SECRETARY GENERAL WORNER:  "WE HAVE TO ACKNOWLEDGE THAT AT
PRESENT NO OTHER ORGANIZATION CAN REPLACE THE COMMUNITY OF
ACTION AND COMMON DESTINY WHICH  THE NORTH ATLANTIC TREATY
ORGANIZATION" REPRESENTS
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            PARIS - At a colloquium organized by the Forum du
Futur, the Secretary General of the North Atlantic Treaty
Organization, Mr. Manfred Worner, said on Monday that "France
has everything to gain and nothing to lose by drawing still
closer to NATO".

            Mr. Worner went on to say that this did not
necessarily mean that "France should come back into NATO's
integrated military structure ... if France does not wish to go
this far.  The Spanish example shows clearly that full
participation does not mean integration".  The Secretary General
was referring more to "active participation by France in the
Military Committee, the Defence Planning Committee and even the
Nuclear Planning Committee ... The French Defence Minister could
also, like his Foreign Affairs colleague, take part in the
periodic meetings with the Co-operation Partners".

            The Secretary General asked whether "when a profound
transformation of the Alliance is taking place, characterised by
the defining of a new balance between Europe and North America,
and when the Alliance is embarking on  an increasing number of
new missions, the time has not come for France to reconsider its
traditional position vis-…-vis the Alliance ... the variety of
the threats and the cost of armaments now rule out purely
individual defence policies.  France is certainly entitled to
work for the promotion of European defence, but its contribution
is no less essential in the transatlantic context, especially
when the countries of Eastern, Central and Western Europe are
turning towards it".

            Mr. Worner expressed the view that too much time has
been wasted "in a sterile debate between 'Atlanticists' and
'Europeanists', the first seeing any closer European defence co-
operation as a threat to NATO, the second seeming to suggest
that European defence co-operation had to be directed against
NATO and the United States to have any substance and
credibility.  Both are wrong.  A secure Europe and a cohesive
Western world both need a strong Alliance and a more politically
integrated and action-capable Europe".  The Secretary General
said he was convinced that responsibilities as well as burdens
must be more equitably shared between the US and Europe. 
Consequently, "increasing the weight and influence of Europe
within the Alliance is ... even the precondition of NATO's
longer term vitality".


            The Secretary General emphasized that "NATO may have
lost an enemy, but it has not lost its raison d'ˆtre".  Its
fundamental task today is to be the "guarantor of stability in
Europe".  To this end, the Alliance has taken on two major new
roles:  the first is co-operation with the countries of Central
and Eastern Europe.  Mr. Worner described the progress made by
the North Atlantic Co-operation Council and, in particular, the
Alliance's efforts to move "this co-operation away from the
general level and towards concrete projects that address the
specific challenges facing each of our new partners".

            The Alliance's second new role is in "crisis
management and support for international peacekeeping
operations".  "This does not mean "a global role for NATO, nor
will it lead us to neglect the Alliance's main task - the
collective defence of its members.  Rather it reflects the
reality that, in view of the instabilities in Europe, it would
have been foolhardy not to make use of the political and
military capabilities of NATO".  As NATO's operations under
United Nations auspices in former Yugoslavia show, such
operations are already taking place with the full and active
participation of France, up to Military Committee level.  The
Alliance and France both benefit from this.
















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                DISCOURS DU SECRETAIRE GENERAL
                      AU FORUM DU FUTUR,
                      PARIS - AVRIL 1993

          C'est un plaisir pour moi de me trouver a Paris sous
l'egide du Forum du Futur que je remercie sincerement. Sans
doute n'y suis-je pas venu assez souvent, mais je vous
remercie, Monsieur le President, de m'avoir invite a ce
colloque et particulierement de pouvoir y entendre Monsieur le
Ministre des Affaires etrangeres.

