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Updated: 27-Jun-2002 NATO Speeches

Palais de
Chaillot, Paris, France
24 mai
1957

CONFERENCE DE PRESSE DE M. P-H. SPAAK

Le vendredi 24 mai 1957, Palais de ChaiIlot, Paris XVIe.


M. SPAAK
.......parce qu'il faut bien l'avouer, je ne crois pas avoirquelque chose de sensationnel à vous dire, mais au moins, sur ce qu'il est absolument nécessaire que, ayant pris mes fonctions de Secrétaire Général il y a quelques jours, il est absolument nécessaire que je rende compte à la Presse et fasse une petite conférence. Mais, après, tout, en y réfléchissant, je trouveque c'est assez normal.

J'ai essayé, mais certainement je ne serai pas arrivé à réaliser mon espoir, j'ai essayé de deviner ce que vous pourriez me demander et très probablement, la première question est"comment concevez-vous votre tâche ?" Eh bien, la réponse à cette question est celle-ci: c'est que pour moi, ma Charte c'est le rapport des Trois Sages et la décision qui a été prise en décembre dernier lorsque les Ministres des Affaires Etrangères ont examiné la situation du NATO et estimé qu'il y avait lieu de tenter un nouvel effort pour donner au NATO un support politique aussi solide que possible en tâchant de coordonner la politique extérieure des différents pays qui composent le NATO. Ce que je voudrais faire remarquer comme Secrétaire Général, c'est que je pense que c'est là une tâche collective, c'est la tâche qui appartient en réalité au Conseil Permanent. Je crois cependant que le Secrétaire Général a quelques responsabilités particulières et quelques devoirs propres et que s'il n'arrive pas à accomplir cette oeuvre de coordination, il doit alors prendre lui-même ses responsabilités, pallier les défauts de l'Organisation et tâcher d'y remédier.
On me demande quelquefois aussi quelle va être la méthode que j'emploierai pour tâcher de réussir dans ma tâche. Et là, ma réponse est encore plus décevante que toutes les autres, parce que je suis forcé d'avouer que je n'ai pas de méthode. En effet, je compte essayer de régler les problèmes chaque fois suivant les éléments de la question et je pense qu'il faut se montrer extraordinairement souple. Tout ce que je voudrais dire, c'est qu'à la Chambre belge, dans mon discours d'adieu, j'ai été amené à essayer de définir quelles étaient les qualités que j'estimais |es plus essentielles chez un diplomate, et je les ai énumérées dans l'ordre suivant:

1° comprendre le point de vue d'autrui

2° avoir l'art du compromis

3° être discret, ce qui évidemment ne me rendra peut-être
pas très populaire vis à vis de la presse,

4° être loyal, ce qui me rendra évidemment populaire vis à vis de mes collègues.

Donc, je n'ai pas de méthode, mais je crois qu'il y a là quatre qualités qu'il faut essayer d'avoir et, si l'on peut les réunir et les appliquer, on a je crois une bonne base pour essayer de régler les problèmes internationaux.

Je voudrais faire remarquer que l'Organisation du Traité de Atlantique Nord, le NATO, est une Organisation extrêmement souple et je crois que c'est une bonne chose. C'est une Organisation tellement souple que lorsqu'au mois de décembre, les Ministres des Affaires Etrangères, examinant les nouvelles tâches qu'il y avait peut-être lieu de confier au Conseil au Secrétaire Général, n'ont pas cru nécessaire de proposer un changement quelconque dans l'Organisation existante. Et c'est une chose intéressante de comparer ce quêtait le Traité de l'Atlantique Nord et ce qu'est devenue la réalité. Et je crois qu'on peut dire que toute cette réalité n'avait pas été prévue par les signataires de 1948, non 1949 - on m'a toujours accusé dans mon pays de ne pas être très précis, je crois qu'ils avaient raison - donc nous disons 1949. C'était un Traité simple qui ne comportait pas beaucoup d'articles et vous voyez tout ce qui en est sorti. Je suis convaincu que les auteurs n'avaient pas prévu un Général en chef Commandant l'Europe Occidentale, l'organisation militaire et tout cela est né des circonstances et créé dans la réalité sans qu'il y ait de texte précis qui l'ait prévu. L'appareil militaire est maintenant extrêmement important et, sans être parfait, ila été cependant efficace. II faut essayer maintenant dans le domaine politique de faire la même chose et je crois que c'est possible dans le cadre de ce qui existe et de ce qui peut se développer. Tout ceci je m'en rends compte, ce sont des généralités qui probablement ne vous intéressent pas tellement et vous voudriez bien savoir quelles sont les questions qui, à mon avis, sont actuellement les plus importantes et les plus d'actualité.

