Edition Web
Vol. 44- No. 2
Mars 1996
p. 24-28
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Les nouvelles
dimensions du dispositif
de sécurité albanais
Général de division Adem Copani
Conseiller à la défense du Président d'Albanie
Après avoir traversé une période de profonde
transformation à la suite de la fin de la Guerre froide, l'Albanie
a fait de rapides progrès en direction de l'Europe. Elle attache
une grande importance à sa participation au Partenariat pour la
paix et a été aux avant-postes du programme dès ses
débuts. Le PfP est perçu comme un élément
organique du processus de transformation des forces armées albanaises
et permet maintenant à notre pays de parachever son passage au
contrôle démocratique total de l'appareil militaire. Dans
le même temps, le pays fait de gros efforts pour mettre en place
des institutions démocratiques et une économie de marché,
éléments indispensables à la préparation de
son adhésion, à terme, aux institutions européennes
de sécurité. La coopération avec l'OTAN aide à
garantir le caractère démocratique des changements en cours.
L'Albanie comprend qu'elle ne peut être pleinement intégrée
à l'OTAN du jour au lendemain, mais en attendant, elle continuera
de tirer parti au mieux du PfP afin de parvenir à son objectif.
Pendant quelques décennies après la rupture avec l'Union
soviétique, au début de 1960, l'Albanie s'est trouvée
dans un vide stratégique, cherchant à assurer sa sécurité
et sa défense sans aucun allié. Aujourd'hui, elle fait tout
son possible pour combler ce vide en s'efforçant de nouer des liens
avec les formations de défense et les systèmes de sécurité
en place en Europe. Le processus qui a permis d'aboutir à l'actuel
niveau de coopération entre l'OTAN et l'Albanie, au travers du
Partenariat pour la paix et du Conseil de coopération nord-atlantique,
remonte à début 92, au lendemain de la chute du communisme
dans ce pays, qui a été le premier Etat d'Europe de l'Est
à se porter officiellement candidat à l'adhésion
à l'OTAN.
En fait, ces dernières années ont été une
période caractérisée par l'émergence de l'oubli
et d'un profond isolement - situation totalement nouvelle pour l'Albanie.
Après être passés par une phase de transformation
comparable à un puissant séisme politique, social et économique,
nous avons commencé à établir d'étroites relations
d'amitié et de coopération avec nos alliés occidentaux
traditionnels, progressant rapidement vers l'Europe. Jamais, au cours
des multiples siècles d'histoire et de contribution de l'Albanie
à la civilisation européenne, elle n'a été
aussi proche des pays d'Europe occidentale et des Etats-Unis. C'est une
période de grande solidarité avec les pays de l'Union européenne,
les Etats-Unis et d'autres pays amis de l'Albanie.
Le premier événement important qui a marqué le début
d'une coopération institutionnalisée entre l'OTAN et l'Albanie
a été l'admission de notre pays au sein de Conseil de coopération
nord-atlantique, en juin 1992. Depuis cette date, un certain nombre de
parlementaires, journalistes, hommes politiques et militaires albanais
se sont rendus au siège de l'OTAN à Bruxelles et au SHAPE,
à Mons, en Belgique. En participant à diverses activités
en coopération au sein de l'OTAN, ils ont fortement contribué
à améliorer la connaissance et la compréhension de
l'Alliance par l'opinion publique albanaise.
La première visite d'une délégation officielle de
l'OTAN en Albanie a eu lieu en 1992, pour une mission d'information. Elle
a été suivie par la visite du Président albanais
Sali Berisha au siège de l'OTAN, en décembre de cette même
année. A cette occasion, il a prononcé un discours devant
le Conseil de l'Atlantique Nord et a pu s'entretenir avec son Secrétaire
général, Manfred Wörner.
Cette visite a ouvert la voie à une série d'autres délégations
de haut niveau de l'OTAN en Albanie. Elles ont culminé avec la
visite historique du Secrétaire général de l'OTAN
lui-même, en mars 1993. "L'Albanie fait partie de l'Europe",
a-t-il déclaré solennellement devant le parlement albanais.
"Cette nation est bien connue pour sa fierté et ses mérites,
pour son énergie et son talent. Je crois fermement dans les valeurs
de votre peuple et suis venu ici pour montrer que je suis prêt à
vous aider."