          Vous-meme, Monsieur Baumel, par vos articles dans le
Figaro et dans Le Monde, qui revelent votre comprehension de
la situation nouvelle, avez facilite ma tƒche. Je partage
maintes de vos idees concernant le role de la France dans
l'Alliance et d'entree de jeu, je tiens a vous dire que le
regret que j'ai exprime ne consiste pas seulement a deplorer
des visites manquees de vos superbes monuments, mais surtout
de plus frequentes conversations concernant le role d'un pays
qui fut essentiel dans la fondation de cette Alliance et qui
le reste tant en raison de sa geographie que de son prestige
et de sa puissance.

          Mais je ne suis pas venu plaider ici une cause, je
tiens a exposer des faits. Monsieur Baumel en a decrit
l'essentiel. Je vais m'efforcer aujourd'hui, en remontant le
moins possible dans le temps, de porter un jugement sur la
situation nouvelle de l'Europe, de decrire les dangers et
defis auxquels nous sommes confrontes, d'evoquer la
transformation de l'Alliance, sa complementarite avec d'autres
organisations, en bref son nouveau role. Je terminerai par la
place de la France dans le cadre de l'Alliance. Nous le savons
tous, la fin de la guerre froide n'a pas rendu la securite
moins importante.  Bien au contraire, elle nous a apporte
toute une gamme de nouveaux defis de securite.

          Il y a d'abord des problemes immediats. L'un d'eux
tient au fait que la Russie se trouve confrontee a une
profonde crise alors qu'elle detient toujours une formidable
puissance militaire et notamment des milliers d'armes
nucleaires. Les conflits ethniques dans les Balkans et en Asie
centrale en sont un autre. Vers le sud emergent des menaces de
nature differente, sous la forme de fanatisme religieux,
d'aspirations a l'hegemonie regionale et de ressentiment a
l'egard de l'Occident aux plans politique et economique. Ces
facteurs peuvent etre amplifies par un surarmement evident. La
proliferation des armes nucleaires, chimiques et balistiques,
conjuguee au cynisme politique et a la poussee demographique,
risque de nous placer devant des dangers aussi graves, mais
beaucoup plus marques par l'irrationnel, que ceux que posait
en son temps l'Union sovietique.

          A ces dangers immediats s'ajoutent des tendances a
plus long terme qui doivent nous conduire a revoir en
profondeur notre approche traditionnelle de la politique de
securite.

          Ainsi, nous voyons se developper l'interaction entre
les problemes interieurs et les preoccupations de securite
internationale. Pour les personnes, les informations, les
technologies et les ressources, le passage des frontieres est
aujourd'hui de plus en plus facile. C'est pourquoi les
problemes de securite ne peuvent plus etre classes, suivant un
cloisonnement rigide, en questions nationales, regionales et
internationales. L'afflux de refugies provoque par le conflit
yougoslave constitue peut-etre l'illustration la plus
frappante de la maniere dont les evenements qui surviennent
dans un pays peuvent soumettre a de severes pressions des pays
distants de plusieurs centaines de kilometres. On en trouve un
autre exemple dans la facon dont des ventes d'armes, destinees
a soulager ici des difficultes economiques, peuvent, ailleurs,
alterer fortement l'equilibre de la puissance militaire.

          Un deuxieme defi nouveau est constitue par le retour
du nationalisme, que Giuseppe Mazzini a un jour qualifie de
"malediction de l'Europe". La fin de la guerre froide et
l'effondrement des regimes communistes ont fait apparaŒtre une
mosa‹que complexe de peuples divers, aux cultures variees,
nourrissant de longue date des griefs a l'encontre de leurs
voisins. Dans bien des cas, ces griefs sont d'autant plus
graves qu'ils ont ete artificiellement etouffes pendant plus
de quarante ans. Ces conflits ethniques placent les
responsables politiques de tous nos pays occidentaux devant
des choix difficiles, voire contradictoires : Faut-il
intervenir ou non? Dans l'affirmative, ou, quand et comment?
Et a quel prix?  Comment concilier la reticence a intervenir
dans les affaires interieures d'Etats etrangers et la
necessite de mettre fin a une campagne d'agression
caracterisee?

