Paris
21 juin 1990
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La
Sécurité Européenne et l'Avenir de l'Alliance
Discours
du Secrétaire générale, Manfred Wörner
prononcé à l' Institut Français
des Relations Internationales
C'est un grand plaisir pour moi que de m'adresser aujourd'hui à
un auditoire sélectionné par l'Institut Français
des Relations Internationales. J'ai conscience de parler à beaucoup
des meilleurs spécialistes français des questions internationales.
Depuis sa fondation en 1978, l'IFRI a hautement contribué, sous
la direction de Thierry de Montbrial, à promouvoir les études
et les recherches internationales en France, et a encouragé les
spécialistes français à se produire dans des rencontres
internationales et à entreprendre avec des collègues étrangers
des travaux en commun. Au premier rang de ces entreprises internationales
ont figuré les travaux menés avec des instituts correspondants
dans des pays de l'Alliance atlantique.
Je n'ai pas besoin de vous dire, Mesdames et Messieurs, à quel
point nous sommes aujourd'hui dans un monde en mouvement, dans une Europe
dont la configuration d'aujourd'hui aurait été impensable
il y a un an, et dans une société internationale dans laquelle
les notions traditionnelles ont donc besoin d'être réajustées
par rapport à ces changements. 0 serait impensable, dans cette
conjoncture, que l'Alliance atlantique, qui a si fortement contribué
au maintien de la paix en Europe durant plus de 40 ans, se contente de
célébrer cette réussite et qu'elle ne cherche pas
à évoluer elle aussi. L'Alliance doit bâtir sur ses
succès pour participer aussi pleinement au nouvel ordre européen
qu'elle a participé à l'ancien.
Or, non seulement l'Alliance le doit-elle, mais elle le fait. Lors de
nos fréquentes réunions récentes, nous avons jeté
les bases d'une remise à jour de notre Alliance, tout en conservant
ce qui fait l'essentiel de son apport à la sécurité
européenne : un ferme point d'ancrage, permettant le maintien de
la paix sur notre continent. La tâche est en effet complexe qui
consiste à créer une nouvelle communauté des Etats
en Europe, ce qui devrait être la conclusion logique de l'évolution
qui se produit sous nos yeux depuis huit mois, si celle-ci se poursuit.
Cette nouvelle communauté, que l'on peut qualifier, comme le Président
Mitterrand, de "confédération", ou comme les Allemands,
"d'ordre de paix européen", ou, comme les Américains,
de "nouvelle architecture", devra reposer sur des principes
clairement établis : la liberté, l'Etat de droit, la démocratie,
appuyés sur l'égalité devant la loi, l'ouverture
des frontières, l'auto-détermination et la protection des
minorités. Ce sont ces principes qui comptent plus que les structures
institutionnelles, car ce sont eux qui devront former la substance du
nouvel ordre.
Il convient en effet de comprendre que le concept même de sécurité,
à une époque comme la nôtre, ne peut être conçu
que de manière plus globale, plus large, qu'à une période
où existait une menace massive et clairement identifi-able. Aujourd'hui,
la menace s'exprime davantage en termes de risques mul-tiples, multiformes,
et plus difficiles à identifier, du fait du caractère imprévisible
des développements en URSS. Qui peut aujourd'hui prédire
comment l'Union soviétique se comportera, face aux défis
formidables que représentent pour elle l'unité de son empire
et l'affaiblissement de sa position internationale? L'instabilité
et l'incertitude forment la toile de fond des développements à
venir. Autant de risques potentiels contre lesquels il convient de nous
garder. C'est là notre tâche. L'Alliance atlantique demeure
donc, mais dans un sens plus large qu'auparavant, une Alliance pour la
sécurité.
La sécurité des Etats membres de notre Alliance est donc
moins que jamais une notion purement militaire, parce que les défis
auxquels nous avons à faire face appellent des solutions qui dépassent
très largement le cadre militaire. La sécurité implique
aujourd'hui la stabilité, qui a évidemment des dimensions
économiques et sociales, voire culturelles, aussi bien que des
aspects militaires, la synthèse de ces aspects multiformes de notre
sécurité ne pouvant, quant à elle, n'être que
politique. Notre concept de sécurité en conformité
avec l'appel universel du Traité de Washington ne peut pas ignorer
et les nouveaux risques militaires et les défis posés par
les évolutions dans le Tiers Monde; ceux-ci se caractérisent
par les différences croissantes de richesse, une démographie
explosive, la prolifération balistique, nucléaire et chimique.
