Runions des ministres des Affaires trangèress
Bruxelles
8 dcembre 1998
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Conseil de l'atlantique nord (8-9 dcembre 1998)
Intervention d'Hubert VEDRINE Ministre des Affaires trangres
Monsieur le Secrtaire gnral,
chers collgues,
Je vais me consacrer la situation dans les Balkans.
Depuis maintenant trois ans, des forces de l'OTAN sont engages en Bosnie. Depuis 1995, elles ont accompli un travail important pour la paix et la reconstruction. Mais, les progrs accomplis dans la constitution d'une Bosnie dmocratique et pluri thnique, fixe comme objectif Dayton, marquent le pas. C'est pourquoi nous avons d, aujourd'hui, maintenir, en l'tat, l'essentiel du dispositif de la SFOR. Le moment est venu, pour la communaut internationale, de se pencher srieusement sur l'avenir de la Bosnie et du contexte rgional dans lequel elle se situe. C'est la lumire des conclusions de la prochaine runion de Madrid que nous devrons, nous aussi, engager une rflexion sur le rle qui doit tre celui de l'Alliance en Bosnie, dans la perspective de la prochaine rvision du dispositif de la SFOR.
Il y a un an, mon pays avait appel, avec l'Allemagne, une vritable mobilisation de la communaut internationale pour prvenir l'explosion de la crise du Kosovo. Depuis l'explosion de cette crise, au moins sous sa forme paroxismique depuis mars, un travail convergent et tenace a t accompli durant ces mois par le Conseil de scurit, par le groupe de contact, par l'Union europenne, par les diplomaties europennes, amricaine et russe, naturellement par l'OTAN. Mon pays a t parmi les premiers demander, en mai dernier, que l'Alliance tudie une gamme d'options rellement large qui crdibilise un ventuel recours la force. La rsolution 1199 a fix le cadre en termes de lgalit internationale. Pouvoir utiliser ensuite la menace de l'emploi des moyens militaires de l'OTAN, concrtise par l'act-ord du 12 octobre, a t dcisif pour obtenir du Prsident Milosevic les engagements qu'ils a finalement pris le 13 octobre.
Mais notre travail, au Kosovo, est loin d'tre termin. Il y a un vrai changement sur le terrain : la mission de vrification de l'OSCE se met en place ; le dispositif de surveillance arienne de l'OTAN est oprationnel ; les premiers lments de la force d'extraction, dans laquelle la France a tenu assumer, avec le Royaume-Uni et d'autres allis europens, la responsabilit principale, arrivent en Macdoine. N'oublions pas que ce dispositif vise obtenir au plus tt un vritable rglement politique de la crise du Kosovo, ce qui suppose, sur la base du travail de Chris Hill, les pressions appropries, une vraie ngociation directe et, au bout du compte, l'adoption par les deux parties d'un statut intrimaire substantiel.
Il n'est pas prmatur de tirer quelques leons de cette crise. La Force de l'OTAN continue impressionner. Les membres de l'Alliance ont manifest avec force leur solidarit. Ils l'ont fait, tout au long de cette crise, encadrs par la communaut internationale, stimul par le groupe de contact ; placs sous l'autorit du Conseil de scurit lorsque la ncessit d'envisager un ventuel recours la force s'est impose et doivent nous guider dans notre rflexion sur la gestion des crises.
Cette runion intervient aussi un moment important pour l'Alliance, quelques mois du sommet de Washington.
Le rendez-vous de Washington doit tre l'occasion de confirmer que l'Alliance garde sa raison d'tre et continue nous rassembler, grce un bon trait, dont les articles fondamentaux - notamment les articles 4,5 et 7 - gardent toute leur pertinence et qui nous a permis de procder, sans heurt aux adaptations ncessaires.
Les sujets sur lesquels un large accord existe entre nous sont nombreux :
- A propos des missions de l'Alliance, il y a accord sur le fait que la dfense collective doit demeurer le fondement de l'OTAN ; accord, galement, sur le fait que l'Alliance peut conduire d'autres missions que des missions de dfense collective, sous l'autorit du Conseil de scurit ou la responsabilit de l'OSCE. Le Sommet de Bruxelles l'a reconnu en 1994 ; notre engagement en Bosnie et au Kosovo l'a traduit dans les faits. Ces missions doivent prendre leur place dans le nouveau concept stratgique de l'OTAN, dans le respect de leur spcificit au regard des fonctions essentielles de l'Alliance.