          Un troisieme element nouveau est la geographie
politique tout a fait differente de l'Europe d'aujourd'hui.
L'ancienne ligne de faille Est-Ouest qui traversait l'Europe
centrale a disparu. De nombreux Etats nouveaux ont vu le jour.
Les pays participant a la CSCE, qui etaient trente-cinq a
l'origine, sont maintenant cinquante-trois. Ces nouveaux Etats
doivent trouver leur place dans le systeme des nations
europeennes et se voir accorder la reconnaissance et le role
qu'ils meritent. Deux d'entre eux, l'Ukraine et le Kazakhstan,
sont devenus des puissances regionales, et meme - ne f–t-ce
que temporairement - des puissances nucleaires. Il nous faut
considerer des regions entieres de la zone euro-atlantique
sous un jour nouveau et nous accommoder d'Etats dont les
perspectives strategiques et les politiques etrangeres sont
totalement differentes de celles auxquelles nous etions
habitues du temps de la guerre froide.

          Mais, des changements resultant de la fin de la
Guerre froide, le plus spectaculaire est peut-etre celui de
l'interpretation donnee a la notion de souverainete.
Aujourd'hui, les droits des peuples se voient accorder un
poids nouveau par rapport a ceux des Etats. Ainsi, dans
l'operation "Provide Comfort", en Irak, les preoccupations
humanitaires l'ont emporte sur la tolerance d'un droit qui
permet a un regime de maltraiter impunement ses propres
sujets. Il est peut-etre trop tot pour dire si la communaute
internationale s'achemine vers l'adoption d'un nouveau
principe consacrant le droit, sinon le devoir, d'ingerence
humanitaire. Mais le sentiment existe a coup s–r que
lorsqu'est perpetre un genocide, ou quand les structures
dirigeantes de l'Etat se sont ecroulees, laissant place au
chaos, comme ce fut le cas recemment en Somalie, alors une
intervention exterieure est a la fois necessaire et justifiee.

          Comment pouvons-nous reduire les dangers d'un monde
en transition? Comment pouvons-nous contribuer a stabiliser
l'instabilite a l'Est et au Sud? Et comment pouvons-nous
entre-temps nous proteger contre ses consequences?

          Le plus important, c'est de preserver et de
renforcer les quelques elements de stabilite dont nous
disposons. Et, sur notre continent, ceux-ci sont
essentiellement la Communaute europeenne et l'Alliance
atlantique.

          L'OTAN a perdu un ennemi, mais elle n'a pas perdu sa
raison d'etre. La dissuasion a l'egard d'une Union sovietique
expansive a cede la place a la stabilite en tant que tƒche
fondamentale de l'Alliance atlantique. Qui aujourd'hui
pourrait pretendre remplacer l'Alliance dans son role de
garant de la stabilite en Europe? Ce n'est pas un hasard si
les Etats d'Europe centrale et de l'Est recherchent de plus en
plus un rapprochement avec l'Alliance atlantique. 

          Celle-ci garantit la securite de ses Etats membres
contre d'eventuels risques militaires. C'est dans l'histoire
un phenomene sans precedent. Qui aujourd'hui pourrait
pretendre se substituer a l'OTAN dans son role de garant de
l'equilibre strategique, nucleaire inclus, du continent euro-
asiatique? Personne. 

          Aujourd'hui encore, l'Europe n'est pas en mesure
d'assurer sa propre securite et sa propre defense. Pour nous
Europeens, c'est certes une amere realite, neanmoins
incontournable. Il s'ecoulera encore beaucoup de temps avant
que les Europeens puissent se passer de la presence politique
et militaire des Etats Unis, garante de la securite europeenne
et de l'equilibre des forces sur le vieux continent. Qui
d'autre que l'OTAN peut tenir ce role? Il n'y a pas d'autre
choix aujourd'hui pour les Allies que la communaute de destin
qui lie, dans l'OTAN, l'Europe occidentale et l'Amerique du
nord. 

