Notre programme est ambitieux :
Premièrement, nous allons inviter un ou plusieurs pays à engager avec l'Alliance des négociations en vue d'une adhésion.
Deuxièmement, nous allons transformer nos relations avec les Partenaires grce au renforcement du Partenariat pour la paix et à l'initiative en vue de la création d'un Conseil de Partenariat Atlantique.
Troisièmement, nous cherchons à parvenir à un accord avec la Russie sur des dispositions de nature à créer les bases d'un partenariat de sécurité fort, stable et durable.
Quatrièmement, nous développerons encore nos relations avec l'Ukraine.
Cinquièmement, nous allons approfondir notre dialogue avec les pays de la Méditerranée. L'OTAN se doit de développer des relations amicales avec le Sud, autant qu'avec l'Est.
Sixièmement, et cela est d'une très grande importance, nous allons procéder à une adaptation interne de l'Alliance, afin de refléter la création d'une Identité Européenne de Sécurité et de Défense, et de nous préparer à des actions conjointes avec nos Partenaires.
Tout cela constitue en effet un programme ambitieux. Mais je voudrais mettre surtout l'accent sur trois questions clés : l'élargissement, la Russie, et le rle de l'Europe au sein de l'OTAN. Ces trois questions sont toutes d'une importance critique, et elles sont pourtant toutes trois mal comprises. Permettez-moi donc d'essayer de remettre les choses à leur place. Nous n'allons pas, lors du Sommet, prendre une série de décisions isolées, mais bien faire un grand pas vers une Europe plus sûre et plus stable. Toutes les décisions clés sont liées entre elles.
Ce message de cohérence est particulièrement crucial dans la perspective de l'invitation à adhérer que nous lancerons à de nouveaux pays. Les nouveaux membres entreront dans une nouvelle OTAN. Cette ouverture de l'OTAN constitue, à mon sens, une obligation morale vis-à-vis des pays candidats. Ils veulent appartenir à notre communauté, unique en son genre, parce qu'ils partagent nos valeurs; leur donner ce sentiment d'appartenance est bon pour eux et pour l'ensemble de l'Europe; et il n'existe aucune loi naturelle qui limite à tout jamais notre communauté atlantique aux seize pays alliés qui la composent aujourd'hui.
Ne pas s'élargir reviendrait à l'option "ne rien faire, ne rien réaliser". Cette option, l'Alliance l'a rejetée depuis longtemps.
La vraie question est celle de savoir comment réussir l'élargissement.
A cet égard, le coût de l'élargissement ne doit pas nous empêcher d'atteindre notre objectif. Il est évident que l'élargissement de l'OTAN aura un coût, tant pour les Alliés actuels que pour les futurs membres. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un engagement politique à long terme en faveur de l'intégration des nouveaux membres dans un système qui fonctionne déjà. L'investissement pour un avenir plus stable est un investissement rentable.
La ratification, par les Congrès et les Parlements, des traités d'accession des nouveaux membres constituera la phase finale et décisive du processus d'élargissement. Réussir suppose que, dans chacun des pays de l'Alliance, tous les partis apportent, en pleine connaissance de cause, leur plein soutien à l'élargissement de l'Alliance.
Le Sommet de Madrid sera beaucoup plus qu'un sommet sur l'élargissement; le Sommet de Madrid sera l'occasion, pour l'OTAN, de définir une nouvelle architecture de sécurité européenne. Ainsi, le Sommet ne se limitera pas à inviter de nouveaux membres, mais il lancera aussi un Partenariat pour la paix renforcé. Nous allons élargir et approfondir la coopération avec tous nos Partenaires.
Nous avons également commencé à consulter nos Partenaires à propos d'une initiative visant à la création d'un Conseil de partenariat atlantique. Cette instance constituerait un mécanisme unique et nouveau de consultation et de coopération sur le plan politique, s'appuyant sur les meilleurs éléments tirés de l'expérience acquise à ce jour en matière de coopération.
Le PfP renforcé n'est pas un "lot de consolation" pour les pays qui ne seraient pas, au mois de juillet, invités à adhérer à l'Alliance, ou qui ne souhaiteraient pas adhérer. Il n'y aura ni "gagnants", ni "perdants". L'IFOR devrait avoir donné la preuve, même aux plus sceptiques, que le renforcement de la coopération militaire en Europe est une nécessité stratégique, indépendamment de l'élargissement. Et à mesure qu'augmente la densité du réseau de coopération, les liens entre les Alliés et les Partenaires deviennent de plus en plus forts.
La deuxième question cruciale concerne la Russie. Dans les mois récents, un certain crédit a été donné à l'idée selon laquelle nous devions "choisir" entre l'élargissement de l'OTAN et la Russie. L'idée sous-jacente semble être que nous ne pouvons avoir à la fois des nouveaux membres et une relation nouvelle avec la Russie. Cela est insensé.
