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Updated: 12-Mar-2001 | NATO Speeches |
Budapest 22 novembre
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Discours au Parlement HongroisDiscours du Secrétaire générale, Manfred WörnerII y a encore dix-huit mois environ, la visite du Secrétaire général de l'OTAN à Budapest en qualité d'invité officiel du gouvernement hongrois eût semblé relever de la futurologie. Pourtant,nous assistons aujourd'hui à l'émergence d'une Europe nouvelle, dans laquelle ce qui était naguère improbable paraît maintenant tout à fait naturel; cette Europe est réunie par une aspiration, sans entrave, à la liberté, à la démocratie et à la prospérité économique. Située au coeur à la fois géographique et culturel
de l'Europe, la Hongrie a joué un rôle crucial dans la réalisation
de ce changement historique. Dès le début, il était
clair que le peuple hongrois n'allait jamais s'incliner devant la loi
du totalitarisme, ni accepter d'être isolé en permanence
des autres Européens. En 1956, votre peuple s'est révolté
avec bravoure contre l'oppression, et cette révolte a eu des conséquences
tragiques. Dans les années qui ont suivi, vous vous êtes
employés, plus prudemment, mais avec la même opiniâtreté,
à changer le système de l'intérieur. La Hongrie a
toujours été différente des autres pays communistes,
car elle laissait transparaître l'image d'une société
occidentale impatiente de se délivrer d'un corset rigide, mais
finalement fragile. Non seulement vous vous êtes libérés, mais vous avez
apporté une contribution déterminante à la libération
d'autres peuples. La décision de la Hongrie, vers la fin de l'été
1989, de braver la colère de ses alliés du Pacte de Varsovie
en permettant aux Allemands de l'Est de rejoindre l'Occident a déclenché
l'effondrement des régimes communistes en Europe centrale, puis
en Europe orientale. Je suis persuadé que ce changement se serait
inévitablement produit, tôt ou tard, mais la courageuse décision
de la Hongrie a accéléré ce processus et l'a ainsi
rendu plus pacifique qu'il n'aurait pu l'être dans d'autres conditions.
Vous avez donc mérité la gratitude, non seulement du peuple
allemand, mais de tous les Européens. Il n'est, dès lors, guère étonnant que la Hongrie
ait toujours été à l'avant-garde de ce que l'on appelle
souvent "le retour à l'Europe". Elle a été
le premier des pays d'Europe centrale et orientale à établir
des liens avec l'OTAN et son organe parlementaire, l'Assemblée
de l'Atlantique Nord, à entreprendre une démarche auprès
de la Communauté européenne en vue d'y adhérer finalement,
et à devenir membre à part entière du Conseil de
l'Europe, ce qu'elle a fait il y a deux semaines. Vous avez aujourd'hui
le souci d'appartenir à l'Europe, non seulement sur le plan des
institutions, mais aussi dans les domaines économique et social.
Nous savons tous que cela ne sera pas facile. La réforme ne va
pas sans conséquences d'ordre social. Le rapprochement des niveaux
de vie des deux moitiés de l'Europe exigera que les efforts soutenus
que vous déploierez sur la voie de la réforme soient accompagnés
d'une aide soutenue des pays occidentaux. Il nous faut veiller ensemble
à ce que l'enthousiasme populaire et les espoirs mis dans l'avenir
ne soient pas entamés par les dures épreuves que la transition
implique inévitablement. Il est certain que le dynamisme qu'a montré
votre gouvernement en établissant des liens intensifs avec les
pays occidentaux, et en encourageant leurs industries et leurs entreprises
à venir en Hongrie, est de bon augure pour votre succès
final. Par ailleurs, les actions que l'Ouest a menées jusqu'ici
montrent que vous pouvez compter sur notre soutien politique et sur une
aide concrète de notre part, que ce soit au Groupe des 24, à
la Communauté européenne ou à la nouvelle Banque
européenne pour la reconstruction et le développement. Ce n'est pas, bien entendu, seulement dans les relations entre le gouvernement
et le peuple que la Guerre froide est terminée. Nous voyons aussi
dans les rapports entre nations un nouvel esprit de coopération,
un désir commun de ne pas être prisonnier des craintes et
des suspicions auxquelles se sont heurtées toutes les précédentes
tentatives de création d'une famille de nations européenne.