Je fais, en particulier, référence au Proche-Orient et au
pourtour de la Méditerranée, dont l'évolution affecte
directement la sécurité européenne. Joints aux conflits
de l'avenir sur le partage des ressources mondiales, ces risques doivent
donc figurer plus pleinement dans nos délibérations et dans
nos consultations dans la mesure où ils affectent notre sécurité.
Evidemment, il n'est pas question que l'OTAN se transforme en gendarme
du monde, ni d'agir en tant qu'Alliance en dehors de notre zone géographique.
Mais la sécurité est indivisible. Déjà, ce
même Traité de Washington définissait aussi les tâches
de notre Alliance, d'une manière générale, en faisant
référence - je cite - aux "libres institutions"
qu'il convenait de renforcer, et aux "principes sur lesquels ces
institutions sont fondées" avant que d'en venir aux articles
concernant l'attitude à prendre en cas d'attaque contre l'un des
signataires. Notre Alliance n'est en effet nullement "un personnage
à la recherche d'un rôle" : ses tâches sont bien
fixées : elle doit maintenir la sécurité de ses membres.
Elle doit cependant le faire dans des circonstances nouvelles, qui impliquent
une adaptation.
Le Rapport Harmel contenait une observation fondamentale sur le dépassement
de la division de l'Europe de l'après-guerre. Il y était
souligné qu'aucun règlement définitif et stable en
Europe n'est possible sans une solution de la question allemande, qui
est au coeur des tensions actuelles en Europe. Tout règlement de
ce genre devra faire disparaître les barrières artificielles
entre l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest, barrières dont
la division de l'Allemagne constitue la manifestation la plus évidente
et la plus cruelle".
C'est pourquoi - ce stade aujourd'hui atteint - il est nécessaire
de donner à la défense et au dialogue qui ont été
définis par le Rapport Harmel comme les deux axes de la politique
de l'Alliance atlantique une nouvelle dimension comprenant les deux volets
traditionnels : la dimension de la coopération.
La défense demeure nécessaire, y compris dans sa composante
dissuasive, ce n'est pas à un auditoire français que je
l'apprendrai. Dans un monde de plus en plus instable, dans une Europe
où le poids politico-militaire de l'Union soviétique demeurera
considérable, il convient de s'assurer contre les dangers possibles.
Quant au dialogue, il est depuis longtemps une règle d'or de nos
diplomaties.
Nous sommes en route, si le cap est tenu, vers une Europe libre et entière,
dont l'Alliance constituera un élément essentiel. Ce nouvel
ordre demande en effet à être organisé de manière
stable. A cette stabilité, notre Alliance peut apporter une contribution
militaire. Ce sera l'objet de la première partie de mon exposé.
Et une contribution politique. Ce sera l'objet de ma seconde
partie. C'est seulement ainsi que ce nouvel ordre de sécurité
européen prendra son sens. Ce sera l'objet de la troisième
partie de mon exposé.
- Maintenir la Contribution Militaire de L'Alliance à la Stabilité
Européenne
Face aux risques que j'ai évoqués plus haut, notre Alliance
doit évidemment ajuster sa stratégie, son rôle militaire,
au changement des circonstances, tout en ne perdant pas de vue ses principes
de base, qui demeurent valables : nous continuerons à avoir besoin
d'un mélange adéquat de forces nucléaires et conventionnelles.
L'arme nucléaire continuera de réduire le danger de conflagration
militaire parce qu'elle fait courir à l'agresseur potentiel des
risques crédibles, inacceptables et incalculables. Elle rend donc
l'agression absurde. La dissuasion constitue donc toujours le dernier
rempart de la sécurité, et cela même dans une situation
où le niveau des forces conventionnelles en Europe serait plus
proche de la parité. Par conséquent, un minimum d'armes
nucléaires sera indispensable à l'avenir pour prévenir
la guerre. La dénucléarisation de l'Allemagne ou même
de toute l'Europe nous exposerait au chantage nucléaire et rendrait
une guerre conventionnelle de nouveau possible. L'élimination totale
des armes nucléaires ne reviendrait pas à accroître
la sécurité, mais à la diminuer. Toutefois nous allons
réduire de manière sensible et les catégories et
le nombre d'armes nucléaires. Le Président Bush a à
cet égard émis un signal positif en décidant de renoncer
à la modernisation des armes nucléaires à courte
portée en Europe. Les négociations imminentes sur les forces
nucléaires à courte portée doivent nous permettre
de nous entendre avec les Soviétiques sur un concept commun de
dissuasion minimale.