Ceux qui croient que l'OTAN doit choisir entre l'élargissement et la Russie conçoivent l'Europe avec un esprit totalement inadapté à l'environnement stratégique actuel. Il est évident que la Russie a encore des problèmes considérables pour comprendre la nouvelle Alliance et son ouverture à de nouveaux membres.
Mais la Russie est une grande puissance avec des intérêts de grande puissance. Beaucoup de ces intérêts suggéreront une coopération étroite avec l'OTAN. La Russie a déjà des liens étroits avec l'UE, le Conseil de l'Europe et le G7. Elle veut occuper pleinement sa place en Europe. C'est pourquoi je crois que la Russie finira par arriver à la conclusion qu'une relation privilégiée avec une Alliance élargie est de loin préférable à un isolement auto-imposé.
L'OTAN et la Russie sont maintenant engagées dans une discussion qui continuera dans les mois à venir. Les deux parties sont sincèrement désireuses de réussir. Notre objectif est de créer un mécanisme permanent de consultation et, si possible, d'action conjointe. Je voudrais également voir les Russes représentés de façon permanente à l'OTAN, prêts à intervenir et, de cette manière, voir de leurs yeux ce qui se passe à l'OTAN. Un vrai partenariat naîtra s'il y a compréhension mutuelle. Le partenariat de la Russie avec l'OTAN en Bosnie nous a rapprochés plus que tous les communiqués.
Le troisième point que je souhaite évoquer concerne l'adaptation interne de l'OTAN. Les articles de presse de ces derniers mois pouvaient donner l'impression que ce processus se résume à la seule question de savoir à qui reviendra tel commandement.
Nous devons résister à la tentation de réduire un problème aussi complexe à une accroche simpliste. Ceci risquerait de nous détourner de la réalisation des bénéfices stratégiques majeurs que la nouvelle structure offrira. Ces bénéfices devraient être évidents pour tous : pour la première fois, à travers les GFIM, l'OTAN aura une capacité expressément organisée pour déployer une force de maintien de la paix dans une zone en crise. Dès le départ, la structure nous permettra de mener des opérations avec la participation de pays non-membres de l'OTAN.
Plus encore, la nouvelle structure traduira la décision de construire l'Identité Européenne de Sécurité et de Défense à l'intérieur, et non à l'extérieur, de l'OTAN. En d'autres termes, l'IESD sera développée avec nos alliés américains, et pas sans eux. A un niveau opérationnel.
Le développement de l'IESD est simplement une option additionnelle pour des situations dans lesquelles une réponse européenne serait plus appropriée et les Etats-Unis n'auraient aucune raison impérative d'être aux commandes. Nous sommes actuellement en train de créer une nouvelle option répondant aux contraintes d'un environnement de sécurité plus diversifié.
Le soutien américain pour une contribution européenne à l'OTAN plus cohérente est essentiel. Mais ce n'est pas une rue à sens unique. Le développement d'une identité européenne au sein de l'OTAN est complémentaire de l'intensification des relations entre les Etats-Unis et l'Union Européenne. En effet, une de mes plus grandes satisfactions en tant que Ministre des Affaires Etrangères de l'Espagne et Président du Conseil des Ministres de l'UE, a été de conclure le Nouvel Agenda Transatlantique et en particulier le Plan d'action Union Européenne/Etats-Unis. J'ai toujours cru qu'une relation transatlantique forte ne pouvait pas être basée sur des liens de sécurité et de défense, mais devait inclure également des liens économiques et sociaux.
Les Etats-Unis sont en droit d'attendre d'importants bénéfices de tout cela. Il y aura un certain soulagement à partager le fardeau de notre sécurité commune en Europe. De façon tout aussi importante, une Europe unie sera un partenaire solide des Etats-Unis dans la gestion des crises globales. La nouvelle Alliance et le Plan d'action Union Européenne/Etats-Unis nous fera franchir une étape majeure dans la réalisation de ces deux objectifs.
Mesdames et Messieurs, l'OTAN est sur la bonne voie. Seul pourrait nous faire dérailler le "manque de nerf" qui consisterait en un refus de faire les prochains pas nécessaires, ou de prendre les engagements nécessaires.
Mais, alors que nous approchons du Sommet, rien de devrait faire douter de l'attachement de l'OTAN à sa vision. Le décor est désormais planté pour une communauté atlantique plus large, avec une nouvelle dynamique. L'élément central de cette communauté restera une Alliance élargie à de nouveaux membres, de nouveaux partenaires, et de nouvelles missions. Mais nous nous efforcerons aussi d'élargir les bases de la relation transatlantique, pour couvrir tous les aspects de la vie politique, économique et culturelle.
A terme, l'OTAN donnera naissance à une nouvelle Communauté atlantique, démontrant ainsi une fois de plus sa formidable capacité d'adaptation à un environnement évolutif, en vue d'assurer la sécurité et la paix pour l'avenir.
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