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Mise à jour: 16-Feb-2000 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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La sécurité, gage d'un avenir meilleur pour le Kosovo, grâce à la KFOR
Lieutenant Général Sir Mike
Jackson
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Dans les jours qui ont suivi l'acceptation par
Belgrade de l'accord de paix et la suspension de la campagne aérienne
alliée, la force pour le Kosovo (KFOR) dirigée par l'OTAN
a entamé son déploiement, afin de sécuriser la province
en vue du retour des réfugiés. Le général
Jackson, commandant de la KFOR, décrit le déploiement rapide
et synchronisé des plus de 40.000 soldats de la KFOR, en provenance
de 39 pays, et les défis auxquels ils sont confrontés pour
aider à restaurer l'ordre, à reconstruire l'infrastructure
ravagée du Kosovo et à accélérer son retour
à la normalité.
La KFOR est entrée au Kosovo à partir de l'ex-République
yougoslave de Macédoine (1) le 12 juin («Jour
J»). Elle se composait d'une force de 20.000 hommes, répartis
en six brigades: quatre brigades dirigées par la France, l'Allemagne,
l'Italie et les Etats-Unis respectivement, ainsi que deux brigades du
Royaume-Uni. Dans les six jours qui ont suivi, tous les éléments
avancés avaient pénétré au Kosovo, dans le
cadre d'une opération ayant exigé une compétence
et un professionnalisme considérables de la part des officiers
et des soldats du QG de la KFOR et des brigades multinationales.
De redoutables défis attendaient la KFOR à son arrivée
au Kosovo. Les forces armées yougoslaves étaient toujours
présentes en grand nombre. L'Armée de libération
du Kosovo (UCK) était, elle aussi, présente, en armes et
bien visible. Des combats étaient toujours en cours. Près
d'un million de personnes avaient fui le Kosovo. Celles qui étaient
restées craignaient quotidiennement pour leur vie. L'eau et l'électricité
étaient rares. Les habitations étaient détruites,
les routes minées, les ponts effondrés, les écoles
et les hôpitaux incapables de fonctionner. Il n'y avait plus d'émissions
de radio ni de télévision. Toute vie normale était
en suspens dans la région.
La priorité immédiate consistait à veiller à
ce qu'aucun vide sécuritaire ne puisse se développer entre
les forces en retraite et celles qui arrivaient, un vide qui aurait pu
être comblé par l'UCK ou tout autre groupe armé. En
onze jours, l'opération aboutit à l'objectif annoncé:
le retrait des forces yougoslaves du Kosovo et leur remplacement par la
KFOR, seule force militaire légitime aux termes de la résolution
1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Tout cela
s'était déroulé dans un environnement instable et
en rapide mutation, où chaque mouvement était épié
et enregistré par les médias du monde entier.
![]() Des membres de la 4 me brigade blinde reoivent un accueil enthousiaste lors de leur entre Urosevac. Ils font partie de la premire vague de soldats britanniques de la KFOR ayant pntr au Kosovo le Jour J, cest- -dire le 12 juin. (photo Reuters - 55Kb) |
Il est utile de retracer brièvement les événements
qui ont conduit à ce Jour J où une action militaire tactique
sur le terrain a soudainement pris le pas sur une apparente impasse stratégique.
Toute percée semblait de plus en plus irréalisable au début
du printemps et nous en étions venus à sérieusement
envisager la possibilité d'opérations hivernales.
Fort heureusement, au cours des dernières semaines du mois de
mai - alors que la campagne aérienne de l'OTAN se poursuivait et
que les pays alliés renforçaient leur présence militaire
dans l'ex-République yougoslave de Macédoine -, le président
finlandais Martti Ahtisaari, l'envoyé de l'Union européenne,
et l'envoyé russe Viktor Tchernomyrdine ont continué leurs
navettes diplomatiques entre Moscou, Helsinki et Belgrade. Les termes
d'un accord de paix élaboré par le G8 (2)
ont été présentés au président Slobodan
Milosevic le 2 juin, et ratifiés le lendemain par le Parlement
serbe et le gouvernement fédéral yougoslave.