Les quinze Etats participant à notre système commun de
planification de la défense ont décidé lors de la
dernière réunion du Comité des Plans de Défense
de réévaluer notre stratégie militaire afin de l'adapter
aux circonstances nouvelles.
Cela sera facilité par le rééquilibrage et la réduction
des forces conventionnelles en Europe, qui devraient constituer le résultat
principal du traité FCE dont nous espérons la conclusion
cette année. Dans ce contexte, il faudra changer l'application
de la doctrine de la défense de l'avant pour tenir compte des réalités
nouvelles. Ce sera l'une des tâches du réexamen que je viens
de mentionner que d'examiner les modalités de ce changement. A
l'avenir nous devrons maintenir notre mission de prévention de
la guerre et de défense avec moins d'hommes et moins d'armes, et
moins de préparation et de manoeuvres, tout en dépendant
davantage que par le passé de notre capacité de mobilisation.
Une organisation militaire fondée sur de plus petits nombres a
en effet particulièrement besoin de concentration et de capacité
d'action rapide. Nous aurons donc de plus en plus besoin d'unités
mobiles, flexibles, à déploiement rapide. Dans ce contexte,
et vu la réduction du nombre des troupes, il conviendra de créer
des unités multinationales intégrées au niveau du
corps et de la division. De même faudra-t-il augmenter nos capacités
d'interopérabilité et évidemment notre coopération
en matière d'armements. C'est la réponse aux bouleversements
actuels.
Cependant, c'est au rôle politique de notre Alliance qu'il faut
maintenant attacher la plus grande importance.
- Une Contribution Politique de Plus en Plus Importante à la
Stabilité
Je l'ai dit en commençant cet exposé, la dimension politique
de là sécurité l'emporte aujourd'hui sur les autres.
Le facteur militaire de la puissance internationale décroît
aujourd'hui relativement aux autres déterminants de la puissance,
et ce sont les crises et les tensions politiques, l'injustice, la répression,
la dictature, la détermination d'employer la force et la volonté
de domination politique qui constituent le véritable danger pour
la paix. Nous sommes fermement convaincus que la paix n'a pas de meilleure
garantie que des sociétés ouvertes et démocratiques,
dont le développement économique est assuré. Il est
donc essentiel, dans le cadre d'une politique de sécurité,
d'aider les mouvements réformateurs en Europe centrale et orientale,
ainsi qu'en URSS, et de contribuer ainsi à la démocratisation,
à la prospérité et à la coopération
dans cette zone. Le soutien à la réforme constitue donc
un volet essentiel de cette dimension politique de la sécurité
dont je pense qu'elle devient centrale, et qui garantit à mes yeux
le meilleur type de sécurité. Dans cette optique, l'unification
de l'Allemagne peut apporter une contribution essentielle, car elle représente
le symbole de la réforme et du dépassement de la division
de l'Europe en deux, division dont celle de l'Allemagne constituait le
centre.
Notre Alliance, quant à elle, est la seule institution qui puisse
envisager les questions politiques et de sécurité dans une
dimension transatlantique. Elle constitue le garant de la présence
américaine en Europe, dont nous savons qu'elle demeure indispensable
à la stabilité de notre Continent. Il convient que les Etats-Unis
participent pleinement à l'élaboration et à la mise
en oeuvre du nouvel ordre européen.
L'Alliance atlantique a par conséquent un rôle éminent
à jouer pour coordonner la politique de ses pays membres dans le
domaine des rapports Est-Ouest comme dans le domaine des relations transatlantiques.
Elle apporte une contribution essentielle à l'articulation d'une
coopération avec les pays de l'Est, pour parvenir à un ordre
de paix paneuropéen, et pour poursuivre et vérifier le processus
de maîtrise des armements; et, "last but not least" à
l'ancrage d'une Allemagne unie dans les structures de sécurité
de l'Occident. Sa tâche essentielle consiste aujourd'hui à
construire la paix autant qu'à la préserver. Elle est devenue
un modèle unique et exemplaire de gestion collective de la sécurité
entre des pays libres. Elle a créé un partenariat politique
aussi bien que militaire entre des Etats souverains qui à l'avenir
tirera sa validité de la recherche en commun de solutions collectives
aux problèmes de demain.
