Edition Web
Vol. 44- No. 3
Mai 1996
p. 21-24
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Le rôle
de l'UEO dans le nouvel
environnement stratégique
Sir John Goulden
Représentant permanent du
Royaume-Uni au Conseil de
l'Atlantique nord et au Conseil de l'Union
Dans le nouvel environnement stratégique, les forces militaires
de l'OTAN risauent fort d'être de plus en plus appelées à
participer à des opérations de paix et d'assistance humanitaire,
comme en Bosnie. Mais si l'Alliance doit conserver un rôle dé,
on ne peut s'attendre à ce qu'elle dirige toutes les opérations.
Dans certains cas, l'Europe devrait en assumer plus directement la charge
et dans ce cas, l'UEO serait particulièrement bien placée
pour prendre en main l'aspect politique des choses. L'objectif spécifique
de la Grande-Bretaane, durant sa présidence de l'UEO, consiste
à préparer l'organisation à des tâches nouvelles,
notamment dans le domaine des missions humanitaires et de sauvetage. La
Grande-Bretagne admet également que l'Union européenne a
une contribution essentielle à apporter à la sécurité
non-militaire. Mais la fusion de l'UEO et de l'UE dresserait de nouveaux
obstacles à l'accession des pays d'Europe centrale à l'Union,
augmenterait les craintes de la Russie et marginaliserait certains alliés
de l'OTAN.
Le Royaume-Uni, qui occupe actuellement la présidence de l'Union
de l'Europe occidentale (UEO), est lié de longue date à
cet organisme. En effet, la Grande-Bretagne en a été un
des membres fondateurs et Londres l'a accueilli pendant près de
quarante ans. Elle a également été au cur de
la réactivation de l'UEO dans le milieu des années 80.
L'attachement du Royaume-Uni à l'UEO reflète son profond
engagement en ce qui concerne la sécurité et la stabilité
en Europe et au-delà. A titre d'illustration, l'année dernière,
la Grande-Bretagne a été le pays qui, à lui seul,
a contribué le plus largement aux opérations de maintien
de la paix des Nations unies dans le monde.
Notre contribution à la Force de mise en uvre dirigée
par l'OTAN (IFOR) en Bosnie, dont le déploiement a commencé
en décembre, est constituée de quelque 13 000 hommes. Ce
qui représente un effort bien plus grand, en termes de population,
de part du PNB ou de fraction de nos forces armées, que ceux produits
par les autres pays. C'est parce que nous attachons une importance primordiale
à nos responsabilités en matière de défense
que la Grande-Bretagne s'intéresse tant à l'avenir des institutions
de sécurité dont elle fait partie.
L'objectif global de notre présidence de l'UEO est d'aider à
créer, pour l'Europe, des arrangements de défense et de
sécurité auxquels nos citoyens pourront se fier. Ils doivent
donc être crédibles et concrets. Qui plus est, ils doivent
être fonctionnels et en rapport avec les véritables défis
à la sécurité auxquels nous serons confrontés
dans les années à venir, et non seulement répondre
à un désir de clarté bureaucratique ou institutionnelle.
Trois grands défis
Quels sont-ils? Pour ma part, j'en vois trois.
- Premièrement, le maintien de notre capacité de
défense et de la cohésion de la communauté
atlantique; la défense collective à travers l'OTAN
demeure le meilleur moyen d'y parvenir;
- Deuxièmement, la création d'une Europe libre et
sans exclusion. Ce qui signifie qu'il faut étendre à
l'est la stabilité et la prospérité que nous
avons si longtemps jugée toute naturelle en Europe de l'ouest,
tout en nous protégeant contre l'apparition de nouvelles
divisions;
- Troisièmement, la promotion de la sécurité
ailleurs dans la région et dans le monde. L'histoire, la
culture et le commerce ont tissé des liens entre l'Europe
et presque toutes les parties du globe: de la Méditerranée
à l'Extrême-Orient, de l'Afrique à l'Amérique
latine.
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Ces trois grandes tâches constituent un vaste programme. De quels
instruments avons-nous besoin?
