Edition Web
|
Le Portugal et l'OTAN rénovéeJaime Gama
|
![]() |
M. Gama (à gauche), aux côtés de M. Javier Solana, Secrétaire général de l'OTAN (Photo OTAN / 42Kb) |
Membre fondateur de l'OTAN, le Portugal a toujours été
attaché à l'Alliance. Ces deux dernières
décennies ont été particulièrement
importantes, puisqu'il a trouvé sa juste place au sein de
la communauté transatlantique.
C'est ce que montrent la participation active du Portugal aux réflexions politiques en cours à l'OTAN ainsi que l'appartenance du pays au Conseil de l'Europe, à l'Union européenne et à l'Union de l'Europe occidentale. Le Portugal a donc été associé aux principaux débats de l'Alliance qui ont précédé et suivi la fin de la Guerre froide. L'OTAN se trouve aujourd'hui dans un environnement de sécurité nouveau - que certains qualifieraient d'imprévisible. A partir du Sommet de Londres de 1990, puis avec l'adoption de son nouveau Concept stratégique en 1991, l'Alliance a entamé un processus d'adaptation qui a culminé avec l'ambitieux projet de réforme et d'élargissement exposé dans la déclaration du Sommet de Bruxelles de 1994.(1) Les changements survenus au sein de l'Alliance sont bien visibles de tous. S'appuyant sur sa structure de défense collective - qui demeure essentielle pour tous ses membres - l'OTAN a créé le Partenariat pour la paix (PfP) et mis au point sa capacité de mener de nouvelles missions. Dans le même temps, elle a soutenu la définition progressive d'une identité européenne de sécurité et de défense et renforcé le lien transatlantique. En outre, l'élargissement futur de l'Organisation est bien engagé. La nouvelle OTAN va devenir un plus grand facteur de stabilité pour l'ensemble de l'Europe et pour les régions voisines de la Méditerranée en servant de forum d'échanges politiques et en se préparant à des missions de gestion de crise et de maintien de la paix sous les auspices des Nations unies ou de l'OSCE. Il est vrai que l'Alliance regarde encore à l'est. Mais alors qu'autrefois, notre attention était concentrée sur l'Union soviétique et le Pacte de Varsovie, nous nous trouvons maintenant devant une perspective nouvelle, ouverte par la volonté d'établir une relation solide et coopérative avec la Russie et d'accueillir au sein de l'OTAN de nouveaux pays d'Europe centrale et orientale qui ont le désir et la capacité d'en devenir membres. Il s'agira, d'autre part, d'encourager le PfP et un large éventail de consultations politiques sous l'égide du Conseil de coopération nord-atlantique. Malgré tout, cette évolution considérable ne devrait pas détourner l'OTAN de son fondement essentiel - sa dimension transatlantique. L'intérêt que les Etats-Unis et le Canada continuent de porter à l'Europe est le fait de l'Alliance. Et le Portugal, comme ses alliés européens, attache la plus grande importance à la préservation de cet engagement. Nos alliés nord-américains jouent encore un rôle déterminant dans notre sécurité collective, non qu'il existe une menace extérieure immédiate, mais parce que leur participation reste essentielle à la sécurité et à la stabilité de l'Europe. Si le tragique conflit en ex-Yougoslavie nous a enseigné quelque chose, c'est bien que nous ne pouvons espérer faire face à des crises européennes majeures que grâce à des actions conjointes. L'engagement des Etats-Unis en faveur de la sécurité de l'Europe, prise dans son sens le plus large, est également la pierre angulaire d'une communauté qui reconnaît les mêmes valeurs humaines et politiques et a les moyens d'exercer son influence positive à une échelle plus vaste dans le monde. En effet, le lien transatlantique offre à l'OTAN une occasion unique d'agir en Europe et dans les régions périphériques et d'examiner le potentiel - encore quasiment inexploité - d'établissement de relations plus étroites avec l'Afrique et l'Amérique du sud dans le domaine de la sécurité et de la défense.