- Il y a accord, ensuite, me semble-t-il,sur la ncessit pour l'Alliance de prendre en compte de nouveaux risques. C'est la raison pour laquelle nous avons engag, ds le sommet de 1994, des travaux sur le thme de la prolifration des armes de destruction massive. Nous devrons les poursuivre, tant entendu que la prolifration est, pour l'Alliance en tant que telle, un enjeu parmi d'autres et que l'Alliance est, dans ce domaine, un acteur parmi d'autres
Si nous sommes d'accord sur la mission fondamentale, comme nous le sommes sur l'importance des nouvelles missions, et sur la ncessaire prise en compte des nouveaux risques, cela signifie que notre cohsion est suffisamment forte pour que nous n'ayons pas besoin de rechercher un nouveau concept fdrateur. Nous courrions le risque de diluer l'Alliance et de diviser les Allis, ce qui naturellement ne doit pas arriver.
De la mme faon, s'agissant de la base sur laquelle doivent tre menes les missions non-article 5 impliquant le recours la force, il existe une formule agre au niveau des chefs d'Etat selon laquelle ces missions doivent tre "places sous l'autorit du Conseil de scurit". Il s'agit l d'un point fondamental de notre politique trangre. C'est galement une formule qui a fait ses preuves, puisqu'elle nous a permis d'agir ensemble lorsque nous l'avons estim ncessaire : notre engagement au Kosovo, que j'ai dj cit, en est le meilleur tmoignage.
Enfin, autre lment de convergence important entre nous : la ncessit de poursuivre le mouvement d'ouverture engag par l'Alliance vers l'extrieur .
La fin de la guerre froide nous a permis de fonder, avec la Russie, une relation entirement nouvelle. L'Acte fondateur exprime votre volont d'associer la Russie la dfinition des nouvelles conditions de la scurit en Europe. Il n'y a qu' le faire vivre pleinement.
La disparition des lignes de fractures antrieures a galement offert aux pays d'Europe centrale et orientale la libert de rejoindre les institutions dmocratiques europennes et Atlantiques. Nous sommes heureux de compter parmi nous aujourd'hui la Pologne, la Hongrie et la Rpublique Tchque. Nous souhaitons que leur entre formelle intervienne ds que possible. Il appartient l'Alliance de poursuivre ce processus sur la base des dclarations de Madrid et d'apporter, ainsi, sa contribution la reconstitution progressive de l'unit du continent europen.
Sur tout ces sujets, la discussion commence. Elle concerne beaucoup de points sensibles pour nos pays. Les quilibres que nous rechercherons devront tenir compte des sensibilits existantes si nous voulons parvenir un consensus, condition ncessaire du succs du sommet de Washington et du maintien de la cohsion transatlantique que nous souhaitons tous manifester cette occasion.
Cette cohsion repose sur une relation saine et quilibre entre l'Amrique du Nord et une Europe unie, forte et responsable.
Cela suppose un nouveau partage des responsabilits dans une Alliance rnove afin que, sur la base des principes dfinis Berlin, nous fassions de nouveaux progrs et que le "pilier europen" de l'Alliance devienne une ralit. Robin Cook en a trs bien parl tout l'heure.
Cela suppose surtout,que, pour assumer leurs responsabilits face aux crises internationales, les Europens se dotent dans le cadre de l'Union europenne, d'une capacit autonome d'action, appuye sur des forces militaires crdibles, avec les moyens de les utiliser et en tant prts le faire. Cela ne pourra se faire qu'en bonne intelligence, cela va de soi, avec les Etats-Unis et le Canada, sans duplication inutile des moyens militaires. C'est tout l'objet de notre volont de dvelopper progressivement, au sein de l'Union Europenne, une politique de dfense commune dans le cadre de la Politique Etrangre et de Scurit Commune (PESC).
Cette ambition, ncessaire pour que l'Union europenne puisse tre en mesure de jouer tout son rle sur la scne internationale, est en mme temps conforme aux intrts de l'Alliance, dont elle viendra renforcer la force et la cohsion en ralisant un couplage moderne. Nous avons tenu, avec nos Allis britanniques, le dire clairement lors du Sommet de St Malo :
Je cite : "En renforant la solidarit entre les pays de l'Union Europenne pour que l'Europe puisse faire entendre sa voix dans les affaires du monde, tout en agissant en conformit avec nos obligations respectives au sein de l'Otan, nous contribuons la vitalit d'une Alliance Atlantique rnove qui constitue le fondement de la dfense collective de ses membres".
De notre capacit prendre en compte cette ralit nouvelle lors du Sommet de Washington dpendra, en grande partie, le succs de ce dernier. Plus fort sera le pilier europen, plus solide sera notre Alliance !
L, est notre sens, le vritable ciment unificateur d'une Alliance prte aborder le XXIme sicleJe vous remercie.
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