[ NATO SPEECHES ]

Special
Meeting
of the
Council in
Ministerial
Session

Brussels
18 Feb. 1997


Intervention

du Ministre des Affaires étrangères de la France, Hervé de Charette,
devant le Conseil Atlantique.


Monsieur le Secrétaire Général,
Mes chers Collègues,

Cette réunion du Conseil atlantique nous a été proposée par le nouveau Secrétaire d'Etat américain. Cette initiative témoigne de la priorité que les Etats-Unis attachent à la relation transatlantique, priorité que symbolisent l'histoire personnelle, les convictions er la personnalité de Madame Albright, à qui je tiens à redire qu'elle aura dans la France, et en moi-même, un partenaire amical dans l'accomplissement de sa mission. Cette réunion est aussi, pour nous, l'occasion de mesures les défis qui se présentent, pour notre alliance, et pour la relations transatlantique, au cours des mois à venir. Elle est ainsi une étape importante dans le préparation du sommet de Madrid.

Ces défis, quels sont-ils?

I. Créer, pour le XXIème, un partenariat transatlantique rénové.

L'Alliance atlantique a été créée il y près de cinquante ans pour apporter à une Europe détruite et divisée la protection des Etats-Unis, il s'agissait de la protéger contre la menace soviétique, mais aussi contre elle-même, contre la résurgence possible des nationalismes et des idéologies de conquête. Cette double fonction originelle de l'Alliance appartient aujourd'hui à l'histoire. A l'Union Soviétique a succédé une Russie qui n'est plus une menace, et dont la faiblesse, bien plus que l'excès de puissance, pourrait, à échéance prévisibe, faire courir un risque à la sécurité de l'Europe.

L'Europe est aujourd'hui prospère et réconcillée avec elle-même: les pays qui appartiennent à l'Union Européenne exercent en commun des compétences politique majeures; ils se sont engagés dans la définition d'une politique extérieure et de sécurité commune; ils auron, demain, une monnaie commune. Leur unité est désormais irréversible.

L'Alliance du XXIème siècle sera donc une alliance nouvelle, poursuivant des objectifs nouveaux. La définition de ce nouveau paternariat transatlantique nous oblige à regarder, au-delà de ce qui nous a historiquement rassemblés, ce qui nous réunit aujourd'hui, et ce que l'Amérique et l'Europe peuvent apporter l'une à l'autre pour faire face aux défis du prochaine siècle.

L'Europe, si elle veut devenir au siècle prochain un acteur majeur de la vie internationale, doit assumer les responsabilités, et avec elles, accepter les fardeaux de la puissance. L'Amérique, si elle veut rester engagée en Europe, doit se rappeler les exigences de l'action collective, et les disciplines de la coopération multilatérale.

L'Europe et l'Amérique auront besoin l'une de l'autre pour faire face aux défis globaux qui seront ceux du prochain siècle: d'abord parce que ces défis, aucun de nous, fût-il le plus grand, ne sera en mesure de les régler seul; ensuite parce qu'Européens et Américains s'apportent mutuellement des qualités complémentaires.

Des Américains, l'Europe doit apprendre cet esprit positif, cette résolution dans l'action qu'ils appellent le "leadership". De leur côté, les Européens offrent aux Etats-Unis l'exemple d'une coopération entre égaux et d'une communauté de vision à long terme qui n'ont pas d'équivalent dans l'histoire. Ce que notre Alliance peut retenir de cette double expérience, c'est qu'il peut y avoir partenariat sans dilution des responsabilités; que le "leadership" peut se partager; qu'enfin, pour reprendre les termes mêmes employés par Mme Albright, le temps est venu qu'Européens et Américains organisent ensemble notre Alliance sur la base de la coresponsabilité.

Ce nouveau partenariat transatlantique, cette coresponsabilité, la France les souhaite. Le Président de la République en a exposé la vision en février 1996 lors de sa visite aux Etats-Unis. La France, plus que toute autre, a contribué à ce grand chantier qu'est la rénovation de l'OTAN. Comment doit se traduire, dans l'organisation de l'Alliance, ce nouveau partenariat que nous appelons de nos voeux? C'est simple: les Européens doivent exister en tant que tels dans l'OTAN, et y occuper leur juste place. Ils doivent, sur le plan militaire, y exercer des responsabilités prédéfinies, visibles et équilibrées, qui correspondent aux capacités qu'ils apportent à cette Alliance.

La mise en oeuvre des principes de Berlin, aujourd'hui bien avancée, est le signe que nous sommes résolus à aboutir.

La définition, au profit des Européens, de responsabilités de commandement équitables est indispensable au succès de la réforme. Le Sud pose à cet égard un problème particulier, dont chacun ici est conscient, en raison de l'importance et de l'imbrication des intérêts vitaux pour l'Europe et pour les Etats-Unis dans cette région-clé.

D'où peut venir la solution? A nos yeux, de l'application, au Sud, des principes de parité et d'équilibre qui sont la clé de la rénovation de l'Alliance, sur le plan politique, comme sur le plan militaire. Cela signifie un partage équilibré des responsabilités entre un commandement européen et un commandement américain de même niveau en Méditerranée.

Si ce principe politique est accepté, je suis confiant dans le fait que l'issue sera positive. Mais le temps presse, et il est essentiel que les travaux progressent désormais rapidement sur cet élément essentiel de la rénovation de l'OTAN.