L'unité de l'Allemagne a toujours constitué l'un des objectifs
essentiels de notre Alliance, et nous nous félicitons évidemment
des progrès effectués dans cette direction. Nous souhaitons
que les pourparlers "2 + 4" parviennent à un règlement
définitif qui n'impose plus aucune limitation à la souveraineté
allemande. C'est pourquoi notre Alliance affirme le droit de l'Allemagne,
que lui reconnaît l'Acte Final d'Helsinki, de participer à
l'Alliance qu'elle choisira. L'Alliance soutient entièrement les
points sur l'unité allemande que le Président Bush a définis
sur la base de consultations approfondies avec les Alliés. L'Allemagne
unie doit être membre de l'OTAN, mais nous tenons compte des intérêts
légitimes de l'URSS en lui donnant des garanties de sécurité
valables.
L'Europe - et donc aussi l'Union soviétique - gagnera en stabilité
du fait de cette solution. Nous n'exigeons rien de l'Union soviétique
qui soit susceptible de lui nuire. Ce que nous lui proposons est dans
son intérêt. Pourquoi ? Parce que cette solution ne menace
pas l'Union soviétique mais, au contraire, lui donnera à
la longue des partenaires voire des amis dont elle a un besoin pressant
pour sortir de son isolement. Je suis certain que cette conception fera
son chemin à Moscou, d'autant que plusieurs membres du Pacte de
Varsovie partagent nos vues sur ce point.
- Un Nouvel Ordre Européen de Coopération
Pour réussir, ce nouvel ordre doit se fonder sur des institutions
déjà existantes. Je pense en particulier à trois
institutions: la Communauté européenne, l'Alliance atlantique
et la CSCE.
La Communauté européenne
C'est le modèle le plus porteur d'avenir et le plus prestigieux
d'une intégration d'Etats ayant pour objectif l'union politique
et pour perspective l'association d'autres Etats européens, voire
la réalisation d'une confédération européenne.
La Communauté européenne a un rôle essentiel à
jouer comme facteur de réussite économique et moteur d'une
unité économique et politique européenne à
venir. Son dynamisme créateur, qui est extraordinaire, en fait
une structure de soutien essentielle pour l'Europe de demain, qui s'étendra
au-delà de ses propres frontières à l'Europe centrale
et orientale. La CEE a eu le rôle unique de diriger les énergies
nationales des grands pays industriels de l'Europe vers des directions
nouvelles, et d'amarrer l'Allemagne à un cadre politique et économique
qui peut maintenant inclure le territoire de la RDA. Tout ordre européen
implique donc la réalisation du Grand Marché Intérieur,
et également des compétences accrues de la CEE dans le domaine
de la politique étrangère et de la sécurité.
C'est seulement ainsi que toute l'Europe pourra bénéficier
du considérable dynamisme de la Communauté. Il n'y a aucune
rivalité entre l'Alliance atlantique et la Communauté européenne.
Elles se complètent l'une l'autre. L'Alliance atlantique a intérêt
à voir émerger une Europe forte et unie. Plus les membres
européens de notre Alliance s'uniront, plus ils contribueront de
manière concrète à notre Alliance, et plus réels
seront leur influence et leur rôle au sein de l'OTAN. Les points
sur lesquels les domaines de compétence de la CFE et de l'Alliance
se recoupent peuvent appeler une coordination, mais ne nécessitent
pas d'institutions nouvelles.
L'Alliance atlantique
Deuxième institution, l'Alliance est indispensable à tout
nouvel ordre de sécurité européen. Ni la CEE, ni
la CSCE, ne peuvent remplir les tâches politiques et militaires
de notre Alliance. Il est incontestable que notre Alliance est en mutation.
Elle évolue dans le temps et avec le temps. Depuis deux ans déjà,
elle s'adapte à la nouvelle donne de la définition des tâches,
de l'ordre du jour et de la politique. Ce processus se poursuit. Le centre
de gravité de notre Alliance se déplace, passant :
- de la confrontation à la coopération,
- du militaire au politique,
- de la dissuasion à la protection contre le risque et à
la garantie de la stabilité,
- du maintien de la paix à la construction de la paix,
- d'une situation où les Etats-Unis assumaient la plus large
part des responsabilités à un authentique partenariat,
au sein duquel les Européens jouent un rôle d'une égale
importance.
