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Approfondir et élargir l'OTAN?Frits Bolkestein
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L'Union européenne n'est pas la seule à devoir se
poser les questions de l'«approfondissement» et de
l'«élargissement»; l'OTAN y est
également confrontée. Mais avant tout
élargissement, l'Alliance devra montrer qu'elle demeure
une organisation irremplaçable dans le nouvel
environnement de sécurité. Elle devra
«approfondir» la gamme de ses activités en se
dotant d'un nouveau rôle d'organisation de
sécurité collective. Nombreux sont ceux qui voient
l'opération de la Force de mise en oeuvre en Bosnie
(l'IFOR) comme un test qui déterminera le sort de l'OTAN.
Il ne s'ensuit pas pour autant que sa vocation essentielle
d'organisation de défense collective n'a plus lieu
d'être. L'Article 5 du Traité de l'Atlantique Nord,
par lequel les Etats membres s'engagent à se
défendre mutuellement, est et reste le pilier de l'OTAN.
Si la défense collective demeure la fonction centrale de l'Alliance, c'est surtout parce qu'aucun pays européen ne peut se défendre valablement seul. En dépit d'un certain desintérêt pour l'Alliance, l'Occident continue d'apprécier, en matière de sécurité, la protection du parapluie de l'OTAN. Deuxièmement, il n'existe pas encore de politique européenne forte dans le domaine de la sécurité. Les résultats qui ont été obtenus depuis 1991 concernant le «second pilier» prévu par le Traité de Maastricht, c'est-à-dire la «politique étrangère et de sécurité commune», n'ont rien d'impressionnant. Or, une politique étrangère et de sécurité est une nécessité absolue si l'Europe veut jouer un rôle en dehors du cadre de l'OTAN. Troisièmement, l'OTAN est la seule organisation politique et militaire internationale ayant une structure militaire intégrée, ce qui est la condition sine qua non de toute action militaire efficace. Faute d'une telle structure, l'Union de l'Europe occidentale (UEO) ne pourra jamais être une solution de remplacement crédible. Quatrièmement, c'est grâce à l'OTAN que les Etats-Unis restent engagés en Europe. Sans leur contribution, sur le plan tant qualitatif que quantitatif, l'OTAN perdrait beaucoup de son efficacité et de sa crédibilité. La stabilité du continent européen serait mise en péril, puisque la participation américaine (en termes de forces conventionnelles comme de forces nucléaires) est le seul contrepoids crédible à la Russie. Enfin tant que l'OTAN gardera un rôle prépondérant, la question de la primauté au sein d'une organisation européenne de sécurité ne suscitera pas de conflits. En effet, aucune des grandes puissances européennes ne serait naturellement en mesure d'assurer ce rôle. Si les pays européens sont prêts à assumer de plus lourdes responsabilités en investissant davantage dans l'OTAN, de leur côté, les Etats-Unis seront prêts non seulement à considérer leurs alliés européens comme des «partenaires égaux», mais aussi à les traiter comme tels.
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Le rôle de la FranceLa décision récente de la France de prendre pleinement part aux travaux du Comité militaire et de reprendre sa place lors des réunions des ministres de la défense est une initiative importante, qui renforce le rôle de l'OTAN comme organisation européenne de sécurité. Maintenant que la France a également annoncé une réorganisation radicale de ses forces armées, comportant notamment la création d'une force de réaction rapide professionnelle de quelque 60 000 hommes, on peut espérer qu'elle mettra aussi ces troupes à la disposition de l'OTAN. Dans ce cas, il sera logique de mieux partager les responsabilités au sein de l'Alliance. J'ai souvent insisté, au Parlement néerlandais ou ailleurs, sur le fait que le poste militaire le plus élevé dans la zone européenne de l'OTAN - celui de Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) - devrait revenir à un Européen. Le Secrétaire général de l'OTAN pourrait alors être un Américain ou un Canadien. Si cette formule pouvait convaincre la France (et peut-être d'autres pays, comme l'Espagne) de contribuer davantage au renforcement de l'efficacité politique de l'OTAN, elle devrait être examinée de près.Le concept des GFIMLe conflit en Bosnie a montré que l'OTAN est la seule organisation capable de conduire des opérations de paix complexes. Elle n'est pas un «salon politique», mais une organisation de défense efficace. C'est avant tout au travers de l'OTAN que la sécurité est assurée en Europe. Si l'Union européenne décidait d'engager une action militaire collective, elle pourrait faire appel aux membres de l'UEO qui sont aussi membres de l'OTAN. Le nouveau concept des Groupes de forces interarmées multinationales, conçu précisément à cette fin, rend cette option possible.Cette approche évite d'ébranler l'OTAN en permettant des actions militaires européennes collectives, en évitant des doubles emplois coûteux dans le domaine de la sécurité, et en assurant le maintien de l'engagement des Etats-Unis en Europe. L'Europe doit faire fond sur ce qui existe à l'heure actuelle, en l'occurrence l'OTAN. C'est cette Organisation qui doit constituer la base de notre sécurité et de notre stabilité collectives. Il en résulte également pour tous les Etats membres l'obligation d'assurer le succès du concept des GFIM.