|
Le rôle de l'EuropeCela ne veut pas dire que les Alliés européens ne soient pas appelés à assumer plus pleinement la responsabilité de leur défense. Le long chemin qui conduit à l'intégration politique européenne nous a menés très loin depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il est bien compréhensible que les Européens désirent définir leur propre identité de sécurité et de défense - comme l'a reconnu l'OTAN lors du Sommet de 1994. L'Union européenne débat actuellement, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale en cours, des moyens d'être davantage prise en compte à l'extérieur et de renforcer l'efficacité de sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC).Dans le même temps, l'UEO a beaucoup oeuvré à la mise sur pied de ses propres capacités opérationnelles. L'accord intervenu à la récente réunion ministérielle de l'OTAN, à Berlin, sur le concept de Groupes de forces interarmées multinationales (GFIM) assurera plus de souplesse dans l'emploi des ressources et des moyens de l'OTAN lors d'opérations susceptibles d'inclure des pays du PfP mais de ne pas constituer une priorité nationale pour certains de ses membres - en l'occurrence, les Etats-Unis. D'autres grands événements sont également d'actualité. Ainsi, la France a amorcé un rapprochement historique de la structure militaire de l'OTAN. Cette politique, dont le Portugal se félicite vivement, a élargi le champ de réforme de l'OTAN et aidera à consolider le pilier européen au sein de l'Alliance. En outre, plusieurs pays européens ont lancé des initiatives multinationales dans les domaines de la coopération en matière d'armement, de la sécurité et de la défense. Le Corps européen, l'EUROFOR et l'EUROMARFOR (2) n'en sont que quelques exemples. Les pièces du puzzle se mettent donc en place. L'heure est venue, pour l'Alliance, l'UEO et l'Union européenne de montrer, ensemble, que l'identité européenne de sécurité et de défense sera bénéfique, et non préjudiciable, à l'architecture de sécurité de l'Europe. Nous sommes profondément convaincus qu'en définitive, le résultat global de ce processus, certes complexe - mais dont les éléments se renforcent mutuellement - devrait être un ensemble harmonisé d'institutions solides ayant des objectifs et des points de vue communs, évitant les doubles emplois inutiles et doté d'une grande souplesse pour pouvoir faire face à des défis multiples. Pour sa part, le Portugal mettra évidemment tout en oeuvre pour que ces objectifs soient atteints. C'est dans cet esprit qu'il a orienté sa présidence du Forum transatlantique de l'UEO - et notamment du Séminaire de Lisbonne, en mai, ainsi que de la Conférence de Washington, à laquelle participaient des membres et du personnel du Congrès américain et qui vise à faire mieux connaître du public nord-américain la contribution européenne à l'effort de défense allié. C'est aussi dans ce sens que le Portugal participe aux débats actuels au sein de l'OTAN et de l'Union européenne.
|
La contribution du PortugalLa politique de sécurité du Portugal a elle aussi été profondément remaniée, de façon à ce qu'elle demeure adaptée à cette époque de changement permanent. Nos priorités sont avant tout liées à l'OTAN.Notre contribution nationale à l'effort de défense allié s'est considérablement accrue au cours de ces dernières décennies. Etant donné sa situation géographique et sa vocation atlantique traditionnelle, le Portugal constitue un cas unique, ce qui permet à l'OTAN de tirer pleinement parti de sa position stratégique. Une très grande partie de ses forces navales et aériennes ont accompli des missions OTAN dans l'Atlantique nord, assurant la protection des voies maritimes et aériennes pour le renforcement de l'Europe; le Portugal a également affecté des forces terrestres et aériennes à la défense de l'Europe sous la responsabilité du SACEUR, et la base aérienne de Lajes, dans les Açores, continue d'être un bon exemple de la coopération alliée. Notre participation à la Force de mise en oeuvre (IFOR) en Bosnie mérite une mention particulière. Le bataillon portugais d'infanterie aéroportée qui y est déployé compte près de mille hommes, ce qui, proportionnellement place le Portugal parmi les pays qui contribuent le plus largement à l'IFOR. Du point de vue purement national, l'IFOR a constitué un nouveau type de mission pour nos forces armées, que le gouvernement compte transformer en armée de métier. L'opération menée par l'IFOR a marqué une ère nouvelle dans la vie de l'Alliance, démontrant sa capacité de faire face à des situations ne relevant pas de l'Article 5 - autrement dit, se produisant en dehors du territoire des Alliés - et elle a apporté la preuve du bien-fondé du PfP. L'intervention internationale, autorisée par le Conseil de sécurité des Nations unies et conduite par l'OTAN, a répondu à la demande d'action immédiate afin de mettre fin à un conflit tragique. C'est une question de survie pour les populations concernées, de respect des droits fondamentaux et des principes du droit international; c'est une juste cause. Le Portugal, agissant en tant que membre de l'OTAN et sur la base d'un large consensus intérieur, s'efforce d'assumer au mieux sa part de l'opération. Au sein de l'UEO, le Portugal a orienté sa présidence, au cours du premier trimestre 1995, vers le développement des capacités opérationnelles de cette Organisation, afin de lui permettre d'accomplir toute la gamme des tâches de prévention des conflits et de maintien de la paix relevant des missions dites «de Petersberg». Par ailleurs, il s'est engagé en ex-Yougoslavie dans le cadre de l'UEO, en participant à la force de police de l'UEO à Mostar, à la mission d'application des sanctions sur le Danube et à l'opération Sharp Guard, conduite conjointement par l'UEO et l'OTAN, avec des ressources aériennes et navales. Le Portugal a également rejoint les «Euroforces» (EUROFOR et EUROMARFOR), dès leur création, avec la France, l'Italie et l'Espagne, à Lisbonne, le 15 mai 1995, et il a signé le protocole d'adhésion officiel le 7 mai 1996 à Birmingham. Ces forces multinationales, qui ont pour but de contribuer à l'élaboration de l'identité européenne de sécurité et de défense, ont été déclarées «forces relevant de l'UEO» et pourraient également être affectées à l'OTAN. En outre, le Portugal a assumé un rôle plus actif dans des opérations de maintien de la paix des Nations unies en Angola, au Mozambique et, plus récemment au Sahara occidental, avec la nomination d'un chef d'unité portugais à la MINURSO. Nous nous efforçons ainsi de faire preuve de solidarité avec les Nations unies, notamment dans des régions du monde avec lesquelles le Portugal entretient des relations particulières et où il a donc la possibilité d'apporter une «valeur ajoutée» aux efforts de paix internationaux. Il s'agit là d'une politique qui sera poursuivie.
