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Notre réunion fait suite à la réunion de
Lisbonne. C'est la deuxième étape d'un processus
d'ensemble. Elle nous permet de préparer le sommet de
l997. Ce sommet doit apporter une réponse
globale aux questions de sécurité de 1'Europe. Nous
avons dans cette perspective trois objectifs:
- mettre la dernière main à l'adaptation
interne de l'Alliance
- marquer le début du processus
d'élargissement,
- faire en sorte que ces transformations s'insèrent
dans le contexte plus large de l'architecture européenne
de sécurité.
L'OTAN constitue un élément majeur de cette
architecture, mais d'autres organisations y ont leur rôle
à jouer. Nous attendons de ce sommet des résultats
considérables qui seront alors le signe tangible que
1'Alliance a su tirer les conséquences de la fin de la
guerre froide.
- En ce qui concerne l'adaptation interne, je salue
aujourd'hui le travail conduit par le Conseil pour mener à
bien en quelques mois cette entreprise ambitieuse. Nous pouvons
en effet mesurer les progrès qui ont été
réalisés : tous les documents n'ont pas encore,
bien sûr, le même degré de précision,
mais nous constatons tous, je crois, que la tâche que nous
avions demandée aux autorités de 1'OTAN est bien
avancée.
Des progrès ont été
réalisés dans de nombreux domaines. Ils
correspondent très précisément aux objectifs
que nous nous étions fixés à Berlin.
Ainsi, en est-il du dossier des GFIM, aujourd'hui
réglé, au plan conceptuel.
Ainsi en est-il de la modernisation des structures
militaires, qui est également en bonne voie : une
chaîne plus souple, moins coûteuse et mieux
adaptée aux besoins nés de la
nouvelle donne stratégique fait 1'objet d'un quasi
consensus.
Cette structure se caractérisera vraisemblablement par la
mise en place de deux commandements régionaux en Europe,
au lieu de trois. Ces commandements seront dotés de
compétences accrues.
Nous sommes également d'accord sur le principe de la
désignation d'un adjoint européen de SACEUR,
doté de compétences réelles, en temps de
paix comme en temps d'opérations. Il s'agit
là évidemment d'un élément essentiel
pour le développement de l'identité
européenne de défense au sein de 1'Alliance.
La planification de défense de 1'OTAN est en cours d'adaptation, afin de prendre en compte les besoins européens: 1'UEO pourra ainsi identifier les lacunes et indiquer les efforts à entreprendre en utilisant, pour ce faire, les procédures de 1'Alliance.
Des accords entre 1'OTAN et l'UEO sont en cours
d'élaboration pour mettre au point des procédures
efficaces de mise à disposition de moyens de l'OTAN pour
les opérations qui seraient placées sous
l'autorité politique et la direction stratégique de
l'UEO.
Enfin, I'UEO pour sa part, a entrepris après Berlin de travailler sur des scénarios illustratifs d'opérations européennes avec des moyens de 1'Alliance.
Tout cela constitue un ensemble très important.
Les raisons qui empêchent aujourd'hui l'adoption de ces
mesures sont connues. Je n'y reviendrai pas, sinon pour
préciser que, pour nous, les orientations de Berlin
doivent, aussi, se traduire dans la future structure de
commandement de 1'OTAN. Il est en effet logique que, dans une
OTAN rénovée, s'opère un
nouveau partage des responsabilités entre Européens
et Américains.
La France est, bien sûr, toujours engagée dans le processus d'adaptation de 1'OTAN. Elle souhaite une réussite et elle continuera d'y travailler avec ses alliés, dans le même esprit d'ouverture qu'elle a manifesté jusqu'à présent.
Nous sommes disponibles pour poursuivre cette tâche et
nous espérons pouvoir résoudre ensemble les
questions qui n'ont pas à ce jour trouvé encore de
réponse. Il est important que les
Européens puissent prendre, aux côtés de
leurs alliés nord-américains, une part plus grande
dans la sécurité du continent.
- Sur l'élargissement, nous sommes largement d'accord.
Nous savons cependant que cet élargissement sera un
processus délicat et complexe. Un élargissement mal
conduit pourrait s'avérer contre productif, et nous
manquerions ainsi 1'occasion d'étendre la stabilité
et la sécurité aux nouvelles démocraties
à l'Est.
C'est pourquoi de nombreuses questions réclament de
notre part un travail approfondi et non de bonnes paroles:
- la France soutient 1'aspiration des Etats
démocratiques, à
1'Est, à participer pleinement à la famille des
démocraties européennes, et donc à devenir
membres à la fois de l'Union Européenne et de
1'Alliance.
- mon pays, d'autre part, souhaite un certain
parallélisme entre 1'élargissement de 1'OTAN et
celui de 1'Union Européenne:
sans créer de liens rigides, il faut prévoir
une complémentarité entre ces deux processus.
Enfin, il faudrait que le processus d'élargissement soit transparent, impartial et global. Les pays qui ne feront pas partie de la "première vague" d'adhésion doivent pouvoir envisager sereinement la suite du processus. Quant à ceux qui n'ont pas vocation à adhérer, il ne faut pas pour autant les abandonner dans une "zone grise", qui serait le signe de notre désintérêt pour leur sécurité.
- A ce point de 1'examen de la question de 1'élargissement, je souhaiterais évoquer le renforcement du partenariat pour la paix. Il constitue un élément important d'une approche globale de 1'architecture européenne de sécurité, qui concerne 1'OTAN elle-même et ses structures, les futurs membres de 1'Alliance.