          La communaute transatlantique demeure l'element
fondamental sans lequel on ne peut imaginer de construire une
nouvelle architecture de la securite europeenne ou un ordre
international acceptable. L'Europe a besoin de l'Amerique,
mais aussi l'Amerique de l'Europe. Ce n'est qu'ensemble
qu'elles pourront dominer les defis du monde actuel. 

          En un mot : l'Alliance atlantique reste le seul
forum ou les grandes nations du monde occidental puissent
coordonner leur politique de defense et de securite. Il n'y a
pas d'autre choix.

          Je voudrais encore ajouter que, face a des menaces
multiformes dans le contexte geostrategique europeen actuel,
il faut des moyens politiques et militaires adequats. Aucun
pays europeen aujourd'hui ne possede a lui seul les moyens de
mener a bien des operations militaires de grande envergure
dans la zone de l'OTAN ou a l'exterieur.  

          Soyons serieux : meme tous ensemble, les Europeens
n'ont pas les moyens de gerer efficacement des crises
majeures, que ce soit dans le domaine de la reconnaissance,
des transports, des communications et de la macro-logistique.
D'autant plus qu'avec des budgets en decroissance, l'on ne
voit pas d'ou viendrait le financement de ces moyens dans les
annees a venir.  Et nous savons, depuis les crises du Golfe,
de la Yougoslavie, ou comme l'a montre l'intervention en
Somalie, que les Europeens sont encore loin d'avoir atteint le
seuil de cohesion politique ou de credibilite militaire
necessaires. 

          Les Americains eux-memes doivent admettre que leurs
moyens tant financiers que militaires sont insuffisants face
aux engagements auxquels ils doivent faire face. La guerre du
Golfe a montre que les Etats Unis n'etaient plus en mesure,
sans des soutiens exterieurs, d'assumer les contraintes
budgetaires resultant de leur engagement dans la region. Leur
budget militaire a beau depasser encore largement celui de
l'ensemble des pays de la Communaute europeenne, les Etats
Unis, c'est un fait, sont de moins en moins disposes et
capables d'assumer seuls le poids politique, moral, militaire
et financier d'operations militaires majeures. Nous sommes
obliges d'admettre qu'a l'heure actuelle, aucune autre
organisation n'est en mesure de se substituer a la communaute
d'action et de destin que constitue l'Organisation du Traite
de l'Atlantique Nord, qui dispose seule de moyens etendus et
varies: reseau d'infrastructure, moyens de reconnaissance par
satellite, radars volants AWACS, pour ne citer que ceux-la.

          Par consequent, l'OTAN aura sa place dans une
nouvelle architecture europeenne a cote des autres
organisations. La CSCE peut conferer un mandat au nom de
l'Europe tout entiere, mais elle n'est pas en mesure de faire
appliquer ses decisions. A l'avenir, l'UEO se verra dotee de
certains moyens militaires limites, mais qui ne seront pas
suffisants pour lui permettre de faire face a une crise
majeure. L'OTAN dispose de mecanismes politiques et militaires
fiables pour la gestion des crises, mais elle doit recevoir un
mandat specifique des Nations Unies ou de la CSCE pour les
mettre en jeu. Il est donc essentiel que ces institutions
collaborent. C'est seulement de cette facon que nous pourrons
nous prevaloir d'une gamme d'options politiques et militaires
suffisamment large qui nous permettra, dans n'importe quelle
situation de crise, de reunir l'ensemble des mesures
necessaires: surveillance, sanctions, negociations politiques,
forces de maintien de la paix. 

