[ NATO SPEECHES ]

Réunion du
Conseil de
l'atlantique
nord

QG OTAN
Bruxelles
10 déc 1996


NATO Star

Intervention

de M. de Charette
Ministre des affaires Étrangères français
devant le Conseil de l'Atlantique Nord



Notre réunion fait suite à la réunion de Lisbonne. C'est la deuxième étape d'un processus d'ensemble. Elle nous permet de préparer le sommet de l997. Ce sommet doit apporter une réponse globale aux questions de sécurité de 1'Europe. Nous avons dans cette perspective trois objectifs:

  • mettre la dernière main à l'adaptation interne de l'Alliance

  • marquer le début du processus d'élargissement,

  • faire en sorte que ces transformations s'insèrent dans le contexte plus large de l'architecture européenne de sécurité.

L'OTAN constitue un élément majeur de cette architecture, mais d'autres organisations y ont leur rôle à jouer. Nous attendons de ce sommet des résultats considérables qui seront alors le signe tangible que 1'Alliance a su tirer les conséquences de la fin de la guerre froide.

  1. En ce qui concerne l'adaptation interne, je salue aujourd'hui le travail conduit par le Conseil pour mener à bien en quelques mois cette entreprise ambitieuse. Nous pouvons en effet mesurer les progrès qui ont été réalisés : tous les documents n'ont pas encore, bien sûr, le même degré de précision, mais nous constatons tous, je crois, que la tâche que nous avions demandée aux autorités de 1'OTAN est bien avancée.

    Des progrès ont été réalisés dans de nombreux domaines. Ils correspondent très précisément aux objectifs que nous nous étions fixés à Berlin.

    Ainsi, en est-il du dossier des GFIM, aujourd'hui réglé, au plan conceptuel.

    Ainsi en est-il de la modernisation des structures militaires, qui est également en bonne voie : une chaîne plus souple, moins coûteuse et mieux adaptée aux besoins nés de la nouvelle donne stratégique fait 1'objet d'un quasi consensus.

    Cette structure se caractérisera vraisemblablement par la mise en place de deux commandements régionaux en Europe, au lieu de trois. Ces commandements seront dotés de compétences accrues.

    Nous sommes également d'accord sur le principe de la désignation d'un adjoint européen de SACEUR, doté de compétences réelles, en temps de paix comme en temps d'opérations. Il s'agit là évidemment d'un élément essentiel pour le développement de l'identité européenne de défense au sein de 1'Alliance.

    La planification de défense de 1'OTAN est en cours d'adaptation, afin de prendre en compte les besoins européens: 1'UEO pourra ainsi identifier les lacunes et indiquer les efforts à entreprendre en utilisant, pour ce faire, les procédures de 1'Alliance.

    Des accords entre 1'OTAN et l'UEO sont en cours d'élaboration pour mettre au point des procédures efficaces de mise à disposition de moyens de l'OTAN pour les opérations qui seraient placées sous l'autorité politique et la direction stratégique de l'UEO.

    Enfin, I'UEO pour sa part, a entrepris après Berlin de travailler sur des scénarios illustratifs d'opérations européennes avec des moyens de 1'Alliance.

    Tout cela constitue un ensemble très important.

    Les raisons qui empêchent aujourd'hui l'adoption de ces mesures sont connues. Je n'y reviendrai pas, sinon pour préciser que, pour nous, les orientations de Berlin doivent, aussi, se traduire dans la future structure de commandement de 1'OTAN. Il est en effet logique que, dans une OTAN rénovée, s'opère un nouveau partage des responsabilités entre Européens et Américains.

    La France est, bien sûr, toujours engagée dans le processus d'adaptation de 1'OTAN. Elle souhaite une réussite et elle continuera d'y travailler avec ses alliés, dans le même esprit d'ouverture qu'elle a manifesté jusqu'à présent.

    Nous sommes disponibles pour poursuivre cette tâche et nous espérons pouvoir résoudre ensemble les questions qui n'ont pas à ce jour trouvé encore de réponse. Il est important que les Européens puissent prendre, aux côtés de leurs alliés nord-américains, une part plus grande dans la sécurité du continent.

  2. Sur l'élargissement, nous sommes largement d'accord.

    Nous savons cependant que cet élargissement sera un processus délicat et complexe. Un élargissement mal conduit pourrait s'avérer contre productif, et nous manquerions ainsi 1'occasion d'étendre la stabilité et la sécurité aux nouvelles démocraties à l'Est.

    C'est pourquoi de nombreuses questions réclament de notre part un travail approfondi et non de bonnes paroles:

    • la France soutient 1'aspiration des Etats démocratiques, à 1'Est, à participer pleinement à la famille des démocraties européennes, et donc à devenir membres à la fois de l'Union Européenne et de 1'Alliance.

    • mon pays, d'autre part, souhaite un certain parallélisme entre 1'élargissement de 1'OTAN et celui de 1'Union Européenne: sans créer de liens rigides, il faut prévoir une complémentarité entre ces deux processus.

    Enfin, il faudrait que le processus d'élargissement soit transparent, impartial et global. Les pays qui ne feront pas partie de la "première vague" d'adhésion doivent pouvoir envisager sereinement la suite du processus. Quant à ceux qui n'ont pas vocation à adhérer, il ne faut pas pour autant les abandonner dans une "zone grise", qui serait le signe de notre désintérêt pour leur sécurité.

  3. A ce point de 1'examen de la question de 1'élargissement, je souhaiterais évoquer le renforcement du partenariat pour la paix. Il constitue un élément important d'une approche globale de 1'architecture européenne de sécurité, qui concerne 1'OTAN elle-même et ses structures, les futurs membres de 1'Alliance.

