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Mise à jour: 19-Mar-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 49 - No. 4
Hiver 2001/2002
p. 22-23

Ted Whiteside, Chef du Centre
ADM de l'OTAN

Ted Whiteside dirige le Centre OTAN sur les armes de destruction massive (ADM) depuis sa création, à l'automne 2000. Il est entré à la Division des affaires politiques de l'OTAN en septembre 1999 en tant que chef adjoint de la Section désarmement, maîtrise des armements et sécurité en coopération, après avoir occupé des fonctions à la Délégation du Canada auprès de l'OTAN et à l'Ambassade du Canada à Bonn.


( © OTAN)

Revue de l'OTAN: qu'est-ce que le Centre ADM, et pourquoi a-t-il t cr?

Ted Whiteside: : le Centre ADM est une équipe interdisciplinaire de la Division des affaires politiques de l'OTAN. Il a été créé pour appuyer l'action des comités et groupes de travail traitant des questions de prolifération. Il tire son mandat directement du Sommet que l'Alliance a tenu à Washington en 1999 et de l'Initiative sur les ADM. Ses principaux objectifs sont au nombre de six: dynamiser le débat à l'OTAN en vue d'arriver à une plus nette perception commune par les Alliés des problèmes liés aux ADM et de la façon d'y répondre; améliorer, qualitativement et quantitativement, le partage entre les Alliés des données du renseignement et des informations concernant les problèmes de prolifération; appuyer la mise au point par les Alliés d'une stratégie d'information du public visant à faire mieux connaître ces problèmes, ainsi que l'action des Alliés en faveur de la non-prolifération; améliorer l'état de préparation militaire devant permettre d'opérer dans un environnement ADM et de faire échec aux menaces ADM; échanger des informations concernant les programmes nationaux de destruction de ces armes et l'aide bilatérale correspondante - s'agissant en particulier d'aider la Russie à détruire ses stocks d'armes chimiques; et offrir aux Alliés de meilleures possibilités de s'aider mutuellement dans la protection de leur population civile contre les risques présentés par les ADM. Comme vous le voyez, l'Alliance a ainsi un programme de travail bien rempli en ce qui concerne les risques et les menaces ADM, et le Centre constitue le point de convergence du soutien apporté aux activités entrant dans ce domaine.

RO: comment le Centre ADM fonctionne-t-il? Combien d'agents de l'OTAN et combien d'experts nationaux emploie-t-il?

TW: le Centre emploie trois agents de l'OTAN et sept experts nationaux. Ces derniers nous font bénéficier de leur très large expérience. Notre expertise englobe les armes chimiques, les agents biologiques, les missiles balistiques, la connaissance et l'expérience de la protection des forces, le renseignement et les aspects politiques de la maîtrise des armements et de la nonprolifération. Nous apportons un soutien à un certain nombre de comités de l'OTAN, les deux principaux étant le Groupe politicomilitaire de haut niveau sur la prolifération et le Groupe défense de haut niveau sur la prolifération. En outre, le Centre ADM apporte un soutien actif au Comité politique au niveau élevé dans ses travaux relatifs à la défense contre les missiles de théâtre, à la coopération avec la Russie et aux questions liées à la riposte de l'Alliance au terrorisme après les attentats commis le 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis.

RO: comment le programme du Centre ADM a-t-il chang depuis le 11 septembre?

TW: depuis le 11 septembre, on a, bien sûr, pris plus largement conscience du risque d'emploi d'armes de destruction massive par des acteurs autres que des Etats. Le Centre a donc adapté son programme de travail à l'évolution des demandes des comités auxquels nous apportons un appui. Cela dit, les travaux d'un comité comme le Groupe défense de haut niveau sur la prolifération présentent une grande continuité par rapport aux activités qu'il mène depuis plusieurs années en vue d'améliorer l'état de préparation des forces armées pour leur permettre d'opérer dans un environnement ADM.

Nombre des mesures pratiques prises par les Alliés en ce qui concerne la protection des forces, la détection, l'identification et les contre-mesures médicales peuvent être mises en correspondance avec les risques liés à l'utilisation potentielle d'armes de destruction massive par des acteurs autres que des Etats. C'est pourquoi nous nous efforçons de prendre pour bases les initiatives et les réalisations existantes. Même si notre programme n'a pas changé de façon très sensible, il est clair qu'il met différemment l'accent sur les risques liés aux agents biologiques. En fait, nous allons devoir apprendre à mieux connaître les risques d'emploi de moyens biologiques, chimiques et radiologiques par des acteurs autres que des Etats et leur réserver une place importante dans notre réflexion. Il nous faudra en outre étudier les meilleurs moyens de coopérer pour protéger les populations civiles contre ces risques.

RO: il semble que les mdias soient obsds par le bioterrorisme aprs les multiples envois de lettres au bacille du charbon qu'ont connus les Etats-Unis. Quelle est la gravit de la menace que reprsente cette forme de guerre?