          Affirmer qu'une Alliance transatlantique demeure
necessaire ne signifie toutefois pas que seule la forme
traditionnelle de l'Alliance peut repondre a ce besoin. La
capacite de changer est devenue, du point de vue de la
securite, tout aussi importante que la capacite d'agir de
maniere coherente. Certes, la restructuration peut comporter
des risques, mais ne pas nous adapter entraŒnerait, a long
terme, des risques beaucoup plus grands.

          Au cours des trois dernieres annees, l'OTAN a connu
une profonde transformation, dont l'ampleur n'est pas toujours
reconnue dans nos pays membres, meme dans les fractions bien
informees de l'opinion publique. Ce processus a deja porte ses
fruits. Il concerne essentiellement trois domaines:

     -    strategie et structure de nos forces
     -    reequilibrage par le renforcement du pilier europeen
     -    cooperation avec les pays de l'Europe du Centre et
          de l'Est.

          Depuis le sommet de Rome, en novembre 1991, nous
avons une nouvelle strategie, une nouvelle structure de
commandement et une nouvelle structure de forces. La France,
je le souligne, a participe a ce processus, sauf pour ce qui
concerne le volet nucleaire, et contribue de maniere
significative a son succes. Cette nouvelle strategie met
l'accent sur la mobilite, la souplesse et les unites
multinationales. Elle repose sur trois piliers : les forces de
reaction - aussi bien la reaction immediate que la reaction
rapide - les forces de defense principales, et les forces
d'appoint. Il est certain que les Allies europeens ont deja
acquis un poids accru dans la nouvelle structure de forces, et
qu'une plus grande interaction des forces des pays europeens
en sera l'un des resultats. Je pourrais citer comme exemples
l'Eurocorps que la France a decide de creer avec l'Allemagne
et le nouveau corps mixte germano/neerlandais. De plus, il y
aura a l'avenir deux corps mixtes germano/americains.  

          Donner a l'Europe un poids et une influence accrus
au sein de l'Alliance est l'un des objectifs principaux de
notre transformation, et meme une condition prealable de la
vitalite a long terme de l'OTAN. Il est bien loin le temps ou
les Etats-Unis avaient les moyens et la volonte de jouer un
role predominant, et ou l'Europe ne voulait ni ne pouvait etre
autre chose qu'un partenaire de second rang. L'attitude des
Etats-Unis vis-a-vis de l'identite europeenne de securite et
de defense, et de l'Union de l'Europe occidentale, a evolue
comme l'a clairement exprime le Secretaire d'Etat americain,
M. Warren Christopher, dans son discours devant le Conseil de
l'Atlantique Nord, en fevrier dernier. Il a lui-meme declare,
a diverses reprises, que "toutes les crises ne doivent pas
forcement se resumer a un choix entre l'inaction et
l'intervention unilaterale americaine". Dans un monde ou l'on
voit sans cesse augmenter la demande d'interventions et
d'operations de maintien de la paix, il est necessaire de
partager de maniere plus equitable, entre les Etats-Unis et
l'Europe, les responsabilites et les charges. Hier, l'Europe
hesitait a agir sans les Etats-Unis. Aujourd'hui, comme nous
le voyons dans l'ex-Yougoslavie, les Etats-Unis hesitent a
agir sans l'Europe.

          Nous avons, il faut l'admettre, perdu un temps
precieux dans un debat sterile entre "Atlantistes" et
"Europeens", les premiers voyant dans tout renforcement de la
cooperation europeenne en matiere de defense une menace pour
l'OTAN, les seconds semblant sous-entendre que cette politique
de securite et de defense europeenne devait, pour avoir
quelque fond et quelque credibilite, se jouer contre
l'Alliance atlantique et l'influence americaine. Les deux ont
tort. La securite de l'Europe et la cohesion du monde
occidental exigent toutes deux une Alliance forte et une
Europe davantage integree sur le plan politique et davantage
capable d'agir. Les deux processus - cooperation
transatlantique et integration europeenne - ont ete et
demeureront interdependants.

