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L'OTAN et le CICR:
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Quel dénominateur commun peut-il y avoir entre l'OTAN, organisation composée de gouvernements qui ont formé une alliance politico-militaire pour sauvegarder leur liberté et leur sécurité collective, et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), institution non gouvernementale indépendante et impartiale dont la tâche est d'assurer protection et assistance aux victimes de conflits armés et de violence interne?
De toute évidence, c'est la notion de conflit armé qui vient à l'esprit. L'OTAN a été fondée à des fins de dissuasion et de protection contre l'agression militaire (et pour répondre militairement à une attaque, le cas échéant). Elle se consacre de plus en plus, actuellement, à des activités de gestion de crise. Le CICR, dont l'action est fondée sur les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 (1) et leur Protocoles additionnels, a pour objectif de protéger les victimes de conflits armés - les blessés, les malades et les naufragés des forces armées, les prisonniers de guerre et les personnes civiles.
En sa qualité de promoteur et de gardien du droit international humanitaire (2), le CICR a été mandaté par la communauté internationale pour veiller à ce que ce droit soit appliqué par les parties à un conflit. Sa tâche comporte une dimension préventive considérable car le CICR doit encourager les Etats à prendre, en temps de paix déjà, des mesures concrètes pour garantir que les règles du droit international humanitaire soient appliquées en temps de guerre.
On notera à cet égard qu'en signant les Conventions de Genève les cent quatre-vingt huit Etats parties se sont eux-mêmes engagés "...à diffuser le plus largement possible, en temps de paix et en temps de guerre, le texte de ladite Convention dans leurs pays respectifs, et notamment à en incorporer l'étude dans les programmes d'instruction militaire et, si possible, civile, de telle manière que les principes en soient connus de l'ensemble de la population, notamment des forces armées combattantes, du personnel sanitaire et des aumôniers". (Articles 47/I, 48/II, 127/III et 144/IV.)
Né de la guerre, le Comité international de la Croix-Rouge a pour vocation historique de traiter avec les forces armées, que ce soit pour rappeler aux belligérants leurs obligations conventionnelles, pour les soutenir dans leurs efforts nationaux de diffusion du droit humanitaire en temps de paix, ou pour contribuer au développement de ce droit.
Jusqu'à la fin de la Guerre froide, l'approche du CICR à l'égard des forces armées était essentiellement bilatérale, c'est-à-dire que les rapports s'établissaient avec chaque nation séparément. Il n'avait jamais été envisagé de formaliser des relations avec des alliances d'Etats, qu'il s'agisse de l'OTAN ou de ce qui était à l'époque le Pacte de Varsovie. Ceci n'a pas empêché le CICR d'exercer ses activités dans le cadre de conflits dont certains acteurs étaient, individuellement, membres d'une alliance (conflits de Chypre, d'Afghanistan, des Malouines et du Golfe, par exemple). Cela ne l'a pas empêché non plus d'être, à l'occasion, invité à s'exprimer dans le cadre de réunions de l'OTAN ou du Pacte de Varsovie, voire de participer à certains exercices.
Il aura fallu attendre 1988, cependant, pour que les Etats qui avaient été membres du Pacte de Varsovie commencent à manifester un intérêt pour le droit international humanitaire dans les sphères militaires. Le premier exemple a été la Bulgarie, où le CICR organisait sur ce sujet un cours pour officiers au printemps 1989, conjointement avec le ministère de la Défense. Après la chute du mur de Berlin et les événements de décembre 1989, c'est en Roumanie qu'un effort soutenu était entrepris avec le ministère de la Défense et les forces armées. Puis, fin 1990, des délégués du CICR étaient invités à s'exprimer à l'Académie d'état-major de l'armée soviétique à Moscou, dans le cadre d'une réunion des commandants des régions militaires de l'URSS. Depuis, les activités de diffusion du droit international humanitaire menées par le CICR se sont multipliées à travers la Communauté des Etats indépendants (CEI).
En fait, le CICR a une approche universelle dans les efforts qu'il déploie pour faire plus largement connaître le droit international humanitaire aux forces armées des cinq continents. Il convient de noter, en outre, qu'il participe à des cours pour officiers supérieurs à l'Institut de droit international humanitaire de San Remo (Italie) et collabore avec plusieurs organisations régionales, notamment l'Organisation de l'unité africaine.
