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Mise à jour: 19-Mar-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 49 - No. 4
Hiver 2001/2002
p. 24-25

Sur la ligne de front

Alors que les Partenaires de l'OTAN en Asie centrale occupent des positions sur la ligne de front dans la coalition internationale contre le terrorisme, Osman Yavuzalp(1) examine les relations de l'Alliance avec ces pays.


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Lorsqu'il est devenu évident que les attentats terroristes du 11 septembre contre les Etats-Unis avaient été organisés par le réseau à base afghane Al-Qaïda d'Oussama Ben Laden, l'audace et la sauvagerie de ces attentats n'ont guère surpris les pays de l'Asie centrale. Bien sûr, la communauté internationale connaissait la dégradation de la situation en Afghanistan et avait exprimé les préoccupations que lui inspiraient les violations des droits de l'homme, la destruction aberrante des bouddhas et l'arrestation de personnel de l'aide humanitaire internationale accusé de prêcher le christianisme. Mais la République kirghize, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et, dans une moindre mesure, le Kazakhstan avaient une expérience directe des dangers que représentait le régime des Talibans, ayant longtemps subi les conséquences du trafic de drogues et été victimes, depuis 1998, de plusieurs incursions de terroristes de la mouvance d'Al-Qaïda.

En fait, les pays d'Asie centrale avaient été parmi les premiers à appeler l'attention du monde sur la dégradation de la situation en Afghanistan et les risques qu'elle impliquait pour la sécurité internationale. Dès le 8 septembre 2000, soit un an avant les attentats perpétrés contre les Etats-Unis, le Président ouzbek Islam Karimov avait averti l'Assemblée générale des Nations Unies que l'Afghanistan était devenu un terrain d'entraînement et un foyer du terrorisme international et que la poursuite de la guerre en Afghanistan représentait une menace pour la sécurité, non seulement des Etats de l'Asie centrale, mais de l'ensemble du monde.

Conscients de la nécessité de rétablir l'ordre public et de mettre fin aux souffrances du peuple afghan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan se sont, depuis 1997, employés à rechercher un règlement pacifique de la crise afghane par l'intermédiaire du groupe dit des "six plus deux", qui inclut la Chine, l'Iran et le Pakistan, et est appuyé à la fois par la Russie et par les Etats-Unis. Plus récemment, ce groupe a rencontré M. l'ambassadeur Lakdar Brahimi, envoyé spécial des Nations Unies dans la région, le 12 novembre, à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, pour des entretiens sur l'Afghanistan après les Talibans au cours desquels les représentants des six pays voisins se sont déclarés favorables à la formation d'un gouvernement post-taliban à large base, multiethnique et librement choisi.

Au lendemain des événements du 11 septembre, les pays de l'Asie centrale se sont joints aux autres membres du Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) pour condamner sans réserve les attentats commis et s'engager à tout faire pour combattre le fléau du terrorisme. Depuis lors, ils ont tenu cet engagement en mettant une partie de leur territoire et de leurs capacités à la disposition de la coalition internationale. Le 24 septembre, le Kazakhstan a annoncé qu'il était prêt à appuyer la coalition dirigée par les Etats-Unis avec tous les moyens en sa possession. De même, la République kirghize, le Tadjikistan et le Turkménistan ont nettement marqué leur soutien à la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, l'Ouzbékistan est devenu un élément vital de la campagne menée contre les Talibans en annonçant, le 5 octobre, qu'il allait ouvrir son espace aérien aux appareils américains et autoriser les atterrissages sur son territoire pour les missions de recherche et de sauvetage et les missions humanitaires. Etant donné que ces pays ont tous une population en majorité musulmane, leur soutien montre que, contrairement à ce que prétend Ben Laden, la campagne internationale contre la terreur n'est ni une croisade contre l'Islam ni un conflit de civilisations.

Les attentats du 11 septembre ont démontré le caractère indivisible de la sécurité dans la zone euro-atlantique. Qu'ils se situent en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie centrale, tous les pays sont à présent confrontés aux mêmes menaces. Par ailleurs, les attentats et la campagne antiterroriste qui les a suivis ont mis en relief l'importance de l'Asie centrale pour la sécurité euro-atlantique et la nécessité d'une coopération plus étroite entre l'OTAN et ses Partenaires de l'Asie centrale - au-delà du contexte de la crise actuelle.

L'Asie centrale et l'Europe sont étroitement liées par une longue histoire commune. Au XIXe siècle, les empires britannique et russe se sont tous deux intéressés à la région parce qu'elle était traversée par la grande Route de la soie, principale liaison commerciale entre l'Europe et l'Extrême-Orient. Aujourd'hui, les réserves énergétiques de l'Asie centrale représentent un très riche potentiel pour le développement de la région. Cependant, l'intérêt manifesté par l'OTAN pour cette région depuis les dix dernières années ne tient ni à l'histoire de l'Asie centrale ni à son potentiel économique. L'Alliance a en fait cherché à promouvoir la sécurité en Asie centrale dans le cadre de sa stratégie consistant à établir des partenariats avec les démocraties émergentes, à répondre aux nouveaux défis de sécurité et à favoriser la stabilité dans toute la zone euro-atlantique. L'action menée en vue de resserrer le partenariat et la coopération par le biais du programme du Partenariat pour la paix et du CPEA a eu des effets bénéfiques pour tous.