           La transformation de l'Alliance ouvre des
perspectives nouvelles dans la repartition des
responsabilites, des roles et des structures de commandement
entre Americains et Europeens. Mais faut-il rappeler que,
comme dans toute organisation, dans notre Alliance aussi ce
sont trois facteurs qui determinent l'influence des Europeens:
leur unite, leur poids et leur contribution. A cet egard, la
crise du Golfe hier et la Yougoslavie aujourd'hui ont montre
que les ambitions de l'Europe dans le domaine d'une politique
commune de securite et de defense sont bien en avance sur la
realite. Cependant, une participation pleine et active de la
France dans toutes les institutions de l'Alliance y
accroŒtrait l'influence europeenne. 

          Dans le reequilibrage interne de l'Alliance, l'UEO a
un role essentiel a jouer. Compte tenu de son elargissement
recent et du fait qu'elle a accorde a d'autres allies
europeens le statut de membres associes ou d'observateurs,
elle represente l'identite europeenne de securite, mais elle
est aussi en mesure de developper son role complementaire de
pilier europeen de l'Alliance. L'OTAN ne s'est pas contente
d'encourager politiquement le developpement de l'UEO; nous
l'avons aussi facilite de maniere concrete, en offrant par
exemple de mettre nos moyens a sa disposition pour lui
permettre d'agir, apres consultations. Nous avons pris des
mesures pour assurer le developpement harmonieux de la
cooperation et des relations entre l'OTAN et l'UEO. Au cours
des derniers mois, c'est un veritable "modus operandi" qui
s'est instaure entre les deux organisations. Nous avons
harmonise nos methodes de travail, et nous procedons
regulierement a des echanges d'information. J'ai ete invite a
assister a la reunion de l'UEO en session ministerielle, a
Rome en novembre dernier, et le Secretaire general de l'UEO,
M. Willem van Eekelen, assiste aux reunions ministerielles de
l'OTAN.

          Notre but est d'etablir une relation fondee sur la
transparence et la complementarite. Aucune des deux
organisations ne peut etre efficace si elle considere l'autre
comme une rivale, ou si nous gaspillons du temps et des
efforts a debattre sur les prerogatives institutionnelles, ou
a prendre, l'une et l'autre, des mesures qui font double
emploi. Le travail ne manque ni pour l'OTAN ni pour l'UEO.
L'avenir implique une repartition des tƒches grƒce a laquelle
nos ressources politiques et militaires conjuguees pourront
etre utilisees dans les meilleures conditions de co–t et
d'efficacite. Ce partage des tƒches devra etre fonde sur le
pragmatisme et etre decide cas par cas.

          A cet egard, il serait contre-productif, a mon sens,
que l'UEO cherche a se doter d'une structure militaire
complete, autonome et distincte de celle de l'OTAN.
D'ailleurs, a une epoque de compression des budgets de la
defense, l'on ne dispose pas des ressources necessaires a une
telle entreprise. Ce qu'il faut, c'est faire en sorte que nos
forces ou une partie d'entre elles puissent operer, apres les
decisions prises au sein des deux organisations et apres
consultation, sous l'autorite de l'UEO. La decision de mettre
l'Eurocorps a la disposition soit de l'UEO soit de l'OTAN
donne un bon exemple de cette forme de coordination.

          Le troisieme volet de notre transformation reside
dans une cooperation etroite avec nos adversaires d'hier au
sein de notre conseil de cooperation. Les progres accomplis a
ce jour sont assez substantiels pour que l'Alliance puisse
assumer efficacement deux nouveaux roles majeurs, susceptibles
de promouvoir la stabilite au-dela de ses frontieres.

          Il y a d'abord le role de projection de stabilite de
l'Alliance vers les pays d'Europe centrale et orientale et
vers les republiques nouvellement independantes issues de
l'ex-Union sovietique.

