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Updated: 12-Mar-2001 NATO Speeches

Stuttgart
6 octobre 1989

La République Fédérale d'Allemagne a 40 ans -
L'OTAN a 40 ans

Discours du Secrétaire générale, Manfred Wörner -
Crmonie Commmorative du 40me Anniversaire de la Rpublique Fdrale d'Allemagne

Simple coïncidence? Certainement pas. La reconstitution sous une forme démocratique de l'Allemagne, après les dévastations de la Deuxième Guerre Mondiale et le rassemblement du monde occidental proviennent de la même tentative de réorganiser notre système étatique après la guerre, sous le signe de la liberté et de la démocratie. La République fédérale d'Allemagne, elle, n'entrera qu'en 1955 dans cette Alliance d'ores et déjà mise en route.

Je voudrais à cette occasion mettre en perspective les deux événements historiques dont la date de 1949 est le dénominateur commun, afin d'approfondir cette question très simple : quelle importance l'OTAN aura-t-elle dans les années à venir pour la sécurité et la libeté de notre pays, pour notre destin politique? Que nous a apporté l'Alliance, que nous apportera-t-elle, et que pourra-t-elle nous apporter?

Notons tout d'abord qu'aucune autre date ne saurait mieux symboliser le retour de la République fédérale d'Allemagne dans la communauté des Etats démocratiques et égaux que celle qui marque notre entrée dans l'OTAN. Dix ans après le déclenchement de la guerre hitlérienne, les anciens Alliés se réunissent dans l'Alliance atlantique - dix ans après l'échec de la désastreuse aventure militaire du Troisième Reich, un Etat allemand libre est accueilli au sein même de l'alliance de ses anciens ennemis. La République fédérale d'Allemagne devient le partenaire des pays de l'Ouest dans un domaine essentiel de l'existence politique, celui de la sécurité. Ce n'est pas par hasard que coïncident la création de la Bundeswehr, l'entrée dans l'Alliance occidentale et la récupération, par la République fédérale d'Allemagne, de son entière souveraineté.

Egalité, donc. Mais la responsabilité des quatre puissances qui est fondamentale pour l'option allemande en faveur d'un seul Etat demeure inchangée. A l'égalité s'ajoute la sécurité. L'Alliance a su écarter la guerre et nous avons connu la période de paix la plus longue de l'histoire de l'Europe depuis la décadence de l'Empire romain. Elle a donné en même temps une dimension politique nouvelle à notre politique de sécurité du fait de cette exceptionnelle réussite intellectuelle et politique qu'est l'intégration militaire. La mise en place d'un système militaire intégré est sans précédent dans l'histoire. Cette volonté commune de défense des peuples libres est sans doute l'expression la plus marquante de notre communauté des valeurs et l'OTAN repose sur des valeurs communes et une volonté commune de la liberté. Cette volonté de défense a voué à l'échec le mouvement expansionniste soviétique et c'est à elle que nous devons la liberté et la paix.

Par ailleurs, l'Alliance a su avant tout assurer la stabilité. La coopération au sein de l'Alliance a été un facteur de stabilité qui a permis à la République fédérale d'Allemagne de se développer dans la liberté spirituelle et politique et dans la prospérité, lui permettant ainsi d'avancer avec assurance sur la voie de la construction européenne. La participation des Etats-Unis caractérise la réorganisation du système étatique après la Deuxième Guerre mondiale par rapport aux tentatives entreprises après 1914/18. Facteur économique déjà de première grandeur en 1919, les Etats-Unis ne restent plus à l'écart mais acceptent, concrètement et contractuellement, de s'associer au destin du Vieux Continent pour le meilleur et pour le pire : tel est le mérite historique des pères fondateurs de notre Alliance.

Sans l'Alliance, sans lien durable avec les Etats-Unis, l'Europe de l'Ouest n'aurait été qu'une excroissance disparate de l'Union soviétique. Nous n'aurions pas connu le processus d'unification européenne ni les pressions démocratiques en direction de l'Union soviétique. Une association de sécurité pour la liberté, sous l'influence de la superpuissance américaine et du Canada, qui s'étend des rivages du Pacifique aux frontières de l'Iran est stabilisatrice du fait de son existence même. L'OTAN, par conséquent, est une communauté non seulement de valeurs mais aussi de stabilité. Elle a été, pendant ces quarante dernières années, l'indispensable dispositif de protection pour les Etats du monde libre.

Grâce à son action stabilisatrice, l'OTAN a pu réaliser la vision politique du Traité de l'Atlantique Nord. La liberté, la force et la continuité qui déterminent l'action politique occidentale ont été une source d'espoir, notamment pour l'autre partie de l'Allemagne, pour l'Europe de l'Est, pour les peuples d'Union soviétique enfin, dans leur désir de surmonter les totalitarismes et de s'élever contre le refus de l'autodétermination. L'Alliance a fourni la garantie concrète de survie à la capitale allemande de Berlin et fut ainsi le garant de la cause nationale allemande. Dès 1967, la doctrine Harmel fut le credo de l'Alliance : assurer une défense crédible comme point de départ du dialogue politique avec l'Europe de l'Est qui doit aller de pair avec la coopération politique, dans le but de réduire enfin le dispositif de sécurité militaire. L'OTAN a toujours été une alliance politique et non pas une alliance uniquement militaire.