Le Partenariat pour la paix offre un large choix d'activités liées à la sécurité dans des domaines tels que les plans civils d'urgence, la gestion des crises, la formation linguistique, la coopération scientif ique et l'interopérabilité des forces armées. Chaque Partenaire peut ainsi choisir les activités correspondant à ses besoins et priorités propres. De plus, le Partenariat prévoit que les membres de l'OTAN tiendront des consultations avec tout Partenaire qui en fera la demande s'il perçoit une menace directe pour son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité.

Le Partenariat pour la paix repose sur deux principes clés. Premièrement, il n'affecte en rien les intérêts de telle ou telle tierce partie. Des pays neutres comme l'Autriche, l'Irlande, la Moldova et la Suisse peuvent également bénéficier de la large gamme d'activités offerte. Deuxièmement, il vise, non pas à remplacer ou à dupliquer les autres initiatives menées en coopération, mais à y apporter un complément, car l'OTAN a toujours respecté les intérêts spécifiques et les préoccupations régionales de ses Partenaires. Dans l'Europe du sud-est, par exemple, les pays participent à un certain nombre d'initiatives multinationales parallèles et ont entre eux des relations bilatérales spéciales qui s'ajoutent à leur coopération avec l'OTAN. De la même façon, l'Alliance est toute disposée à appuyer les diverses activités de coopération auxquelles participent certains de ses Partenaires d'Asie centrale, telles que l'Organisation de coopération de Shanghaï ou la Conférence pour l'interaction et la confiance en Asie, et elle respecte les relations qui ont été établies avec la Russie pour des raisons historiques, géopolitiques et socio-économiques.

Sur ces bases, l'OTAN et ses Partenaires d'Asie centrale ont pu entreprendre des activités en coopération dans divers domaines. Un dialogue structuré a lieu entre les membres de l'Alliance et les 27 pays partenaires sur pratiquement toutes les questions d'intérêt commun dans le cadre du CPEA. Ce cadre multilatéral a permis aux Partenaires d'Asie centrale de tenir les Alliés et les autres Partenaires informés des développements enregistrés dans leur région, depuis l'apparition du terrorisme commandité par les Talibans. Des séminaires régionaux sur la coopération en matière de sécurité traitant des problèmes sécuritaires de l'Asie centrale ont également été organisés sous les auspices du CPEA. Ils se sont tenus dans la région même, afin d'aider les membres de l'OTAN et les autres Partenaires à mieux comprendre les conditions existant sur le terrain. Le premier séminaire a eu lieu à Tachkent, en Ouzbékistan, en octobre 1999. Son succès a conduit à organiser un deuxième séminaire à Bichkek, en République kirghize, en novembre 2000, puis un troisième, à Almaty, au Kazakhstan, en septembre 2001 - quelques jours seulement après les attentats terroristes commis contre les Etats-Unis.

Les plans civils d'urgence constituent un autre grand domaine de coopération. Les pays de l'Asie centrale connaissent nombre de catastrophes naturelles telles que des tremblements de terre et des inondations, et ils attachent donc beaucoup d'importance à l'étude des moyens de protéger les villes et les populations situées dans les zones à haut risque. L'établissement de plans pour ces situations d'urgence du secteur civil et de bases pour la coopération civilo-militaire nécessaire à la réaction aux catastrophes est facilité par la participation à des ateliers et autres activités organisés dans le cadre du Partenariat pour la paix. Des stages spécialement conçus à cette fin ont eu lieu en République kirghize, en 1996, en Ouzbékistan, en 1999, et au Kazakhstan, en 2001.

L'OTAN et ses Partenaires d'Asie centrale ont aussi la possibilité de travailler ensemble dans le domaine de la recherche scientifique et technologique. Dans ce domaine, quelque 120 bourses de l'OTAN ont été octroyées aux cinq pays de l'Asie centrale au cours des huit années qui ont suivi l'ouverture du Programme scientifique de l'OTAN à la participation des pays partenaires. Au mois d'octobre de cette année, le Programme scientifique a lancé un grand projet, la "Route de la soie virtuelle", destiné à donner accès à l'internet, par un réseau de satellites, aux communautés scientifiques et universitaires de huit pays de l'Asie centrale et du sud du Caucase. Parmi les autres projets scientifiques parrainés par l'OTAN pour l'Asie centrale figurent une étude pilote sur la prise de décisions en matière d'environnement pour un développement durable, lancée en février 2001, avec la participation du Kazakhstan, de la République kirghize, du Tadjikistan et de l'Ouzbékistan, des projets concernant les problèmes de radioactivité à l'ancien centre d'essais nucléaires de Semipalatinsk, au Kazakhstan, dans la région de Sarzhal, et des initiatives de lutte contre la pollution dans la mer d'Aral.

Après avoir été le théâtre du "Grand jeu", l'Asie centrale demeure, au début du XXIe siècle, une région de toute première importance stratégique. Cependant, les jeux à somme nulle du passé ne sont plus aujourd'hui que des souvenirs. Les événements récents ont montré une fois encore combien il est judicieux de promouvoir la coopération, la stabilité et la sécurité dans toute la zone euro-atlantique. L'Alliance ne prétend pas détenir la solution de tous les problèmes qui se posent, là ou ailleurs, mais il est de plus en plus clair qu'investir à long terme dans le développement des relations, de la compréhension et de la coopération renforce la sécurité de tous.


  1. Osman Yavuzalp travaille sur l'élargissement de l'OTAN et les relations avec les Partenaires de l'Alliance en Asie centrale à la Division des affaires politiques de l'OTAN.