CAN
Meeting

8 Dec. 1998

Allocution de l'honorable Lloyd Axworthy,
ministre des affaires trangres, la runion
du conseil de l'atlantique nord

Au moment o s'amorce le second demi-sicle de l'Alliance, le monde a bien chang depuis 1949 ou mme depuis 1989, et les problmes de scurit qui se posent sont bien diffrents de ce qu'ils taient ce moment-l.

Aujourd'hui, nos vies sont interrelies un point sans prcdent. Au mme moment, les conflits se sont davantage tourns vers l'intrieur, ce qui a eu des effets catastrophiques sur les socits. La grande majorit - 90 % - des victimes de ces conflits sont des civils, surtout des femmes et des enfants, qui trop souvent sont la cible directe des combattants et trop souvent sont victimes de la prolifration alarmante des armes de petit calibre.

La progression du crime, du commerce de la drogue et du terrorisme pose de nouveaux dangers dans nos rues. Les incidents survenus dans le mtro de Tokyo et au World Trade Center montrent que nous pouvons tous tre victimes d'attentats terroristes l'intrieur de nos propres frontires.

Certes, les facteurs menaant la scurit entre les tats n'ont pas disparu, mais cet environnement changeant met plus directement en cause la scurit des simples citoyens. Pour tre plus forte et plus utile, l'Alliance doit s'adapter ces nouvelles ralits.

Bosnie/Kosovo

Les rles de l'OTAN dans les crises de la Bosnie et du Kosovo tmoignent des efforts de l'Alliance.

Au plan politique, il reste beaucoup faire en Bosnie. Depuis les lections de cet automne, les positions politiques se sont polarises et on note de nouveaux signes de stagnation du processus de rconciliation.

Notre Haut Reprsentant, Carlos Westendorp, a besoin de notre appui et mrite d'tre soutenu. Notre priorit devrait tre de veiller ce que les Bosniaques jouent un rle central dans la reconstruction de leur propre pays, et viter qu'une culture de dpendance ne prenne racine. Dans les prochains mois, nous devons veiller activement faciliter des solutions politiques durables et ne pas nous contenter de surveiller un processus stagnant.

Mme Louise Arbour, procureur en chef du Tribunal international, affiche une liste impressionnante de condamnations. L'arrestation du gnral Krstic par la SFOR [Force de stabilisation] la semaine dernire est particulirement encourageante et nous flicitons les Allis dont les forces y ont contribu.

Des progrs importants ont t raliss dans les efforts en vue d'attnuer les effets dvastateurs des mines terrestres dans cette rgion, surtout par le biais de nouveaux partenariats. Dans le cadre d'une initiative conjointe destine fournir une assurance aux dmineurs, le Canada et la Norvge ont pu presque doubler le nombre des dmineurs travaillant en Bosnie. Le Fonds d'affectation spciale pour la Slovnie, un mcanisme innovateur tabli par les tats-Unis, double effectivement l'apport de pays partenaires comme le Canada aux efforts de dminage en Bosnie.

Malheureusement, les rfugis et les personnes dplaces qui sont rentrs dans leurs foyers n'ont pas t aussi nombreux que nous l'avions espr cet t. Il faudra donc que la SFOR poursuive ses efforts.

Le Canada reste pleinement engag appuyer la SFOR et lui affecter les forces ncessaires pour aider instaurer une paix durable. Mais nous souhaitons aussi avoir l'occasion, au cours des prochains mois, de nous pencher sur diverses options de rduction des effectifs. Nous aimerions voir une stratgie prcise pour le dsengagement graduel de la SFOR et pour le transfert des responsabilits aux institutions locales.

Au Kosovo, les interventions de l'OTAN ont permis de mettre fin au cycle de violence et d'viter une catastrophe humaine. Elles ont aussi montr comment les proccupations humanitaires stimulent l'action collective. Le Canada a solidement appuy les efforts de l'Alliance. Nos avions sont prts participer aux oprations si ncessaire. Nous nous employons planifier notre contribution la Force d'extraction pour le Kosovo.

Les premiers efforts dploys pour soutenir la paix au Kosovo ont t couronns de succs. Pendant le dploiement de la Mission de vrification de l'OSCE [Organisation pour la scurit et la coopration en Europe], l'Alliance doit toutefois rester vigilante. Il n'y a pas de place pour la complaisance. Nous devons continuer exercer des pressions pour amener les deux parties prendre des mesures susceptibles de contribuer vritablement un rglement pacifique ngoci.

L'absence d'entente politique est de plus en plus proccupante. Il est craindre qu'avec le dgel du printemps, les hostilits ne reprennent de plus belle. Nous devons donc exercer sur Belgrade toutes les pressions possibles. Ceux d'entre nous qui ont de l'influence auprs des factions albanaises devraient prendre toutes les mesures possibles pour arrter le flot de dons et d'armes.