Coopération à part entière de notre pays avec les autres pays de l'Ouest; sécurité et stabilité; action politique commune visant surmonter la désastreuse division de notre continent, tel est l'actif de notre entrée dans l'Alliance. A aucun moment, dans les décennies passées, la convergence des intérêts de la République fédérale d'Allemagne et de l'Alliance n'a dû être mise en doute.

Que nous apportera l'Alliance dans l'avenir?

Ont-ils raison, ceux qui, constatant le très net recul de la menace militaire, en concluent que l'OTAN, alliance militaire, a rempli sa mission, a perdu sa raison d'être et peut finalement disparaître? L'OTAN est-elle une survivance de la guerre froide appelée à disparaître avec elle?

Supposons que l'Alliance atlantique n'existe pas. Nous vivons à une époque de mutations rapides dans la vie en communauté des Etats européens. Le rythme des changements dans le traditionnel paysage historique de l'après-guerre est sans précédent. Le communisme, en tant qu'idéologie et système politique et économique, a échoué. Ses dirigeants le savent. Chaque jour en apporte de nouvelles preuves. Comment, dans ces conditions, assurer la cohésion du monde libre? Comment y parvenir sans l'engagement concret des Etats-Unis? Comment lier autrement les destins de l'Europe à celui des Etats-Unis? Comment coordonner nos politiques envers l'Est? Comment assurer notre stabilité à une époque mouvementée et par conséquent pleine de risques. Où trouver la sécurité, l'union? Désunies, les nations libres seraient les victimes de l'évolution historique. Seule, l'Alliance atlantique nous permet de maîtriser l'événement, d'agir sur l'histoire. Elle est l'association la plus forte, la plus importante et la plus efficace de l'histoire de l'humanité. Communauté d'Etats libres, l'Alliance est pour nous source d'influence, de sécurité, de stabilité.

L'Alliance est indispensable, tout d'abord dans son rôle d'agent du changement. La réunion au sommet nous en a de nouveau apporté la preuve : notre principal objectif est toujours de surmonter la division de l'Europe. Nous ne sommes pas prisonniers d'un statu quo. Nous souhaitons le surmonter. Nous sommes loin de regretter la guerre froide bien que les choses aient été à certains égards plus claires, plus prévisibles. Nous souhaitons préparer un nouvel ordre de paix. C'est en partant d'une défense sûre que l'Alliance peut désormais s'engager vigoureusement dans la réalisation de ses aspirations politiques :

1. Celle d'une Europe non divisée qui repose sur les droits de l'homme,
la démocratie, le pluralisme et la libre autodétermination des pays.
L'objectif de l'OTAN est de surmonter non seulement la division de l'Europe mais aussi celle de l'Allemagne. Le nouvel ordre européen ne saura faire abstraction de la question allemande. Le dernier sommet de l'OTAN a formulé très clairement son attachement à l'unité allemande.

2. Celle d'un ordre global de la coopération entre l'Est et l'Ouest qui nous permettra de résoudre les problèmes urgents de l'humanité.

3. Celle enfin d'une association dans laquelle les Etats d'Amérique du Nord et de l'Europe coopèrent en tant que partenaires égaux.

Telles sont les aspirations qui guident notre action politique. C'est pourquoi nous apportons notre soutien à Gorbatchev et aux forces réformatrices de l'Europe de l'Est. Cette politique est conforme à nos intérêts dans la mesure où elle permet de promouvoir les droits de l'homme, d'agrandir une ouverture dans les systèmes fermés de l'Est, de servir la cause de la liberté et de la démocratisation et de favoriser la rencontre des peuples dans la liberté. Nous allons saisir cette chance historique de changement.

Le changement c'est aussi- nous le savons - l'inquiétude, l'imprévisibilité, l'insécurité, l'instabilité. Mais ce n'est pas une raison pour conserver les structures périmées de l'après-guerre, comme certains peuvent encore le souhaiter. L'afflux des dizaines de milliers de nos compatriotes nous en donne la preuve. Assurer la stabilité n'est pas préserver frileusement et à tout prix le statu quo. C'est au contraire évoluer dans la sécurité, en cherchant à éviter les dangers d'une transformation violente.

Tous les peuples d'Europe de l'Est et d'Europe centrale doivent disposer du droit à l'autodétermination. A eux de faire leur choix. Nous ne cherchons pas à exercer une tutelle et l'Union soviétique devrait, de son côté, accorder à ces peuples la possibilité du libre choix, théoriquement et dans la pratique. Ce serait en effet dans son intérêt, car c'est seulement dans cette voie que nous pourrons créer des relations fructueuses de bon voisinage, une association pacifique et assurer la stabilité économique.