Eh bien, je pense que durant les mois qui viennent, les questions qui retiendront surtout notre attention seront des questions d'ordre militaire. Je crois que la situation pour les mois qui viennent est dominée par le raccord que le Général Norstad a été chargé de faire à la demande combinée de l'U.E.O et du Conseil du NATO, par l'évolution du problème du désarmement qui comporte toute une série d'idées subsidiaires, mais qui sont la conséquence de la position que l'on peut prendre en matière de désarmement et notamment cette question des zones démiIitéralisées qui maintenant est si souvent posée dans les discussions. Il y a bien entendu aussi un certain nombre de questions politiques, cependant je pense vraiment que c'est autour de ces questions militaires que l'intérêt se concentrera dans les mois qui viennent.

Enfin, une question qui m'est souvent posée par les journalistes qui m'interrogent, c'est de savoir si mon arrivée au NATO signifie un abandon de l'Europe. On dit même que certains, qui avaient confiance dans ma fidélité européenne, croient que le fait que je m'occupe maintenant d'une Organisation Atlantique est une manifestation de découragement en ce qui concerne
l'Europe. Je tiens à dire qu'il n'en est absolument rien. Je crois que les idées européennes ont beaucoup progressé ces dernières années. Si, comne je l'espère, les Parlements ratifient dans les mois qui viennent, le Traité sur le Marché Commun, sur l'Euratom, d'année 1957 aura été une bonne année, une année décisive dans l'histoire de l'Europe. Cependant, je tiens à affirmer que dans mon esprit il n'y a jamais eu ni dissociation ni encore moins opposition entre l'Europe et la Communauté Atlantique; c'est pourquoi une Europe forte devait avoir notamment comme effet d'être un Organe tel que l'Union de l'Alliance
Atlantique.

Je crois en effet qu'il était nécessaire d'unir entre elles toutes les nations occidentales et je crois que l'Alliance Atlantique, entre autres fonctions, a comme fonction et peut-être comme fonction essentielle d'être précisément le bouclier de cette Europe qu'on essaie de former. Je crois donc qu'il n'y a aucune opposition et si j'ai choisi pour un certain temps la voie Atlantique, c'est parce que je pense, j'en fais l'aveu très sincèrement, qu'en ce qui concerne l'Europe et les questions d'organisation administrative et les questions tout particulièrement techniques qui vont se poser, je n'étais pas particulièrement qualifié pour continuer à m'en occuper"

Voilà, Messieurs, ce que j'avais à dire sur ma prise de fonction et sur les idées que je me fais de celle-ci. Je suis prêt maintenant à passer à la partie vraiment intéressante de
cette réunion et, après vous avoir dit ce que, moi, je pense de certaines choses, je vais essayer de répondre aux questions que
vous voudriez me poser"

Question (traduction)
Etant donné votre séance récente avec les Parlementaires de l'OTAN, comment envisagez-vous le développement et révolution futures de cet ensemble parlementaire ?

M. SPAAK
Je vais le répéter en français pour être bien sûr :
Je crois que vous me demandez mon avis sur l'importance des Parlementaires qui s'occupent de NATO.
C'est çà.

M. SPAAK
Eh bien moi, je crois qu'il faut établir une très bonne collaboration entre le Secrétariat Général et toute l'Organisation du NATO et ses Parlementaires. Je ne crois pas qu'il faille, en tous les cas pour le moment je fais une réserve quant à donner à cette conférence du NATO une forme plus officielle qu'elle n'a pour le moment, aussi longtemps qu'on ne peut pas faire des assemblées qui ont de véritables pouvoirs, il faut être très prudent dans le caractère officiel qu'on leur donne. Nous avons trop fait ces dernières années l'expérience des assemblées consultatives pour croire que c'est une tout à fait bonne formule. Mais je crois qu'associer les Parlementaires à notre travail, leur expliquer ce que nous faisons, discuter avec eux de certaines questions, c'est une bonne chose. Et, en ce qui me concerne j'essaierai de collaborer de la manière la plus intime avec le groupe des Parlementaires du NATO, et quand ils feront leur conférence cet automne, je compte prendre dans cette conférence toute la part qu'ils voudront bien me donner.

Question:
M. le Président, je voudrais me permettre de vous poser deux questions, l'une de détail au sujet d'un mot que vous avez utilisé en parlant du principal problème qui va vous préoccuper,: avez-vous dit, dans les prochaines semaines. Vous avez parlé du désarmement et de zones démilitarisées. Est-ce que vous entendez ce terme de façon exacte, en ce qu'il signifie, ou bien sous des formes différentes que pourrait prendre un accord entre les Puissances qui s'occupent actuellement de ces questions à Londres. Là-bas en effet, il semble que l'on ne par le pas de zones démilitarisées, mais de zones d'inspection particulières et délimitées.

M. SPAAK
Et bien, j'ai voulu employer l'expression parce que j'étais sûr que si je n'en parlais pas on m'en parlerait, et mon Dieu, j'ai pensé qu'il valait encore mieux prendre les devants.

