La
République Fédérale d'Allemagne a 40 ans -
L'OTAN a 40 ans
Discours
du Secrétaire générale, Manfred Wörner -
Crmonie Commmorative du 40me Anniversaire de la Rpublique Fdrale
d'Allemagne
Simple coïncidence? Certainement pas. La reconstitution sous une
forme démocratique de l'Allemagne, après les dévastations
de la Deuxième Guerre Mondiale et le rassemblement du monde occidental
proviennent de la même tentative de réorganiser notre système
étatique après la guerre, sous le signe de la liberté
et de la démocratie. La République fédérale
d'Allemagne, elle, n'entrera qu'en 1955 dans cette Alliance d'ores et
déjà mise en route.
Je voudrais à cette occasion mettre en perspective les deux événements
historiques dont la date de 1949 est le dénominateur commun, afin
d'approfondir cette question très simple : quelle importance l'OTAN
aura-t-elle dans les années à venir pour la sécurité
et la libeté de notre pays, pour notre destin politique? Que nous
a apporté l'Alliance, que nous apportera-t-elle, et que pourra-t-elle
nous apporter?
Notons tout d'abord qu'aucune autre date ne saurait mieux symboliser
le retour de la République fédérale d'Allemagne dans
la communauté des Etats démocratiques et égaux que
celle qui marque notre entrée dans l'OTAN. Dix ans après
le déclenchement de la guerre hitlérienne, les anciens Alliés
se réunissent dans l'Alliance atlantique - dix ans après
l'échec de la désastreuse aventure militaire du Troisième
Reich, un Etat allemand libre est accueilli au sein même de l'alliance
de ses anciens ennemis. La République fédérale d'Allemagne
devient le partenaire des pays de l'Ouest dans un domaine essentiel de
l'existence politique, celui de la sécurité. Ce n'est pas
par hasard que coïncident la création de la Bundeswehr, l'entrée
dans l'Alliance occidentale et la récupération, par la République
fédérale d'Allemagne, de son entière souveraineté.
Egalité, donc. Mais la responsabilité des quatre puissances
qui est fondamentale pour l'option allemande en faveur d'un seul Etat
demeure inchangée. A l'égalité s'ajoute la sécurité.
L'Alliance a su écarter la guerre et nous avons connu la période
de paix la plus longue de l'histoire de l'Europe depuis la décadence
de l'Empire romain. Elle a donné en même temps une dimension
politique nouvelle à notre politique de sécurité
du fait de cette exceptionnelle réussite intellectuelle et politique
qu'est l'intégration militaire. La mise en place d'un système
militaire intégré est sans précédent dans
l'histoire. Cette volonté commune de défense des peuples
libres est sans doute l'expression la plus marquante de notre communauté
des valeurs et l'OTAN repose sur des valeurs communes et une volonté
commune de la liberté. Cette volonté de défense a
voué à l'échec le mouvement expansionniste soviétique
et c'est à elle que nous devons la liberté et la paix.
Par ailleurs, l'Alliance a su avant tout assurer la stabilité.
La coopération au sein de l'Alliance a été un facteur
de stabilité qui a permis à la République fédérale
d'Allemagne de se développer dans la liberté spirituelle
et politique et dans la prospérité, lui permettant ainsi
d'avancer avec assurance sur la voie de la construction européenne.
La participation des Etats-Unis caractérise la réorganisation
du système étatique après la Deuxième Guerre
mondiale par rapport aux tentatives entreprises après 1914/18.
Facteur économique déjà de première grandeur
en 1919, les Etats-Unis ne restent plus à l'écart mais acceptent,
concrètement et contractuellement, de s'associer au destin du Vieux
Continent pour le meilleur et pour le pire : tel est le mérite
historique des pères fondateurs de notre Alliance.
Sans l'Alliance, sans lien durable avec les Etats-Unis, l'Europe de l'Ouest
n'aurait été qu'une excroissance disparate de l'Union soviétique.
Nous n'aurions pas connu le processus d'unification européenne
ni les pressions démocratiques en direction de l'Union soviétique.
Une association de sécurité pour la liberté, sous
l'influence de la superpuissance américaine et du Canada, qui s'étend
des rivages du Pacifique aux frontières de l'Iran est stabilisatrice
du fait de son existence même. L'OTAN, par conséquent, est
une communauté non seulement de valeurs mais aussi de stabilité.
Elle a été, pendant ces quarante dernières années,
l'indispensable dispositif de protection pour les Etats du monde libre.
Grâce à son action stabilisatrice, l'OTAN a pu réaliser
la vision politique du Traité de l'Atlantique Nord. La liberté,
la force et la continuité qui déterminent l'action politique
occidentale ont été une source d'espoir, notamment pour
l'autre partie de l'Allemagne, pour l'Europe de l'Est, pour les peuples
d'Union soviétique enfin, dans leur désir de surmonter les
totalitarismes et de s'élever contre le refus de l'autodétermination.