La CSCE
Troisième institution, la CSCE nous offre les grandes lignes d'une
future architecture de coopération européenne. Elle est
en effet la seule à rassembler 35 Etats et à leur permettre
de façonner concrètement leurs relations. Aujourd'hui, elle
lie les Européens, les Nord-Américains, et les Soviétiques,
dans un code de comportement commun. Mais elle peut devenir davantage.
C'est ce que recouvre l'expression "d'institutionnalisation",
qui a connu une grande fortune récemment.
L'institutionnalisation revient à donner un cadre à des
consultations régulières sur la politique de sécurité,
les mesures de confiance, la prévention des crises, et le règlement
pacifique des conflits, en particulier dans les zones où l'affaissement
du Pacte de Varsovie a laissé un vide. Il faut en effet éviter
l'isolement d'un certain nombre de pays d'Europe centrale et orientale,
qui souhaitent participer légitimement à la construction
de l'Europe de demain. Ces Etats ont besoin d'une institution dans laquelle
leur voix soit entendue et qui contribue à leur sécurité.
La CSCE doit donc devenir un organisme réellement consultatif.
Il faut donc renforcer les procédures de consultation permanente
entre les 35 Etats, pour que la CSCE puisse aborder tous les problèmes
qui affectent ses Etats membres. Un secrétariat international léger
pourrait contribuer à la permanence de la CSCE, en organisant et
en préparant ces consultations.
Même à l'avenir, la CSCE ne pourra pas se substituer à
l'Alliance atlantique. Elle n'a pas les moyens de prendre et de faire
exécuter des sanctions; car chacun des 35 Etats y dispose d'un
droit de veto. Les intérêts de chacun de ses membres, leurs
structures sociales, et leurs systèmes de valeurs sont trop différents
les uns des autres pour leur permettre en cas de crise de garantir
conjointement la sécurité et d'imposer des solutions, surtout
si l'un ou plusieurs d'entre eux sont impliqués dans cette crise.
Cela ne diminue en rien l'importance de la CSCE en tant que cadre propre
à créer la confiance et à promouvoir la coopération.
Elle peut contribuer par exemple à résoudre pacifiquement
les crises entre Etats nées de problèmes nationaux, dont
on voit bien qu'elles constituent une cause d'instabilité en Europe
centrale et orientale. A cet égard, rendre obligatoires certaines
dispositions de la Troisième Corbeille pourrait être utile.
La mise en forme juridique des engagements humanitaires pris par les 35
constituerait un facteur de réduction des tensions. De même,
sont utiles et doivent être développés les mesures
de confiance et les échanges d'information, qui créent des
habitudes de vivre ensemble. Mais la CSCE, comme je l'ai dit, ne peut
se développer que si elle s'appuie sur l'existence de notre Alliance.
C'est là sa force. C'est là aussi sa limite.
* * *
II convient, pour assurer à l'Europe une sécurité
véritable, stable et durable, de faire en sorte que les intérêts
légitimes de tous les Etats européens - y compris l'URSS
- soient intrinsèquement reconnus dans toute réorganisation
de l'Europe. Les pays de l'Alliance se sont déclarés "prêts
à contribuer activement à l'édification et au resserrement
des relations de confiance entre tous les pays européens, y compris
entre les membres des deux Alliances".
L'Alliance atlantique tend la main à ses partenaires de toute
l'Europe pour créer un système européen qui satisfasse
les exigences de sécurité de chacun, sans souci de triomphalisme.
Elle est prête, sérieusement et pratiquement, à coopérer
dans ce but. L'Europe se trouve devant une alternative fondamentale :
ou elle retombe dans l'ancien système politique de puissance et
d'équilibre de la puissance des siècles passés, ou
elle avance sur la voie d'un nouvel ordre de paix et de liberté
résultant d'une coopération internationale ou supranationale.
Notre choix est clair : nous allons de l'avant. Notre Alliance est, avec
la Communauté européenne, le modèle le plus accompli
de ce partenariat entre Etats. Elle est et demeure notre meilleure garantie
d'un avenir sûr et libre.

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