10e anniversaire
du programme
de relations
internationales
de l'ULB/
du CERIS

Bruxelles,
5 octobre 98

Allocution

du Secrtaire gnral, Dr. Javier Solana,

lors de l'ouverture de l'anne acadmique de l'ULB

Mesdames, Messieurs,

Avant toute chose, permettez-moi de prsenter mes flicitations l'ULB et au CERIS l'occasion du dixime anniversaire de leur programme de relations internationales. Il s'agit l d'une ralisation dont vous pouvez tre fiers.

Certains d'entre vous savent peut-tre que je suis physicien de formation. Je ne suis venu que plus tard aux relations internationales. C'est un sujet fascinant, tout comme la physique. Il y a nanmoins une diffrence majeure. La physique nous aide expliquer le monde. Elle faonne ainsi nos comportements et nos vies indirectement, lentement. La politique, en revanche, peut faonner notre monde immdiatement - dans l'espoir d'un changement en mieux. Ainsi, l'tude des relations internationales contient non seulement une grande part de fascination, mais aussi une grande part de responsabilit.

Il en va particulirement ainsi de la politique de scurit. Lorsque la Guerre froide s'est termine, certains ont cru que les questions de scurit avaient perdu de leur importance, en particulier ici en Europe, et que dsormais la paix pouvait tre assure par la seule interdpendance conomique. Aujourd'hui, aprs la guerre en Bosnie et avec la crise toujours menaante du Kosovo, ces voix ont perdu de leur belle assurance. Nous avons appris que la paix doit tre assure par une combinaison de facteurs conomiques, politiques, sociaux et de scurit. Et nous avons appris - une fois de plus - qu'il est tout simplement impossible de prdire l'avenir avec la moindre certitude. Ce qui reste vrai, c'est que la politique est l'art de faire face l'imprvu. En tant qu'tudiants en relations internationales, vous devriez garder cela l'esprit. Aprs tout, c'est vous qui serez les dirigeants de demain.

Dire que nous ne savons pas d4e quoi demain sera fait ne signifie pas pour autant que nous devons rester entirement passifs. Au contraire, nous pouvons faonner l'environnement politique, nous pouvons en amliorer la prdictibilit, nous pouvons rduire un minimum les mauvaises surprises. Comment ? En travaillant en quipe. Les dfis du XXIe sicle dpassent de loin les capacits de chaque Etat-nation ou de chaque organisation internationale. Seule la coopration nous permettra de matriser les tches qui nous attendent, qu'il s'agisse de la promotion de la stabilit et de la prosprit en Europe Centrale et orientale, y compris en Russie et en Ukraine, de prvenir la prolifration des armes de destruction massive ou de protger l'environnement mondial. Bref, nous ne pouvons faire face la mondialisation avec une approche de la scurit caractrise par la fragmentation. Seule une quipe peut relever le dfi. Et il n'est pas d'quipe plus forte que l'Amrique du Nord et l'Europe - associes au sein de notre Alliance atlantique.

C'est de cette quipe unique en son genre que j'aimerais, aujourd'hui, vous entretenir - une quipe qui imprime aux relations internationales des marques tout fait uniques. Dans le pass, le rle principal de cette Alliance tait de protger l'Europe occidentale contre des actes d'intimidation militaires. Ce rle s'est prsent sensiblement largi, puisqu'il s'agit d'aider la rorganisation des relations de scurit dans l'ensemble de la rgion euro-atlantique, autrement dit d'aider la construction d'une nouvelle architecture de scurit euro-atlantique.

Depuis le dbut des annes quatre-vingt-dix, nous avons progress considrablement dans la mise au point d'une architecture qui soit viable. Le conflit en Bosnie peut avoir contrari quelques-uns des nobles desseins du dbut, mais il a galement permis qu'aujourd'hui, toutes les grandes institutions tendent mieux leur action de faon relever des dfis nouveaux, plus complexes. En particulier, cette crise a montr que la scurit et la stabilit dans le monde de la fin du Xxme sicle doivent tre assures par l'ensemble des institutions internationales. L'Union europenne s'largit de nouveaux membres, a tabli une relations solide avec la Russie et noue des liens nouveaux avec les pays mditerranens. L'OSCE elle aussi a tendu son action, traitant dsormais de questions lies aux minorits dans la rgion de la Baltique et organisant des lections libres en Bosnie.

Quoi qu'il en soit, la contribution de l'OTAN cette architecture demeure unique en son genre. L'OTAN prsente en effet trois caractristiques cls qui lui permettent d'exercer une influence non ngligeable sur la forme donner cette architecture : le processus de consultation politique, la comptence militaire et le lien transatlantique. Ensemble, ces lments ont t l'origine d'un lan de coopration sans prcdent dans la rgion euro-atlantique tout entire. Et, comme le montre notre opration en Bosnie, cet lan de coopration n'est pas une simple manifestation fugitive : sur le terrain, il fait une relle diffrence.