L'Alliance a fourni la garantie concrète de survie à la
capitale allemande de Berlin et fut ainsi le garant de la cause nationale
allemande. Dès 1967, la doctrine Harmel fut le credo de l'Alliance
: assurer une défense crédible comme point de départ
du dialogue politique avec l'Europe de l'Est qui doit aller de pair avec
la coopération politique, dans le but de réduire enfin le
dispositif de sécurité militaire. L'OTAN a toujours été
une alliance politique et non pas une alliance uniquement militaire.
Coopération à part entière de notre pays avec les
autres pays de l'Ouest; sécurité et stabilité; action
politique commune visant surmonter la désastreuse division de notre
continent, tel est l'actif de notre entrée dans l'Alliance. A aucun
moment, dans les décennies passées, la convergence des intérêts
de la République fédérale d'Allemagne et de l'Alliance
n'a dû être mise en doute.
Que nous apportera l'Alliance dans l'avenir?
Ont-ils raison, ceux qui, constatant le très net recul de la menace
militaire, en concluent que l'OTAN, alliance militaire, a rempli sa mission,
a perdu sa raison d'être et peut finalement disparaître? L'OTAN
est-elle une survivance de la guerre froide appelée à disparaître
avec elle?
Supposons que l'Alliance atlantique n'existe pas. Nous vivons à
une époque de mutations rapides dans la vie en communauté
des Etats européens. Le rythme des changements dans le traditionnel
paysage historique de l'après-guerre est sans précédent.
Le communisme, en tant qu'idéologie et système politique
et économique, a échoué. Ses dirigeants le savent.
Chaque jour en apporte de nouvelles preuves. Comment, dans ces conditions,
assurer la cohésion du monde libre? Comment y parvenir sans l'engagement
concret des Etats-Unis? Comment lier autrement les destins de l'Europe
à celui des Etats-Unis? Comment coordonner nos politiques envers
l'Est? Comment assurer notre stabilité à une époque
mouvementée et par conséquent pleine de risques. Où
trouver la sécurité, l'union? Désunies, les nations
libres seraient les victimes de l'évolution historique. Seule,
l'Alliance atlantique nous permet de maîtriser l'événement,
d'agir sur l'histoire. Elle est l'association la plus forte, la plus importante
et la plus efficace de l'histoire de l'humanité. Communauté
d'Etats libres, l'Alliance est pour nous source d'influence, de sécurité,
de stabilité.
L'Alliance est indispensable, tout d'abord dans son rôle d'agent
du changement. La réunion au sommet nous en a de nouveau apporté
la preuve : notre principal objectif est toujours de surmonter la division
de l'Europe. Nous ne sommes pas prisonniers d'un statu quo. Nous souhaitons
le surmonter. Nous sommes loin de regretter la guerre froide bien que
les choses aient été à certains égards plus
claires, plus prévisibles. Nous souhaitons préparer un nouvel
ordre de paix. C'est en partant d'une défense sûre que l'Alliance
peut désormais s'engager vigoureusement dans la réalisation
de ses aspirations politiques :
1. Celle d'une Europe non divisée qui repose sur les droits de
l'homme,
la démocratie, le pluralisme et la libre autodétermination
des pays.
L'objectif de l'OTAN est de surmonter non seulement la division de l'Europe
mais aussi celle de l'Allemagne. Le nouvel ordre européen ne saura
faire abstraction de la question allemande. Le dernier sommet de l'OTAN
a formulé très clairement son attachement à l'unité
allemande.
2. Celle d'un ordre global de la coopération entre l'Est et l'Ouest
qui nous permettra de résoudre les problèmes urgents de
l'humanité.
3. Celle enfin d'une association dans laquelle les Etats d'Amérique
du Nord et de l'Europe coopèrent en tant que partenaires égaux.
Telles sont les aspirations qui guident notre action politique. C'est
pourquoi nous apportons notre soutien à Gorbatchev et aux forces
réformatrices de l'Europe de l'Est. Cette politique est conforme
à nos intérêts dans la mesure où elle permet
de promouvoir les droits de l'homme, d'agrandir une ouverture dans les
systèmes fermés de l'Est, de servir la cause de la liberté
et de la démocratisation et de favoriser la rencontre des peuples
dans la liberté. Nous allons saisir cette chance historique de
changement.
Le changement c'est aussi- nous le savons - l'inquiétude, l'imprévisibilité,
l'insécurité, l'instabilité. Mais ce n'est pas une
raison pour conserver les structures périmées de l'après-guerre,
comme certains peuvent encore le souhaiter. L'afflux des dizaines de milliers
de nos compatriotes nous en donne la preuve. Assurer la stabilité
n'est pas préserver frileusement et à tout prix le statu
quo. C'est au contraire évoluer dans la sécurité,
en cherchant à éviter les dangers d'une transformation violente.
Tous les peuples d'Europe de l'Est et d'Europe centrale doivent disposer
du droit à l'autodétermination. A eux de faire leur choix.
Nous ne cherchons pas à exercer une tutelle et l'Union soviétique
devrait, de son côté, accorder à ces peuples la possibilité
du libre choix, théoriquement et dans la pratique. Ce serait en
effet dans son intérêt, car c'est seulement dans cette voie
que nous pourrons créer des relations fructueuses de bon voisinage,
une association pacifique et assurer la stabilité économique.
