Intervention
du Ministre
franais des Affaires trangres,
M. Hubert Vedrine
Suivi du Sommet de Washington et autres questions relatives
la Scurit
Monsieur le Secrétaire général,
Chers collègues
L'Europe de la Défense a progressé au sein de l'Union européenne,
comme nous le souhaitions, en bonne intelligence avec l'OTAN et avec les
pays de l'OTAN qui ne sont pas membres de l'UE et en pleine transparence
avec eux. Sur le plan de la transparence, je note d'ailleurs que tous
les pays autour de cette table sont parfaitement au courant des textes
en cours d'élaboration au sein de l'UE. On ne peut pas être
plus transparent. Cela devrait être un élément de
confiance.
Sur les rapports entre l'UE et l'OTAN, je voudrais faire deux ou trois
remarques :
- ces relations reposent aujourd'hui sur les échanges informels
entre le Haut représentant pour la PESC et le Secrétaire
général de l'OTAN. Il est normal que ces relations évoluent,
et qu'elles évoluent en fonction des besoins réels, en portant
sur des sujets précis, dans des formats appropriés, et sans
que personne ne fasse preuve d'une impatience prématurée,
alors que ces mécanismes se mettent en place petit à petit.
Avec le Royaume-Uni, nous avons proposé à nos partenaires
de l'Union la mise en place de relations spécifiques entre nos
deux organisations dans quatre domaines : les questions de sécurité
; les capacités ; la mise à disposition des moyens de l'OTAN
pour des opérations conduites par l'Union européenne, si
celle-ci le décide, et la préparation des arrangements définitifs.
C'est une approche pragmatique. Elle suppose que, sur chacun de ces sujets,
nous déterminions les modalités et les formats les plus
appropriés. Elle implique aussi qu'au sein de l'Alliance, des progrès
soient accomplis pour permettre des relations efficaces avec l'UE, en
ce qui concerne en particulier la mise à la disposition des moyens
de l'OTAN pour des opérations de l'UE, dans des conditions satisfaisantes.
- Deuxième remarque : elle porte sur les relations avec nos alliés
européens non membres de l'Union. Les Conseils européens
de Cologne et d'Helsinki ont posé des principes sur ce sujet important,
concernant notamment la participation de ces pays aux opérations
militaires conduites par l'Union européenne.
L'Union fera naturellement toute sa place à ses partenaires européens
de l'Alliance dans les opérations qu'elle conduira en ayant recours
aux moyens de l'OTAN. C'est même évident. Nous n'en sommes
pas là. Cela avance petit à petit. Mais c'est l'objectif.
Elle le fera, bien entendu, dans un esprit d'ouverture. Elle le fera
aussi, en veillant au respect de son autonomie de décision, puisque
c'est là le progrès qui était recherché depuis
des années.
L'Europe de la Défense est une affaire sérieuse qui s'inscrit
dans la durée. C'est une entreprise de longue haleine, nécessaire,
difficile ; elle exige évidemment de la détermination de
notre part mais aussi une grande confiance mutuelle, les uns par rapport
aux autres : confiance dans le sérieux de notre action ; confiance
dans le fait que le développement des capacités d'action
autonome de l'UE, loin de menacer l'Alliance, la renforcent. Ce qui pourrait
comporter un risque pour l'Alliance, ce ne sont pas les efforts que font
les pays de 1'UE pour se doter des moyens d'assumer leurs responsabilités
internationales ; ce serait que l'Europe ne fasse pas cet effort et ne
permette pas à ce partenariat entre les deux côtés
de l'Atlantique de reposer sur la seule base possible et saine à
long terme :
c'est-à-dire le partage du fardeau mais aussi des responsabilités
et le partage de la décision
Quelques mots sur le projet de défense antimissiles du territoire
national (NMD). Je me réjouis que les autorités américaines
indiq uent que le président Clinton n'a pas pris sa décision
et qu'il la prendra en fonction de quatre critères:
- la crédibilité de la menace. On est obligé de
convenir qu'elle
existe. Mais la réponse envisagée est-elle la bonne ?