Pour la KFOR, cette ratification a été rapidement suivie
par des journées d'intenses discussions avec des représentants
des Forces armées (VJ) et du Ministère de l'intérieur
(MUP) yougoslaves, à Blace et à Kumanovo, sur la frontière
entre la Serbie et l'ex-République yougoslave de Macédoine.
Ces discussions ont abouti le 9 juin à un Accord technico-militaire
(ATM), établissant en détail ce qui devait être en
fait la «relève» des forces yougoslaves battant en
retraite par les troupes de la KFOR prenant leur place.
Un jour plus tard, le 10 juin, le Conseil de sécurité des
Nations Unies adoptait la résolution 1244, officialisant la mission
de la Présence de sécurité internationale fournie
par la KFOR sous la direction de l'OTAN, et de la Présence civile
internationale ou MINUK (Mission d'administration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo).
L'ATM prévoyait un retrait échelonné de toutes les
forces yougoslaves du Kosovo vers la Serbie, depuis trois zones déterminées,
et par quatre points de sortie désignés (voir carte).
Ce retrait devait s'achever dans les onze jours, tout en étant
parfaitement synchronisé avec l'avance des troupes de la KFOR.
Les Yougoslaves ayant demandé un délai de 24 heures supplémentaires,
la VJ a obtenu deux jours pour procéder à ses préparatifs
et au retrait de ses troupes logistiques avant l'entrée de la KFOR,
à cinq heures du matin, le 12 juin.
Le Jour J, la brigade d'encadrement française (BEF) franchissait
la frontière juste au nord de Kumanovo. Sa tâche consistait
à occuper la partie orientale de la Zone 1 autour de Gnjilane,
jusqu'à sa relève par la brigade américaine, puis
à progresser vers le nord, jusqu'à Kosovska Mitrovica, et
à se muer en brigade multinationale (BMN) Nord. Cette brigade intègre
désormais des troupes belges, danoises, russes et des Emirats arabes
unis (EAU).
La 12ème brigade de Panzers allemande, disposant déjà
d'une batterie d'artillerie néerlandaise sous son commandement,
a avancé pour sa part sur deux axes. Empruntant le premier axe,
elle a remonté la Route FOX vers le nord du Kosovo en direction
de ce qui devait constituer l'emplacement de son quartier général
final, à Prizren. Le second axe, emprunté par un bataillon,
traversait l'Albanie en un large mouvement enveloppant vers le sud-ouest,
pour pénétrer au Kosovo par le poste frontière de
Morina, déjà bien connu pour avoir constitué l'un
des principaux points de sortie des réfugiés kosovars albanais
expulsés. Cette brigade porte désormais le nom de BMN (Sud),
dispose d'un quartier général fourni par l'Allemagne et
intègre des troupes autrichiennes, allemandes, néerlandaises,
turques et russes.
La 4ème brigade blindée du Royaume-Uni a été
rejointe juste avant le Jour J par la 5ème brigade aéroportée
britannique, apportant ainsi des forces supplémentaires particulièrement
bienvenues à la KFOR. Le Jour J, la 5ème aéroportée
- composée d'un bataillon de parachutistes et un autre de Gurkhas
- s'est déployée par hélicoptères, afin de
prendre le contrôle du défilé de Kacanik, vital du
point de vue stratégique, sur la Route HAWK. Des éléments
de cette brigade, avec leur quartier général, ont fait ultérieurement
mouvement vers l'aérodrome de Pristina. La 4ème brigade
blindée a été ainsi en mesure de se déployer
vers l'avant, jusqu'au point le plus au nord de la Zone 1, et de prendre
le contrôle de Pristina, la capitale de la province. Le Royaume-Uni
continue à fournir le cadre de ce qui constitue désormais
la BMN (Centre). Avec son quartier général à Pristina,
elle intègre des troupes canadiennes, tchèques, finlandaises,
norvégiennes et suédoises.