Je dirais même que l'Europe n'a jamais eu une occasion aussi tangible
de sortir du cycle infernal de la paix et de la guerre et de créer
un ordre durable de paix et de prospérité. Notre génération
a le privilège de voir s'offrir à elle cette occasion, unique
dans l'Histoire, de prendre un nouveau départ. Nous, les membres de l'Alliance, sommes résolus à saisir
cette occasion. Certes, et même avec tous les changements auxquels
nous assistons, les craintes et les suspicions du fond des âges,
les images stéréotypées et les idées fausses
ancrées dans la mémoire populaire ne vont pas disparaître
du jour au lendemain. Il est cependant possible d'en triompher. La participation
active de la Hongrie à l'Initiative pentagonale et l'intérêt
qu'elle montre pour la réalisation d'une stabilité régionale
par un nouveau dialogue avec la Yougoslavie et d'autres pays voisins attestent
qu'il est bel et bien possible de jeter des ponts surmontant les vieilles
divisions. Nous avons à présent une chance de consacrer
notre énergie, notre imagination et nos ressources financières
à l'édification de ces sociétés démocratiques
à économie de marché qui, nous le savons, sont pacifiques
par nature, et nous offrent ainsi la meilleure garantie d'une stabilité,
d'une sécurité et d'une prospérité durables. Je suis venu à Budapest aujourd'hui porteur d'un message très
simple. Il s'agit d'un message que nous adressons en fait avec une égale
conviction à tous nos anciens adversaires, qui sont désormais
nos partenaires. Nous vous offrons notre amitié. Nous souhaitons
coopérer avec vous. Le temps de la confrontation est révolu.
Il faut enterrer l'hostilité et la méfiance du passé.
Nous devons travailler ensemble. C'est de cette façon seulement
que nous pourrons édifier la Maison commune européenne,
ou la Confédération européenne, ou le Nouvel ordre
européen - peu importe le nom qu'on lui donne. Nous savons tous
ce que nous entendons par là : une Europe de la démocratie,
des droits de l'homme et du partenariat, dans laquelle le tout renforce
les parties et les parties renforcent le tout. Nous devons avancer ensemble;
sinon, nous serons condamnés à reculer séparément. Il existe une voie qui nous conduit, au-delà de la confrontation,
vers une Europe entière et libre :
Nous devons considérer d'un oeil nouveau nos objectifs et nos
tâches. C'est ce que notre Alliance atlantique a fait, et continuera
de faire. Lors du Sommet que nous avons tenu à Londres au début
du mois de juillet, nous avons décidé de modifier notre
Alliance de la façon la plus profonde depuis sa création,
il y a quarante et un ans. Un système de confrontation n'offre
pour nous aucun intérêt. Car l'OTAN a un rôle nouveau,
encore plus important, à jouer : celui de pilier d'un ordre de
coopération européen nouveau et pacifique. Dans le cadre
d'un tel ordre, la puissance militaire jouera un rôle moindre; elle
sera moins prépondérante, ne sera dirigée contre
aucune menace ni aucun ennemi potentiel en particulier et aura pour vocation
de fournir des assurances contre les risques et de prévenir la
guerre. Comment l'OTAN a-t-elle changé, me demanderez-vous? Quelles mesures
concrètes avons-nous prises?
Ces changements interviendront à mesure que les forces soviétiques
quitteront le territoire de la Tchécoslovaquie et de la Hongrie,
comme l'URSS l'a déjà accepté, ainsi que le territoire
de la partie de l'Allemagne qui constituait l'ancienne RDA, au cours de
la période de transition allant jusqu'en 1994 qui suit l'unification
allemande. Ces changements dépendront également de la mise
en oeuvre d'un traité sur les FCE qui offrira à tous les
Etats participants de solides garanties contre l'agression et l'intimidation
militaires. En outre, l'Alliance atlantique n'entend pas éliminer
les tensions par la seule réduction des armements : elle veut aussi,
pour cela, accroître la confiance et la transparence. D'où
nos efforts pour obtenir un accord significatif sur des MDCS à
temps pour le Sommet de Paris la semaine dernière. L'Ouest poursuivra
ses efforts, d'ici au Sommet d'Helsinki en 1992, pour faire adopter des
MDCS encore plus ambitieuses qui rendront nos activités militaires
entièrement transparentes et réduiront les possibilités
de surprise ou de déploiements de forces inhabituels. Nous continuons
de tout mettre en oeuvre pour obtenir la conclusion d'un accord sur le
régime du "Ciel ouvert", domaine dans lequel la Hongrie
a aussi joué un rôle de pointe. Nous proposons l'ouverture
de nouvelles discussions sur la stratégie et la doctrine militaires.