    Nous devons appréhender la question du renforcement du partenariat dans ce contexte global, en explorant les solutions les mieux appropriées aux besoins de sécurité.

    Le groupe de haut niveau a fait un travail exploratoire utile. Nous devrons, dès le mois prochain, réfléchir aux mesures spécifiques à prendre pour renforcer le partenariat pour la paix, dans la perspective du Sommet. L'une des mesures possibles est la création d'un Conseil du Partenariat Atlantique.

    Nous savons que ce projet est cher à notre collègue et ami, Warren Christopher. Il est donc important que nous profitions de 1'occasion qui nous est donnée aujourd'hui d'en parler. Je voudrais le faire en vous confiant les cinq questions que je me pose:

    Cela signifie-t-il que nous sommes défavorables à 1'idée même d'un Conseil du Partenariat Atlantique ? Evidemment non.

    Nous souhaitons simplement débattre des effets possibles d'une telle initiative.

    Ce Conseil est-il uniquement destiné à remplacer le Conseil de Coopération Nord Atlantique et le Partenariat pour la Paix ? Ou a-t-il une ambition plus large ?

    S'il s'agit d'une nouvelle structure permanente de 1'architecture européenne de sécurité, quelle sera la nature de ses relations avec l'OTAN et avec 1'OSCE?

    Si cette nouvelle structure est ouverte à tous les partenaires, comment distinguera-t-on entre les candidats à 1'adhésion et les pays qui ne demandent pas à adhérer à l'OTAN ?

    Comment donnera-t-on une perspective ouverte pour 1'avenir aux pays qui ne seront pas invités à négocier leur adhésion ? Nous pensons qu'il faudrait prévoir des mesures spécifiques à leur intention.

    Enfin, comment conciliera-t-on la différentiation véritable entre les partenaires et 1'octroi d'un statut unique au sein du Partenariat Atlantique envisagé ?

    Ce sont des points qui méritent d'être approfondis.

  4. Je voudrais aborder la question des relations avec la Russie et 1'Ukraine. Cette question est 1'une des plus délicates. Pour 1'aborder, nous devrions prendre en compte deux données de faits très importants:

    • l'élargissement doit se faire sans droit de veto. Les pays d'Europe centrale et orientale doivent pouvoir prendre les dispositions qu'ils jugent utiles pour leur sécurité, y compris, bien entendu, le choix de participer à une alliance;

    • d'autre part, il faut prendre en compte les préoccupations de la Russie et de 1'Ukraine si nous voulons que 1'élargissement ne soit pas perçu comme la création de nouvelles lignes de clivage en Europe.

    Dans notre communiqué d'aujourd'hui, le signal que nous avons donné sur la posture et la politique nucléaires de 1'Alliance est un bon exemple de 1'effort d'explication qu'il faudra poursuivre envers la Russie. Nous devons démontrer que les relations de 1'OTAN avec la Russie sont celles d'une nouvelle OTAN et d'une nouvelle Russie, au sein d'une Europe nouvelle.

    La France estime que de telles relations devraient être consacrées par une charte. Ce document donnerait à nos relations une importance particulière, de nature à rassurer la Russie sur la place qui est la sienne dans les questions de sécurité européenne.

    Il faut en effet donner une certaine solennité aux rapports entre l'OTAN et la Russie et être attentif aux préoccupations de ce pays.

    Une charte substantielle nous paraît être le bon moyen de tenir compte de ces impératifs. Quel devrait être le contenu d'une telle charte? Il faut être prudent. A ce jour, les démarches de la Russie envers 1'OTAN me semblent rester à l'état exploratoire. Les décisions ne sont sans doute pas arrêtées à Moscou et notre attitude dans les prochains mois contribuera sans doute à faire évoluer les opinions en Russie à notre égard.

    Mais nous pouvons cependant esquisser les grandes lignes d'un document entre l'OTAN et la Russie:

    • ce document devrait s'appuyer sur des principes connus et qui, depuis la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, figurent dans le patrimoine commun des Etats européens. Ces principes, importants pour une charte entre I'OTAN et la Russie devraient permettre que les relations OTAN/Russie se situent dans un ensemble plus vaste qui englobe la totalité de la sécurité européenne.

  5. Notre charte pourra aussi identifier les domaines où il serait utile d'intensifier la coopération avec la Russie, y compris la coopération militaire sous le contrôle des autorités politiques, ainsi que les mécanismes de consultation politique.

    Il me semble que les considérations qui concernent la Russie peuvent s'appliquer à 1'Ukraine, en tenant compte des adaptations nécessaires. L'idée d'une charte, notamment, devrait pouvoir s'appliquer à 1'Ukraine de la même façon qu'à la Russie.

  6. Je voudrais souligner à quel point le contexte de sécurité en Europe est nouveau et crée des situations très différentes entre Etats. Notre tâche devrait être de prendre en compte cette diversité et de proposer des solutions appropriées aux différentes situations. II faut aussi des cadres globaux, certes, mais nous ne pouvons prétendre régler toutes les situations par un concept unique, et encore moins par un concept dont on aurait pas pris, par avance, toute la mesure.

    Je vous ai indiqué les principales préoccupations de la France concernant le projet de Conseil du Partenariat Atlantique. Nous sommes, je le répète, ouverts, aux propositions de nos alliés et attentifs aux demandes de nos partenaires.

    Nous nous félicitons des travaux accomplis. La session ministérielle d'aujourd'hui marquera, j'en suis sûr, une étape positive et importante.


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