L'OTAN et la présence américaine en Europe demeurent le
fondement de notre sécurité commune. Nous devons conserver
une Alliance forte, tant à des fins de défense collective
qu'en vue d'opérations nouvelles, comme celle de l'IFOR, qui ne
sont possibles que grâce à la présence des troupes
américaines et des troupes européennes sur le terrain. En
outre, l'Alliance tirera une force nouvelle de la décision de la
France de participer plus pleinement à une OTAN adaptée.
Il s'agit d'une occasion importante, dont nous nous félicitons
vivement.
L'Alliance a aussi un rôle central à jouer dans l'extension
de la stabilité à l'est. Dans cette optique, le Partenariat
pour la paix (PfP) a extraordinairement bien réussi à faire
coopérer d'ancien adversaires - et à les préparer,
comme en Bosnie, à des opérations conjointes.
Pour certains pays, la participation au PfP débouchera, en fin
de compte, sur l'adhésion à l'Alliance. C'est un engagement.
Mais l'élargissement n'est pas une panacée; il ne pourra
ni englober tous les pays ni répondre à tous les besoins
en matière de sécurité. Il implique également
un énorme engagement pour les nouveaux membres comme pour l'Alliance,
parce que l'OTAN est un organisme politique et militaire, et non pas une
société d'organisation de débats.
Ce processus doit donc être traité avec mesure et dans la
transparence, comme un puissant outil parmi d'autres pour construire une
Europe élargie et plus sûre, à laquelle nous aspirons.
L'élargissement se fera, mais il ne menacera personne. Et nous
voulons qu'il aille de concert avec la poursuite d'un PfP vigoureux et
avec l'approfondissement d'un partenariat spécial avec la Russie
et l'Ukraine.
Des rôles nouveaux pour l'OTAN et l'UEO
Le nouvel environnement stratégique crée de nouvelles demandes
et
de nouvelles menaces. Dans l'avenir, il est probable que nos forces armées
servent à empêcher des tensions de dégénérer
en guerre, à maintenir la paix pendant que l'on essaie d'apporter
une solution politique à un conflit, ou à protéger
les approvisionnements qui, dans le cadre de missions humanitaires, permettent
à des populations de survivre et d'espérer. Et sans doute
le feront-elles en coopération avec les forces d'autres pays. Ce
qui s'est passé dans l'ex-Yougoslavie l'illustre bien.
Dans nombre de ces domaines, l'OTAN aura un rôle à jouer,
mais nous ne pouvons et ne devons pas nous attendre à ce que ce
qu'elle assure le rôle directeur de toutes les opérations.
Il y aura des crises lors desquelles, pour diverses raisons, les intérêts
européens seront nettement plus en jeu que ceux de nos alliés
nord-américains. Il arrivera que l'Europe apporte la plus grosse
contribution à une opération de l'OTAN, comme en Bosnie
où près des deux tiers des troupes de l'IFOR sont constitués
d'Européens.
Mais l'Europe peut aussi, parfois, assumer plus directement les charges
en organisant elle-même des opérations de moindre envergure.
C'est bien ce qu'ont prévu les chefs d'Etat et de gouvernement
de l'OTAN en janvier 1994, lorsqu'ils ont arrêté le concept
de Groupes de forces interarmées multinationales. Les discussions
sur la mise en pratique de ce concept sont désormais bien avancées
et la prochaine étape va consister à mettre en place un
mécanisme de contrôle politique et de planification de ces
opérations.
L'UEO est particulièrement bien placée pour assumer le contrôle
politique d'opérations européennes:
- Ses relations de travail avec l'OTAN peuvent lui permettre de
tirer parti de la totalité des moyens européens,
ainsi que des structures de commandement de l'Alliance. Inutile
de les dupliquer, même si nous étions en mesure de
le faire.
- D'autre part, l'UEO entretient avec l'Union européenne
des relations étroites qui peuvent nous permettre de coordonner
les éléments militaires, politiques et économiques
de toute réaction européenne à une crise.
- L'UEO a acquis une expérience utile lors des opérations
auxquelles elle a participé jusqu'ici, du déminage
dans le Golfe à l'application des sanctions autour de l'ancienne
Yougoslavie.