          Soucieux d'un rapprochement avec les pays d'Europe
centrale et orientale, nous avons cree le Conseil de
cooperation nord-atlantique.  Ainsi l'on a pu voir se reunir
periodiquement les Ministres des affaires etrangeres, les
Ministres de la defense - la France faisant exception en ce
qui concerne ces derniers -, de meme que les Chefs d'etat-
major de la defense et de nombreux groupes d'experts de haut
niveau. Nos partenaires de la cooperation sont a present au
nombre de vingt-deux. La pratique de consultations
periodiques, au niveau technique, s'est egalement renforcee
avec l'invitation faite aux partenaires de la cooperation de
participer aux reunions de certains comites de l'OTAN et avec
toute une serie de visites et d'echanges bilateraux. Doctrines
de defense, budgets militaires, coordination de la circulation
aerienne ou democratisation des structures militaires - il y a
beaucoup de domaines ou l'Alliance peut offrir soutien et
cooperation aux pays d'Europe centrale et orientale.

          Nous nous employons actuellement a faire passer
cette cooperation du niveau general ou elle se situait d'abord
a des projets concrets, propres a repondre aux defis
particuliers que pose la restructuration militaire a chacun de
nos nouveaux partenaires. Nous menons aussi actuellement avec
ces pays des discussions sur la participation eventuelle au
maintien de la paix. Elles ont deja debouche sur la mise au
point d'un plan specifique prevoyant non seulement le partage
des experiences mais une  cooperation pratique dans les
domaines de la formation, des exercices et de la
planification.
          L'autre role nouveau de l'OTAN concerne la gestion
des crises et l'appui aux operations internationales de
maintien de la paix. Nous avons decide que l'OTAN, avec son
experience averee en matiere de gestion des crises et ses
structures militaires, pouvait apporter son soutien a la fois
aux Nations Unies et a la CSCE; en fait, elle contribue deja
activement a des missions de maintien de la paix sous l'egide
des Nations Unies. Cela ne signifie pas que l'OTAN doive jouer
un role a l'echelle mondiale, pas plus que cela ne nous
conduira a negliger la tƒche principale de l'Alliance qui est
la defense collective de ses membres. Cela correspond plutot a
une realite : etant donne les instabilites en Europe, il
serait imprudent de ne pas utiliser les capacites politiques
et militaires de l'OTAN.  L'Alliance possede cette capacite
parce qu'elle dispose d'une infrastructure, de moyens de
communication et de forces bien entraŒnees qui peuvent operer
ensemble et qu'elle est en mesure de deployer collectivement
dans le cadre de dispositions efficaces de commandement et de
controle, meme dans des conditions difficiles.

          Actuellement, nous apportons notre appui aux
initiatives des Nations Unies dans l'Ex-Yougoslavie. Et cela
se fait hors zone sans que personne ne le mette en question.
Des navires de l'OTAN et de l'UEO veillent au respect des
sanctions dans l'Adriatique. Des avions de l'OTAN surveillent
deja depuis plusieurs mois la zone d'exclusion aerienne au-
dessus de la Bosnie et, en ce moment meme, ils font respecter
cette zone conformement a la derniere resolution du Conseil de
securite des Nations Unies. Des elements de commandement de
l'OTAN pretent leur concours a la force de protection des
Nations Unies. Depuis quelques semaines, l'OTAN et les
Nations Unies examinent ensemble la maniere de mettre en
oeuvre un plan de paix dans l'ex-Yougoslavie. Je ne doute pas
que s'il est fait appel a l'aide de l'Alliance, celle-ci
repondra positivement.

          Dans ces operations, l'Alliance fait preuve de
flexibilite et de pragmatisme en ce qui concerne le mode
d'action, la participation des Etats membres et leur maniere
de contribuer. On se dirige ainsi vers un  modele
d'integration de plus en plus modulaire, adapte aux nouvelles
missions de l'Alliance.