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L'élargissement de l'OTANEn décembre, le Conseil de l'Atlantique Nord devrait prendre de nouvelles décisions sur les modalités de l'élargissement de l'OTAN. L'admission de nouveaux membres dans l'Alliance doit cependant être envisagée avec circonspection. En effet, agir dans la précipitation fausserait le sens même de l'adhésion. Et, de toute façon, rien ne presse.Pour la première fois depuis des siècles, en effet, la position géopolitique de la Pologne n'est contestée par personne, et aucun autre Etat candidat à l'adhésion n'est menacé, directement ou indirectement. Mais il faut surtout que les actuels pays membres parviennent à un consensus sur l'élargissement. Nous ne devons donner aucune garantie que nous ne voudrons ou ne pourrons respecter. L'histoire récente a montré où cela nous conduirait. Nul ne gagnerait à des adhésions pour les périodes fastes et un statut de membres au rabais, destiné à permettre à des candidats d'accéder plus rapidement à l'Alliance, affaiblirait celle-ci. De surcroît, la Russie ne comprendrait pas cette distinction. La différence entre adhésion de plein droit et adhésion restreinte est rapidement balayée par la rhétorique politique. C'est pourquoi ceux qui nous rejoindront devront devenir membres à part entière, avec tous les droits et obligations prévus par le Traité de Washington. Pour moi, trois conditions importantes doivent être remplies pour qu'un pays accède à l'OTAN. Premièrement, tous les pays membres actuels doivent être prêts à accepter les pays candidats. L'OTAN reste fondée sur le consensus. Deuxièmement, le processus d'élargissement devrait renforcer la stabilité et la sécurité en Europe. Les relations avec la Russie, qui demeure la plus grande puissance militaire du continent européen, revêtent à cet égard une importance primordiale. La récente visite à Moscou de M. Javier Solana, Secrétaire général de l'OTAN, a bien montré, une fois encore, que les relations avec la Russie pourraient être sérieusement remises en cause si le processus d'élargissement n'était pas abordé avec prudence. La troisième condition est que les nouveaux pays membres satisfassent à un certain nombre de critères d'admission.
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La cohésion interne
Si l'Allemagne est nettement favorable à une adhésion de ces pays dans les meilleurs délais, c'est pour des raisons de sécurité. En effet, elle veut étendre la zone de stabilité le plus à l'est possible. M. Volker Rühe ministre allemand de la défense, a indiqué à plusieurs reprises qu'une Europe centrale stable est d'un intérêt capital pour l'Allemagne. Elle l'est aussi, bien entendu, pour tous les Occidentaux, si nous voulons éviter que l'Allemagne ne fasse cavalier seul en cas d'instabilité à sa frontière orientale. Cependant, lors de la Wehrkunde Tagung, qui s'est tenue en février dernier, le chancelier Kohl a lancé une mise en garde contre une extension trop rapide de l'Alliance, ajoutant que «l'Occident doit prendre en considération la position de la Russie. Ceux qui traiteront cette question à la légère se retrouveront dans une impasse.» Je souscris sans réserve à cette affirmation. Il importe par-dessus tout que l'ensemble des pays membres de l'OTAN soient d'accord sur l'adhésion des nouveaux membres. En effet, dans le cas où les pays de l'OTAN inviteraient un pays candidat à rejoindre l'Alliance, sans avoir sérieusement examiné la question de savoir s'ils seraient prêts à le défendre, l'Organisation pourrait s'en trouver affaiblie. L'importance des implications politiques et sociales de l'aide fournie en matière de défense est bien apparue lors de la crise du Golfe, en décembre 1990. Les forces aériennes allemandes, qui faisaient partie de la force mobile du Commandement allié en Europe (CAE), ont été déployées afin de protéger l'espace aérien turc. Or, cette mission en Turquie n'a pas été bien perçue partout, et elle a suscité un vif débat en Allemagne, en particulier dans les milieux militaires. Avant d'aller vers un élargissement de l'Alliance, les pays membres devront donc répondre à la question fondamentale de savoir s'ils sont prêts à accepter les risques qui en découlent. Leur déclaration d'intention ne doit pas rester limitée aux salles de conférence de Bruxelles. En effet, ces nouvelles obligations ne seront pas seulement assorties d'énormes charges financières, mais elles pourraient aussi entraîner le déploiement de forces armées bien au-delà de leur territoire, avec tous les risques que cela comporte. Le débat sur cette question - principalement au sein des Etats membres - ne doit pas être éludé, et il doit avoir lieu, en tout état de cause, bien avant que ne commence la procédure de ratification parlementaire.