Ce que l'OTAN a accompli en Bosnie est assurment unique : une coalition de plus de trente pays, Allis et Partenaires, assure la mise en oeuvre de l'Accord de paix de Dayton. L'OTAN a pu unir dans cet effort conjoint des pays allant des Etats-Unis la Russie, de la Sude l'Autriche. Ensemble, l'OTAN et ses Partenaires procurent une assise militaire la reconstruction politique et conomique mene par l'Union europenne, l'OSCE et de nombreuses autres institutions. L'Alliance joue ainsi un rle cl dans la stabilit long terme des Balkans. Aucune autre organisation n'aurait pu faire ce que l'OTAN fait avec la Force de stabilisation. L'OTAN demeure un instrument irremplaable pour une gestion efficace des crises.

Cependant, l'imposition d'un rglement de paix n'est pas la seule contribution que l'OTAN peut apporter la scurit et la stabilit dans les Balkans. Le conflit du Kosovo est une autre source de proccupations. L-bas, le temps presse. La semaine dernire, le Conseil de Scurit des Nations Unies a constat sans ambigut la dtrioration continue de la situation sur le terrain jour aprs jour. Les actions menes par les forces de scurit de Belgrade se poursuivent, obligeant des milliers de civils fuir leurs domiciles . La communaut internationale est dtermine empcher une catastrophe humanitaire majeure au Kosovo. L'OTAN a achev la planification d'une srie d'options militaires. Les plans ainsi tablis donnent nos dirigeants politiques une grande souplesse dans l'excution d'options militaires si cela devait se rvler ncessaire. Nous sommes prts agir.

Paralllement, et dans notre stratgie pour contribuer la scurit dans la rgion, nous avons eu recours nos mcanismes de coopration pour aider la stabilisation des Etats voisins du Kosovo, l'Albanie et l'ex-Rpublique yougoslave de Macdoine. Nous avons intensifi nos programmes d'assistance militaire au profit de chacun de ces pays. Le programme de partenariat qui nous lie l'Albanie vient d'tre repens pour aider au maintien de la stabilit du pays. Nous appuyons le travail de secours humanitaire du Haut Reprsentant des Nations Unies en Albanie. Nous avons aussi procd des exercices en Albanie et dans l'ex-Rpublique yougoslave de Macdoine afin de montrer bien clairement que nous n'abandonnons pas ces pays partenaires en difficult. Tout cela montre que l'OTAN a aussi un rle jouer dans la prvention des crises - domaine que nous nous devons d'approfondir l'avenir.

L'largissement de l'OTAN est une autre contribution importante l'architecture de scurit qui prend forme. Nous ne saurions btir une Europe ouverte sur des institutions refermes sur elles-mmes. C'est pourquoi l'OTAN et l'Union europenne se sont ouvertes de nouvelles adhsions. Comme vous le savez, nous avons invit la Hongrie, la Pologne et la Rpublique tchque se joindre notre Alliance l'an prochain, lors du 50e anniversaire de l'OTAN. L'entre de ces trois pays largira la zone de stabilit unique que l'OTAN a cre en cinq dcennies.

Mais l'largissement de l'OTAN n'est pas un fait isol. Il s'inscrit dans un processus d'ouverture. Les trois premiers nouveaux membres ne seront donc pas les derniers. Ce message d'ouverture a t compris. Dans toute l'Europe centrale et orientale, les pays candidats l'adhsion ont entrepris de profondes rformes intrieures et rgl les diffrends avec leurs voisins. Sans l'engagement de l'OTAN et de l'Union europenne dans le sens de l'ouverture, cette volution n'aurait pas t possible. L'largissement de l'OTAN est un signal clair : la division de l'Europe appartient dsormais au pass.

Ce signal est aussi capt ailleurs grce aux liens solides qui ont pris forme entre l'OTAN et prs de trente pays couvrant l'ensemble de la rgion euro-atlantique. Notre programme de Partenariat pour la paix nous permet de cooprer dans le domaine militaire, par exemple en laborant des approches communes du maintien de la paix et de la planification de la dfense. Notre Conseil de partenariat euro-atlantique, c'est son nom, nous permet de procder des consultations politiques, par exemple en dbattant des questions de scurit rgionale. Ces consultations nous aident faire de la coopration un principe directeur pour assurer la stabilit dans l'ensemble de la rgion euro-atlantique. Ces lments sont donc essentiels au rapprochement des pays de ce continent.