Nous devons appréhender la question du
renforcement du partenariat dans ce contexte global, en
explorant les solutions les mieux appropriées aux besoins
de sécurité.
Le groupe de haut niveau a fait un travail exploratoire
utile. Nous devrons, dès le mois prochain,
réfléchir aux mesures spécifiques à
prendre pour renforcer le partenariat pour
la paix, dans la perspective du Sommet. L'une des mesures
possibles est la création d'un Conseil du Partenariat
Atlantique.
Nous savons que ce projet est cher à notre collègue
et ami, Warren Christopher. Il est donc important que nous
profitions de 1'occasion qui nous est donnée aujourd'hui
d'en parler. Je voudrais le faire en vous confiant les cinq
questions que je me pose:
Cela signifie-t-il que nous sommes défavorables
à 1'idée même d'un Conseil du Partenariat
Atlantique ? Evidemment non.
Nous souhaitons simplement débattre des effets
possibles d'une telle initiative.
Ce Conseil est-il uniquement destiné à
remplacer le Conseil de Coopération Nord Atlantique et le
Partenariat pour la Paix ? Ou a-t-il une ambition plus large ?
S'il s'agit d'une nouvelle structure permanente de
1'architecture européenne de sécurité,
quelle sera la nature de ses relations avec l'OTAN et avec 1'OSCE?
Si cette nouvelle structure est ouverte à tous les
partenaires, comment distinguera-t-on entre les candidats
à 1'adhésion et les pays qui ne demandent pas
à adhérer à l'OTAN ?
Comment donnera-t-on une perspective ouverte pour 1'avenir
aux pays qui ne seront pas invités à
négocier leur adhésion ? Nous pensons qu'il faudrait prévoir des mesures spécifiques à leur intention.
Enfin, comment conciliera-t-on la différentiation
véritable entre les partenaires et 1'octroi d'un statut
unique au sein du Partenariat Atlantique envisagé ?
Ce sont des points qui méritent d'être
approfondis.
- Je voudrais aborder la question des relations avec la Russie
et 1'Ukraine. Cette question est 1'une des plus délicates.
Pour 1'aborder, nous devrions prendre en compte deux
données de faits très importants:
- l'élargissement doit se faire sans droit de veto. Les pays d'Europe centrale et orientale doivent pouvoir prendre les dispositions qu'ils jugent utiles pour leur sécurité, y compris, bien entendu, le choix de participer à une alliance;
- d'autre part, il faut prendre en compte les préoccupations de la Russie et de 1'Ukraine si nous voulons que 1'élargissement ne soit pas perçu comme la création de nouvelles lignes de clivage en Europe.
Dans notre communiqué d'aujourd'hui, le signal que
nous avons donné sur la posture et la politique
nucléaires de 1'Alliance est un bon exemple de 1'effort
d'explication qu'il faudra poursuivre envers la Russie. Nous
devons démontrer que les relations de 1'OTAN avec la
Russie sont celles d'une nouvelle OTAN et d'une nouvelle Russie,
au sein d'une Europe nouvelle.
La France estime que de telles relations devraient être
consacrées par une charte. Ce document donnerait à
nos relations une importance particulière, de nature
à rassurer la Russie sur la place qui est la sienne dans
les questions de sécurité
européenne.
Il faut en effet donner une certaine solennité aux
rapports entre l'OTAN et la Russie et être attentif aux
préoccupations de ce pays.
Une charte substantielle nous paraît être le bon
moyen de tenir compte de ces impératifs. Quel devrait
être le contenu d'une telle charte? Il faut être
prudent. A ce jour, les démarches de la Russie envers
1'OTAN me semblent rester à l'état
exploratoire. Les décisions ne sont sans doute pas
arrêtées à Moscou et notre attitude dans les prochains mois contribuera sans
doute à faire évoluer les opinions en Russie
à notre égard.
Mais nous pouvons cependant esquisser les grandes lignes d'un
document entre l'OTAN et la Russie:
- ce document devrait s'appuyer sur des principes connus et
qui, depuis la Conférence sur la Sécurité et
la Coopération en Europe, figurent dans le patrimoine
commun des Etats européens. Ces principes, importants
pour une charte entre I'OTAN et la Russie devraient permettre que
les relations OTAN/Russie se situent dans un ensemble plus vaste
qui englobe la totalité de la sécurité
européenne.
- Notre charte pourra aussi identifier les domaines où
il serait utile d'intensifier la coopération avec la
Russie, y compris la coopération militaire sous le
contrôle des autorités politiques, ainsi que
les mécanismes de consultation politique.
Il me semble que les considérations qui concernent la
Russie peuvent s'appliquer à 1'Ukraine, en tenant
compte des adaptations nécessaires. L'idée d'une
charte, notamment, devrait pouvoir s'appliquer à 1'Ukraine
de la même façon qu'à la
Russie.
- Je voudrais souligner à quel point le contexte de
sécurité en Europe est nouveau et crée des
situations très différentes
entre Etats. Notre tâche devrait être de prendre en
compte cette diversité et de proposer des solutions
appropriées aux différentes situations. II faut
aussi des cadres globaux, certes, mais nous ne pouvons
prétendre régler toutes les
situations par un concept unique, et encore moins par un concept
dont on aurait pas pris, par avance, toute la mesure.
Je vous ai indiqué les principales
préoccupations de la France concernant le projet de
Conseil du Partenariat Atlantique. Nous sommes, je le
répète, ouverts, aux propositions de nos
alliés et attentifs aux demandes de nos partenaires.
Nous nous félicitons des travaux accomplis. La session
ministérielle d'aujourd'hui marquera, j'en suis sûr,
une étape positive et importante.
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