Une fois les brigades britanniques et allemandes fermement installées
sur leurs positions, la brigade Garibaldi italienne a traversé
le défilé de Kacanik, en direction de l'ouest dévasté
du Kosovo. Cette brigade constitue désormais le noyau de la BMN
(Ouest) et se compose de forces italiennes, espagnoles et portugaises.
Son quartier général est établi à Pec et est
chargé de la surveillance de la frontière montagneuse avec
l'Albanie et le Monténégro.
La brigade américaine articulée sur la Task Force Falcon
(TFF) a fait mouvement vers l'est du Kosovo le deuxième jour de
l'opération, afin de commencer à relever la BEF qui devait
progresser vers le nord, dans la Zone III. Les Etats-Unis forment désormais
le noyau de la BMN (Est), qui comprend un quartier général
de brigade américain à Gnjilane et des forces américaines,
grecques, polonaises, russes et ukrainiennes.
Le 20 juin, à 17h25, le retrait total des forces yougoslaves était
confirmé, soit plus de six heures avant le délai imparti.
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Tout le monde sait aujourd'hui que les éléments avancés
des troupes britanniques se sont retrouvés face à des soldats
russes à l'aéroport de Pristina, les Russes ayant traversé
la Serbie au départ de la Bosnie. Cette présence a suscité
naturellement une attention considérable de la part des médias
et des milieux politiques, sans pour autant avoir un quelconque effet
sur l'opération.
A la suite de l'accord d'Helsinki du 18 juin, une unité des forces
aériennes russes s'est vu confier la responsabilité conjointe
du fonctionnement de l'aéroport avec un contingent de l'OTAN, responsable
des mouvements aériens. Ces deux forces relèvent de l'autorité
du Directeur de la KFOR pour les opérations aériennes au
Kosovo. Officiellement ouvert au trafic militaire le 26 juin, l'aéroport
de Pristina accueille désormais des vols militaires et humanitaires.
L'essentiel du contingent russe est déployé dans les régions
de Kosovska Kamenica avec la BMN (Est) sous commandement américain,
de Srbica avec la BMN (Nord) sous commandement français, et de
Malisevo et d'Orahovac, avec la BMN (Sud), sous commandement allemand.
Les troupes russes font partie intégrante de la KFOR et nous saluons
chaleureusement leur participation, eu égard au rôle diplomatique
essentiel joué par la Russie dans la recherche d'une solution au
conflit.
Dix minutes après minuit, le 21 juin ou «Jour K» -
juste après l'achèvement du retrait yougoslave -, au quartier
général tactique de la KFOR dans la proche banlieue de Pristina,
Hashim Thaci, le commandant en chef de l'UCK, signait l'Engagement de
démilitarisation et de transformation que j'ai accepté,
au nom de l'OTAN, en qualité de COMKFOR. Cet engagement, qui consacre
la volonté de l'UCK de se conformer aux exigences de démilitarisation
énoncées dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies, traduit également les aspirations de l'UCK à
jouer un rôle au Kosovo. Il a ouvert la voie à une démilitarisation
totale, désormais accomplie.
Le 21 septembre, l'UCK a cessé d'exister. Certains de ses membres
sont réintégrés dans la société, au
titre d'un programme de réinsertion conçu pour offrir aux
anciens soldats les compétences nécessaires à un
emploi dans la vie civile. D'autres se joignent aux recrues de toutes
les communautés pour former le Service de police du Kosovo. Nombre
des anciens membres de l'UCK restants devraient, par ailleurs, se joindre
à un nouveau corps de protection civile pluriethnique, le Corps
de protection du Kosovo, appelé à jouer un rôle important
dans les tâches de reconstruction de la région.