Des relations plus étroites avec l'OTANLa nécessité de relations plus étroites entre le CICR et l'OTAN s'est fait sentir pendant la période initiale de l'action menée par l'OTAN en Bosnie-Herzégovine pour soutenir la Force de protection des Nations Unies (UNPROFOR). Le CICR était préoccupé par le risque accru de pertes humaines que pouvait entraîner l'intervention de l'OTAN, et notamment par les risques que représentaient pour les populations civiles les effets collatéraux potentiels de toute frappe aérienne. Il fallait également s'assurer que l'OTAN tienne compte de la présence et des activités du personnel et des installations du CICR, en particulier dans les zones contrôlées par les Serbes de Bosnie.Après la signature de l'Accord de Dayton sur la Bosnie et le déploiement de la Force de mise en oeuvre des accords de paix pour la Bosnie (IFOR) dirigée par l'OTAN, les relations entre le CICR et l'OTAN sont entrées dans une nouvelle phase. Leur nature sur le terrain, qui avait été ambiguë durant la période FORPRONU, est devenue beaucoup plus évidente. Non seulement le mandat de l'IFOR et sa chaîne de commandement étaient clairs, mais le rôle attribué par l'Accord de Dayton à chaque organisation selon son mandat allait grandement faciliter la coordination et les relations en général. Étant donné l'importance de ce nouveau partenariat opérationnel, le président du CICR, M. Cornelio Sommaruga, a rendu officiellement visite, au printemps 1996, au Secrétaire général de l'OTAN, M. Javier Solana, ainsi qu'au commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), le général George Joulwan. La nécessité de renforcer la coopération entre les deux institutions sur des questions d'intérêt commun a été réaffirmée à cette occasion. Le CICR juge essentiel que la dimension humanitaire des conflits soit prise en considération au niveau de l'instruction. Il souhaite donc collaborer avec l'OTAN pour encourager l'inclusion de questions humanitaires dans les scénarios d'exercices organisés au sein de l'OTAN ou du Partenariat pour la paix. Conférences à l'école de l'OTAN (SHAPE) et présence à des exercices de maintien de la paix sont également l'occasion pour le CICR d'expliquer in vivo les principes de base de son travail, ses critères d'intervention et la spécificité de son mandat.
Cette relation n'est pas à sens unique et, à la fin de l'année 1996, une délégation du Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE) s'est rendue au siège du CICR à Genève pour discuter des besoins de formation civile et militaire de l'OTAN en matière de connaissance du CICR et du droit international humanitaire, et des cours de formation que l'OTAN pourrait dispenser à des représentants du CICR dans le domaine de la gestion de crise. Sur un plan plus général, le CICR compte sur le développement de sa coopération avec l'OTAN pour favoriser la réflexion autour de thèmes humanitaires qui nous interpellent, tels que les nouveaux types de conflits, le problème des mines terrestres antipersonnel et la mise en oeuvre du droit international humanitaire. Une nouvelle réalité militaire
Plutôt que d'avoir à subir la confusion engendrée par le flou des mandats, où l'on voit des militaires se lancer dans des opérations dites "humanitaires", ne vaudrait-il pas mieux s'attacher à définir plus précisément les tâches des uns et des autres dans le cadre d'une complémentarité bien comprise où chacun joue le rôle qui, en fait, n'est autre que sa raison d'être? Lors d'un séminaire sur les aspects humanitaires du maintien de la paix organisé en 1994 à Budapest, Sir Richard Vincent, qui était à l'époque président du Comité militaire de l'OTAN, exprimant quelques vues personnelles, se demandait si les forces de maintien de la paix avaient un rôle essentiellement humanitaire ou si, dans certaines circonstances, elles pouvaient être appelées à intervenir militairement, par exemple pour aider à l'application de sanctions économiques ou en réponse à une montée de la violence ou une généralisation du conflit. Il déclarait notamment: "Si tel devait être le cas, il s'agit de décider si ces deux rôles - le soutien de l'effort d'assistance humanitaire et l'action militaire - sont compatibles ou s'ils s'excluent mutuellement et agissent à l'encontre de l'objectif plus général de l'effort international global." Nous pensons que cette question reste d'actualité. Pour le Comité international de la Croix-Rouge, l'action humanitaire doit, en toutes circonstances, être clairement distincte de l'action politique et militaire si l'on veut qu'elle soit acceptable aux yeux de toutes les parties à un conflit. Cette dissociation ne fait en rien obstacle à la poursuite d'une coopération entre l'OTAN et le CICR; au contraire, elle suppose, de la part des deux organisations, une compréhension mutuelle encore plus poussée de leurs rôles respectifs, et ne peut que renforcer leur partenariat au service des victimes de conflits armés.
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