Armes de destruction massive

L'action de l'OTAN dans les Balkans montre la dtermination et la capacit de l'Alliance s'adapter aux nouveaux dfis que soulvent les questions de scurit. Le plus grand de ces dfis est peut-tre celui que pose la prolifration des armes de destruction massive, aussi bien nuclaires que chimiques et biologiques. L'impact de ces armes est indiscutable. Pourtant, le rgime de non-prolifration que nous avons mis en place pour contrer cette menace risque d'tre compromis. Les dangers viennent de plusieurs sources.

L'Iraq, la Libye et le Soudan restent des sources possibles pour la mise au point d'armes chimiques et biologiques. Les transferts illicites de techniques ou de matires qui pouvent servir la production d'armes nuclaires, chimiques et biologiques constituent une menace trs relle pour chacun de nous. La sret, le stockage et l'limination des matires nuclaires provenant de systmes d'armes dmantels suscitent des inquitudes de plus en plus grandes.

Le danger de la prolifration des armes nuclaires - lesquelles sont, de toutes les armes de destruction massive, celles qui sont les plus mortelles - a ressurgi avec une clart effrayante. Les programmes d'armements nuclaires de l'Inde et du Pakistan accroissent le risque d'un conflit nuclaire et aggravent les difficults auxquelles fait face le rgime de non-prolifration.

Par ailleurs, de nouveux arguments en faveur du maintien des armes nuclaires se font entendre, ce qui nuit aux efforts de dsarmement et conforte les prolifrateurs.

L'OTAN doit faire partie de la solution ces problmes. Elle devra prendre de nouvelles initiatives et modifier son approche et sa faon de penser.

C'est pourquoi nous nous rjouissons de l'initiative concernant les armes de destruction massive que proposeront les tats-Unis au Sommet. Nous appuyons la proposition amricaine selon laquelle les Allis doivent faire plus pour s'changer des renseignements.

Il faudra pour cela un cadre d'orientation et nous proposons cette fin l'Alliance de rtablir le Comit mixte sur la prolifration. En particulier, nous aimerions voir runis en un seul groupe de hauts reprsentants politiques et militaires qui, bnficiant du soutien technique voulu, seraient chargs d'tudier les difficults auxquelles nous serons confronts du point de vue des armes nuclaires, chimiques et biologiques, et de recommander les mesures prendre ensemble. Nous serions ainsi certains de fonder nos actions sur une comprhension commune de la gravit des dangers qui se posent au chapitre de la scurit. Cela nous permettrait aussi d'valuer la source de ces dangers.

Nous pouvons aussi collaborer pour empcher d'ventuels adversaires de se munir d'armes chimiques et biologiques ou d'installations pour en fabriquer. En formant et en quipant nos forces pour leur permettre de mener des oprations dans un environnement chimique ou biologique, nous renforcerons la capacit de l'OTAN de grer les crises, de contribuer aux oprations de paix et de dissuader des adversaires potentiels de recourir ce type d'armes.

Enfin, nous devons avoir un change de vues approfondi sur les ralits changeantes auxquelles l'Alliance fait face, de mme que sur les moyens les plus judicieux et les plus efficaces de ragir.

Nous ne sommes plus aux prises avec la menace conventionnelle crasante que reprsentaient autrefois le Pacte de Varsovie, l'Union sovitique et leurs 350 000 soldats en Allemagne de l'Est. Cela doit se reflter dans les stratgies de l'Alliance. Plus que jamais, toute discussion au sujet de recours aux capacits nuclaires de l'Alliance, ne serait-ce que pour riposter, soulve des questions trs dlicates concernant les moyens, la proportionnalit et l'efficacit, qui suscitent chez nous de vives inquitudes.

Le Canada estime qu'on ne peut tenir pour assure l'issue d'un tel change de vues. Cependant, l'ouverture d'un dialogue touchant l'ensemble de ces questions l'heure actuelle montrerait nos populations et d'autres interlocuteurs que nous prenons au srieux la ncessit d'actualiser l'Alliance et d'adapter ses ractions la nouvelle dynamique qui caractrise le monde d'aujourd'hui.

Concept stratgique

Le Canada souhaite que l'Alliance adopte une vision stratgique qui rponde de faon constructive toutes ces proccupations au sujet des armes nuclaires, biologiques et chimiques.

Nous devons examiner la tension vidente qui se manifeste entre les propos des Allis de l'OTAN au sujet de la prolifration et nos actions en matire de dsarmement. Plus de 70 % des Canadiens appuient l'OTAN et l'adhsion du Canada l'Alliance, mais 93 % d'entre eux s'attendent ce que le Canada et ses partenaires donnent l'exemple en ce qui a trait aux efforts en vue d'liminer les armes nuclaires. Cette semaine, le Comit permanent des affaires trangres et du commerce international de la Chambre des communes du Canada dposera ses recommandations sur le Dfi nuclaire . Le gouvernement du Canada les tudiera attentivement.