Nous souhaitons avant toute chose que la sécurité soit débattue
et définie en commun. Aucun pays ne peut aujourd'hui assurer sa sécurité à
lui seul ou en s'isolant de ses voisins. Les pays qui recherchent une
sécurité absolue par leurs propres moyens ne font que créer
l'insécurité autour d'eux. Nous ne devons donc jamais ramener
la sécurité européenne au niveau purement national.
La Il ne faut pas en déduire, évidemment, que l'OTAN ou un
pays européen quelconque doivent rester sans défense. Nous
vivons, en effet, dans un monde fait d'incertitudes, qui comporte de nombreux
risques et facteurs d'instabilité. L'actuelle crise du Golfe nous
le rappelle on ne peut plus clairement. Elle ne s'apparente pas aux précédents
conflits régionaux où seuls les intérêts de
quelques pays étaient directement en cause; il ne s'agit pas davantage
d'une crise dont le pétrole est l'enjeu exclusif ni même
essentiel. Si notre principal objectif commun - qui doit nécessairement
être le retrait complet des forces irakiennes du Koweït et
la libération de tous les otages - n'est pas atteint, c'est l'ensemble
de la communauté internationale qui se trouvera exposé à
un grave danger. Danger d'une nouvelle crise de l'énergie, où
le renchérissement des produits pétroliers menacera le développement
économique de nombreux pays, et le vôtre en particulier,
certainement; mais aussi danger du précédent créé
par un pays, grand et puissant, qui annexe avec cynisme un pays voisin
plus petit; danger, plus inquiétant encore, d'une agression victorieuse
qui ne manquera pas de nourrir les ambitions de dictactures qui ont de
plus en plus accès aux technologies de destruction massive. Il est donc crucial, non seulement pour le Koweït, et pour la paix
au Moyen-Orient, mais aussi pour notre action commune qui vise à
instaurer un ordre international plus durable et plus juste au lendemain
de la Guerre froide, que la coalition internationale contre l'Irak l'emporte.
Nous espérons vivement - nous l'escomptons même avec confiance
- que les sanctions imposées par les Nations Unies à l'encontre
de l'Irak seront suivies d'effets. Tous les pays de l'Alliance sont déterminés
à préserver leur solidarité, et nous mettrons tout
en oeuvre pour unir toujours plus nos efforts à ceux de l'Organisation
des Nations Unies, qui a retrouvé son efficacité comme garant
du droit international et de la stabilité à l'échelle
mondiale. Je salue la ferme attitude que la Hongrie a adoptée face
à la crise, quoi qu'il en coûte à son programme de
réforme économique, et je ne doute pas que nous pourrons
continuer d'oeuvrer ensemble pour prouver à l'Irak - et à
tous les autres belligérants potentiels - que l'agression brutale
est vouée à l'échec. Ainsi, à la lumière de la crise du Golfe, il nous apparaît
encore plus clairement que notre Alliance doit maintenir une défense
solide, et nous n'en attendons pas moins des autres pays. L'OTAN conservera
en Europe une combinaison de forces conventionnelles et nucléaires
qui sera l'ultime garant de la paix. Notre but est cependant clair : nous
voulons réduire les forces armées en Europe à un
niveau minimum, de telle sorte qu'aucun pays ne doive plus en menacer
d'autres pour se sentir en sécurité. Il est possible d'arriver
à un dispositif militaire qui offre les meilleures assurances de
sécurité mutuelle. Notre Alliance en a d'ailleurs fait l'expérience positive avec
sa structure de défense intégrée; qui, parmi vous,
pourrait sérieusement imaginer que seize Etats souverains et démocratiques
décident un jour de lancer une attaque ou de la soutenir? A l'intérieur
de notre Alliance, l'approche collective de la défense a permis
d'effacer définitivement de vieux antagonismes, par exemple entre
la France et l'Allemagne. C'est donc une approche que nous chercherons
à promouvoir ailleurs, à la fois par les mécanismes
de la CSCE et par un dialogue actif entre l'OTAN et tous les pays d'Europe
centrale et orientale. Constituant ainsi un modèle de défense
collective qui a fait ses preuves, la structure militaire intégrée
de l'OTAN peut donc être pour vous, indirectement, un facteur de
sécurité. Notre objectif est une Europe dans laquelle l'agression ou la menace
militaires deviendront matériellement impossibles et politiquement
dénuées de sens. A la réunion au sommet de l'OTAN,
nous sommes allés résolument de l'avant pour mettre en place
les structures propres à garantir cette sécurité
de l'Europe. D'abord, nous voulons instaurer un nouveau dialogue avec votre pays et
tous les autres membres de l'Organisation du Traité de Varsovie,
que vous décidiez de rester ou non dans cette organisation. Nous