          Ces operations de maintien de la paix se font deja
avec la participation pleine et active de la France, jusqu'au
sein du Comite Militaire. L'Alliance et la France en profitent
mutuellement.

          Alors que se dessine une transformation profonde de
l'Alliance, caracterisee par un reequilibrage entre Europeens
et Americains, et alors que l'Alliance prend en charge de plus
en plus de nouvelles missions, le moment n'est-il pas venu
pour la France de reexaminer sa position traditionnelle face a
l'Alliance?

          Est-ce que les raisons qui ont conduit la France a
prendre une position particuliere au sein de l'OTAN, si
justifiees qu'elles aient pu etre a l'epoque, sont toujours
valables? On peut en douter.

          Du temps de la guerre froide, en depit de l'absence
de la France de la structure militaire integree, nul n'a
jamais doute qu'en cas de conflit, elle se joindrait aux
autres allies, ainsi que l'a rappele recemment Monsieur
Baumel. 
          La situation est devenue beaucoup plus fluide et
difficile a apprehender, la menace est desormais diffuse et
multiple. En meme temps se fait jour, au sein ou en marge de
l'Alliance, une plus large possibilite de combinaisons, y
compris au plan militaire: Corps de Reaction Rapide, Corps
franco-allemand, etc...: c'est le developpement "modulaire"
dont je parlais il y a un instant.

          Dans cette oeuvre de recomposition imposee par les
circonstances, apparait la necessite d'une mise en commun des
competences et des experiences de chacun, afin d'accorder le
plus justement possible la reaction a la menace. La competence
et l'experience de la France en Europe, mais aussi en Afrique,
au Maghreb, au Moyen-Orient, aussi bien que sa participation
aux operations des Nations-Unies, peuvent constituer
d'importantes contributions: l'Alliance y gagnera, mais la
France beneficiera, elle aussi, de l'experience des autres,
dans le cadre d'un moule plus souple, faconnable au coup par
coup.
          La variete des menaces, le co–t des armements ne
permettent plus les politiques purement individuelles de
defense. Il est certes legitime que la France s'attache a la
promotion d'une defense europeenne. Sa contribution n'en est
pas moins indispensable au cadre transatlantique,
particulierement quand, vers celui-ci, se tournent tous les
pays d'Europe, de l'Est, du Centre et de l'Ouest.

          Il ne s'agit pas d'une reinsertion des forces
francaises dans la structure militaire integree de l'OTAN, si
la France ne le souhaite pas. L'exemple de l'Espagne montre
clairement qu'une pleine participation ne signifie pas
integration. Il s'agit de la participation active de la France
au Comite Militaire, au Comite des Plans de Defense et meme au
Comite de Planification Nucleaire. Le Ministre francais de la
Defense prendrait part, comme son collegue des Affaires
Etrangeres, aux reunions, que nous tenons periodiquement avec
nos Partenaires de la Cooperation.

          La conclusion me semble evidente. La France a tout a
gagner et rien a perdre a se rapprocher davantage de l'OTAN.
Elle aurait interet en affirmant une presence plus active, a
donner a l'organisation de cette Alliance une nouvelle
structure plus egalitaire. 

          Quatre ans apres l'effondrement du communisme en
Europe centrale et orientale, l'on ne distingue que de vagues
contours de ce que sera l'architecture de l'Europe. En
revanche, les nouveaux defis auxquels l'Alliance devra faire
face en matiere de securite - si elle veut realiser sa vision
ultime d'un ordre pacifique juste et durable en Europe - se
sont imposes avec une clarte presque brutale. Avec l'Alliance
atlantique renovee et le processus d'union politique de
l'Europe, nous disposons des deux instruments fondamentaux de
la stabilite. Il est de notre devoir politique de rapprocher
ces deux instruments afin qu'ils puissent se renforcer l'un
l'autre et, conjointement, nous aider a faconner l'avenir dans
le respect de nos valeurs democratiques.