Monsieur le Sécrétaire général,

La France s'est engagée, en cas de rénovation réelle et couronnée de succès, à participer pleinement aux nouvelles structures, politiques et militaires de l'OTAN. Ce faisant, elle a marqué au plus haut niveau l'importance qu'elle attache à faire sa part du chemin. En cas des désaccord persistant, nous serions néanmoins contraints d'en rester là. Nous le ferions avec la conviction que le développement de la construction européenne, y compris dans le domaine de la défense, est inéluctable et sera nécessairement, tôt ou tard, reflété dans l'organisation et le mode de fonctionnement de l'OTAN; mais une occasion historique aurait été perdue, pour l'Europe, comme pour la relation transatlantique.

Et ce,d'autant plus que la conclusion réussie de la rénovation de l'OTAN est le moyen de faciliter notre deuxième objectif pour le sommet de Madrid:


II. Etendre le partenariat transatlantique à l'ensemble de l'Europe, y compris à la Russie.

L'Alliance atlantique, née de la division de l'Europe, doit désormais contribuer à l'unité du continent. C'est pour elle un devoir moral, qui lui est prescit par l'Article X du traité de Washington. Les démocraties d'Europe cenrale et orientale font de leur adhésion à l'OTAN le symbole de leur appartenance à la famille démocratique européenne. Nous ne pouvons pas ignorer cette aspiration; nous devons y répondre positivement, et avec chaleur.

Pour autant, nos obligations historiques ne s'arrêtent pas aux quelques pays avec lesquels l'OTAN décidera, en juillet prochain, d'ouvrir des négociations d'élargissement. D'autres partenaires majeurs attendent de nous une réponse à leurs préoccupations.

Il s'agit d'abord de la Russie, vis-à-vis de laquelle nous avons des obligations. La première est de reconnatre en elle un partenaire qui n'est pas la continuation de l'URSS, mais un Etat nouveau en transition vers la démocratie et l'économie de marché, et qui a vis-à-vis de l'Europe des aspirations légitimes. Ces aspirations sont d'être partie intégrante de l'architecture de sécurité européenne, d'être traité en partenaire et non en adversaire réel ou potentiel, de voir changer l'OTAN, et de pouvoir délibérer avec elle de celles de ses décisions qui la concernent.

La France estime qu'il faut répondre positivement à ces demandes russes; la charte OTAN-Russie, la négociation sur les forces conventionnelles en Europe, l'OSCE sont les trois principaux cadres où doivent être apportées, rapidement, clairement et solennellement, à la Russie, les assurances qu'elle nous demande. C'est avant le Sommet de Madrid qu'il faut le faire.

Nous sommes conscients des difficultés. La Russie souhaite que la Charte qu'elle pourrait souscrire avec l'OTAN ait valeur d'engagement juridique. Elle demande à être associée à nos décisions, au moins à certaines d'entre elles. Elle veut être convaincue que l'élargissement de l'Alliance s'accompagnera d'engagements précis concernant les capacités militaires des alliés.

Aucune de ces questions n'est simple. Mais toutes sont solubles. Il nous appartient d'y appliquer notre volonté politique d'aboutir.

Permettez-moi enfin d'évoquer la situation de l'Ukraine et des Pays Baltes.

L'Ukraine doit, quant à elle, être assurée sur le fait que les pays de l'Alliance soutiennent l'indépendance que le peuple ukrainien a massivement approuvée. L'élargissement de l'OTAN ne remet en cause d'aucune faon cette indépendance. Nous devons réaffirmer, à cette occasion, le droit, pour l'Ukraine, de déterminer librement les arrangements qui lui paraissent propres à assurer son destin de pays européen souverain et indépendant.

Quant aux Pays Baltes, les inquiétudes que suscitent chez eux l'élargissement de l'Alliance doivent être comprises. Victimes, dans le passé, d'un partage décidé par d'autres, ils craignent naturellement de voir à nouveau leur destin décidé sans eux. Ces inquiétudes, suscitées par l'élargissement de l'OTAN, correspondent à un problème de sécurité, auquel il nous faut apporter une réponse; celle-ci passe par une relation spéciale entre l'Alliance et les trois Etats Baltes. En effet, l'adhésion à l'Union Européenne, qui leur est promise, ne réglera pas à court terme leur problème de sécurité et répond à des critères économiques et politiques qui sont indépendants des décisions que l'OTAN prend pour ce qui la concerne.

Monsieur le Secrétaire Général,

En énumérant les défis qui se présentent à nous d'ici au Sommet de Madrid, je mesure la tche qu'il nous reste à accomplir. Je sais la part personnelle que vous y prenez et l'engagement qui est le vôtre pour que l'objectif soit atteint. Je salue, en particulier, le rôle qui vous incombe, de définir, en notre nom à tous, les nouvelles relations de l'Alliance et de la Russie.

Au bout du chemin, il y a le projet d'un partenariat transatlantique rénové, consolidé et élargi, projet auquel mon pays est prêt à prendre toute sa part. Il ne vous ménagera pas son aide pour y parvenir.

Enfin, je me réjouis que la présence de Madeleine Albright en Europe et l'initiative qu'elle a prise de nous proposer cette réunion nous permettent de lui souhaiter bonne chance et plein succès dans l'exercice de sa nouvelle mission. Elle pourra compter sur l'engagement personnel et l'amitié de chacun d'entre-nous pour atteindre nos objectifs.


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