TW: le risque d'emploi d'agents biologiques par des acteurs autres que des Etats constitue un problème d'une réelle importance. Ces acteurs ont montré qu'ils pouvaient fabriquer et utiliser certaines de ces armes. L'une des principales caractéristiques des agents biologiques est leur toxicité, qui rend sans doute leur emploi tentant pour des acteurs autres que des Etats. Cet emploi par des éléments terroristes ou criminels aurait des effets extrêmement perturbateurs. Il s'agit d'agents insidieux, difficiles à repérer et très coûteux à combattre, en termes à la fois de contre-mesures médicales et d'interventions des services de police. La technologie à double usage et la vaste expertise des industries biologiques modernes ajoutent à la difficulté de contrer ce type de prolifération. Bien que la possession et l'emploi d'armes biologiques aient été bannis par la Convention de 1972 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes biologiques ou à toxines, il reste extrêmement difficile d'appliquer des mesures de vérification adéquates. A la différence des régimes de maîtrise des armements conventionnels, où il est possible de recenser des matériels spécifiques tels que des chars et des pièces d'artillerie et d'établir des repères pour la vérification, les systèmes de surveillance des agents biologiques n'offrent pas directement de semblables possibilités. Il demeure important de poursuivre les efforts déployés pour faire en sorte que la Convention de 1972 soit un instrument efficace de lutte contre la menace grandissante des armes biologiques.

RO: quelles autres menaces vous paraissent actuellement les plus dangereuses?

TW: au-delà des risques liés aux agents biologiques et chimiques, aux produits chimiques industriels toxiques et aux moyens radiologiques, la prolifération des missiles balistiques demeure pour l'Alliance un sujet de grave préoccupation. Dans ce domaine, l'Alliance est toujours fortement attachée aux éléments que représentent le Régime de contrôle de la technologie des missiles, le Groupe australien, le Comité Zangger et le Groupe des fournisseurs nucléaires; qui occupent une place importante dans la lutte que nous menons pour répondre à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

RO: voit-on se dessiner un nouveau point de vue de l'Alliance sur la prolifration? Et sur la dfense antimissile?

TW: depuis le début des années 90, l'Alliance considère qu'il importe d'accroître les efforts déployés contre la prolifération. Son principal objectif consiste toujours à prévenir la prolifération, ou, si elle se produit, à en inverser le cours par des moyens diplomatiques. Il importe en même temps d'avoir un dispositif de défense permettant de faire face à une éventuelle utilisation d'armes de destruction massive. Le dispositif de défense de l'Alliance doit permettre de traiter de façon appropriée et efficace les menaces que peut faire peser la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Il est essentiel de maintenir la souplesse et l'efficacité des forces de l'Alliance malgré la présence, la menace ou l'emploi d'armes nucléaires, biologiques et chimiques. Dans ce contexte, l'Alliance a recours à une combinaison de moyens de relever les défis de la prolifération, dont des moyens dissuasifs, offensifs et défensifs, et des moyens d'accroître l'efficacité de la maîtrise des armements, du désarmement et de la non-prolifération, ainsi qu'à des mesures diplomatiques et de contre-prolifération.

RO: la Russie s'est montre intresse par une coopration avec l'OTAN dans le domaine de la dfense contre les missiles tactiques. Vers quoi cela pourrait-il s'orienter?

TW: la défense antimissile a fait l'objet d'un certain nombre de consultations étroites et intensives avec la Russie. Ces consultations vont se poursuivre, et on peut penser qu'elles se concrétiseront dans deux ou trois domaines génériques. Premièrement, nous pourrons débattre la nature du développement des missiles balistiques dans le monde, notre perception du problème, sa portée et celle des efforts déployés pour y répondre. Deuxièmement, nous pourrons débattre des concepts tels qu'une analyse commune du sens de la défense antimissile, de ses possibilités d'intégration dans le concept général de la Défense aérienne élargie, de ses modalités de fonctionnement en termes de communications et de commandement et de contrôle, et de ses implications en matière de formation et d'entraînement. Nous pourrons aussi examiner les potentialités de la coopération industrielle qui pourrait finalement s'instaurer entre l'OTAN et la Russie pour les systèmes maintenant en cours de développement.

RO: est-il prvu de faire participer les pays partenaires aux activits du Centre ADM?

TW: le problème de la prolifération a déjà fait l'objet de consultations entre l'Alliance et les Partenaires. Il y a eu des entretiens bilatéraux spécifiques et approfondis avec la Russie et l'Ukraine. Il y a aussi eu des échanges de vues généraux dans le cadre du Conseil de partenariat euro-atlantique, et les experts du désarmement continueront de se réunir avec les Partenaires. Nous comptons voir ces échanges se développer dans les travaux en comité, afin de pouvoir de plus en plus traiter des défis liés à la prolifération avec tous les Partenaires. Des contacts et des consultations ont également commencé avec les pays du Dialogue méditerranéen. Nous nous employons à intensifier toutes ces consultations et à les approfondir.