De nombreux auditoires, aussi bien hors de l'Alliance qu'au sein de celle-ci, soupseront chaque mot du nouveau Concept stratgique. Au moment de rdiger ce nouveau concept, nous devrons donc nous regarder comme les autres nous voient, de faon ne pas envoyer de messages contraires nos intentions. Nous devrons tre prudents quant la valeur politique que nous attachons aux forces nuclaires de l'OTAN, de crainte de fournir aux prolifrateurs des arguments pour justifier leurs propres programmes nuclaires.

C'est pourquoi j'aimerais vous faire part de certaines rflexions concernant les messages que devrait vhiculer le nouveau Concept stratgique.

Premirement, il faudra tablir sans ambigut que l'Alliance existe pour assurer la scurit de ses membres, ainsi que de la rgion euro-atlantique, et non pas pour contrecarrer qui que ce soit, et surtout pas la Russie. cette fin, nous devrons raffirmer les engagements de l'Alliance dfendre collectivement ses membres, favoriser la scurit, prvenir et grer les conflits, et assurer la stabilit dans la rgion euro-atlantique, par ses propres moyens et dans le cadre de partenariats avec d'autres tats europens. Ce faisant, nous devrons exprimer clairement que nous sommes une Alliance fonde sur des valeurs, dtermine ce que son action contribue la promotion de ces valeurs, en tenant compte du droit international, des impratifs humanitaires et des ralits politiques.

Deuximement, le Concept stratgique devra dfinir les relations de l'OTAN avec les autres institutions qui participent au cadre de la scurit internationale. L'OTAN peut jouer un rle dcisif dans des situations difficiles. Nous devons reconnatre, comme le Trait le fait dj, le caractre central du rle et de la responsabilit des Nations Unies.

Troisimement, le Concept stratgique devra illustrer les normes progrs accomplis dans le domaine du dsarmement depuis 1991, et porter l'engagement d'en faire davantage encore. Une attention spciale devra tre accorde aux rductions effectues quant aux armes stratgiques, ainsi qu' l'limination de catgories entires d'armes en Europe. En mme temps, nous devrons affirmer notre intention de renforcer le rgime de non-prolifration nuclaire, surtout pour rpondre aux menaces spcifiques que j'ai voques, et de concevoir d'autres mesures de contrle des armements et de dsarmement.

Quatrimement, le Concept stratgique devra souligner le fait que, par suite de l'volution du climat de scurit, les armes nuclaires revtent une importance bien moindre l'gard de la stratgie de l'Alliance que ce n'tait le cas durant les annes 80 et au dbut des annes 90.

largissement

En mme temps que l'examen du Concept stratgique, la question de l'largissement de l'OTAN retiendra l'attention au cours des prochains mois. Nous souhaitons que la Rpublique tchque, la Hongrie et la Pologne prennent place la table du Conseil le plus tt possible avant le Sommet de Washington. Nous pressons donc les autorits responsables, aussi bien dans les pays concerns qu' l'OTAN mme, de prendre les mesures voulues cette fin.

Pour le Canada, l'largissement de l'OTAN reprsente l'accomplissement d'une promesse politique faite aux pays d'Europe centrale et orientale au moment de la fondation de l'Alliance. Cette question revt donc une importance politique et la dcision d'largir ou non l'Alliance ne saurait tre fonde uniquement sur la capacit des membres ventuels contribuer ses ressources militaires.

Invitablement, il n'y aura pas unanimit sur la question de savoir s'il faut ou non inviter de nouveaux membres lors du Sommet de Washington. Nous appuyons bon nombre des ides proposes dans la cadre de la formule Madrid Plus l'intention des pays candidats. Au-del de cela, nous devrions nous entendre lors du Sommet sur un plan directeur politique et sur le calendrier des dcisions concernant un largissement plus pouss.

Ce point reviendra constamment l'ordre du jour de nos travaux au cours des prochaines annes. Je crois que nous devrons dcider de procder un autre largissement ds 2001.

Conclusion

Le Canada veut que l'Alliance franchisse le seuil de son deuxime cinquantenaire plus forte et plus utile que jamais. l'heure o nous nous prparons pour le Sommet de Washington, n'oublions pas que ce sont les valeurs et le succs de nos dmocraties qui nous unissent en tant qu'Allis et qui nous permettront de surmonter les dfis qui nous attendent. Le Sommet de Washington constituera pour l'Alliance un jalon important, et trs visible, dans ce processus. J'espre que nos rencontres ici cette semaine contribueront sa russite.

Merci.


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