avons invité le président Gorbatchev à prendre la
parole devant le Conseil de l'Atlantique Nord, à Bruxelles; j'ai
eu le plaisir de lui transmettre personnellement cette invitation à
Moscou, au mois de juillet, et il l'a volontiers acceptée. Monsieur
le ministre des affaires étrangères Jeszenszky s'est rendu
à l'OTAN en juin dernier, où nous avons également
reçu le 18 juillet Monsieur Antall, premier chef d'Etat et de gouvernement
d'un pays de cette région à être notre hôte
à Bruxelles. La promptitude de cette réponse de la Hongrie
aux initiatives lancées dans notre Déclaration de Londres
n'a pas manqué de nous impressionner. Nous avons en outre proposé l'établissement de contacts
diplomatiques permanents avec l'OTAN, proposition à laquelle la
Hongrie a répondu tout aussi favorablement. Nous comptons également
multiplier les contacts et les échanges militaires aussi bien que
diplomatiques. Nous avons négocié et adopté une déclaration
commune de non-agression par les pays membres de l'Alliance atlantique
et ceux de l'Organisation du Traité de Varsovie. Ensuite, nous poursuivons le processus de maîtrise des armements
avec vigueur et détermination. Si nous avons tant poussé
à la conclusion d'un accord sur la maîtrise des armements
conventionnels, c'est parce que nous savions qu'il permettrait aux anciens
adversaires des deux alliances de se débarrasser du syndrome de
la confrontation. L'aboutissement de notre effort constitue donc la première
étape indispensable vers l'édification d'une Europe entière
et libre. Cet accord jettera les bases de la coopération et de
la confiance mutuelle grâce auxquelles nous pourrons construire
une paix durable en Europe. Il sera le fondement solide sur lequel devra
nécessairement reposer le nouvel ordre européen si l'on
veut en assurer la pérennité. Le processus de maîtrise des armements conventionnels, combiné
avec des pourparlers sur les forces nucléaires à courte
portée et avec un accord sur des mesures de confiance supplémentaires,
donnera à tous les pays européens la garantie que le changement
et le renouveau ne porteront atteinte aux intérêts légitimes
de personne en matière de sécurité. Ceci est particulièrement
important dans le cas de l'Union soviétique. On peut comprendre
que ce pays craigne de se voir exclu de l'Europe nouvelle, et il subit
les effets du changement d'une manière particulièrement
aiguë. Il est donc essentiel que nous nous servions du processus
de maîtrise des armements pour convaincre l'Union soviétique
qu'elle n'a rien à craindre, mais au contraire tout à gagner
d'un processus de changement dont elle est d'ailleurs l'un des principaux
initiateurs et qu'elle peut aider à conduire vers sa destination
naturelle : une Europe entière et libre. Enfin et surtout, lorsque nous envisageons le long terme, la CSCE s'impose
à notre esprit. Ma visite à Budapest a lieu le lendemain
même de la réunion au sommet de la CSCE, à Paris.
Cette réunion a marqué un instant décisif de l'histoire
de notre continent. Ses résultats seront autant d'éléments
clés dans cette architecture européenne future de paix et
de coopération : signature d'un traité sur les forces conventionnelles
en Europe, adoption d'un premier ensemble de mesures de confiance et de
sécurité, prise en compte des résultats des pourparlers
"2+4" sur l'unité allemande, déclaration commune
sur les relations pacifiques entre les membres de l'OTAN et ceux de l'Organisation
du Traité de Varsovie, et aussi ouverture de diverses perspectives
nouvelles que recouvre le terme "institutionnalisation" du processus
de la CSCE, avec, en l'espèce, des consultations régulières
de haut niveau entre les gouvernements des Etats membres, des conférences-bilans
de la CSCE tous les deux ans, un secrétariat léger, un centre
pour la prévention des conflits et une assemblée parlementaire
de l'Europe. De toute évidence, le sommet de la CSCE a bien répondu
aux aspirations ambitieuses que nous formions à son sujet en annonçant
ces différentes initiatives dans notre Déclaration de Londres,
au mois de juillet dernier. Nous avons reconnu que, pour la CSCE, le bilan
des quinze années écoulées depuis la publication
de l'Acte final d'Helsinki avait été exceptionnellement
positif. Mais on peut aussi en attendre plus que le simple accomplissement
de son rôle traditionnel de gage du respect des droits de l'homme
et de l'accroissement de la transparence militaire. En effet, depuis les
réunions de Bonn et de Copenhague qui se sont déjà
tenues cette année, tous les Etats participant au processus de
la CSCE vont pour la première fois pouvoir partir d'une même
base convenue de valeurs démocratiques et de règles du marché.
