Lors de la
réunion
informelle des
ministres de la
défense de
l'OTAN, à
Birmingham
10 Oct. 2000
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Intervention
de Monsieur
Alain Richard,
Ministre de la défense de la France
Je me réjouis profondément du nouveau climat qui règne
désormais dans les relations entre l'UE et l'OTAN sur les questions
de défense. La manière constructive et positive dont la
plupart de nos alliés non membres de l'UE envisagent la question
est pour nous un hommage au travail accompli par les Quinze et un encouragement
précieux à poursuivre avec le même élan l'élaboration
d'une capacité européenne de défense. Les positions
exprimées par notre collègue Bill Cohen et par Mme Albright
sont révélatrices à cet égard. Les principes
que le Conseil européen a adoptés à Feira sur les
relations entre l'UE et l'OTAN nous ont placés dans cette bonne
perspective.
Je voudrais rappeler ici ces cinq principes fondamentaux :
- le développement de la consultation et de la coopération
entre l'UE et l'OTAN doit avoir lieu dans le respect total de l'autonomie
de l'UE (et bien entendu de l'Alliance) en matière de prise de
décision ;
- L'objectif visé est celui d'une consultation, d'une coopération
et d'une transparence complètes et réelles, en vue de
déterminer quelle est la réponse militaire la plus appropriée
en cas de crise. Il s'agit de prendre des décisions rapides en
la matière, ainsi que d'assurer une gestion efficace des crises.
- L'UE et l'OTAN sont des organisations de nature différente.
Il en sera tenu compte dans les dispositions concernant leurs relations.
- Chacune des organisations traitera avec l'autre sur un pied d'égalité.
- Dans les relations entre l'UE et l'OTAN en tant qu'institutions,
il n'y aura de discrimination à l'égard d'aucun des Etats
membres.
Ces principes sont mis en uvre, depuis Feira, selon des modalités
que tous les membres de l'UE ont voulues pragmatiques et rapides. C'est
l'esprit des quatre groupes de travail qui ont été créés
sur la sécurité, sur Berlin plus, sur la définition
des relations permanentes et sur l'objectif de capacités. Ils se
sont tous réunis, certains plusieurs fois. L' accord intérimaire
de sécurité, indispensable aux échanges de documents,
a été adopté. Le 19 septembre, la première
réunion conjointe entre le Conseil de l'Atlantique Nord et le Comité
politique et de sécurité intérimaire de l'Union Européenne
s'est déroulée dans de très bonnes conditions et
a permis un véritable échange.
Nous souhaitons que le travail sur Berlin plus, et celui sur les relations
UE/OTAN, qui en dépend largement, puissent progresser dans des
conditions aussi favorables. Toutes les données sont réunies
aujourd'hui pour que nous aboutissions à des textes qui organisent
cette coopération, cette transparence et ce renforcement réciproque
que chacun souhaite. Mais il faut pour cela que tous les alliés
agissent en ne prenant en compte que les intérêts de l'Alliance,
sans laisser des considérations nationales prendre le dessus.
Mais je voudrais revenir plus longuement sur le travail en cours au
sujet des capacités, car il me paraît exemplaire à
plusieurs titres :
- Le pragmatisme : en quelques mois, l'UE a conduit un processus
complexe. Partant des objectifs de capacités fixés par
le conseil d'Helsinki, nous avons élaboré un catalogue
de forces et de capacités nécessaires à l'accomplissement
des missions du Petersberg. Je suis convaincu que nous serons en mesure,
lors de la conférence de capacités de novembre, d'apporter
des réponses précises et militairement cohérentes
sous forme d'engagements nationaux.
- La transparence et la coopération : le catalogue de
capacités a été élaboré dans de très
bonnes conditions de transparence et de coopération avec l'OTAN.
Les échanges d'information ont eu lieu dans le cadre du groupe
de travail ad hoc. L'expertise de l'OTAN a été mise à
contribution dans le cadre de la " headline goal task force plus
", permettant notamment de confirmer la très grande qualité
du travail des experts militaires venus des quinze capitales. Cette
manière de travailler a donné aux nations membres de l'Alliance
et non membres de l'Union Européenne une véritable ouverture
sur les travaux de l'UE, et nous devons garder à l'esprit que
tout ce qui favorise la transparence entre nos deux organisations apporte
une réponse efficace et pratique au problème de la participation
des Six aux activités de l'Union.