Au moment où je rédige ces lignes, la KFOR se trouve au
Kosovo depuis quinze semaines et des changements spectaculaires sont intervenus
au cours de cette période. Le Kosovo est à présent
très différent de ce qu'il était lorsqu'il nous a
accueilli le 12 juin. La VJ et le MUP se sont retirés, et la KFOR
a pris leur place. La démilitarisation de l'UCK s'est déroulée
conformément aux termes de l'engagement. Plus important encore,
sans nul doute: au cours des premières semaines qui ont suivi l'arrivée
de la KFOR, près de 750.000 personnes sont revenues au Kosovo pour
reconstruire leurs foyers et renouer avec une vie normale, témoignant
ainsi massivement de leur confiance dans la KFOR et les effets de la présence
internationale au Kosovo.
L'arrivée de la KFOR a également coïncidé avec
un rééquilibrage relativement brutal des forces. Le climat
était extrêmement instable. L'avance de la KFOR et le retrait
des forces yougoslaves ont été soigneusement synchronisés,
afin d'éviter tout vide militaire. Il n'empêche qu'il n'a
guère été simple de combler le vide laissé
par le départ de l'administration civile.
La résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations
Unies conférait l'entière responsabilité du Kosovo
à la KFOR jusqu'à l'arrivée de l'Autorité
civile des Nations Unies. Si la KFOR a cherché en tout premier
lieu à restaurer la sécurité et l'ordre public, il
était vital qu'elle commençât à reconstruire
l'infrastructure détruite de la province et qu'elle ouvrît
la voie à un retour rapide à la normalité. Les troupes
de la KFOR ont débarrassé des régions entières
des mines et des munitions non explosées, en accordant la priorité
aux écoles, aux hôpitaux et aux autres bâtiments publics.
Les ponts et les émetteurs de la radio endommagés pendant
le conflit ont été réparés. Grâce aux
ingénieurs militaires, la principale centrale électrique
«Kosovo A» est à nouveau opérationnelle, et
la plupart des lignes de chemin de fer sont rouvertes à la circulation
des trains.
Dans chacune des zones dévolues aux différentes brigades,
des soldats sont chargés de réparer les ambulances et les
camions des pompiers, d'organiser la collecte des déchets et, d'une
manière générale, de remettre en état tous
les services publics vitaux. Comme le rigoureux hiver propre aux Balkans
s'approche à grands pas, la priorité est accordée
aux réparations dont doivent bénéficier les villages
de montagne. Ce sont autant de tâches qui n'incombent pas habituellement
à des militaires. Toutefois, comme l'a révélé,
à Pâques, la crise provoquée par l'afflux de réfugiés
dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, les organisations
internationales ont besoin de temps pour entamer leur action et les militaires
constituent souvent la seule organisation capable de fournir l'appui indispensable
aux premiers stades d'une situation d'urgence.
Mais l'Autorité civile des Nations Unies, la MINUK est à
présent en place. Elle se compose de quatre piliers:
Cette Autorité civile a commencé à prendre le relais
de la KFOR dans de nombreux domaines et, en particulier, la police de
la MINUK commence à assumer des responsabilités de maintien
de l'ordre public dans la région de Pristina. L'existence de forces
de police civiles est essentielle dans toute société démocratique
et la constitution du Service de police du Kosovo, composé de membres
recrutés au niveau local, permettra de franchir une étape
supplémentaire à cet égard.
La phase de manuvres militaires de l'opération est à
présent terminée. La tâche n'a pas été
aisée, mais les officiers et soldats de la KFOR l'ont accomplie
avec beaucoup de professionnalisme, une grande compétence et beaucoup
de persévérance. Plus de 40.000 soldats de la KFOR, en provenance
de 39 pays, sont actuellement déployés au Kosovo. Ils continuent
à assurer la sécurité de l'environnement au sein
duquel les Kosovars peuvent espérer bâtir un avenir meilleur.
Il ne fait aucun doute que de nouveaux défis nous attendent, dans la mesure où le Kosovo aspire à devenir une société authentiquement démocratique, ouverte et libre. L'arrivée de l'hiver est proche et il reste beaucoup à faire. En octobre, je passerai le relais au général Klaus Reinhardt, mon successeur à la tête de la KFOR. Le chapitre suivant de l'histoire du Kosovo s'écrit actuellement. J'espère qu'il aura une fin heureuse: Audentis Fortuna Iuvat.