Cela a marqué le début de l'envoi d'experts techniques par
l'OTAN. Par la suite, nous avons reçu successivement le Maréchal
Sir Richard Vincent, alors Président du Comité militaire
de l'OTAN, puis le Général George A. Joulwan, Commandant
suprême des forces alliées en Europe. Dans le même
temps, le siège de l'OTAN est devenu un véritable lieu de
pèlerinage pour nombre de délégations et de missions
d'Albanie.
Vers le Partenariat pour la paix
Si le lancement de l'initiative du Partenariat pour la paix (PfP), au
Sommet de Bruxelles de janvier 1994, a offert à l'Albanie la possibilité
de renforcer concrètement ses relations avec l'OTAN, elle constitue
également, pour ce pays un élément clé dans
la perspective de son intégration, à terme, dans l'OTAN.
La seconde visite du Président Berisha à l'OTAN a eu pour
objet la signature du Document cadre du PfP, ce qui montre bien l'importance
que l'Albanie attache à cette participation.
Le potentiel que le PfP offre à l'Albanie repose en grande partie
sur la réalisation du Processus de planification et d'examen (PARP),
auquel nous avons contribué. Notre participation au PARP vise essentiellement
à nous permettre de définir les forces et les moyens que
nous envisageons de mettre à disposition pour des activités
PfP, et à améliorer l'interopérabilité de
nos forces avec celles des Alliés dans les domaines désormais
bien arrêtés de la coopération au sein du PfP: le
maintien de la paix, les missions humanitaires, de recherche et de sauvetage,
la préparation et les exercices.
L'Albanie a souscrit à certains objectifs spécifiques en
matière d'amélioration de l'interopérabilité
de ses unités affectées au PfP avec les forces de l'Alliance.
Qui plus est, le PARP a été conçu pour être
un mécanisme d'échange d'informations plus général
et plus régulier, mais aussi de transparence accrue entre les Alliés
et l'Albanie sur les plans de défense et de financement globaux.
L'Albanie a également établi un bureau de liaison au siège
de l'OTAN, à Bruxelles, sous la responsabilité de l'ex-Chef
de la défense, le Général de corps d'armée
Ilia Vasho, afin de faciliter sa participation aux réunions et
activités du CCNA/PfP. Notre bureau de liaison à la Cellule
de coordination du Partenariat, à Mons, est dirigée par
un excellent diplômé d'une académie militaire américaine
qui assure la coordination et la planification militaires nécessaires
à la mise en uvre des programmes bilatéraux. Les occasions
de consultations politiques et militaires avec l'OTAN continuent de se
multiplier à travers des réunions régulières
avec le Conseil, le Comité politique, le Comité militaire
et d'autres organes du siège de l'Alliance, sans oublier les réunions
qui ont lieu, deux fois par an, au niveau des chefs de la défense.
L'Albanie fait tout son possible pour mettre en place des institutions
démocratiques et une économie de marché, sans lesquelles
elle ne peut parvenir à la stabilité indispensable pour
jouer son rôle dans la région et se préparer à
son adhésion, à terme, aux institutions européennes
de sécurité. En outre, la poursuite de ces objectifs contribue
concrètement à la sécurité et à la
stabilité de la région.
La coopération entre l'Alliance et l'Albanie aide à garantir
le caractère démocratique des changements en cours dans
le pays et pourrait servir de base à de futures structures de sécurité
régionales sous l'égide de l'OTAN. Peut-être est-ce
la voie susceptible de mener à un système de coopération
en mesure de résoudre les problèmes régionaux, système
qui pourrait aussi, dans l'avenir, devenir la principale garantie de la
souveraineté et de l'indépendance de l'Albanie. Dans ce
contexte, le PfP prend davantage d'importance et une dimension plus politique
pour l'Albanie en ce qui concerne la défense des principes démocratiques
et notre engagement à cet égard, ce qui accroît la
stabilité et réduit les menaces qui pèsent non seulement
sur nous, mais aussi sur la paix dans la région.
Comme le regretté Manfred Wôrner, ancien Secrétaire
général, l'a déclaré il y a quelques années,
"la participation de l'Albanie à la sécurité
et la stabilité de l'Europe du sud-est et des Balkans est essentielle
- c'est là une initiative que l'Alliance souhaite encourager".