- Le réalisme et la détermination : notre catalogue
comprend toutes les capacités nécessaires à une
action militaire conduite par l'UE. Nous avons mené un travail
honnête qui ne laisse rien de coté, depuis la phase d'alerte
jusqu'aux moyens sur le théâtre et je sais que les intentions
de contribution de l'ensemble des nations nous permettront de constituer
une force crédible. Nous constaterons certainement des besoins
sur certaines capacités, qui devront faire l'objet d'initiatives
nationales ou collectives. Plusieurs partenaires travaillent actuellement
à ces initiatives.
- Le renforcement réciproque : il va de soi que les capacités
définies, réunies, réalisées par les membres
de l'Union Européenne dans le cadre de l'élaboration des
objectifs de capacités pourront s'inscrire pleinement, s'agissant
en tout cas des 11 membres de l'Alliance, dans la démarche sur
la DCI. Plus encore, la dynamique européenne qui est lancée
devrait conduire les membres de l'UE à apporter, individuellement
ou par des programmes multilatéraux, de meilleures réponses
aux attentes de la DCI.
- L'ouverture : nous avons invité nos collègues
européens non membres de l'UE à offrir des contributions
additionnelles, dès le lendemain de notre conférence de
capacités. Nous nous félicitons en particulier des offres
déjà faites par les collègues membres de l'Alliance
que je remercie ici.
Pragmatisme, transparence, coopération, réalisme, détermination,
renforcement réciproque, ouverture, voilà ce qui doit continuer
à nous guider dans les mois et les années qui viennent lorsque
nous réfléchissons ensemble aux relations entre l'UE et
l'OTAN.
Je remercie Georges Robertson de nous donner l'occasion de débattre
de façon vivante, informelle et exploratoire de ces questions.
La contribution de Bill Cohen est très riche et contient beaucoup
d'appréciations très révélatrices de l'excellent
climat que nous avons relevé. J'y suis très sensible et
j'ai retrouvé dans son intervention beaucoup d'éléments
communs avec la mienne.
L'intervention de Bill Cohen apporte une relance opportune du travail
sur "Berlin plus", projet important qui progresse encore lentement,
notamment sur les conditions de mise à disposition des capacités.
Nous devons tous nous persuader que la coopération entre l'Alliance
et l'UE n'atteindra pas sa pleine cohérence si la disponibilité
des moyens de l'OTAN restait sujette à des incertitudes, par exemple
à des obstacles persistants posés par un Etat membre. Au
moment d'engager sa responsabilité politique dans une action militaire,
chacun de nous veut une réponse claire et affirmative sur les moyens
disponibles.
Par ailleurs et surtout, comme l'a rappelé Bill Cohen, les Européens
prévoient de conduire des opérations sans utiliser les capacités
et les équipement communs de l'Alliance, là ou l'Alliance
en tant que telle n'est pas engagée. Nous devons donc rester, parallèlement
à un processus de Berlin que nous souhaitons aussi riche que possible,
en mesure de prendre en charge l'ensemble des tâches indispensables
à la conduite des opérations. La planification, qui est,
nous le savons, une des tâches fondamentales de la gestion militaire
des crises, doit reposer sur un outil réellement à la disposition
des Quinze, centré sur leurs besoins concrétisés
par les missions de Petersberg.
S'agissant des réflexions sur les capacités, je me réjouis
de l'approche pragmatique de mes collègues participant à
la procédure d'établissement des plans de défense
de l'OTAN. Elle ne peut que rendre l'Alliance plus efficace dans la gestion
des crises "hors article cinq", ce que nous souhaitons tous,
en particulier notre pays qui participe activement à toutes les
opérations hors article 5 de l'OTAN.
L'Union Européenne s'est fixé pour objectif, dans son travail
d'élaboration de capacités, d'assurer la cohérence
avec le processus de planification et d'examen et avec le processus d'établissement
des plans de défense de l'OTAN. Cette préoccupation est
naturellement pleinement présente dans notre travail actuel pour
instaurer le système de suivi, de mise à jour et d'évaluation
de ces capacités. Nous espérons voir adopter un dispositif
souple mais axé sur la crédibilité des moyens militaires
de l'Union, assurant un égal niveau de préparation des forces
qu'elles soient appelées à servir dans le cadre de l'Alliance
ou dans celui de l'Union Européenne.
En conclusion je veux dire mon optimisme quant au développement
des relations entre l'UE et l'OTAN et confirmer à nos alliés
non membres de l'UE notre ouverture à la discussion sans a priori
sur tout sujet se situant dans le cadre des principes et des décisions
du conseil européen.
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