- Vu son caractère purement intergouvememental, la responsabilité
ultime des décisions dont dépendent la vie ou la
mort des hommes ou femmes de troupe incombe à qui elle
doit incomber, c'est-à-dire aux gouvernements nationaux.
- En tant qu'unique organisation multilatérale au sein
de laquelle des ministres des Affaires étrangères
et de la défense se retrouvent régulièrement,
elle est bien placée pour réaliser l'adéquation
entre les moyens militaires et les objectifs politiques.
- Et les modalités d'accession à l'UEO sont suffisamment
souples pour lui permettre d'organiser des "coalitions de
pays de bonne volonté" reposant sur les contributions
d'une vaste gamme d'Etats européens, notamment la Turquie,
la Norvège, l'Islande, les pays neutres et d'Europe centrale.
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Les priorités de l'UEO
L'objectif spécifique de la présidence britannique est
que d'ici à la fin de l'année, l'UEO soit prête à
entreprendre quelques-unes des missions nouvelles arrêtées
dans la Déclaration de Petersberg, en juin 1992, et notamment des
opérations humanitaires et de sauvetage. Pour cela, notre présidence
se concentre sur:
- Les capacités opérationnelles:
Au niveau opérationnel, nous avons accéléré
les travaux sur le transport aérien stratégique. Nous avons
offert de mettre quelques-unes de nos installations de préparation
maritime à disposition des pays de l'UEO, dans la perspective notamment
des missions de Petersberg. Et nous sommes en train de mettre sur pied
une politique d'exercices cohérente et progressive, avec un programme
annuel d'exercices UEO.
- Le contrôle politique:
Un de nos objectifs majeurs est de créer un Centre de situation
capable de surveiller les opérations de l'UEO et de soutenir le
processus de prise de décision politique. Ce Centre doit pouvoir
collecter des informations sur l'avancement des opérations et les
transmettre rapidement aux Etats membres lors du Conseil de l'UEO. Il
doit aussi pouvoir, grâce à des mesures précises et
fiables, traduire les décisions du Conseil en action sur le terrain.
- Une coopération plus étroite avec l'OTAN:
En 1991, les pays de l'UEO sont convenus qu'elle constituerait un moyen
de renforcer la contribution de l'Europe à l'OTAN. Par ailleurs,
le succès d'opérations menées par les Européens
dépendra largement de l'usage que l'UEO peut faire des ressources
et installations de l'OTAN. Pour ces deux raisons, il convient que soient
mises en place des relations de travail plus étroites entre l'UEO
et l'OTAN. Nous avons donc invité le Commandant suprême des
forces alliées en Europe (SACEUR) à relancer la pratique
consistant à faire des exposés au Conseil de l'UEO. Et nous
considérons également comme prioritaires des négociations
sur un Accord de sécurité avec l'OTAN.
- Le partenariat avec l'Union européenne:
L'Union européenne s'est dotée de puissants instruments
politiques et économiques pour promouvoir la sécurité
au sein de l'Europe et autour d'elle. Cela nécessite parfois une
coordination avec les moyens militaires dont dispose l'UEO. Notre présidence
collabore étroitement avec la présidence italienne de l'UE
afin de promouvoir une coopération concrète entre les deux
organisations. Pour la première fois, des Groupes de travail de
l'UEO et de l'UE se rencontrent pour discuter de questions comme les opérations
d'évacuation avec assistance militaire et l'administration de l'UE
à Mostar.
- L'extension de la stabilité à l'est:
Un des points forts de l'UEO est son réseau d'associés et
d'observateurs, qui rapproche un total de vingt-sept pays. Nous voulons
permettre à ces pays de prendre plus pleinement part aux opérations
et exercices de l'UEO. De surcroît, nous progressons de façon
satisfaisante sur la voie de l'établissement de relations entre
l'UEO et la Russie et l'Ukraine.
La CiG
Quelle signification tout cela a-t-il pour les problèmes de défense
et de sécurité, dans l'optique de la Conférence intergouvernementale
de l'Union européenne qui a commencé début mars et
au cours de laquelle il sera beaucoup question de la place de l'UEO au
sein des structures européennes?