En fait, l'Albanie s'est fortement impliquée dans la recherche
par la communauté internationale d'une solution pacifique à
la crise des Balkans. Le gouvernement albanais a pleinement soutenu les
embargos imposés par les Nations unies à l'ex-Yougoslavie,
en dépit des graves pertes qu'ils ont entraînées pour
son économie. A ce sujet, la marine albanaise a coopéré
étroitement avec celles de l'OTAN et de l'UEO dans le cadre de
l'opération Sharp Guard, dans l'Adriatique, et des officiers de
la marine albanaise ont régulièrement été
invités à bord de bâtiments des Etats-Unis, de la
Grande-Bretagne et de l'Italie à des fins de familiarisation. De
surcroît, le gouvernement albanais avait mis ses bases maritimes
et aériennes à la disposition de l'OTAN, en cas de nécessité.
Le gouvernement albanais a également autorisé l'Alliance
à utiliser des aérodromes et des installations portuaires
de notre pays à l'appui de ses opérations Safe Haven et
Deny Flight au-dessus de la Bosnie. En 1994, les Etats-Unis ont déployé
des avions de surveillance sans pilote sur le territoire albanais en vue
d'opérations au-dessus de la Bosnie, et nous avons également
mis à disposition une base aérienne, au nord du pays, pour
les avions de reconnaissance américains sans pilote Predator chargés
de surveiller le territoire bosniaque. La coopération sans réserve
de l'Albanie, en dépit des risques qu'elle lui faisait encourir
sur le plan de son économie et de sa sécurité, est
une preuve de notre fiabilité, qualité extrêmement
précieu-i se chez un allié.
La récente admission de l'Albanie au Conseil de l'Europe et ses
efforts en vue de parvenir à l'association avec l'Union européenne
sont des étapes importantes sur la route de l'intégration.
Sa participation active à l'Organisation pour la Sécurité
et la Coopération en Europe (OSCE) constitue également une
grande contribution aux travaux de cette organisation dans la région.
Dès le début, l'Albanie a été aux avant-postes
du PfP: en y souscrivant tôt, en effectuant et en accueillant plus
d'exercices PfP que tout autre Partenaire, et en soutenant démocratiquement
ce programme au sein de tout son spectre politique. Cependant, le gouvernement
albanais sait bien que l'accession à l'OTAN est un processus bien
plus compliqué et plus long, et il est indispensable que nous répondions
aux critères de haut niveau qui sont requis des membres de l'Alliance
en matière d'institutions gouvernementales démocratiques
et de libéralisation économique. Nous espérons être
bien engagés sur la voie de la mise en place de ces institutions
et que grâce à la poursuite de la démocratisation
de notre société, le jour viendra où l'Albanie sera
vue comme un candidat fiable pour l'adhésion à l'OTAN.
De nouvelles relations civilomilitaires
L'Albanie achève son passage au contrôle civil et démocratique
intégral de ses forces armées, fondé sur les types
de contrôle civil couramment appliqués dans les démocraties
avancées. L'organisation de notre ministère de la défense
suit de très près les modèles occidentaux. Le Chef
de la défense est subordonné à la fois à un
ministre de la défense civil et à un Président civil,
élu par le parlement, qui a la qualité de Commandant en
chef. Le contrôle parlementaire des forces armées consiste
à approuver le budget de la défense et à rédiger
et à contrôler les textes de loi relatifs aux questions de
défense. Enfin, les forces armées albanaises sont apolitiques
et toute activité politique est interdite au sein de l'appareil
militaire.
Bien entendu, pour parvenir à un contrôle civil et démocratique
efficace de l'appareil militaire, l'éducation est un élément
indispensable. C'est pourquoi nous nous efforçons non seulement
de répandre les principes atlan-tistes de la démocratie
et de combler le fossé qui, sous l'ancien régime, séparait
l'armée de la société civile, mais aussi de mettre
en place le système éducatif nécesssaire afin que
militaires et civils en sachent davantage en matière de politique
de défense et de sécurité. Malgré des ressources
insuffisantes et un manque d'expérience, un Institut d'études
internationales et stratégiques a été créé
à Tirana en 1994. En novembre 1994, en coopération avec
l'OTAN, l'Institut des affaires internationales (Rome) et la Fondation
hellénique pour la politique étrangère et de défense
(Athènes), il a organisé une conférence sur "L'évolution
des institutions européennes et atlantiques: la nécessité
d'une nouvelle stratégie d'intégration à l'égard
des pays d'Europe de l'Est". Elle sera suivie d'une nouvelle conférence,
à Tirana, sous le parrainage de l'OTAN: "La politique de défense
à la veille du XXIe siècle".