Mais, ce que je veux dire maintenant c'est ceci : c'est que toute cette discussion est une discussion fort intéressante mais votre question même le prouve, assez dangereuse, parce que je trouve qu'elle n'est pas suffisamment clarifiée et que l'on emploie cette expression dans des sens fort différents;
et ce que je crois, c'est qu'au sein du NATO avant de faire sur cette question des discours publics et de prendre position individuellement, nous devrions essayer d'établir très clairement d'abord si nous en voulons et puis ce que nous voulons exactement, en pensant à toutes les conséquences possibles et, à mon avis, 11 y en aura beaucoup.

J'ai simplement voulu indiquer, par conséquent, que je pensais que cette sorte de question devrait certainement être discutée dans les temps qui viennent, en fonction du problème de nos armements, et en fonction aussi des questions de désarmement qui sont discutées à Londres,

Question :
Ça s' applique, Monsieur le Président, également à une éventuelle prise de position du Gouvernement américain ?

M. SPAAK
Monsieur, si vous voulez bien relire le document que j' appelle ma charte personnelle, c'est-à-dire le rapport des Trois, et le communiqué de décembre, vous constaterez que tous les Ministres ont dit qu'il fallait faire de grands efforts pour s'informer mutuellement autant que possible, et qu'il fallait aussi faire des efforts pour se consulter et pour ne pas prendre de position unilatérale qui pourrait gêner les autres membres de l'Alliance. Moi, j'interprète ma charte de la manière suivante, que ses bons principes s'appliquent pour toutes les questions et pour tout le monde.

Question:
Monsieur le Président, si vous permettez, je voulais vous demander ceci : vous avez mentionné ce problème principal des mois à venir, est-ce que vous pourries mentionner d'autres problèmes qui seraient moins importants que celui-ci, mais qui; quand même, ont de l'importance pour l'opinion européenne?

M. SPAAK
Je dois d'ailleurs vous prévenir que j'ai préparé ma réponse... Question
Pour préciser la question de mon confrère : au cours d'une récente interview d'un magazine américain, vous avez évoqué la possibilité que l'OTAN, par votre entremise" pourrait être appelée à se pencher d'une façon plus précisé sur le problème de Chypre qui intéresse évidemment un certain nombre de membres de l'OTAN, trois en tous cas, directement et, par conséquent, l'OTAN toute entière, et vous avez même ajouté, ce que vous venez de dire en réponse à M...... à savoir: aucune question n'est considérée comme étant en dehors de l'OTAN si elle intéresse l'Organisation elle-même, et vous avez à ce propos évoqué très discrètement, en tenant compte du fait que c'est un problème qui est du ressort primordial de la France, c'est-à-dire le problème algérien. Pourriez-vous préciser sur ces deux points vos intentions éventuelles, en tous cas votre pense actuelle.

M. SPAAK
Eh bien, Monsieur, je ne suis pas pris au dépourvu et, pour Chypre, j'ai bien préparé ma réponse, et elle tient tout entière dans une phrase célèbre, qui se résume ainsi : "Y penser toujours, n'en parler jamais, tout au moins publiquement". (rires)

Pour l'Algérie, je voudrais qu'il n'y ait pas de malentendu et je crois que ce que j'avais déclaré à ce journal américain avait été soigneusement pesé, mais, si on le reproduit, il faut le reproduire tout entier. J'ai bien dit que naturellement la question d'Algérie était une question extrêmement importante qui devait tous nous préoccuper, mais que c'était une question qui était essentiellement et complètement entre les mains du Gouvernernent français et que, par conséquent, il n'y avait pas d'initiative à prendre pour l'OTAN en cette matière.

Question:
Et pour Chypre ? Y a-t-il une initiative à prendre ?

M. SPAAK
Y penser toujours, n'en parler jamais. Je trouve ça une réponse admirable, moi, je ne sais pas comment vous n'êtes pas satisfaits d'elle.... Avant, on disait ça de la question d'Alsace-Lorraine, C'est tellement bien.. "Y penser toujours et n'en parler jamais" et j'ajoute là quelque chose de moi dans la phrase : "publiquement". On ne disait pas "publiquement". Et regardez tout ce que vous pouvez faire autour de ce "publiquement". Je ne voudrais pas vous exciter...

Question:
Monsieur le Président, peut-on vous demander quelle est votre première impression sur les propositions de M. Ollenbauer qui sont dirigées nettement contre le Pacte Atlantique ?

M. SPAAK
La première impression est d'abord une impression qui, je dois l'avouer, est une impression personnelle et terrible, parce qu'il demande la disparition du Pacte Atlantique. Vous comprenez que ça me touche terriblement, après le moment où j'ai pris mes fonctions. C'est une première impression très dure. Et je dois vous avouez alors que c'est à peu près tout ce que j'ai compris, parce que la dépêche de presse que j'ai lue ne me permet vraiment pas de me faire une idée précise sur ses propositions. Je n'ai lu qu'une dépêche de presse et je n'oserais vraiment pas me prononcer sur la valeur du Plan. Tout ce que j'ai compris, c'est que c'était la fin de l'OTAN, et par conséquent, une grave question.

Question:
Simplement quelque chose à propos de Chypre.

M. SPAAK
On répète la même chose et on brode.


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