[ NATO SPEECHES ]

Runion
avec les membres
de la commission
des affaires trangres,
de la dfense
et des forces armes
du Snat français

28 mars 1996


Allocution liminaire du Secrtaire Gnral

Mesdames et Messieurs du Snat,

Avant tout, je voudrais vous remercier sincrement de votre invitation et de votre aimable accueil. Je suis particulirement heureux de cette occasion qui m'est donne de dire quelques mots sur l'avenir de l'Alliance devant un auditoire aussi distingu, et ce moment particulier.

Ma visite intervient en effet un moment dterminant aussi bien pour la France que pour l'Alliance. En France, vous vous engagez dans une vaste rforme de vos forces armes. L'Alliance, elle aussi, a devant elle la perspective d'un nouveau changement fondamental.

C'est pourquoi la dcision du prsident Chirac d'impliquer la France plus troitement dans l'OTAN est de la plus haute importance. Le dbat sur la structure future de l'Alliance pourra avoir lieu au sein de l'Alliance. Et les dcisions seront prises par tous ses membres aprs une rflexion aussi complte que possible.

J'aimerais voquer aujourd'hui quatre domaines des activits actuelles de l'Alliance qui montrent comment celle-ci rpond la ncessit du changement : la Force de mise en oeuvre des accords de paix en Bosnie, l'adaptation de l'Alliance, les relations de l'OTAN avec la Russie et l'largissement futur de l'OTAN.


IFOR

En premier lieu, donc, l'IFOR. La signature du Trait de paix sur la Bosnie ici Paris en dcembre 1995 a marqu un tournant, non seulement pour l'ex-Yougoslavie, mais aussi pour l'Alliance atlantique.

De fait, la force internationale constitue pour mettre en oeuvre les accords de paix est une vritable "coalition pour la paix".

Aujourd'hui, l'OTAN aide la mise en oeuvre d'une paix conquise de haute lutte, et donc la reconstruction d'une socit civile viable et pacifique en Bosnie-Herzgovine. La Force de mise en oeuvre cre l'environnement sr et le climat de confiance qui sont ncessaires pour que la paix prenne racine en Bosnie.

Il est bien vident que l'IFOR continuera rencontrer des problmes et des dfis au cours de l'accomplissement de sa mission. Mais ne pas entreprendre cette mission comportait des risques beaucoup plus grands, non seulement pour la Bosnie, mais aussi, plus largement, pour la scurit en Europe. Cela pouvait signifier le retour la spirale vicieuse de la violence et de l'agression en Bosnie, et le risque d'une guerre plus tendue dans les Balkans touchant directement la scurit des Allis.

Ne pas relever le dfi que posait la Bosnie aurait t pour la communaut internationale tout entire une profonde carence de volont collective et une abdication de responsabilit morale.

Heureusement pour la Bosnie et pour l'Europe, nous n'avons pas laiss cela se produire. Je tiens ici saluer le rle dirigeant de la France dans l'inspiration et la conduite de l'effort international pour instaurer une paix durable dans l'ex-yougoslavie.

La France a support une part disproportionne du cot humain et matriel sans peur et sans rcriminations. Des dizaines de militaires franais ont perdu la vie en Bosnie depuis le dbut de la guerre en Yougoslavie. La France a accept ces sacrifices pour la scurit europenne, et pour la crdibilit de la communaut internationale.


Cette dmonstration de force et d'unit des Allis a contribu ouvrir la voir aux ngociations de Dayton et la signature de l'Accord de paix Paris.

La Force de mise en oeuvre s'est employe avec beaucoup de succs faire en sorte que les tapes militaires prvues dans l'Accord de paix soient atteintes. D'ici quelques semaines, l'IFOR aura presque achev ses principales tches militaires. Mais en ce qui concerne la tche de reconstruction civile et conomique, il reste encore un trs long chemin faire pour la paix long terme. Il est impratif que la rconciliation et la reconstruction reoivent le plein appui des organisations et des agences civiles internationales.

Je peux vous assurer que l'IFOR maintiendra cet gard une coordination troite avec le Haut Reprsentant, M. Bildt, et ses services.

L'IFOR est conduite par l'OTAN mais n'est pas une force exclusivement OTAN. Avec l'IFOR, pour la premire fois dans l'histoire moderne, des pays se sont groups pour mettre fin une guerre dans les Balkans, plutt que d'y prendre part dans des camps opposs. Ce sentiment d'unit et de communaut d'objectif reflte une ralit politique nouvelle. Le fait que tant de pays ont voulu fournir des troupes pour contribuer au soutien et la mise en oeuvre de l'Accord de paix en Bosnie traduit la prise de conscience de ce qu'on est arriv un moment dcisif dans l'ordre de scurit de l'aprs-Guerre froide.


Adaptation de l'Alliance

J'en viens maintenant la ncessit d'un nouveau changement au sein de l'Alliance. Sur ce point, je ne veux pas de malentendu. L'OTAN est dj engage dans le processus de changement le plus fondamental de son histoire.

Le fait que l'OTAN a cr et dirige la Force de mise en oeuvre en Bosnie indique combien elle a volu, la fois militairement et politiquement, au cours des dernires annes. Les structures militaires de l'OTAN - la structure de commandement, les structures de forces, le systme de planification, le systme de raction aux crises - ne sont plus axes sur une mission unique de dfense collective.

Mais nous pouvons aller encore plus loin.