En outre, ce n'est pas une coïncidence si le 4 avril 1995, date du
46e anniversaire de la création de l'Alliance atlantique, le Collège
de défense de l'Albanie a été inauguré, à
Tirana, en présence du Président Berisha et de hauts fonctionnaires
de pays de l'OTAN et du Centre George C. Marshall de Garmisch, en Allemagne.
Notre collège dispense la formation politico-militaire la plus
élevée dans le domaine de la politique de sécurité
et de défense et est ouvert à des personnels civils et militaires
occupant ou briguant des positions de haut niveau dans le secteur de la
sécurité et de la défense. La première promotion
se composait de quinze civils et neuf membres de l'appareil militaire
provenant du ministère des Affaires étrangères, du
ministère de la défense, du gouvernement, du parlement,
des partis politiques et des médias. Plus de la moitié des
enseignants venaient de collèges et d'universités de l'ouest.
A la fin des cours, tout le groupe d'étudiants a été
invité pour une semaine de travail au Centre Marshall - ce qui
était une première pour un pays d'Europe de l'est. En outre,
le Centre d'études stratégiques et le Collège de
commandement et d'état-major ont été fondés,
récemment, au sein de l'Académie de défense. Les
enseignants sont presque tous des Albanais formés en Occident.
Une autre nouveauté importante a été la création
récente de l'Association atlantique albanaise, centre non gouvernemental
et non-partisan qui vise à promouvoir les intérêts
albanais au sein de la communauté atlantique. Cette association
se consacre à la formation de différents segments de la
société albanaise aux idéaux prônés
par l'OTAN: la préservation de la paix et la défense de
la liberté à travers la solidarité politique et une
défense adéquate capable de repousser toutes les formes
possibles d'agression. L'Association inclut des personnalités politiques
de différents partis ainsi que des militaires, des parlementaires,
des hommes d'affaires, des journalistes et des universitaires. Elle constitue
un forum de discussion au sein duquel des hôtes éminents
de pays membres de l'OTAN et d'Albanie peuvent traiter des défis
et ouvertures actuels et favoriser un débat public informé
sur la politique de sécurité albanaise et sur les relations
entre l'OTAN et l'Albanie.
Dans le domaine des relations militaires internationales, les contacts
se sont intensifiés, surtout avec les pays de l'OTAN. Jusqu'ici,
nous avons conclu douze mémorandums d'entente et accords de coopération
sur des questions de défense avec les Etats-Unis, la France, la
Grande-Bretagne, la Turquie, la Grèce et l'Italie, et plus de 250
groupes de spécialistes militaires des pays de l'OTAN, des Etats-Unis,
d'Allemagne, de Turquie, d'Autriche, de France et d'Israël ont été
accueillis au sein d'unités et d'établissements militaires
albanais. Dans le même temps, quelque 1500 membres de l'armée
albanaise ont visité les quartiers généraux et les
installations militaires de pays de l'OTAN.
Dans ce contexte, les contacts de plus en plus étroits avec l'OTAN
et ses pays membres ont permis à de très nombreux officiers
albanais de fréquenter des écoles militaires de plusieurs
pays dont les Etats-Unis, la Turquie et l'Allemagne.
Nous avons veillé à réformer la formation militaire
albanaise en pleine conformité avec les standards occidentaux.
L'Académie de défense, qui se compose du Collège
de défense, du Collège de commandement et d'état-major,
d'un Centre d'études stratégiques et de l'Académie
des sous-officiers, est désormais à l'image des établissements
américains homologues. L'Académie militaire, qui forme de
nouveaux officiers, a été restructurée en se fondant
sur le programme et l'expérience allemands. Une partie de ses enseignants
ont fait un stage spécial en Allemagne, et des instructeurs militaires
allemands sont venus en Albanie pour transmettre leur expertise sur place.
Pour faciliter les contacts, des cours d'anglais sont désormais
dispensés dans toutes les écoles militaires et tous les
états-majors. D'après les statistiques du service du personnel
du ministère de la défense, plus des deux tiers des officiers
parlent maintenant une langue étrangère -surtout l'anglais,
mais on trouve aussi l'allemand et l'italien.