- la crédibilité du système antimissiles. Là,
je ne sais pas, c'est aux Américains d'évaluer. Nous ne
pouvons pas apprécier ;
- la question du coût ;
- les conséquences pour les Alliés et pour l'équilibre
stratégique. Je redis ici ce que j'ai dit à Washington il
y a quelques jours. Nous souhaitons que toutes les conséquences
soient envisagées.
C'est aux Etats-Unis qu'il appartient de définir les éléments
de sécurité américaine. Il est certain aussi que
le traité ABM est un traité bilatéral. Mais nous
souhaitons que toutes les conséquences possibles sur les Alliés
aient été pleinement envisagées. Nous souhaitons
qu'il n'y ait pas de disproportion entre la menace qui est, nous dit-on,
à l'origine de ce projet et les conséquences qui en seront
tirées.
Balkans
Monsieur le Secrétaire général,
Chers collègues,
Cela fait bientôt un an que la KFOR est déployée
au Kosovo.
Depuis le 23 avril, le Corps européen forme le noyau de l'état-major
de la KFOR et assure son commandement.
Le bilan de cette année d'efforts est largement positif. Je n'y
reviens pas. Nous avons tous en tête ce qui a été
réalisé, alors que nous intervenions dans un climat très
difficile.
Cependant, la situation est loin d'être stabilisée. Les
extrémistes de tous bords continuent de représenter une
menace pour la paix. Il faut veiller à empêcher qu'ils se
saisissent des élections que nous préparons pour compliquer
encore cette situation. Le crime organisé reste aussi un sujet
de préoccupation majeure.
A notre avis, la KFOR, en coopération étroite avec la MINUK,
doit redoubler d'efforts. Il n'y a pas de critiques, mais je pense qu'il
faut faire encore plus pour :
- garantir la protection effective des minorités ;
- veiller au maintien de l'ordre et de la sécurité publique
jusqu'à ce que la police civile puisse prendre totalement le relais
;
- assurer un contrôle renforcé des frontières et
des limites internes du Kosovo, dans le respect du mandat des Nations
unies et des dispositions de l'Accord militaire technique.
Nous pensons tout spécialement à la préparation et
au bon déroulement des élections locales.
Dans cette affaire, la préparation est presque aussi importante
que l'élection elle-même pour la consolidation de la démocratie
au Kosovo.
S'agissant de la Serbie, il est clair que la politique de sanction ne
donne pas les résultats escomptés. Cela ne nous surprend
pas. Vous connaissez notre position sur ce sujet.
Le dialogue avec l'ensemble de la société civile est le
bon choix. Plus encore que notre action extérieure, c'est le soutien
que nous apporterons à cette société civile et notre
coopération avec celle-ci qui contribueront à la dynamiser
pour qu'elle trouve la force de changer de régime.
Il ne faut pas oublier le Montenegro, pour lui permettre de résister
aux pressions serbes. Je crois qu'au Montenegro, nous n'avons pas encore
trouvé la bonne solution.
En Bosnie, les progrès dans la mise en oeuvre de l'Accord de paix
ont permis ces derniers mois d'alléger de près de 10 000
hommes le dispositif de la SFOR. Cependant, beaucoup reste à faire
pour une application durable de tous les aspects du volet civil.
Je pense à la sécurisation des retours de réfugiés,
à la démilitarisation du secteur de Brcko, au soutien des
efforts du Haut représentant contre le crime organisé et
les réseaux d'influence extérieure.
Je pense aussi à la coopération avec le Tribunal pénal
international.
Je réaffirme ici la ferme détermination de la France à
faire en sorte que les criminels de guerre soient effectivement traduits
devant le TPI. A cet égard, il est important qu'au cours des six
derniers mois la force internationale ait pu procéder à
l'arrestation de six personnes inculpées de crimes de guerre par
le TPIY, et notamment à celle de Momcillo Krajisnik, la personnalité
de plus haut rang jamais arrêtée à ce jour en ex-Yougoslavie.

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