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Mise à jour: 07-Nov-2000 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 48 - No. 2
Eté - Automne
2000
p. 6-7
 

LItalie dans les Balkans

A loccasion de la visite lOTAN du Prsident italien Carlo Azeglio Ciampi, M. lambassadeur Amedeo de Franchis voque la politique de lItalie lgard des Balkans.

M. lambassadeur Amedeo de Franchis est le Reprsentant permanent de lItalie auprs de lOTAN.

L Italie est lun des membres fondateurs de lAlliance atlantique et de lUnion europenne. Dans les annes dcisives - difficiles, mais passionnantes - qui se sont coules entre 1950 et 1955, elle a connu dintenses dbats tous les niveaux, du parlement jusquaux masses populaires, sur son avenir au plan international. Cest ainsi que lItalie est devenue membre des deux entits qui ont si profondment influ sur le cours des vnements lors des dcennies qui ont suivi et transform le visage du Vieux continent: lAlliance atlantique et ce qui sappelait alors la Communaut europenne. Ces deux organisations sont devenues et sont restes les phares de la politique trangre de lItalie: son engagement atlantique et sa vocation europenne.


Visite dEtat: Lord Robertson ( gauche), le Prsident italien Carlo Azeglio Ciampi et M. lambassadeur Amedeo de Franchis ( droite) au sige de lOTAN.
(Photo OTAN - 10Kb)

Cest dans cet esprit, et avec le ferme appui de lopinion publique et des forces politiques de notre pays, que le Prsident italien Carlo Azeglio Ciampi est venu prononcer une allocution devant le Conseil de lAtlantique Nord le 5 mai. Voyant dans lAlliance atlantique de lan 2000 une passerelle entre le pass et lavenir, il lui a rendu hommage pour 50 annes de sauvegarde des valeurs fondamentales que sont les liberts et la dmocratie, et il a dit combien lItalie apprciait lefficacit avec laquelle lAlliance atlantique stait adapte et transforme, en renforant la cohsion de ses membres.

La nouvelle OTAN - comme on lappelle souvent aujourdhui - qui est sortie du Sommet de Washington est apte et prte assumer un rle central dans la scurit de la zone euro-atlantique, en plus de ses fonctions traditionnelles, et toujours dactualit, en matire de dfense collective. Les Balkans offrent un tmoignage vident de la vocation de lOTAN prserver la scurit sur le continent, apporter une vision de plus en plus dynamique et largir et maintenir la paix dans la rgion des Balkans. LOTAN, qui navait encore jamais dploy l-bas la moindre unit, est intervenue militairement, dabord en Bosnie-Herzgovine (la Bosnie), puis au Kosovo, et elle dploie maintenant dans la rgion plus de 60 000 hommes. Les Balkans revtent donc une importance primordiale pour lAlliance atlantique et pour la vision quelle a de lavenir. Quant lItalie, elle joue elle-mme un rle central dans les Balkans et dans la stratgie labore par lOTAN pour cette rgion, ce qui montre chaque jour davantage combien la zone de menace potentielle et dinstabilit gographique sest dplace de lEst vers lEurope du sud-est. LItalie joue ce rle central en raison la fois de sa situation gographique - les Balkans sont pour elle, non pas une entit lointaine, mais une ralit prsente seulement une dizaine de kilomtres de la cte adriatique - et de son histoire. Ainsi, la gographie, lhistoire et la vocation politique de lItalie lui confrent ensemble une responsabilit particulire, laquelle elle ne sest pas drobe, en jouant un rle de premier plan et en se faisant mme parfois la conscience de lAlliance, dont elle a appel lattention sur la ncessit dagir rapidement, avec la conviction que le thtre des Balkans doit tre considr, non pas comme celui dun jeu somme nulle, mais comme celui dune intervention apportant des dividendes de nature tendre le domaine de la scurit euro-atlantique.

Le Ministre italien des affaires trangres, M. Lamberto Dini, a dclar le 24 mai, lors de la runion ministrielle de lOTAN tenue Florence, que les Balkans nous avaient appris que la scurit et la stabilisation de lensemble de lEurope du sud-est sont des objectifs qui doivent tre poursuivis sur une base rgionale et intgre, et que lItalie avait toujours adopt cette approche de linterdpendance rgionale. Ainsi, lItalie na pas hsit organiser et diriger lOpration Alba au cours du printemps et de lt de 1997. Cette opration mettait gale-ment en jeu, entre autres, des forces du Danemark, de la France, de la Grce, de la Roumanie, de lEspagne et de la Turquie (7000 hommes au total, dont plus de 3 000 Italiens). Rpondant aux souhaits exprims par lOSCE et les Nations Unies, lOpration Alba avait pour mission spcifique de permettre la distribution de laide humanitaire, mais elle tait galement conue et mene dans le but de prvenir une guerre civile et de faire en sorte que les Albanais puissent trouver une solution leur crise politique. Par ailleurs, il importe de se rappeler qualors que se droulait lOpration Alba, lItalie continuait dployer des milliers dhommes en Bosnie, dans le contexte des missions de lIFOR et de la SFOR.