La semaine dernire encore, l'occasion de mon voyage dans les pays du Caucase, j'ai pu me rendre compte quel point le Partenariat pour la Paix et le Conseil du Partenariat Euro-Atlantique ont permis de donner un sens d'appartenance ces nouveaux tats ainsi que de promouvoir de multiples initiatives de coopration rgionale.

Une autre contribution importante de l'OTAN l'architecture qui se dessine consiste aider une Russie nouvelle se rconcilier avec une Europe nouvelle. L'actuelle crise financire de la Russie nous rappelle avec force que l'avenir de ce pays sera en grande partie dtermin par la Russie elle-mme. Mais l'OTAN, l'Union europenne et les institutions financires internationales peuvent aider, sur le plan financier, sur le plan conomique et - ce qui n'est pas le moins important - sur le plan psychologique. C'est pourquoi la solidit de la relation OTAN-Russie revt une telle importance. Dans les circonstances difficiles que traverse actuellement la Russie, elle constitue un vritable ple de stabilit entre nous. Elle montre que nous nous considrons comme des partenaires srieux.

L'OTAN et la Russie partagent de fait beaucoup d'intrts, allant de la gestion de crises rgionales la prvention de la prolifration des armes de destruction massive. Il n'est donc que naturel que nous laborions les mcanismes voulus de consultation et de coopration.

Ces mcanismes sont prsent en place. L'OTAN et la Russie se consultent, au sein du Conseil conjoint permanent, sur toutes les grandes questions intressant notre scurit. De surcrot, nous esprons resserrer nettement nos liens de coopration militaire. En Bosnie, des soldats de l'OTAN et de la Russie cooprent dj trs efficacement. Nous devons faire fond sur ces rsultats. C'est un bon investissement non seulement pour l'avenir des relations entre l'OTAN et la Russie, mais aussi pour la scurit de la rgion euro-atlantique en gnral.

L'Ukraine, autre pays occupant une position gostratgique trs importante, s'emploie relever les formidables dfis lis la rforme. L'OTAN peut aider ce jeune pays trouver le rle qui est le sien dans la nouvelle Europe. Grce notre partenariat spcifique avec l'Ukraine, nous pouvons l'aider grer sa transition et apporter, en termes de scurit, une contribution nette la nouvelle Europe.

Une architecture de scurit europenne, par dfinition, doit tenir compte de la rive septentrionale de la Mditerrane. Mais cette rgion peut-elle tre coupe des vnements qui touchent sa rive sud ? Certainement pas. D'o l'importance de notre dialogue sur la Mditerrane. Dans le cadre de ce dialogue, nous changeons des vues sur la situation de scurit avec six pays du sud de la Mditerrane. Nous montrons ainsi nos voisins mridionaux que nous prenons srieusement en compte leurs perceptions de la situation en matire de scurit et que l'architecture que nous cherchons construire procde de la coopration et non de l'exclusion.

L'OTAN joue aussi un rle plus actif dans l'laboration d'une Identit europenne de scurit et de dfense. Il est invitable que l'Europe joue un rle plus marqu dans la gestion des questions de scurit. Les nouveaux dfis qui se posent en matire de scurit l'exigent; l'intgration europenne l'exige. L'Europe doit, dans ce domaine, jouer un rle la mesure de sa force conomique. Nous avons fait de grands progrs dans le renforcement de ce rle de l'Europe. Ainsi, le resserrement des liens avec l'Union de l'Europe occidentale permettra des coalitions futures de pays europens d'agir l o les Etats-Unis pourraient ne pas souhaiter prendre l'initiative. Cela contribuera donner au processus d'intgration europenne une dimension de scurit tangible.

Ce rle plus marqu de l'Europe importe aussi pour le maintien en bonne forme du lien transatlantique. Il en dcoulera un partage plus quitable des responsabilits entre les Etats-Unis et leurs Allis europens - dans le cadre d'une relation transatlantique rquilibre pour le sicle prochain. Seule cette nouvelle donne nous permettra de relever les nouveaux dfis qui se poseront pour notre scurit, comme la prolifration des armes de destruction massive.Mesdames, Messieurs,

L'OTAN est devenue le catalyseur de la nouvelle architecture de scurit europenne et y conservera une place centrale. Elle dispose des outils ncessaires pour faire face aux menaces qui psent directement sur notre scurit. Cependant, elle a aussi les moyens d'influencer l'volution politique de l'Europe long terme. Ainsi, l'Alliance a pu passer d'une situation o elle devait empcher le "pire des scnarios" de se produire une situation o elle peut crer les conditions ncessaires l'mergence du contexte "le plus favorable", en mettant en place une architecture qui rduit les risques un minimum et offre le maximum de possibilits. C'est la raison pour laquelle nous pourrons regarder l'avenir avec confiance et avec un sens du devoir accompli lors de la clbration, l'an prochain, de notre 50e anniversaire. Je vous remercie.


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