L'Alliance atlantique est indispensable aussi comme agent de la stabilité.
Le changement doit avoir lieu dans la sécurité.
Nous ne sommes pas à l'origine de l'événement, et
ce n'est pas, loin de là, le fait du revanchisme, comme l'a suggéré
le ministre soviétique des Affaires étrangères, M.
Chevardnadze dans son discours aux Nations Unies. Espérons que
ce ne sont pas, ses propres convictions. Nous sommes témoins, par
contre, de l'aspiration naturelle des hommes et des peuples à la
liberté.
A l'heure actuelle, le dossier du désarmement, le recul de la
menace, la coopération au niveau des rapports Est-Ouest se présentent
sous un jour particulièrement favorable. Notre peuple ne se trompe
pas : nous n'avons pas à présent de guerre à craindre.
Ce serait donc une grave erreur de ne pas saisir cette chance pour rompre
l'éternelle alternance de la paix et de la guerre.
Il s'agit cependant, d'une tâche à plus long terme. Le succès
des négociations sur la maîtrise des armements par exemple
dépendra largement, dans cette phase de transition, de notre cohésion
et de notre potentiel de défense. Ce n'est pas actuellement le
danger immédiat d'une guerre qui pose un problème dans les
relations Est-Ouest. C'est celui, à plus long terme, de l'instabilité
et de l'insécurité que nous devons éviter.
L'Histoire nous apprend que tout changement comporte un risque - tout
peu arriver et très vite. Le processus de réforme à
l'Est et le relâchement du contrôle soviétique en Europe
de l'Est et en Europe centrale libèrent des tendances ethniques
et nationales longtemps réprimées.
Le processus de mutation ne peut être maîtrisé que
dans la stabilité assurée d'une alliance efficace. Le lien
atlantique crée la stabilité qui nous permet d'utiliser
à notre avantage historique la réorientation fondamentale
à l'Est.
L'efficacité de notre effort de défense au sein de l'Alliance
atlantique fait comprendre à tout homme politique soviétique
que la voie pacifique seule apportera une solution. L'effort de défense
ne fait pas obstacle à la détente mais jette les bases sûres
du dialogue et de la coopération.
Autre raison de ne pas réduire notre défense : le potentiel
soviétique n'a pratiquement pas changé. Les intentions actuelles
de la direction soviétique, qui ne recherche assurément
pas la guerre, ne peuvent servir de repère. Les intentions peuvent
changer, tout comme les hommes politiques. Notre sécurité
doit se fonder sur l'effort que nous sommes prêts à faire.
C'est pourquoi la Bundeswehr et les forces alliées demeurent de
première importance. Leur potentiel et leur degré de préparation
ne doivent pas diminuer avant un accord effectif de désarmement.
Les intérêts vitaux des Allemands - liberté, unité,
sécurité et changement - et de l'Alliance atlantique feront
aussi bon ménage à l'avenir également. L'Alliance,
pour nous, sera toujours de la plus haute importance. Dans cette enceinte,
les Allemands qui vivent dans la liberté ont la possibilité
de coopérer à la réalisation des aspirations majeures
de notre temps : la mise en place d'un nouveau dispositif de sécurité
et, plus particulièrement, d'un nouvel ordre politique en Europe.
Dans notre concept global, les membres de l'Alliance que nous sommes
ont défini l'objectif du désarmement, à savoir la
sécurité et la stabilité moyennant un arsenal réduit;
la mise en place d'un nouvel ordre de sécurité mutuelle
écartant de part et d'autre la possibilité d'une attaque
surprise ou d'une opération de grande envergure. Jusqu'ici, seule
l'Alliance atlantique y avait consenti.
Les dernières semaines l'ont clairement montré : l'initiative
en matière de désarmement est du côté de l'Ouest.
Cependant, quelle que soit l'importance du désarmement, il ne
saurait remplacer un nouvel ordre politique. Les armées, les armements
ne sont pas à l'origine des tensions politiques mais leur conséquence.
C'est pourquoi l'établissement d'un nouvel ordre de paix est prioritaire.
Il doit se fonder sur la liberté, la démocratie et les droits
de l'homme. C'est alors que les armées cessent d'être dangereuses,
comme le montre bien l'exemple franco-allemand.
Il ne peut y avoir de doute : l'Histoire est de notre côté.
La dynamique du processus historique joue en notre faveur. Nos idées
progressent. L'avenir de l'Est est à l'Ouest et non pas le contraire.
Soyons donc optimistes : la productivité de nos structures économiques
est supérieure; il en est de même de la souplesse et de la
créativité de nos structures sociales. Plus important encore
: nos valeurs reflètent la nature et les aspirations de l'homme.
Rien ne se produit spontanément. Tout dépend de nous, de
notre cohésion, de notre aptitude à diriger et à
stimuler la créativité.
L'avenir de cette Alliance est aussi la nôtre. Cette Alliance d'Etats,
acteurs de l'Histoire, sera dans les prochaines décennies également,
le garant de notre liberté et de la paix.

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