C'est pourquoi, en préparant le sommet de Paris, nous avons mis
l'accent sur les moyens de renforcer les principes d'Helsinki et de leur
donner un contenu plus concret, avec par exemple la reconnaissance du
droit à des élections libres et loyales, l'engagement de
maintenir la primauté du droit, des directives pour la coopération
dans les domaines de l'économie et de l'environnement et l'attribution
à la CSCE d'un rôle dans la recherche de solutions à
certains des problèmes que pose le passage à des économies
de marché performantes. En demandant très tôt son
adhésion au Conseil de l'Europe, point sur lequel elle a obtenu
satisfaction, la Hongrie a démontré qu'elle attache la même
importance que les membres de notre Alliance à ces valeurs. Notre Alliance s'emploiera à favoriser le bon déroulement
du processus de la CSCE et l'aidera à exercer une influence stabilisatrice
sur le processus paneuropéen dans son ensemble. Nous encouragerons
activement l'adoption d'autres mesures destinées à rendre
ce processus encore plus efficace à l'avenir. Je voudrais cependant, si vous me le permettez, faire une mise en garde
s'agissant de la CSCE. Certains considèrent en effet que la CSCE
est appelée à se substituer aux organisations de sécurité
existantes, à brève échéance pour les uns,
à longue échéance pour les autres. Je m'abstiendrai
de parler de l'Organisation du Traité de Varsovie, dont le maintien
dépend naturellement du libre choix de ses membres. Mais je tiens
à souligner que l'OTAN, pour ce qui la concerne demeurera un pilier
essentiel sur lequel la CSCE devra fonder sa réussite. La CSCE peut certainement accroître la sécurité.
Mais elle ne saurait remplacer l'Alliance atlantique. Elle n'a pas les
moyens de prendre des sanc-tions, ni d'en assurer l'application. Les intérêts
de chacun de ses membres, leurs structures sociales et leurs systèmes
de valeurs resteront, du moins dans l'avenir prévisible, trop divers
pour qu'ils puissent, selon toute probabilité, agir collectivement
afin de préserver la sécurité en cas de crise. Cela
ne diminue en rien l'importance de la CSCE comme cadre de l'instauration
de la confiance et de la promotion de la coopération. Elle peut,
par exemple, contribuer au règlement pacifique de différends
surgissant entre Etats à la suite de problèmes concernant
des minorités nationales. De fait, nous voyons déjà
à quel point ceux-ci peuvent engendrer l'instabilité en
Europe centrale et orientale. A cet égard, l'introduction dans
les textes de loi des engagements sur les droits de l'homme contenus dans
l'Acte final d'Helsinki peut marquer un réel progrès. Dans
le même temps, nous allons, car nous le pouvons, élaborer
des mesures de confiance et développer des échanges d'informations
qui nous permettront de vivre ensemble dans une plus grande harmonie.
Mais, en dernière analyse, la CSCE ne tiendra ses promesses que
si elle est complémentaire d'une Alliance atlantique forte, sur
laquelle elle puisse se reposer. Elle aura, par conséquent, des
chances de succès d'autant plus grandes si nous n'y mettons pas,
dès le départ, des espoirs irréalistes. L'existence d'une nouvelle Alliance atlantique forte et cohérente
est de l'intérêt de la Hongrie tout autant que de n'importe
quel autre pays européen, et ce fait est peut-être plus explicitement
reconnu dans votre pays que dans beaucoup d'autres pays d'Europe centrale
et orientale. Elle permet le changement dans la stabilité et maintient
le lien transatlantique avec les Etats-Unis d'Amérique et le Canada,
ce qui est indispensable à la paix, comme à la liberté
et à la sécurité de l'ensemble de l'Europe. Cependant, même une institution aussi solidement établie
et aussi capable d'adaptation que l'OTAN ne peut supporter à elle
seule la charge d'assurer la coopération, la prospérité
et le progrès pacifique dans toute l'Europe. Heureusement, il y
a encore, pour cela, la Communauté européenne. C'est l'autre
composante essentielle de notre cadre institutionnel occidental, et elle
connaît, elle aussi, un processus de changement et de renouveau
dans l'action qu'elle mène pour parvenir à une union toujours
plus étroite entre ses membres. Si l'OTAN fournit le moyen de défense
crédible et rassurant que représente son système
intégré et préserve le lien transatlantique, la Communauté
européenne apporte le dynamisme, la créativité et
la base d'une interdépendance économique toujours plus fructueuse.