|
Une réforme audacieuse et pragmatiqueTous les Alliés sont bien conscients qu'il faudra affronter de nombreux défis à mesure que se mettra en place la nouvelle OTAN. C'est un des grands motifs qui ont inspiré plusieurs sections importantes de ce qu'on pourrait appeler la «conférence intergouvernementale» de l'OTAN, à savoir l'Etude à long terme. Les seize Alliés ont entrepris cet exercice afin d'adapter les structures de l'OTAN au contexte de sécurité d'aujourd'hui et de l'avenir prévisible. Bien entendu, l'élargissement de l'Alliance viendra s'y ajouter. Le Portugal est de ceux qui pensent que le changement fait partie de la vie et que, par conséquent, l'OTAN doit évoluer et se développer.Cependant, cette révision d'ensemble de la structure militaire alliée ne doit pas négliger certaines réalités irréfutables dont il faudra tenir compte dans l'Etude à long terme. Premièrement, la réforme de l'OTAN survient à un moment où la plupart des gouvernements se débattent avec des ressources budgétaires plus serrées que jamais et où l'opinion publique est de plus en plus préoccupée par les problèmes sociaux et économiques. Deuxièmement, le sentiment général est que les grands principes politiques et militaires qui ont orienté l'Alliance jusqu'à présent ont donné de bons résultats. Autrement dit, si l'on veut que l'adaptation et la réforme soient réussies, l'OTAN doit faire preuve à la fois d'audace et de pragmatisme. Ce qui suppose que l'on préserve les atouts de l'Alliance, et même que l'on en tire encore un meilleur parti. Or nous disposons des outils nécessaires pour le faire. L'IBERLANT - le commandement ibéro-atlantique - est un bon exemple. Ce Haut commande ment subordonné (MSC) du Commandement allié de l'Atlantique (ACLANT) occupe une position unique dans une Alliance qui n'est plus seulement centrée sur l'Europe et sur les menaces que faisaient peser sur elle ses anciens adversaires. C'est, après tout, le commandement le plus méridional de l'Alliance dans l'Atlantique. Il est chargé de la zone essentielle qui relie l'Europe et l'Amérique du nord à d'autres continents présentant un intérêt tout particulier pour nous tous. Le triangle formé par le Portugal, les Açores et Madère confère à l'IBERLANT une importance stratégique accrue. Inauguré en 1971, l'Oeiras, le commandement de Lisbonne (transformé en MSC en 1982) a joué un grand rôle pendant la Guerre froide. Il couvrait la partie méridionale de l'Atlantique - voie maritime vitale pour le réapprovisionnement de l'Europe - ainsi que les approches de la Méditerranée. Deux éléments qui restent pertinents aujourd'hui.
Nous ne devrions pas oublier, non plus, que l'initiative méditerranéenne de l'OTAN, qui vient d'être lancée, pourrait se développer largement et déboucher sur un partenariat plus fécond incluant des exercices et des entraînements conjoints. Et il se pourrait qu'un jour le PfP ou un système analogue soit étendu à cette région. Du fait de sa proximité, l'IBERLANT est particulièrement bien placé pour jouer un rôle dans cette coopération, qui pourrait contribuer à la stabilisation de la frange méridionale de la Méditerranée. Le Portugal souhaite participer à la modernisation et au perfectionnement technique et logistique de l'IBERLANT, pour le doter des ressources de C4I les plus récentes (commandement, contrôle, communications, ordinateurs et information). Mais le plus important, peut-être, c'est que nous sommes déterminés à ajouter une capacité efficace d'opérations conjointes au commandement d'Oeiras dans le domaine du commandement et du contrôle de forces terrestres et aériennes qui viendraient s'ajouter à ce qui existe pour les forces navales. Ces réflexions m'amènent à une autre conclusion - à savoir que l'IBERLANT est prêt à devenir l'interface entre l'ACLANT et le CAE (Commandement allié en Europe) dans le cadre d'un concept élargi de responsabilités communes. Offrant une passerelle entre deux Grands commandements de l'OTAN, l'IBERLANT devra inévitablement voir sa pertinence confirmée tout au long du débat sur l'adaptation de la structure militaire de l'OTAN.
|