La gense et lvolution de la crise du Kosovo sont encore prsentes tous nos esprits, et point nest besoin de revenir ici sur les phases qui se sont succdes. Je me contenterai de dire que dans ces circonstances galement -dans une situation de violation flagrante des droits de lhomme et des valeurs les plus fondamentales, provoque par une politique dpuration ethnique - lItalie a clairement prvu et mesur les dimensions du dfi qui se prsentait. Elle a non seulement fourni, en mettant disposition des ports et des arodromes, toute la base stratgique et logistique ncessaire au succs des oprations militaires, mais aussi particip aux actions menes avec ses propres moyens. Elle a de plus, ds le dpart, t prsente au sein de la KFOR, laquelle elle a fourni lun de ses plus importants contingents. En rponse la situation durgence apparue Mitrovica, lItalie a envoy des forces supplmentaires, ce qui en a fait longtemps le pays apportant la plus grande contribution militaire au Kosovo. Dans le cadre de la mission de la KFOR, elle dploie prsent un total de 7 500 hommes, dont un contingent en Albanie, o lItalie assure pratiquement seule la prsence de lOTAN. Le contingent italien assure en outre le fonctionnement de laroport de Djadovica, ainsi que celui des liaisons ferroviaires entre Pristina et Skopje. A tout cela viennent sajouter les nombreuses activits menes par les ONG italiennes.

Le contingent que lItalie a envoy dans le secteur occidental du Kosovo qui entoure Pec, contingent sous commandement italien, revt une importance particulire et est hautement apprci de la population locale et des groupes minoritaires pour laide quil apporte sagissant la fois des activits de la vie quotidienne, de lobservance des pratiques religieuses des diverses croyances et de la protection des monuments historiques. Il importe de souligner que cette contribution nest pas seulement dordre militaire et concerne aussi le secteur civil. Comme la dclar Florence M. Dini, au Kosovo, la premire priorit est de crer une zone de scurit pour tous, de favoriser le dveloppement de la socit civile et dinciter les dirigeants adopter graduellement les valeurs que reprsentent les liberts et la dmocratie.

Au Kosovo galement, laction de lItalie est, en politique trangre, guide par les deux phares que sont pour elle lOTAN et lUnion europenne. En fait, lItalie considre que dans les Balkans, il faut semployer la fois dvelopper la dimension de scurit - ce qui est du ressort de lOTAN - et assurer la reconstruction conomique, financire et civile, ce qui est principalement le rle de lUnion europenne. Cette ide vient lappui du systme des institutions interdpendantes et jette les bases ncessaires la poursuite des travaux sur ce qui doit devenir la Dimension europenne de scurit et de dfense. Lun des enseignements tirs de la crise du Kosovo est que lEurope doit prendre en charge les dfis qui se prsentent en matire de scurit. A cet gard, mme sil nous reste un long chemin parcourir pour atteindre notre objectif qui consiste disposer dune capacit militaire europenne de gestion des crises pour conduire les missions requises, en faisant ventuellement appel aux moyens et capacits de lOTAN, litinraire suivre a dj t trac, tout rcemment encore au Conseil europen de Feira.

LItalie nest pas seulement lun des principaux contributeurs de forces au Kosovo; elle vient aussi au troisime rang des pays qui, au niveau mondial, participent aux oprations de paix menes sous les auspices des Nations Unies. De plus, elle se situe au cinquime rang des pays membres des Nations Unies en termes de contributions financires. Le Secrtaire gnral de lONU, M. Kofi Annan, voquant lengagement de lItalie dans les Balkans et au Timor-Oriental, a dclar que lItalie tait, pour les Nations Unies, lEtat membre idal. Lors du dfil militaire national qui a eu lieu Rome en juin dernier, on a pu voir des units des diffrentes missions de paix des Nations Unies effectues avec la participation de lItalie. Je me bornerai citer ici Albatross, au Mozambique, Pellicano, en Albanie, Interfet, au Timor-Oriental, et les diverses missions des Carabiniers au Salvador, au Cambodge, en Somalie, Hbron, en Bosnie, en Albanie et au Guatemala. A ces units sajoutait une reprsentation des forces italiennes dployes dans les Balkans sous les auspices de lOTAN.

En conclusion, lItalie ne croit pas que les Balkans aient un destin inluctable. Nous y trouvons la fois des risques et des chances, et mme cette rgion tourmente est en train dacqurir une vision dynamique de lhistoire, en comprenant quelle na pas seulement un pass, quelle a aussi droit un avenir, et quelle peut se dbarrasser de son image de poudrire du continent pour devenir lune des vitrines de lEurope. Dans cet ordre dides, nous sommes encourags par les signes de changement et douverture qui apparaissent Zagreb et par lamlioration de la situation Sarajevo. Nous esprons que ces dveloppements pourront galement contribuer une volution dmocratique en Serbie, afin que celle-ci puisse, comme lItalie le souhaite ardemment, assumer la position qui lui revient dans le contexte euro-atlantique. Pourtant, la rgion tout entire, dont la Serbie, doit dabord renoncer sa vision pessimiste, qui a fait dire Edmund Stillman que les Balkans sont aux antipodes de loptimisme tranquille, et quils nous apprennent que tout passe, tout casse et tout se dsintgre.

LItalie et lOTAN considrent que la reconstruction civile et conomique des Balkans et laffermissement des valeurs dmocratiques et de la tolrance dans cette rgion sont des devoirs de civilisation. Comme le prsident Ciampi la dclar le 5 mai au Conseil de lAtlantique Nord, si lOTAN est la seule grande alliance militaire avoir survcu aux circonstances qui avaient conduit sa cration, il y a cela une raison profonde qui touche lessence mme des valeurs du monde occidental. Les intrts stratgiques, les valeurs et les intentions qui inspirent ensemble la culture europenne et amricaine et constituent une civilisation euro-amricaine commune nous permettent de nous lancer avec confiance dans les missions qui attendent lOTAN en ce dbut du XXIe sicle.