Avec une CSCE dotée d'un rôle accru et un Conseil de l'Europe
à la participation élargie, une Alliance atlantique forte
et une Communauté européenne forte sont les conditions préalables
pour une Europe de progrès et de prospérité. Et l'émergence
future d'une identité européenne en matière de défense
dans le cadre de notre Alliance liera plus étroitement encore ces
institutions entre elles. Si l'une quelconque de celles-ci n'était
pas intégrée à l'architecture globale, elle perdrait
beaucoup de sa stabilité et de son efficacité. En conséquence,
aucune ne peut réussir sans les autres. Il nous faudra à
l'avenir rendre ces institutions plus complémentaires et plus largement
imbriquées, de façon que, même si elles ont chacune
leurs fonctions spécifiques, elles puissent toutes prolonger l'action
des autres. A un moment où se transforme l'ensemble du système international,
aucun gouvernement, aucune alliance ne peut parfaitement maîtriser
les puissantes forces qui rendent le changement inévitable. Mais,
en oeuvrant ensemble, nous pouvons orienter ce changement de manière
que, à son terme, il n'y ait pas de perdants, et que tous gagnent.
Je suis infiniment plus optimiste à cet égard maintenant
qu'il y a accord sur l'appartenance d'une Allemagne unie à notre
Alliance. Cette solution est de nature à accroître la stabilité
pour tous. Elle ouvre la voie à l'élimination de la division
et à l'établissement d'un partenariat entre l'Europe occidentale
et les pays ayant récemment engagé un processus de démocratisation,
partenariat qui sera un facteur clé dans la modernisation économique
et sociale de ces pays. En bref, l'OTAN voit son rôle futur comme la mise en place, dans
toute l'Europe, de nouvelles structures de coopération qui rendront
à jamais impossible le retour à une situation semblable
à celle de la Guerre froide. Nous voulons travailler avec vous
à la gestion des deux tâches cruciales qui s'imposent à
l'Europe d'aujourd'hui :
Il n'est guère besoin que je souligne ici, à Budapest,
les bénéfices qu'apportera la coopération entre nous.
Le 21ème siècle nous placera devant de nouveaux défis,
dont certains pourraient menacer notre survie encore plus gravement que
ne l'avait fait près d'un demi-siècle de Guerre froide.
Vous savez comme nous l'effet de déstabilisation que peuvent avoir
des phénomènes tels que la toxicomanie, la famine, l'accroissement
de la démographie et la prolifération de technologies militaires
potentiellement dévastatrices dans le Tiers-monde. Ainsi, une Europe
dynamique, composée de pays industriellement avancés et
technologiquement interdépendants, est essentielle non seulement
pour notre prospérité matérielle, mais aussi pour
notre sécurité et pour la stabilité dans nos propres
pays et à l'extérieur. Sans une telle cohésion, l'Europe
pourrait bien être la victime de ces problèmes planétaires;
ensemble, nous pourrons contribuer à les résoudre. Bien que la Hongrie regarde vers l'Ouest, Budapest a toujours été pour nous, Occidentaux, la porte de l'Europe de l'Est. La visite que je fais aujourd'hui symbolise une ère nouvelle; mais elle représente aussi une invitation concrète à mettre en commun nos ressources et notre ingéniosité pour bâtir un monde nouveau, un inonde de coopération où aucun d'entre nous ne se sente menacé. Nous ne pouvons nous dérober à la responsabilité que cette occasion unique nous impose. La Hongrie, qui a tant apporté à notre culture politique et intellectuelle européenne, est un partenaire clé dans l'édification d'une Europe nouvelle et d'un ordre mondial marqué par plus de justice et plus d'égalité. Faisons donc d'aujourd'hui le début de cette nouvelle relation entre nous, et employons-nous à préparer cet avenir meilleur avec confiance et imagination.
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