Lors du Sommet de janvier 1994, nous sommes convenus de mettre sur pied de nouvelles forces, susceptibles d'tre dployes rapidement, prpares et entranes pour ragir en cas de crise. Le concept qui sous-tend cette initiative a t baptis "GFIM". Depuis le Sommet, beaucoup de temps et d'efforts ont t consacrs aux dtails pratiques. Je suis persuad qu' l'occasion de leur runion Berlin, en juin, les Ministres des affaires trangres donneront le feu vert sa mise en oeuvre.

Les GFIM faciliteront galement des oprations places sous la conduite des Europens, qu'elles s'inscrivent ou non dans le cadre de l'Alliance. Pour la premire fois, nos structures reflteront la ralit du dveloppement d'une identit europenne de dfense.

Au mois d'avril, nous aurons une runion des Chefs des tats-majors de la dfense afin d'examiner l'volution future des structures militaires de l'OTAN. Le fait que la France sera reprsente par le Chef d'tat-major des armes, le gnral Douin, est trs significatif. Ce sera la premire fois en prs de 30 ans que le Chef de l'tat-major franais de la dfense sigera aux cts de ses homologues au Comit militaire de l'OTAN. Mais sa participation a plus qu'une valeur purement symbolique. Pour la premire fois, la France - juste titre - prendra pleinement part un processus de rforme militaire dterminant pour l'avenir de l'OTAN.


Russie

Comme vous le savez, j'tais en Russie la semaine dernire. Je voulais souligner combien nous attachons d'importance nouer des relations constructives avec ce grand pays. Le dveloppement de la Russie est de la premire importance et d'un intrt capital pour le reste de l'Europe. Si la Russie progresse sur la voie de la dmocratie, comme nous le souhaitons tous, et si nous travaillons ensemble, il n'y aura gure de problme de scurit dans la zone euro-atlantique que nous ne puissions rgler. C'est pourquoi il est tellement crucial d'accrotre les relations entre l'OTAN et la Russie. C'est un lment cl de toute nouvelle architecture de scurit europenne. Il faut le dvelopper, non pas en vertu de ncessits abstraites, mais parce que de telles relations servent nos intrts mutuels.

Ces relations sont dj en bonne voie. La Russie est membre de la coalition qui fournit l'IFOR. Comme j'ai pu le constater par moi-mme lorsque j'ai rendu visite la brigade russe il y a quinze jours, les troupes russes sont bien entranes, bien quipes et motives.

Mais la coopration en Bosnie ne suffit pas. L'OTAN et la Russie ont des intrts communs qui vont au-del. J'en citerai quelques-uns : prvenir et rgler des crises et des conflits rgionaux; prvenir la prolifration nuclaire; concevoir des stratgies communes pour affronter de nouveaux dfis dans le domaine de la scurit; dfinir ensemble une approche de la scurit fonde sur la coopration.

En bref, nous avons propos la Russie des relations qui nous permettraient de nous attaquer ensemble tous ces problmes.


Elargissement

Les liens qui se nouent entre l'OTAN et la Russie sont une indication majeure de la profondeur du changement qu'a subi le rle de l'OTAN. Les relations de plus en plus troites avec nos voisins d'Europe centrale et orientale en sont une autre. Nombre d'entre eux cherchent resserrer leurs liens avec des institutions telles que l'OTAN ou l'Union europenne. Nous ne pouvons rester indiffrents leurs aspirations.

Cependant, si fortes que soient les raisons qui justifient l'largissement de l'OTAN, le processus n'a rien d'ais. L'largissement doit profiter la scurit europenne dans son ensemble, et ne laisser aucun pays du mauvais ct d'une nouvelle ligne de partage. Dans le mme esprit, de nouveaux membres doivent contribuer la scurit de l'Alliance et ne pas tre de simples consommateurs en matire de scurit. C'est pourquoi ce processus doit tre progressif et transparent, et s'accompagner d'un renforcement de nos relations avec les pays qui ne nous rejoindront vraisemblablement que plus tard, voire jamais.


Le pilier europen

Pour en finir, je voudrais souligner que la ncessit d'une contribution accrue de la France l'volution de l'OTAN n'a jamais t aussi grande. Jamais auparavant, les arguments en faveur de la constitution d'un pilier ou une composante europenne au sein de l'Alliance n'ont t aussi convaincants. La fin de la Guerre froide, Maastricht, l'exprience bosniaque - tous ces lments dbouchent sur une seule conclusion. Dans un monde o la scurit se caractrise par une complexit croissante, il devient plus ncessaire que jamais de partager le leadership aussi bien que les charges.

Le Secrtaire d'Etat amricain, Warren Christopher, a dit frquemment que toute crise ne doit pas ncessairement se rsoudre un choix entre l'inaction et une intervention unilatrale des Etats-Unis. Cela prsuppose toutefois que l'Europe ait elle aussi une capacit d'action adquate. Il est dans l'intrt de l'OTAN que l'Europe soit plus unie et plus forte - je dirais mme que cest la condition de la vitalit long terme de l'OTAN.

C'est pourquoi la dcision du prsident Chirac stipulant que la France s'impliquera davantage dans l'Alliance ne pouvait mieux tomber. L'intention exprime par la France de contribuer la constitution de cette composante europenne au sein de l'Alliance a t accueillie avec enthousiasme par les Allis. Et je crois que, d'emble, cette initiative a aid crer un climat positif, dans lequel nous pourrons rquilibrer l'OTAN de manire permettre aux Europens d'assumer plus largement la responsabilit de leur propre dfense.

Traduire ces nouvelles ralits au niveau des structures de l'Alliance est une de nos tches prioritaires.

Je vous remercie.


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