L'élargissement et la stabilité européenneEn 1994, M. Egon Bahr, ancien membre du SPD et coauteur de l'Ostpolitik allemande, avait déclaré lors d'une conférence à la Vrije Universiteit d'Amsterdam qu'il n'y aurait pas de stabilité en Europe si la Russie était exclue. Elargir l'OTAN en invoquant uniquement des arguments d'ordre moral serait donc une erreur, mais il ne s'ensuit pas pour autant que l'on doive accorder un droit de veto à la Russie. Cela signifie qu'il faut prendre l'attitude russe suffisamment au sérieux pour faire, le cas échéant, certaines concessions. C'est pourquoi, selon moi, il y a peu de chances que l'adhésion des Etats baltes ou de l'Ukraine puisse être sérieusement envisagée à court terme.La déclaration de M. Pavel Gratchev, ministre russe de la Défense, selon laquelle un élargissement de l'OTAN entraînerait une remise en service des armes nucléaires à courte portée de la Russie et une suspension de l'application des traités de désarmement, montre bien le caractère sensible de ce sujet pour Moscou. Si le gouvernement russe n'appliquait pas totalement le Traité START I et le Traité sur les FCE, ou si la Douma ne ratifiait pas le Traité START II, la sécurité européenne s'en trouverait menacée. Par conséquent, il est important que le statut de grande puissance européenne de la Russie se traduise par une nouvelle relation entre ce pays et l'OTAN. La Russie est un des 27 pays signataires du programme du Partenariat pour la paix (PfP) de l'OTAN, mais la coopération avec elle a déjà dépassé les limites du PfP. La possibilité d'atteindre l'objectif de l'élargissement de l'OTAN tout en maintenant de bonnes relations avec la Russie (et en contribuant donc directement à la stabilité sur le continent) dépendra de l'habileté politique des Etats-Unis et de l'Allemagne (et, dans une moindre mesure, de celle des autres pays européens). M. Sam Nunn, sénateur américain et spécialiste des affaires de défense, a souligné la nécessité d'adopter une approche prudente. Il reste que le processus d'élargissement pourrait être accéléré à tout moment s'il devenait urgent de le faire en raison d'une menace, attitude que les pays d'Europe centrale et orientale devraient comprendre. Un élargissement de l'OTAN qui réduirait la sécurité en Europe ne serait avantageux pour personne. Les critères d'admission
Quoi qu'il en soit, l'Etude sur l'élargissement de l'OTAN publiée à l'automne dernier définit les critères que les nouveaux membres doivent respecter s'ils veulent rejoindre l'Alliance. Il s'agit, par le biais de ces critères, d'inciter les pays candidats à harmoniser leurs politiques de sécurité et de défense avec celles de l'Alliance. En se conformant à certaines exigences imposées en ce qui concerne les principes ainsi que la structure et le contrôle des forces armées, les pays seront en mesure de renforcer l'efficacité opérationnelle de l'OTAN dès le lendemain de leur adhésion. Les nouveaux membres ne doivent pas être seulement consommateurs de sécurité, ils doivent aussi être producteurs. Il faudra également qu'ils aient mis de côté leurs conflits, régionaux ou bilatéraux, afin d'éviter que l'OTAN n'importe des conflits en même temps que de nouveaux membres. Cependant, l'étude oublie de mentionner un point très important, à savoir que l'opinion publique et parlementaire des «nouveaux» pays membres doit peser fortement en faveur de l'adhésion à l'OTAN. A cet égard, la question de l'adhésion de l'Espagne à l'OTAN peut être prise en exemple, puisque elle a finalement été tranchée par référendum. Une consultation populaire de ce genre pourrait être organisée dans les pays où cet instrument politique existe.
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