suppose l'existence de mécanismes bien huilés
assurant le lien entre l'UE et l'OTAN.
Le Partenariat pour la paix (PPP) a été créé
comme l'un des instruments devant permettre à l'OTAN de faire face
au nouvel environnement de sécurité et de gérer le
changement intervenu après la fin de la Guerre froide. Il repose
sur des activités pratiques menées dans les domaines militaire
et de la défense, et facilite la mise en oeuvre de programmes alliés
d'aide militaire bilatérale. Le Conseil de partenariat euro-atlantique
(CPEA) a été créé en mai 1997, pour répondre
à la nécessité d'un lien politique plus visible entre
les Partenaires et l'OTAN. Il est important que le CPEA fournisse un forum
où Alliés et Partenaires puissent examiner ensemble les
défis de sécurité existant dans la région
euro-atlantique. Le Conseil conjoint permanent OTAN-Russie et la Commission
OTAN-Ukraine ont été fondés la même année,
en complément du CPEA. Ces deux instances ont été
constituées pour tenir compte du rôle unique que jouent la
Fédération de Russie et l'Ukraine dans la sécurité
euro-atlantique.
Mais le PPP ne concerne pas que les Partenaires. Il concerne aussi l'OTAN.
Dès le jour de sa création, il est devenu une composante
essentielle de la politique d'ouverture de l'OTAN et un élément
moteur pour l'adaptation de l'Alliance au nouvel environnement de sécurité.
Le CPEA joue un rôle de premier plan pour assurer une participation
efficace des pays partenaires aux opérations de gestion des crises
dirigées par l'OTAN. Des réponses conjointes aux problèmes
de la gestion des crises exigent des forces plus qu'intéropérables.
Sur la base de l'expérience acquise lors d'opérations réelles,
le programme du PPP a été élargi par l'inclusion
d'un Cadre politico-militaire (PMF) pour les opérations PPP dirigées
par l'OTAN. Le PMF renforce le rôle des Partenaires dans l'orientation
politique, la supervision, la planification opérationnelle ainsi
que les dispositions de commandement de ces opérations. Il est
important que les Partenaires qui contribuent activement à une
opération PPP dirigée par l'OTAN aient leur mot à
dire dans la prise de décision aux stades de la conception et de
l'exécution des opérations de gestion des crises.
La valeur de la composante civile du Partenariat dans des domaines tels
que la gestion des crises, les plans civils d'urgence et la gestion de
la circulation aérienne devient tout à fait évidente
dans ces nouvelles circonstances. Dans la lutte contre le terrorisme,
dans la prise de dispositions pour faire face à une guerre biologique
et dans les opérations de gestion des crises, la majorité
des tâches sont civiles.
Les arrangements mis en place par l'OTAN pour le partenariat et la coopération
ne visent pas seulement à accroître les capacités
et l'interopérabilité des forces armées. Ils ont
aussi d'importantes conséquences politiques, qui sont peut-être
parfois sous-estimées. L'évolution politique à long
terme est une transformation, déjà en cours dans les pays
d'Europe centrale et orientale, qui consiste à adopter de nouvelles
structures, de nouvelles pratiques et une nouvelle culture dans les relations
civilo-militaires. Le contrôle démocratique des forces armées
est un élément essentiel de toute démocratie.
Je soutiens sans réserve le programme du Partenariat depuis son
lancement. Le désir qu'ont d'autres pays d'adhérer à
l'OTAN ou au programme du PPP prouve la pertinence de l'Alliance et de
son partenariat. La poursuite de l'élargissement de l'OTAN à
l'est implique d'importants changements dans les dispositions relatives
au partenariat et à la coopération. Lorsque plusieurs pays
participant au PPP deviendront membres à part entière de
l'OTAN, nous devrons veiller à ce que le partenariat garde tout
son sens et représente toujours un plus pour les pays qui resteront
des partenaires comme pour les nouveaux partenaires. Il va falloir, je
pense, s'attaquer à un certain nombre de questions importantes
pour lesquelles le CPEA et le PPP constituent les cadres les plus appropriés.