L'approche de la Grande-Bretagne sera pratique. Nous partirons de la réalité,
des véritables défis, et nous efforcerons à partir
de là de dégager des conclusions institutionnelles.
Les arrangements de sécurité en Europe, pendant la fin
du XXè siècle, doivent:
- Premièrement, permettre à chacun déjouer
son rôle; non seulement aux quinze membres de l'UE, mais
également aux nombreux pays européens qui n'en font
pas partie et, bien entendu, aux Etats-Unis et au Canada.
- Deuxièmement, refléter la diversité de
tous les pays concernés en Europe et de leurs politiques
de défense.
- Troisièmement, prendre dûment en compte les intérêts
des alliés de l'OTAN qui ne font pas partie de l'UE.
- Quatrièmement, respecter la position des membres de l'UE
qui ont choisi de rester en dehors des arrangements de défense
collectifs.
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Certains ont dit que la CIG devrait prendre les premières mesures
en vue de la fusion, à terme, de l'UE et de l'UEO. A cette fin,
elle subordonnerait l'UEO à la direction politique de TUE. Ce serait
placer la clarté institutionnelle et l'illusion de progresser avant
les besoins réels de l'Europe en matière de sécurité.
C'est une recette allant non dans le sens d'une plus grande coopération
en matière de défense, mais d'une moindre coopération.
En encombrant l'Union de responsabilités militaires, on n'ajouterait
rien à la contribution unique que l'UE peut apporter en faveur
d'une plus grande sécurité régionale à travers
les instruments politiques et économiques dont elle dispose, même
en supposant qu'il soit politiquement réalisable d'incorporer le
Traité de Bruxelles modifié dans le Traité sur l'Union.
C'est tout le contraire: en conférant à l'UE des responsabilités
militaires qu'elle n'a pas les moyens d'assumer, on entraverait l'extension
de la stabilité et de la prospérité à l'est
en dressant un nouvel obstacle à l'accession des pays d'Europe
centrale et en suscitant inutilement les craintes de la Russie. Ce serait
aussi marginaliser quelques alliés de l'OTAN en plaçant
certains Etats membres de l'UE devant des choix qu'ils ne sont pas prêts
à affronter. Ce n'est pas là la voie à suivre, et
le Royaume-Uni ne la soutiendra pas.
Les propositions du Royaume-Uni sur les questions de défense
à la CIG
En mars de l'année dernière, le Royaume-Uni a avancé
toute une série de propositions concrètes en vue de faire
face aux véritables défis auxquels est confronté
le monde, aujourd'hui et dans l'avenir prévisible. Elles visent
à permettre à l'UE et à l'UEO de gérer les
crises futures de façon cohérente, en tirant parti des atouts
de chaque organisation et de leurs structures conventionnelles distinctes.
En outre, elles respecteraient le fait que dans chacun de nos pays, la
défense est traitée avec une sensibilité particulière,
comme un des aspects fondamentaux de la souveraineté.
Dans son approche de la CIG, la Grande-Bretagne admet également
que l'Union européenne a une contribution essentielle à
apporter à la sécurité régionale et globale
dans le domaine non-militaire. Elle fera tout son possible, au cours de
la CIG, pour améliorer cette capacité de l'UE au travers
de la Politique étrangère et de sécurité commune.
Il faut néanmoins garder la CIG en perspective. Ce dont nous avons
besoin, c'est d'arrangements de coopération européenne en
matière de défense qui soient fonctionnels aujourd'hui et
dans les années à venir. Les décisions relatives
au plus long terme devraient être prises à plus long terme,
et non dans la précipitation, en dessinant un imprévisible
futur.
Pour que l'UEO soit à la hauteur des défis d'aujourd'hui,
il faut que ses Etats membres montrent qu'ils prennent leur défense
au sérieux, qu'à plus grande échelle, ils respectent
leurs engagements au sein de l'OTAN, et qu'ils soient prêts à
étendre la sécurité à toute l'Europe et au-delà.
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