L'Alliance atlantique est indispensable aussi comme agent de la stabilité. Le changement doit avoir lieu dans la sécurité.

Nous ne sommes pas à l'origine de l'événement, et ce n'est pas, loin de là, le fait du revanchisme, comme l'a suggéré le ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Chevardnadze dans son discours aux Nations Unies. Espérons que ce ne sont pas, ses propres convictions. Nous sommes témoins, par contre, de l'aspiration naturelle des hommes et des peuples à la liberté.

A l'heure actuelle, le dossier du désarmement, le recul de la menace, la coopération au niveau des rapports Est-Ouest se présentent sous un jour particulièrement favorable. Notre peuple ne se trompe pas : nous n'avons pas à présent de guerre à craindre. Ce serait donc une grave erreur de ne pas saisir cette chance pour rompre l'éternelle alternance de la paix et de la guerre.

Il s'agit cependant, d'une tâche à plus long terme. Le succès des négociations sur la maîtrise des armements par exemple dépendra largement, dans cette phase de transition, de notre cohésion et de notre potentiel de défense. Ce n'est pas actuellement le danger immédiat d'une guerre qui pose un problème dans les relations Est-Ouest. C'est celui, à plus long terme, de l'instabilité et de l'insécurité que nous devons éviter.

L'Histoire nous apprend que tout changement comporte un risque - tout peu arriver et très vite. Le processus de réforme à l'Est et le relâchement du contrôle soviétique en Europe de l'Est et en Europe centrale libèrent des tendances ethniques et nationales longtemps réprimées.

Le processus de mutation ne peut être maîtrisé que dans la stabilité assurée d'une alliance efficace. Le lien atlantique crée la stabilité qui nous permet d'utiliser à notre avantage historique la réorientation fondamentale à l'Est.

L'efficacité de notre effort de défense au sein de l'Alliance atlantique fait comprendre à tout homme politique soviétique que la voie pacifique seule apportera une solution. L'effort de défense ne fait pas obstacle à la détente mais jette les bases sûres du dialogue et de la coopération.

Autre raison de ne pas réduire notre défense : le potentiel soviétique n'a pratiquement pas changé. Les intentions actuelles de la direction soviétique, qui ne recherche assurément pas la guerre, ne peuvent servir de repère. Les intentions peuvent changer, tout comme les hommes politiques. Notre sécurité doit se fonder sur l'effort que nous sommes prêts à faire. C'est pourquoi la Bundeswehr et les forces alliées demeurent de première importance. Leur potentiel et leur degré de préparation ne doivent pas diminuer avant un accord effectif de désarmement.

Les intérêts vitaux des Allemands - liberté, unité, sécurité et changement - et de l'Alliance atlantique feront aussi bon ménage à l'avenir également. L'Alliance, pour nous, sera toujours de la plus haute importance. Dans cette enceinte, les Allemands qui vivent dans la liberté ont la possibilité de coopérer à la réalisation des aspirations majeures de notre temps : la mise en place d'un nouveau dispositif de sécurité et, plus particulièrement, d'un nouvel ordre politique en Europe.

Dans notre concept global, les membres de l'Alliance que nous sommes ont défini l'objectif du désarmement, à savoir la sécurité et la stabilité moyennant un arsenal réduit; la mise en place d'un nouvel ordre de sécurité mutuelle écartant de part et d'autre la possibilité d'une attaque surprise ou d'une opération de grande envergure. Jusqu'ici, seule l'Alliance atlantique y avait consenti.

Les dernières semaines l'ont clairement montré : l'initiative en matière de désarmement est du côté de l'Ouest.

Cependant, quelle que soit l'importance du désarmement, il ne saurait remplacer un nouvel ordre politique. Les armées, les armements ne sont pas à l'origine des tensions politiques mais leur conséquence. C'est pourquoi l'établissement d'un nouvel ordre de paix est prioritaire. Il doit se fonder sur la liberté, la démocratie et les droits de l'homme. C'est alors que les armées cessent d'être dangereuses, comme le montre bien l'exemple franco-allemand.

Il ne peut y avoir de doute : l'Histoire est de notre côté. La dynamique du processus historique joue en notre faveur. Nos idées progressent. L'avenir de l'Est est à l'Ouest et non pas le contraire. Soyons donc optimistes : la productivité de nos structures économiques est supérieure; il en est de même de la souplesse et de la créativité de nos structures sociales. Plus important encore : nos valeurs reflètent la nature et les aspirations de l'homme.

Rien ne se produit spontanément. Tout dépend de nous, de notre cohésion, de notre aptitude à diriger et à stimuler la créativité.

L'avenir de cette Alliance est aussi la nôtre. Cette Alliance d'Etats, acteurs de l'Histoire, sera dans les prochaines décennies également, le garant de notre liberté et de la paix.

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