La nouvelle doctrine militaire
Les changements apportés aux concepts afférents à
la sécurité entraîneront peu de modifications au niveau
du rôle des forces armées, qui consiste essentiellement,
comme auparavant, à assurer la souveraineté et l'indépendance
nationales. De toute façon, en cette ère nouvelle, il y
a très peu de risques de guerre totale entre des pays européens
ou d'agression par l'un d'eux.
Cependant, comme l'agitation dans les Balkans en témoigne, les
conflits ethniques et les crises régionales demeurent une menace.
C'est pourquoi, vu les changements survenus dans l'environnement de sécurité,
il était nécessaire de procéder à une révision
de la mission des forces armées et, plus généralement,
de la doctrine militaire de l'Albanie. A cet effet, en avril 1995, le
Conseil de la défense a approuvé le premier Livre blanc
sur la défense du pays, "La politique de sécurité
et de défense de l'Albanie", dont un exemplaire a été
présenté au Secrétaire général de l'OTAN
lors de la réunion des ministres de la défense du CCNA et
du PfP en mai 95.
Auparavant, en tant qu'"instrument" de la dictature du prolétariat,
les forces armées albanaises défendaient le pays contre
des menaces extérieures, mais elles étaient aussi chargées
de protéger le système socialiste contre des menaces de
l'intérieur. Désormais, leur rôle consiste à
défendre militairement l'Albanie contre une éventuelle agression
extérieure et à protéger sa souveraineté et
son intégrité territoriale. Mais elles doivent aussi protéger
le pays et ses citoyens contre toute pression politique inconstitutionnelle,
promouvoir la stabilité militaire dans la région, servir
la paix et la sécurité internationale conformément
à la Charte des Nations unies, fournir de l'aide en cas de catastrophes
et de situations d'urgence de type civil, et soutenir les initiatives
humanitaires.
La doctrine militaire albanaise a une orientation défensive, ce
qui reflète les objectifs militaires stratégiques d'un petit
pays aux moyens économiques limités ainsi que le caractère
et les traditions du peuple albanais. En effet, les Albanais n'ont jamais
attaqué un autre peuple. En revanche, à maintes reprises,
le peuple albanais et son territoire ont été victimes d'agressions
et d'invasions dont nous ressentons encore les conséquences.
La situation géographique particulière de l'Albanie a été
prise en compte dans la préparation de son système de défense.
Une attention spéciale est accordée aux objectifs opérationnels
et aux régions les plus importants, ainsi qu'aux centres politico-administratifs
et économiques. Au début de toute opération de défense,
les forces terrestres interviendraient pour dissuader l'agresseur, ce
qui nécessite le maintien d'un système de mobilisation rapide
et d'un haut niveau de préparation au combat en temps de paix.
La réforme de l'armée aura une grande incidence sur la préparation,
la structure, et la préparation des états-majors, tant en
ce qui concerne les tâches militaires que les missions d'assistance
de la population civile.
L'interopérabilité et les niveaux de performance
Un des aspects les plus importants de la relation entre l'Albanie et
l'OTAN dans le cadre du PfP a été la mise en place de liens
militaires de coopération en matière de planification, de
préparation et d'exercices afin de renforcer la capacité
de nos forces armées d'entreprendre des missions dans les domaines
du maintien de la paix, de la recherche et du sauvetage, de l'aide humanitaire
et autres. La participation à des exercices conjoints permet à
l'armée albanaise de se familiariser avec les procédures
de planification opérationnelle de l'OTAN et d'améliorer
sa capacité de travailler avec des forces amies dans le cadre de
missions réelles. La mise en place d'unités en mesure de
participer à des exercices et des opérations de maintien
de la paix aux
côtés d'unités de l'OTAN aboutit à une plus
grande harmonisation entre les structures des forces albanaises et celles
de l'OTAN.
En 1995, les forces armées albanaises ont participé à
douze exercices conjoints, dont deux en Albanie. Le premier de ceux-ci
a été l'exercice Saving Eagle, organisé en juillet
au nord de Durres, sur la côte albanaise, qui a été
jugé comme l'exercice de plus grande envergure et le plus important
de ce genre qui ait jamais eu lieu en Europe centrale et orientale. Les
forces albanaises ont été rejointes par la force amphibie
de la Sixième flotte américaine et par 1 700 hommes de la
24è Unité expéditionnaire de la marine, mais aussi
par le porte-hélicoptère USS Kearsage et l'USS Nashville.