Premièrement, nous sommes partisans d'une Russie stable, démocratique
et prospère, qui soit vraiment intégrée dans les
structures de coopération mondiales et européennes. Comme
je l'ai déjà indiqué, au lendemain des attaques terroristes
s'est présentée une nouvelle occasion de faire progresser
la relation OTAN-Russie. La visite du président Poutine à
Bruxelles le 3 octobre a posé un nouveau jalon sur la voie d'un
partenariat plus confiant et plus mûr. Je me réjouis à
la perspective du renforcement du dialogue entre l'OTAN et la Russie.
En outre, j'espère que la Russie s'engagera pleinement dans le
PPP car celui-ci offre des possibilités de développer la
coopération pratique entre l'OTAN et la Fédération.
Deuxièmement, je crois que l'un des principaux avantages offerts
par les arrangements de partenariat et de coopération de l'OTAN
sera, à l'avenir, la possibilité de coopérer avec
les pays des Balkans et de leur apporter un soutien. La Croatie, la Macédoine
et l'Albanie participent déjà au Partenariat pour la paix.
La République fédérale de Yougoslavie devrait y adhérer
prochainement. En outre, l'OTAN forme des militaires en Bosnie-Herzégovine
et améliore leurs capacités. Son effort à long terme
de collaboration avec les formes armées locales est un élément
essentiel de la stabilité régionale. La réforme du
secteur de la sécurité dans ces pays est une priorité
absolue et vise à placer fermement les forces armées sous
le contrôle des autorités civiles. Le PPP aidera les gouvernements
à professionnaliser les forces armées et à les rendre
interopérables avec les forces de l'OTAN. Une amélioration
de l'efficacité facilitera la réduction des effectifs. L'adhésion
prochaine de la RFY et de la Bosnie au PPP renforcerait et compléterait
les efforts déployés par d'autres organisations internationales
dans la région.
Troisièmement, nous devons faire un meilleur usage des instruments
politiques dont dispose l'OTAN. Le CPEA est un forum très utile
de consultation et de dialogue politiques au niveau élevé
entre Partenaires et Alliés sur les questions liées au terrorisme.
Au lendemain de l'attaque terroriste perpétrée aux Etats-Unis,
les possibilités de coopération dans le cadre du CPEA m'apparaissent
encore plus grandes. Le CPEA permet de mobiliser une coalition à
long terme et d'instaurer une coopération sur des questions pratiques
telles que l'efficacité des contrôles frontaliers. Les pays
partenaires d'Asie centrale occupent une position géographique
importante, mais difficile, dans le nouvel environnement stratégique.
Nous devons être à même de soutenir leurs efforts et
de les aider à faire face, le cas échéant, à
un accroissement des pressions à leurs frontières.
Je crois que personne ici ne mesure réellement la complexité
du défi auquel nous sommes confrontés. La seule certitude
est que les vulnérabilités sont légion, et qu'il
est impossible de se protéger contre toutes les attaques terroristes
potentielles. D'où l'absolue nécessité d'améliorer
les activités de renseignement pour déjouer les projets
d'attentat et d'assurer le partage des données du renseignement
et des autres informations entre les organisations civiles et militaires
concernées. Les priorités immédiates devraient comprendre
la lutte contre le trafic de drogue et le blanchiment d'argent afin de
limiter les sources de financement des groupes terroristes.
Mesdames, Messieurs,
Le système de sécurité mondial et le système
de sécurité européen sont en pleine mutation. Il
reste à voir quelles seront l'ampleur et la durée de l'impact
que les événements de septembre dernier à New York
et Washington auront dans le monde politique. Cependant, la nouvelle réalité
ne doit pas faire de nos sociétés des bastions nationaux
fermés. Le plus grand défi, pour tous les pays, consiste
à garder nos sociétés ouvertes à la diversité
culturelle et religieuse et à l'utiliser comme un élément
constitutif d'une société démocratique.
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