Cet exercice côtier a été suivi par un autre dans
l'arrière pays, appelé Peaceful Eagle.
Ces exercices ont été une grande réussite. Planifiés
et mis en uvre dans un délai remarquablement court, ils ont
apporté une formation de qualité à des tâches
communes. Les hommes ont reçu une préparation en situation
et ont commencé à se forger une conception commune de la
doctrine de la recherche et du sauvetage, à comprendre la valeur
de Finteropérabilité, et à apprendre à opérer
dans un environnement multinational. Mais, surtout, ils sont devenus amis.
Ils ont appris à se faire confiance et réalisé qu'ils
pouvaient affronter les défis de la recherche et du sauvetage en
tant qu'équipe.
Qui plus est, pour la première fois de leur histoire, en août
1995, des troupes albanaises ont pris part à des exercices conduits
hors de leur territoire, dont un sur le sol américain, l'opération
Coopérative Nugget 95, à Fort Polk, en Louisiane. Ils nous
ont permis de progresser vers l'inter-opérabilité dans le
domaine des procédures de communication et de la tactique, mais
aussi d'un point de vue politique. Les troupes albanaises présentes
ont pris connaissance des niveaux de performance traditionnellement requis
au sein de l'Alliance, et maintenant, ils peuvent vraiment être
tenus pour prêts à travailler au côté des partenaires
de l'OTAN pour faire face à diverses situations de circonstance.
Le programme de cette année prévoit un grand nombre d'activités
et d'exercices en commun. Celui de plus grande envergure sera Peaceful
Eagle 96, qui aura lieu dans le centre de l'Albanie et rassemblera des
troupes d'Albanie, des Etats-Unis, d'Italie, de Grèce, de Turquie,
de Bulgarie, de Roumanie et de l'ex-République yougoslave de Macédoine.
Par ailleurs, une Conférence internationale sur la législation
navale a eu lieu à Tirana et a réuni des participants d'Albanie,
des Etats-Unis, de Bulgarie et d'Ukraine. Son objectif était de
créer une marine organisée, et le projet albanais de code
de la marine a servi de modèle à d'autres pays partenaires.
L'Albanie tient à participer largement au PfP, mais une coopération
active entraîne des dépenses considérables qu'elle
n'est pas en mesure de supporter à l'heure actuelle. En effet,
il n'est pas gratuit de rendre une partie de son équipement compatible
avec celui de l'OTAN, notamment dans le domaine des télécommunications.
Il n'est pas non plus gratuit d'organiser des réunions bilatérales,
entre états-majors, des échanges techniques, la formation
des officiers ou des exercices conjoints. Le gouvernement souhaite vivement
que des forces albanaises prennent part à des opérations
de maintien de la paix avec celles des pays de l'OTAN, mais du fait du
très bas niveau de notre budget de défense et du manque
de ressources disponibles en Albanie, il a fallu que certains membres
de l'OTAN partagent avec elle les coûts de cette coopération
étendue. Ce complément financier apporté à
l'Albanie pour la mise en uvre du PfP constitue pour elle un soutien
concret sur la voie de l'intégration.
Pour toutes ces raisons, l'Albanie perçoit le PfP comme une partie
organique de la transformation totale de ses forces années. Le
nouveau concept d'organisation de l'appareil militaire albanais vise à
créer des forces qui répondront aux besoins défensifs
de ce petit Etat en temps de crise et de guerre. Dans le même temps,
l'Albanie essaie peu à peu de combler le fossé structurel
et qualitatif entre son armée et celles des pays développés
d'Europe occidentale, et de se doter de moyens réels d'intégrer
les structures militaires de l'OTAN. Ce concept se veut en rapport avec
les dangers réels et les menaces possibles qui pèsent sur
l'Albanie, en prenant en compte la nécessité de défendre
le pays avec ses propres ressources et sans désigner d'adversaire
précis.
Il est bien compréhensible que l'Albanie ne soit pas pleinement
intégrée, du jour au lendemain, aux structures de l'OTAN,
même si l'on est parvenu à un règlement pacifique
dans les Balkans. Le processus d'adaptation de ses forces armées
aux normes occidentales demandera un certain temps, notamment sur le plan
technique. En attendant, l'Albanie entend continuer de tirer parti au
mieux du PfP afin de parvenir à son objectif d'une véritable
coopération étroite avec l'OTAN et, à terme, d'adhésion
à celle-ci.
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